07/12/2018
ARRÊT N° 2018/757
N° RG 17/02286 - N° Portalis DBVI-V-B7B-LTAL
J.C.GARRIGUES/M.S
Décision déférée du 20 Mars 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GAUDENS F 16/00041
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31
C/
Christine X...
CONFIRMATION PARTIELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale
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ARRÊT DU SEPT DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT
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APPELANTE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL
[...], BP 40535,
31005 TOULOUSE CEDEX 6
représentée par la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame Christine X...
[...]
représentée par Me Véronique Y... de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2018, en audience publique, devant , Z... et J.C.GARRIGUES chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. DEFIX, président
C. PAGE, conseiller
J.C. GARRIGUES, conseiller
Greffier, lors des débats : N.CATHALA
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par M. DEFIX, président, et par N.CATHALA, greffier de chambre.
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme Christine X..., née le [...], a été embauchée au sein de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Toulouse 31 ( CRCAM [...]) à compter
du 2 juin 1986.
Elle a occupé l'emploi de guichetière au sein de l'agence de Luchon
jusqu'au 31 mars 1988, puis l'emploi d'agent administratif jusqu'au 31 octobre 1995.
Elle a ensuite été promue sur l'emploi d'agent commercial, puis sur celui d'assistant de clientèle.
Courant 2012, elle a été reçue par A..., directeur d'agence de Luchon, afin d'évoquer la question de sa mobilité notamment au regard de son ancienneté sur le poste.
Au printemps 2013, Mme X... a évoqué à nouveau la question de sa mobilité avec B..., responsable du service des ressources humaines.
Par courrier en date du 30 juillet 2013, elle a été informée qu'elle serait affectée à compter du 20 août 2013 au sein de l'agence de Saint-Gaudens dans l'emploi d'attaché de clientèles particulières.
Elle n'a jamais rejoint l'agence de Saint-Gaudens. L'employeur a été destinataire d'un arrêt de travail pour maladie simple daté du 7 août 2013, puis d'arrêts de prolongation continus.
Le 16 avril 2014, Mme X... a rempli et adressé à la MSA une déclaration de maladie professionnelle mentionnant un syndrome anxio-dépressif réactionnel aux conditions de travail, auquel était annexé un arrêt de travail établi sur le formulaire 'Accident du travail / Maladie professionnelle' établi le 15 avril 2014.
A la demande du médecin conseil de la MSA, Mme X... a été reçue dans le cadre d'une visite médicale de préreprise le 20 janvier 2014.
Par courrier en date du 1er février 2014, Mme X... a indiqué qu'elle reprendrait ses fonctions à compter du 11 février 2014 et demandé à sa direction d'organiser la visite médicale de reprise avec le médecin du travail.
La visite de reprise a eu lieu le 11 février 2014. Le médecin du travail a déclaré Mme X... inapte en un seul examen, avec les conclusions suivantes : 'Inapte à travailler dans une ambiance plus sereine au Crédit agricole à Luchon. Ne peut travailler à Saint-Gaudens pour des raisons de santé'.
Par courrier du 21 février 2014, la CRCAM [...] a demandé des explications supplémentaires au médecin du travail.
Par courrier du 3 mars 2014, le médecin du travail a indiqué que l'état de santé de Mme X... était à ce point dégradé qu'elle était inapte à tout poste dans l'entreprise tant ses conditions de travail s'étaient dégradées ces derniers temps que ce soit à Saint-Gaudens ou à Luchon, même si l'ambiance devenait plus sereine, et que compte tenu des éléments médicaux en sa possession, tout retour dans l'entreprise même à Luchon pourrait avoir des conséquences graves sur son état de santé, justifiant une surveillance médicale renforcée.
La CRCAM [...] a formulé un recours hiérarchique contre cette décision devant l'inspection du travail. Le 26 mai 2014, l'inspecteur du travail a décidé qu'en raison de son état de santé Mme X... était inapte à son poste d'assistante de clientèle qu'il soit situé à Luchon ou à Saint-Gaudens et inapte à tout poste dans l'entreprise.
