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08/02/2019 | FRANCE | N°18/00469

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 08 février 2019, 18/00469


08/02/2019



ARRÊT N°42/19



N° RG 18/00469

N° Portalis DBVI-V-B7C-MCZR

CD/ND



Décision déférée du 05 Avril 2013 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE (2011 2106)

MME X...























CAISSE DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE





C/



C...



































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CONFIRMATION







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

***



APPELANTE



CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

[...]



représentée par Me Françoise Y...,...

08/02/2019

ARRÊT N°42/19

N° RG 18/00469

N° Portalis DBVI-V-B7C-MCZR

CD/ND

Décision déférée du 05 Avril 2013 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE (2011 2106)

MME X...

CAISSE DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

C/

C...

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA GIRONDE

[...]

représentée par Me Françoise Y..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE

C...

La Borne Nord

33790 MASSUGAS

représentée par Me Arnaud Z... de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Charlotte A..., avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2018, en audience publique, devant Mme C. DECHAUX, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. D..., président

A. BEAUCLAIR, conseiller

C. DECHAUX, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par C. D..., président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit portugais Vigma Lda, a effectué au cours des années 2007, 2008 et 2009 des prestations viticoles, notamment, pour le compte de la société B....

Par jugement définitif en date du 17 mai 2010, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré M. José E... Fernandes, gérant de la société Vigma Lda, coupable du délit de travail dissimulé commis sur la période du 1er octobre 2005 au 9 juin 2009, dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot et Garonne et de la Dordogne, ainsi que du délit d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié (M. F...) et l'a renvoyé des poursuites pour le délit d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail concernant 32 salariés nommément cités.

La Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a notifié à la société B... une lettre d'observations en date du 15 novembre 2010 l'avisant de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité prévue par l'article L.8222-2 du code du travail et du montant des cotisations estimées solidairement dues soit 80 547.93 euros, puis lui a notifié une mise en demeure en date du 25 mars 2011 portant sur cette même somme.

Après rejet le 20 juillet 2011 par la commission de recours amiable de la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde de son recours, la société B... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 15 novembre 2011.

Par jugement en date du 5 avril 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a:

* infirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 juillet 2011,

* annulé le redressement et la mise en demeure du 25 mars 2011,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par arrêt en date du 21 novembre 2013, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement entrepris et y ajoutant condamné la MSA à payer à la société B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 6 novembre 2015, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 21 novembre 2013 entre les parties par la cour d'appel de Bordeaux, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour y être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse.

La Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a saisi la cour d'appel de Toulouse, le 12 novembre 2015. L'affaire a été radiée par arrêt en date du 21 mars 2016, puis remise au rôle suite au dépôt le 2 février 2018 de conclusions de la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde.

Par conclusions visées au greffe le 2 février 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* débouter la société B... de ses demandes,

* condamner la société B... au paiement de la somme de 80 547.93 euros assortie des majorations de retard courant jusqu'à la date effective du paiement total des cotisations,

* condamner la société B... à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 20 décembre 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société B... conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la MSA à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens.

MOTIFS

* Sur le respect par la société B... de son obligation de vérification de la situation des travailleurs détachés et la mise en oeuvre subséquente de la solidarité financière du donneur d'ordre:

L'article L.8222-1 du code du travail fait peser sur les donneurs d'ordre et maîtres de l'ouvrage, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un contrat de travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, une obligation de vérification sanctionnée par l'article L.8222-2 du même code par une obligation solidaire au paiement, notamment, des cotisations obligatoires dues aux organismes de protection sociale.

L'article L.8222-4 du code du travail dispose que lorsque le cocontractant intervenant sur le territoire national est établi ou domicilié à l'étranger, les obligations dont le respect fait l'objet de vérifications sont celles qui résultent de la réglementation d'effet équivalent de son pays d'origine et celles qui lui sont applicables au titre de son activité en France.

Il résulte de l'article D.8222-7 du code du travail, dans sa version issue du décret n°2009-289 en date du 13 mars 2009, que la personne qui contracte avec un cocontractant établi à l'étranger, lorsqu'elle n'est pas un particulier, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L.8224-4 si elle se fait remettre par son cocontractant établi ou domicilié à l'étranger, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution, dans tous les cas, les documents suivants:

a) un document mentionnant son numéro individuel d'identification attribué en application de l'article 286 ter du code général des impôts, et s'il n'est pas tenu d'avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France,

b) un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n°1408/71 du 14 juin 1971ou d'une convention internationale de sécurité sociale ou, à défaut, une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme français de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois.

