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30/11/2018 | FRANCE | N°17/04961

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 30 novembre 2018, 17/04961


30/11/2018



ARRÊT N°346/18



N° RG 17/04961

CD/ND



Décision déférée du 15 Septembre 2017 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE (21601127)

MME X...























Abdelkader Y...





C/



CPAM DE LA HAUTE GARONNE















































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CONFIRMATION







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANT



Monsieur Abdelkader Y...

1 rue du Professeur Gaston Z...

[...]



représenté par Me Blandine A..., avocat au barreau de TOULOUSE s...

30/11/2018

ARRÊT N°346/18

N° RG 17/04961

CD/ND

Décision déférée du 15 Septembre 2017 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE (21601127)

MME X...

Abdelkader Y...

C/

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT

Monsieur Abdelkader Y...

1 rue du Professeur Gaston Z...

[...]

représenté par Me Blandine A..., avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Emmanuel B..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

[...]

représentée par Mme Perrine C... (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2018, en audience publique, devant Mme C. D..., chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. M..., président

A. BEAUCLAIR, conseiller

C. D..., conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par C. M..., président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE:

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu à M. N... Y..., le 5 décembre 2009, avec effet au 4 août 2009, la qualité de travailleur handicapé, puis a renouvelé cette reconnaissance le 13 novembre 2014 avec effet au 1er août 2014.

M. Y..., a été embauché par la société Orange par contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 juin 2013, à compter du 17 juin 2013, pour y occuper un emploi de conseiller client.

Il a déclaré le 3 décembre 2015, un accident de travail-trajet survenu le 1er décembre 2015, devant la station de métro Bellefontaine, à 9 heures.

La société Orange a également établi le 3 décembre 2015 une déclaration relative à cet accident.

Après enquête, la Caisse primaire d'assurance maladie a notifié à M. Y..., le 15 février 2016, son refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Après rejet de son recours par la commission de recours amiable le 18 mai 2016, M. Y... a saisi le 7 juillet 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale, de sa contestation de cette décision.

Par jugement en date du 15 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a:

* déclaré le recours de M. Y... recevable mais mal fondé,

* confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 18 mai 2016,

* débouté M. Y... de ses demandes.

M. Y... a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées au greffe le 17 octobre 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. Y... conclut à l'infirmation du jugement entrepris.

Il demande à la cour d'annuler la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne en date du 15 février 2016 et celle de la commission de recours amiable en date du 19 (sic) mai 2016, et de juger qu'il est 'bénéficiaire de prestations en nature et en espèces au titre de l'assurance accident du travail'.

Il sollicite la condamnation de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 18 octobre 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de M. Y... de ses demandes.

MOTIFS :

Il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu'est considéré comme accident du travail quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef d'entreprise.

Par application de l'article L.411-2 du code du travail, est également considéré comme accident du travail, l'accident survenu à un travailleur pendant le trajet d'aller et retour entre son domicile et son lieu de travail.

L'accident du travail se définit comme un événement soudain, survenu au temps et au lieu de travail, ce qui s'entend par un événement (ou une série d'événements) survenu(s) à une (des) date(s) certaine(s) par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Ainsi lorsqu'un événement soudain imputable au travail, a déclenché un processus psychologique maladif, la qualification d'accident du travail peut être retenue, et des troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail, si leur apparition est brutale et liée au travail.

Lorsque l'accident s'est produit dans le temps et sur l'itinéraire normal la présomption d'imputabilité est applicable.

M. Y... soutient avoir eu une attaque de panique suivie d'un syndrome anxio-dépressif alors qu'il se rendait le 1er décembre 2015 à son travail, en lien avec une situation de souffrance au travail et que la matérialité de son accident est établie par l'attestation de Mme E... laquelle corrobore ses déclarations constantes, ainsi que par l'attestation de Mme F... et enfin par les attestations des docteurs G... et H....