Un recours hiérarchique a été formé devant le Ministre du travail qui a confirmé par décision du 30 septembre 2014 la décision de l'inspection du travail du 26 mai 2014. Le recours en annulation de la décision de l'inspection du travail a ensuite été rejeté par le Tribunal administratif de Toulouse le 5 janvier 2017.
Le médecin du travail a été interrogé par courriers des 10 et 25 novembre 2014 sur les perspectives de reclassement et la possibilité de confier à Mme X... un certain nombre de postes de chargé d'accueil, d'attaché de clientèle particulier ou tout autre poste de travail au sein des réseaux ou du siège de la CRCAM [...]. Par courrier du 16 décembre 2014, le médecin du travail a émis un avis défavorable sur les propositions de reclassement soumises.
La CRCAM [...] a entrepris de rechercher au sein d'autres caisses régionales un poste pouvant correspondre à l'état de santé de Mme X....
Le 19 janvier 2015, l'employeur a fait part à Mme X... des démarches entreprises et de l'impossibilité de parvenir à son reclassement.
Par courrier du 23 janvier 2015, Mme X... a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 6 février 2015.
Par courrier du 13 février 2015, la CRCAM [...] a notifié à Mme X... son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 9 mai 2016, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Gaudens afin de contester son licenciement.
Par jugement en date du 20 mars 2017, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement de Mme X... est sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la CRCAM [...] à verser à Mme X... la somme de 26520 € correspondant à 12 mois de salaire ;
- débouté Mme X... du surplus de ses demandes ;
- débouté la CRCAM [...] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la CRCAM [...] aux dépens de l'instance.
La CRCAM [...] a interjeté appel de cette décision.
Selon ses dernières conclusions déposées le 9 août 2018, la
CRCAM [...] demande à la cour de :
- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- juger que la procédure de consultation des délégués du personnel est régulière ;
- juger que l'employeur a parfaitement rempli les obligations qui lui incombent en matière de reclassement des salariés inaptes ;
- juger que l'employeur n'a aucune responsabilité dans la dégradation de l'état de santé de Mme X... ;
- débouter Mme X... de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- la débouter de sa demande de 20000 € de dommages et intérêts au titre de la prétendue dégradation de ses conditions de travail, formulée au titre de son appel incident ;
- condamner Mme X... aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La CRCAM [...] expose qu'elle a bien mis en oeuvre la procédure de consultation des délégués du personnel malgré l'absence de reclassement identifié, qu'elle a convoqué les délégués du personnel à une réunion du 15 janvier 2015 à l'ordre du jour de laquelle figurait l'information/consultation relative à deux procédures d'inaptitude en cours, que Mme X... a été informée de cette consultation à deux reprises, et que deux attestations émanant de délégués du personnel confirment la réalité de cette information.
Sur le respect de ses obligations en matière de reclassement, elle fait valoir :
- que le 10 novembre 2014, elle s'est rapprochée à nouveau du médecin du travail afin d'obtenir des précisions complémentaires sur les capacités restantes pouvant permettre le reclassement de Mme X..., que le 25 novembre 2014, elle a relancé le médecin du travail et formalisé deux propositions de reclassement, que le 16 décembre 2014, le médecin du travail a émis un avis défavorable au reclassement à proposer ;
- que par ailleurs, par mail du 23 octobre 2014, elle a entrepris de rechercher dans l'ensemble des caisses régionales un poste pouvant être proposé à Mme X..., étant précisé que ces caisses étant indépendantes il n'est pas possible d'effectuer une permutation du personnel, mais qu'aucun poste compatible avec l'état de santé de Mme X... n'a été identifié ; que le conseil de prud'hommes a considéré à tort que le profil du poste diffusé présentait un caractère succinct, imprécis et impersonnel ne permettant pas d'établir une recherche loyale et sérieuse de reclassement ;
- qu'il convient de prendre en compte l'attitude de la salariée qui ne peut tout à la fois faire obstacle à la démarche de reclassement pour mieux en contester la validité par la
suite ; qu'en réalité, elle n'a jamais souhaité quitter l'agence de Luchon et ne faisait preuve d'aucune mobilité professionnelle.