L'article 14 paragraphe 1 du règlement CEE n°1408/71 dispose que toute personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un Etat membre au service d'une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d'un autre Etat membre afin d'y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier Etat membre à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas douze mois et qu'elle ne soit pas envoyée en remplacement d'une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement.

L'article 11 du règlement CEE n°274/72 portant sur les formalités en cas de détachement d'un travailleur salarié en application notamment de l'article 14 paragraphe 1 dispose que l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre dont la législation reste applicable délivre un certificat (en l'espèce le certificat E101) attestant que le travailleur salarié demeure soumis à cette législation et indiquant jusqu'à quelle date, ce document étant délivré, notamment, à la demande du travailleur salarié ou de son employeur.

La société B... expose avoir respecté son obligation de vigilance en se faisant remettre par la société Vigma les justifications de son inscription au registre du commerce portugais, du document notarié attestant de sa constitution au Portugal, de ses attestations sur l'honneur certifiant la fourniture aux salariés de bulletins de salaire et de la justification de ce qu'elle était à jour de ses obligations de paiement de cotisations à l'organisme de protection sociale portugais, documents accompagnés de leurs traductions, ainsi que par l'impression des relevés informatiques attestant du paiement des cotisations sociales au Portugal. Elle soutient que la fourniture de ces volumineux documents lui permettaient légitimement de présumer que la société Vigma, qui indiquait détacher ses salariés en France en continuant de les affilier au Portugal, était à jour de ses obligations et souligne que l'enquête a confirmé la véracité de ces documents alors que dans sa lettre d'observations la MSA ne listait pas précisément les documents estimés manquants.

La Caisse de mutualité sociale agricole lui oppose que les documents produits ne pouvaient se substituer à la production des formulaires E101 pour chacun des salariés détachés, et que la société B... ne justifie pas, en sa qualité de donneur d'ordre, avoir procédé aux vérifications nécessaires lui permettant de s'assurer que les salariés étaient dans une situation régulière de détachement, de sorte qu'elle encourt la sanction de l'article L.8222-2 du code du travail.

Les articles L.8221-1 et L.8221-5 du code du travail prohibent le travail dissimulé qu'il soit caractérisé par une dissimulation d'activité ou par la dissimulation d'un emploi salarié.

Dès lors pour échapper à la solidarité financière édictée par l'article L.8222-2 du code du travail, le donneur d'ordre doit justifier avoir d'une part procédé aux vérifications qui lui incombent sur la situation sociale de son sous-traitant établi dans un pays étranger mais aussi de la régularité de la situation de détachement de chacun des salariés étrangers concernés de son cocontractant.

Il résulte des dispositions précitées de l'article D.8222-7 1° b) et des articles 14 paragraphe 1 du règlement CEE n°1408/71 et 11 paragraphe 1 du règlement CEE n°274/72, que seul le certificat, alors dénommé E101, est susceptible d'attester de la régularité de la situation sociale du travailleur détaché sur le territoire d'un autre Etat par le cocontractant établi ou domicilié à l'étranger au regard du règlement n°1408/71.

Or il n'est pas contesté par la société B... que son cocontractant, la société Vigma ne lui a pas fourni pour chacun des salariés détachés le certificat E101, et les documents dont elle fait état établissent uniquement qu'elle s'est assurée de la réalité de l'existence de la société cocontractante ainsi que de son inscription auprès de la sécurité sociale portugaise, alors que pour éviter la sanction de la solidarité édictée par l'article L.8222-2 du code du travail elle avait l'obligation de vérifier également que chacun des salariés détachés se trouvait dans une situation de détachement régulier, par la production du certificat E101 établi par l'autorité compétente de l'Etat membre dont la législation restait applicable et non point par un document établi par son cocontractant lui-même (ce qui était le cas des documents en langue portugaise comportant des mentions manuscrites et en particulier l'identité du salarié concerné par la déclaration alléguée à un organisme de sécurité sociale portugaise).