La Caisse primaire d'assurance maladie lui oppose que les troubles psychologiques ne peuvent être pris en charge au titre de la législation professionnelle que lorsqu'ils ont été brutalement déclenchés par un événement nettement identifié s'étant produit au temps et lieu de travail, dont la preuve n'est présentement pas rapportée, que le témoignage de Mme E..., établi plus de deux ans après les faits, n'apporte aucun élément probant quant à la réalité d'un fait précis qui aurait déclenché cette crise d'angoisse et enfin que les éléments médicaux constatent l'existence d'une lésion mais n'apportent pas d'indice sur son imputabilité à un accident survenu au temps et au lieu de travail. Enfin elle relève que les arrêts maladie dont fait état M. Y... attestent en réalité d'un important état pathologique antérieur et que l'avis de son service médical, qui la lie, retient que les lésions déclarées ne sont pas imputables à l'accident du travail, ce qui fait obstacle au jeu de la présomption d'imputabilité.

- sur la matérialité d'un fait soudain survenu au temps et au lieu de travail:

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail en date du 3 décembre 2015, rédigée par le salarié, mentionne que la date de l'accident est celle du 1er décembre 2015, que l'horaire de travail du salarié est de 10 h 00 à 13h 00 et de 14 h 00 à 19 h 00, que l'accident a eu lieu à environ 9 heures, devant la station de métro Bellefontaine, lors du déplacement du domicile au travail habituel, qu'il s'est matérialisé par une crise d'angoisse et un état de choc très important, le salarié précisant avoir rejoint son domicile avec l'aide de deux passants, que cet accident a été causé par la société Orange et que la première personne avisée a été Mme F....

M. Y... a indiqué avec constance avoir omis de demander leurs noms aux deux passants.

Le certificat médical initial établi par le Dr G... le 1er décembre 2015, mentionne 'syndrome anxio-dépressif' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 15 décembre 2015, qui sera prolongé par la suite, il est complété par un deuxième certificat de ce médecin généraliste, en date du 28 mars 2017, précisant que M. Y... 'présente un état anxiodépressif avancé depuis le 01/12/2015" et le Dr H..., psychiatre, atteste le 27 mars 2017 suivre M. Y... depuis mai 2016, que ce dernier est 'engagé dans une prise en charge motivée par la survenue d'une dépression d'intensité marquée' et que son état correspond à un diagnostic de dépression post-traumatique installée à la suite de 'traumatismes cumulatifs représentés par des situations répétées de nuisances professionnelles, ayant occasionné un retentissement péjoratif sur son adaptation professionnelle'.

Mme E... atteste le 10 janvier 2017, dans les formes légales, que le 'mardi 1er décembre 2015, aux environs de 9 heures, alors que je sortais de la boulangerie située en face du métro de Bellefontaine et de mon ancien domicile (...) j'ai été témoin d'une situation au cours de laquelle M. Y..., connu dans le quartier de Bellefontaine pour son engagement associatif, était dans un état d'angoisse particulièrement préoccupant (...) en larmes, teint blême, et regard dans le vide, j'ai entendu M. Y... marmonner: 'je vais encore me faire insulter', 'j'ai trop peur, j'ai trop peur'. Deux personnes dont l'une d'origine européenne et l'autre nord africaine étaient à ses côtés. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2016, suite à une rencontre fortuite à Bellefontaine et au détour d'une conversation avec M. Hamza I... bénévole (...) m'a informée que M. Y... était toujours en arrêt de travail depuis sa crise d'angoisse du 1er décembre 2015 (...) et à la recherche de témoignages attestant de son accident du travail du 1er décembre 2015".

Cette attestation est corroborée par celle de M. I... en date du 4 janvier 2018 relatant sa rencontre fortuite fin décembre 2016 avec Mme E... et les propos échangés faisant état de sa présence lors de la crise d'angoisse de M. Y....

Le seul fait que ces attestations aient été établies plusieurs mois après l'accident ne permet pas de considérer comme l'ont retenu les premiers juges qu'elles seraient ipso facto dépourvues de caractère probant. L'attestation de Mme E... est suffisamment circonstanciée et explicite pour être retenue pour ce qu'elle est, à savoir un témoignage de l'état dans lequel se trouvait le 1er décembre 2015 M. Y..., et l'attestation de M. I... corrobore sa teneur relative aux explications données quant à la date à laquelle elle a été établie.

Par contre les trois attestations établies par Mme F..., en raison de leur contenu très partisan, ne peuvent être considérées comme probantes, et il est exact que leur contenu est étroitement lié à l'évolution du litige.