Enfin, elle soutient qu'elle n'a aucune responsabilité dans la dégradation de l'état de santé de Mme X..., aucune des pièces fournies par la salariée ne venant corroborer les allégations qu'elle formule.
Selon ses dernières conclusions déposées le 3 août 2017, Mme X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en son principe ;
- statuant à nouveau, allouer à Mme X... la somme de 86112 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 20000 € à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail ;
- condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que le 1er août 2013, sans aucune concertation préalable, le chef de région lui a annoncé sa mutation à l'agence de Saint-Gaudens prenant effet le 20 août, sans qu'aucune justification soit apportée à cette décision alors qu'elle travaillait depuis 27 ans à l'agence de Luchon. Elle affirme que, contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune lettre de mutation ne lui a été adressée le 30 juillet. Elle explique que le 2 août 2013, elle a craqué psychologiquement lorsque l'adjoint du chef d'agence de Saint-Gaudens l'a appelée afin qu'elle modifie ses dates de formation, et qu'elle a ensuite été placée en arrêt de travail à compter du 7 août 2013.
Elle rappelle qu'il appartient au Crédit Agricole de prouver le respect de son obligation de consultation des délégués du personnel dès lors que l'inaptitude résultait d'une maladie professionnelle. Elle fait observer que le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel mentionne un point relatif au cas de salariés déclarés inaptes, mais que les salariés ne sont même pas visés, que l'on ne sait pas si on parle de Mme X... et que l'on ne sait pas non plus quels sont les documents qui ont été soumis aux délégués du personnel alors que l'employeur doit leur fournir toutes les informations nécessaires quant à l'état de santé du salarié et à la recherche de reclassement. Elle en conclut que le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Elle invoque également un défaut de mise en oeuvre de recherche de reclassement loyale. Elle fait observer que le Crédit agricole qui appartient à un groupe comptant plus de 140000 collaborateurs a été dans l'incapacité de formuler une seule proposition de reclassement, qu'il produit de nombreux mails afin de démontrer sa bonne volonté, mais que rien d'authentique et de fondé n'a été mené au sein du réseau Crédit agricole 31 et que la recherche n'a pas été exhaustive puisque 26 caisses régionales ont été touchées sur la centaine que compte le réseau.
Enfin, elle fait valoir que le médecin du travail, l'inspectrice du travail et le Ministre du travail sont catégoriques sur le lien qui peut être établi dans cette affaire entre la
dégradation de son état de santé conduisant à son inaptitude et ses conditions de travail au sein de la CRCAM [...]. Elle soutient qu'en totale violation de l'obligation de sécurité et de prévention qui pèse sur lui, l'employeur l'a laissée sombrer dans une dépression aux conséquences irréversibles après presque 30 ans d'ancienneté. Elle communique divers documents évoquant les objectifs commerciaux qui lui étaient attribués et les menaces qu'elle subissait lorsque les objectifs n'étaient pas atteints. Elle sollicite sur le terrain de la dégradation de ses conditions de travail une indemnisation spécifique à hauteur de 20000 € .
MOTIFS
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail, alors applicable, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail'.
Il résulte de ces dispositions que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée et que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire en application de l'article L. 2312-2 du code du travail et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.
L'employeur doit fournir aux délégués du personnel les éléments relatifs à l'état de santé du salarié et à la recherche de reclassement. Ces éléments doivent être transmis avec la convocation, à défaut de quoi la consultation sera considérée comme insuffisante.
L'employeur a convoqué les délégués du personnel à une réunion devant avoir lieu le 15 janvier 2015 par simple courriel du 5 janvier 2015 (pièce n° 17) : 'Nous vous informons que la prochaine réunion des délégués du personnel aura lieu
le jeudi 15 janvier 2015 à 14h30. (...) Nous vous remercions de bien vouloir nous transmettre vos questions pour le lundi 12 janvier 2015 au plus tard'.
Il ressort du compte rendu de cette réunion (pièce 18) qu'a été abordé le 'cas de salariés déclarés inaptes'. Le compte rendu est ainsi libellé :
' La Direction soumet, pour avis aux délégués du personnel, le cas de deux salariées dont le licenciement est envisagé.