De plus il est exact, ainsi que le soutient la caisse, que les documents en langue portugaise dont elle se prévaut, et en particulier les pièces 27, 28 et 32 et les pièces jointes n°29 et 30 ne sont pas traduits.

Les conditions de la mise en oeuvre de la solidarité financière de la société B... pour le travail dissimulé, dont le gérant de la société Vigma a été reconnu coupable, sont bien réunies.

* Sur la régularité du redressement:

Il résulte de l'article L.8222-2 du code du travail que toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L.8222-1 est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité, le conseil constitutionnel a, dans sa décision n°2015-479, déclaré conforme à la constitution ces dispositions en retenant que la solidarité ainsi constituée pour le recouvrement des créances du Trésor public et des organismes de protection sociale ne présentait pas le caractère de punition en raison de l'existence de l'action récursoire du donneur d'ordre qui s'est acquitté du paiement des sommes exigibles contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires, avec la réserve que le donneur d'ordre peut contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

La société B... soutient que le principe du contradictoire n'est pas respecté dès lors que la caisse ne verse pas aux débats les procès-verbaux dressés par la gendarmerie le 2 décembre 2008 et par les services de police le 9 juin 2009, que le redressement doit être annulé faute pour la MSA de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de la dette réclamée, et que la solidarité financière ne peut avoir pour effet d'aggraver le sort du débiteur solidaire par rapport au débiteur principal, en relevant que le tribunal correctionnel a débouté la caisse de sa demande en paiement de la somme de 300 000 euros au titre des cotisations prétendument éludées.

La Caisse de mutualité sociale agricole lui oppose avoir détaillé dans la lettre d'observations du 15 novembre 2010, pour chacune des trois années concernées le prorata des cotisations en appliquant la formule mathématique énoncée par la circulaire DILTI du 31 décembre 2005, et que le montant des cotisations chiffrées dues et le chiffre d'affaires global réalisé par le sous-traitant ressortent de l'analyse du dossier pénal effectuée par ses contrôleurs, mentionné dans le document de fin de contrôle, notifié le 17 mai 2010 à la société Vigma. Elle rappelle que les constatations de ses contrôleurs assermentés font foi jusqu'à preuve contraire.

Il est exact que les procès verbaux de l'enquête pénale ne sont pas versés aux débats, et singulièrement le ou les procès-verbaux constatant les infractions de travail dissimulé alors que d'une part la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde qui a été partie au procès pénal y a eu nécessairement accès et que d'autre part la lettre d'observations en date du 15 novembre 2010 adressée à la société B... fait expressément référence aux procès-verbaux dressés respectivement le 02/12/2008 et 09/06/2009.

Il ne peut donc être considéré que le principe du contradictoire est respecté alors que le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé est un préalable nécessaire à la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre et qu'en refusant de verser aux débats les procès-verbaux visés par la lettre d'observations, la caisse fait obstacle à ce que la société B... puisse en vérifier la régularité et le contenu.

La lettre d'observations mentionne qu'il a été procédé au chiffrage des cotisations sociales dont la société B... est solidairement redevable en appliquant la formule:

(montant des cotisations chiffrées dues par le sous-traitant) x (chiffre d'affaires (HT) effectué pour la société B...): Chiffre d'affaires global (HT) réalisé par le sous-traitant

et précise avoir retenu les données chiffrées suivantes:

* année 2007: (76 226.70 euros x 15 504 euros): 147 766 euros = 7 997.90 euros,

* année 2008: (134 710.11 euros x 81 229 euros): 300 899 euros = 36 365.58 euros,

* année 2009: (93 852.42 euros x 76 108 euros): 197 403 euros = 36 184.45 euros,

soit au total 80 547.93 euros.

Le document dit de fin de contrôle en date du 17 mai 2010 adressé à la société Vigma par la caisse fait référence de manière plus précise aux deux procès-verbaux relevant les infractions de travail dissimulé, celui du 2 décembre 2008, établi par la gendarmerie de Pellegrue (n°993/2008) et celui du 9/06/2009 (n°157/2009) par 'DZPAF' de Bordeaux et indique que 'de l'examen de ces procès-verbaux il ressort que la société Vigma:

* est enregistrée et installée au Portugal depuis octobre 2005,

* exerce en France une activité de prestataire de services viticoles dont la fréquence, la durée, la périodicité et la continuité est permanente,

* a employé des salariés de nationalité portugaise, roumaine, brésilienne, ainsi que des ressortissants ukrainiens en violation des textes régissant le droit du travail en France,

* aurait dû procéder aux déclarations des salariés auprès de la MSA,

* ne s'est pas acquittée des charges sociales en France pour le personnel employé',

et précise les montants des chiffres d'affaires retenus pour les années 2007, 2008 et 2009 qui sont identiques à ceux mentionnés dans la lettre d'observations, que la cour vient de rappeler.