Pour le premier cas, cette situation fait suite à une mise en invalidité catégorie 2 de la salariée, prononcée par la MSA, puis à une déclaration d'inaptitude définitive, prononcée par le méedecin du travail.
Comte tenu du fait que les recherches en reclassement effectuées par la caisse régionale, en concertation avec le médecin du travail, n'ont pas abouti, une mesure de licenciement est envisagée.
Les délégués du personnel se sont abstenus à l'unanimité (9 abstentions) concernant la mesure de licenciement envisagée.
Pour le second cas, cette situation fait suite à la déclaration d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise prononcée par le médecin du travail, sans reconnaissance connexe d'une invalidité par la MSA.
Compte tenu du fait que les recherches en reclassement effectuées par la caisse régionale, en concertation avec le médecin du travail, n'ont pas abouti, une mesure de licenciement est envisagée.
Pour ce second cas, les délégués du personnel se sont abstenus à l'unanimité (9 abstentions) d'une part concernant l'impossibilité de reclasser la salariée et, d'autre part, concernant la mesure de licenciement envisagée '.
Le cas de Mme X... apparaît correspondre au second cas évoqué dans le compte-rendu.
Cela étant, la cour constate que la convocation à la réunion du 15 janvier 2015 ne comporte pas d'ordre du jour, et que l'employeur ne justifie pas avoir fourni aux délégués du personnel les éléments relatifs à l'état de santé du salarié et à la recherche de reclassement.
Cette analyse n'est pas utilement contestée par la production de deux attestations identiques établies le 31 janvier 2017 par deux délégués du personnel (dont l'un était le supérieur hiérarchique de Mme X...) sur les dix neuf visés par la convocation, indiquant avoir reçu de la direction des ressources humaines par mail quelques jours avant le recueil de l'avis des délégués du personnel lors de la réunion du 15 janvier 2015, une note établie et détaillée concernant les cas d'inaptitude de Mesdames Christine X... et Pascale C..., dans la mesure notamment où ces mails ne sont pas versés au débat et où rien ne prouve que le document produit en cours de délibéré devant le conseil de prud'hommes (pièce 12 de la salariée) avait bien été remis aux délégués du personnel.
Dans ces conditions, la consultation des délégués du personnel doit être considérée comme insuffisante.
En application de l'article L.1226-15 du Code du travail, Mme X..., qui ne sollicite pas sa réintégration, a droit à une indemnité ne pouvant être inférieure à douze mois de salaires.
Le licenciement est dans ce cas privé de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le respect par l'employeur de son obligation de recherche loyale de reclassement.
Compte tenu de l'âge de Mme X..., née [...], de son ancienneté de presque 30 ans dans l'entreprise, et du montant de sa rémunération, il doit lui être alloué a somme de 40000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail
L'employeur, tenu en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit en assurer l'effectivité.
L'inspectrice du travail a fondé notamment sur les motifs suivants sa décision du 26 mai 2014 sur la contestation de l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail :
' Mme X... décrit comme une dégradation de son activité professionnelle :
- le passage d'une culture du service et du conseil au client à une culture commerciale visant uniquement à vendre des produits en vue d'objectifs quantitatifs, elle place dans ce cadre la mobilité tous les 5 ans destinée, à son avis, à faciliter la vente de produits à une clientèle que l'agent muté ne connaît pas ;
- le passage du calcul du 'taux décroché' téléphonique de la 3ème sonnerie à la 1ère sonnerie, alors qu'elle assure en même temps l'accueil physique de la clientèle ;
- les objectifs qui ne sont jamais remplis et les appréciations de son activité toujours insuffisantes dans les entretiens annuels malgré son expérience et son souci de faire un travail de qualité' ;
'Le 2 août 2013, pendant les congés du chef d'agence de Luchon, le chef de région M.Pierre D... de passage à Luchon comme il a l'habitude de le faire pendant les congés du chef d'agence, a proposé à Mme X... un entretien au cours duquel il lui a annoncé sa mutation à l'agence de Saint-Gaudens à partir du 20 août 2013 ;
Mme X... a déclaré que c'était contre son gré, que cette affectation distante de 50 km de son domicile nécessitait en l'absence de transports publics un trajet en voiture d'environ 50 mn dans chaque sens, avec des conditions de circulation souvent difficiles en hiver, que cette mutation entraînerait des frais supplémentaires qu'elle ne pouvait pas supporter ' ;
' Il ressort du dernier entretien annuel d'appréciation que Mme X... n'avait aucun souhait de mobilité.
Sa mutation à Saint-Gaudens a été annoncée à Mme X... sans aucune concertation préalable avec effet moins de trois semaines plus tard alors que cette mutation avait pour contexte des événements douloureux de sa vie privée, hospitalisation à domicile durant plusieurs mois puis décès [...] de son compagnon, inondations graves de son domicile par les intempéries exceptionnelles du 15 juin 2013.
Au cours de l'enquête, lorsqu'est évoquée l'éventualité d'un retour dans l'entreprise, Mme X... dit qu'elle 'ne se sent pas en capacité de descendre dans cette arène'.
Dans son avis médical, le Médecin Inspecteur Régional du Travail, après avoir pris connaissance du dossier médical et entendu le médecin du travail, retient : l'existence d'un conflit éthique entre le rôle de conseil initial et les objectifs de vente, le peu de latitude décisionnelle dans les choix de vente qui sont imposés, l'absence de discussion avant la mutation à Saint-Gaudens malgré qu'une mobilité ne soit pas souhaitée, la perte du sens du travail qualifié 'sans valeur ajoutée', le ressenti de violence quand le lieu de travail est comparé à une arène où il faut mener un combat, et, estimant que tous ces éléments ont contribué à la dégradation de son état de santé, conclut à l'inaptitude de Mme X... à son poste de travail et à tous les postes de l'entreprise '.
Le Ministre du travail a confirmé cette décision le 30 septembre 2014 pour les motifs suivants :
' (...) Que l'annonce soudaine et verbale, le 2 août 2013, de sa mutation, effective
le 20 août 2013, à l'agence de Saint-Gaudens, constitue l'origine de la dégradation brutale de son état de santé, déjà affecté par des difficultés personnelles connues de l'employeur et une perte de sens de son travail '.
La pression subie par Mme X... en raison du défaut d'atteinte des objectifs commerciaux qui lui étaient fixés est confirmée par les documents versés au dossier par la salariée (pièces 15, 16 et 17) mais aussi par l'employeur (pièce 29 : entretiens d'appréciation dans lesquels il lui est systématiquement reproché de ne pas effectuer plus de ventes).
Par ailleurs, au vu des documents versés au dossier, il n'est pas démontré que l'annonce verbale de la mutation à Saint-Gaudens ait été précédée par une notification écrite du 30 juillet 2013, la pièce n° 30 produite en cause d'appel par l'employeur n'étant à cet égard pas probante.
Enfin, la CRCAM [...] était parfaitement informée des problèmes personnels graves rencontrés par Mme X... (pièce 27 de l'employeur).
Dans ces conditions, la cour considère que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a constaté que l'annonce brutale d'un changement d'affectation impliquant des contraintes de déplacement quotidiennes pour Mme X... a contribué à la dégradation de son état de santé déjà fragilisé par des difficultés personnelles et ses conditions de travail.
Le préjudice subi par Mme X... en raison du comportement fautif de l'employeur doit être réparé par l'allocation de la somme de 6000,00 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
La CRCAM [...], partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Mme X... est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La CRCAM [...] sera donc tenue de lui payer la somme de 3000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Gaudens en date du 20 mars 2017, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la CRCAM [...] à payer à Mme X... la somme
de 40000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la CRCAM [...] à payer à Mme X... la somme
de 6000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la dégradation de ses conditions de travail ;
Condamne la CRCAM [...] aux dépens d'appel ;
Condamne la CRCAM [...] à payer à Mme X... la somme
de 3000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. DEFIX, président et par N.CATHALA, greffier.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
N.CATHALAM. DEFIX
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