Le document de fin de contrôle en conclut que la société Vigma a omis de déclarer:

* en 2007: 9 502 heures,

* en 2008: 19 217 heures,

* en 2009: 13 094 heures,

et retient 'un redressement de cotisations sur salaires, pénalités, congés payés et prime de précarité' ainsi détaillé:

* année 2007: 76 226.70 euros,

* année 2008: 134 710.11 euros,

* année 2009: 93 852.42 euros,

soit au total: 304 789.23 euros.

Ces données chiffrées, non reprises dans la lettre d'observations, ne sont pas plus de nature à permettre à la société B... de connaître précisément et par suite de pouvoir contester le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes dont le paiement lui est demandé en raison de la solidarité à laquelle elle est tenue du fait de sa qualité de donneur d'ordre.

La cour relève que la mise en demeure en date du 25 mars 2011 lui demandant de payer la somme totale de 80 547.93 euros indique qu'il s'agit de 'cotisations', sans préciser leur nature, que les majorations sont indiquées 'non chiffrées' et ne mentionne pas de pénalités alors que le document de fin de contrôle adressé à la société Vigma, dont la caisse a repris pour ses calculs les éléments chiffrés de chaque redressement annuel, en fait pourtant mention, mais sans les détailler, et sans davantage préciser pour chaque période annuelle la période concernée et, compte tenu de sa mention sur le détail du redressement induit, qu'il inclut des pénalités ainsi que leurs montants.

Or il s'évince du jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux que les poursuites pénales du chef de travail dissimulé concernaient 117 personnes, la période du 1er octobre 2005 au 9 juin 2009 et que l'enquête de gendarmerie consécutive au contrôle de l'inspection du travail sur la propriété de M. B... viticulteur à Massurgas le 1er décembre 2008 a établi la présence de 10 personnes employées par la société Vigma soit 4 salariés de nationalité portugaise et 6 ressortissants roumains et ukrainiens.

Le défaut de production aux débats des procès-verbaux de travail dissimulé fait effectivement obstacle à l'établissement d'un lien suffisant entre le délit de travail dissimulé pour lequel le gérant de la société Vigma a été condamné et la société B..., même si l'exploitation de celle-ci a, au vu des mentions de ce jugement, été concernée directement par le délit de travail dissimulé, alors qu'il n'est pas contesté par la caisse que plusieurs exploitations de donneurs d'ordre l'ont été également.

Il est par ailleurs exact que la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a sollicité devant le tribunal correctionnel de Bordeaux des dommages et intérêts pour un montant de 300 000 euros 'comptabilisés en cotisations' et qu'elle a été déboutée de cette demande dirigée contre le gérant de la société Vigma, reconnu coupable du délit de travail dissimulé, motif pris que le préjudice est 'indéterminé en ce qui concerne le montant des cotisations éludées'.

Il ne peut être considéré que la société B... a été suffisamment informée par les seules mentions de la lettre d'observations sur les périodes, la nature et les bases de calcul du montant du redressement dont elle fait l'objet, alors que l'absence de production aux débats par la caisse, alors que cela lui était demandé, des procès-verbaux de travail dissimulé fait obstacle à ce qu'il puisse être considéré que la procédure est régulière.

Le jugement entrepris qui a annulé le redressement et la mise en demeure du 25 mars 2011 doit en conséquence être confirmé par substitution de motifs.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société B... dont l'exploitation est citée par le jugement du tribunal correctionnel, les frais qu'elle a été amenée à exposer qui ne sont pas compris dans les dépens,

lesquels incombent à la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, qui succombe en son appel.

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement entrepris, et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de la société B... des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la Caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par C. D... président et N.DIABY, greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

N.DIABY C. D...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 18/00469
Date de la décision : 08/02/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 43, arrêt n°18/00469 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-08;18.00469 ?
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