Les éléments médicaux précités, la déclaration d'accident du travail-trajet et l'attestation E... établissent l'existence, le 1er décembre 2015, d'un événement soudain, dont il est résulté une lésion corporelle, survenu alors que M. Y... était sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail. La matérialité d'un fait accidentel sur le trajet domicile/travail le 1er décembre 2015, au sens des dispositions de l'article L.411-2 du code du travail est donc établie.

- Sur l'imputabilité au travail de lésions:

Les éléments recueillis lors de l'enquête administrative, mettent en évidence que M. Y... donnait satisfaction au travail et que sa situation de travailleur handicapé a été révélée par des managers notamment Mme J..., sa responsable d'équipe, qu'il avait fait l'objet ensuite de remarques blessantes sur son handicap (ce que confirme l'attestation Dousseau en date du 16 novembre 2015: 'Kader a été embauché uniquement grâce à son handicap, il est incompétent, ses résultats ne sont dus qu'à la chance...').

La situation de souffrance au travail antérieure au 1er décembre 2015 retenue par l'enquête administrative est effectivement avérée, mais il en résulte également que le médecin du travail n'a pas revu M. Y... après le 15 octobre 2015, alors qu'il l'avait vu très régulièrement auparavant (à six reprises au cours des douze mois précédents).

M. Y... n'a fait état, lors de l'enquête administrative, que d'un événement notable dans la relation de travail, en lien avec une agression verbale en date du 30 juin 2015, imputée à M. K..., qui l'avait amené à rédiger une 'fiche d'alerte incident' et à informer le médecin du travail et l'assistante sociale des faits. Il a précisé que Mme F... déléguée syndicale, avait été la première informée par téléphone le 1er décembre 2015 et qu'il devait rencontrer, ce jour là, un enquêteur de Paris dans le cadre de l'enquête interne diligentée à la suite de l'alerte qu'il avait déposée en avril 2015, la date de cet entretien ayant été fixée le 26 novembre.

De son côté, l'employeur a fait état d'une alerte déposée le 2 avril 2015 par M. Y..., suivie d'un entretien avec le responsable des ressources humaines, enquête que le salarié avait demandé d'arrêter le 11 mai 2015, puis d'une nouvelle fiche alerte incident le 3 juillet 2015 à la suite d'une altercation verbale le 30 juin 2015 entre M. Y... et M. K..., avec notification d'un avertissement à chacun des salariés, et d'un courrier de M. Y... en date du 12 août 2015 relatif à un vécu de souffrance au travail pour lequel une enquête avait été décidée.

Enfin, l'employeur a communiqué lors de l'enquête la teneur des courriels envoyés par M. Y... le 1er décembre 2015 à 10 heures 26 à M. L... qui mentionne uniquement qu'il est en arrêt de travail 'aujourd'hui', et au même destinataire le lendemain 'en accident du travail à partir du 1er décembre 2015, je te fais parvenir le courrier dans les plus brefs délais'.

Il est exact que l'enquête administrative ne permet pas de retenir un lien entre la crise d'angoisse du 1er décembre 2015 et le travail. Les propos rapportés dans l'attestation E..., attribués à M. Y..., sont trop imprécis pour pouvoir être reliés avec un événement précis survenu pendant le travail, et l'attestation du médecin psychiatre qui suit M. Y... impute son état à une réitération de situations professionnelles vécues comme traumatisantes. M. Y... a certes fait état d'un rendez vous programmé ce jour là avec un enquêteur extérieur au site sur lequel il travaillait en indiquant avoir demandé à son employeur qu'il soit reporté sans obtenir de réponse et que 'cet état de fait n'a fait qu'aggraver son état de stress' tout en ajoutant ensuite que ce n'est que le 1er décembre en fin de matinée qu'il a appris que ce rendez-vous avait été reporté à une date ultérieure.

Toutefois, le délai écoulé depuis les faits dénoncés par le salarié en avril et en août 2015, ne permet pas de relier la crise d'angoisse du 1er décembre 2015 à la perspective alléguée d'un entretien, non confirmé, avec un enquêteur extérieur à la structure, alors que le médecin du travail n'a plus revenu depuis le 15 octobre 2015 ce salarié qui avait jusque là bénéficié d'un suivi étroit de sa part.

Le médecin conseil a estimé le 14 décembre 2015 que 'les lésions n'étaient pas imputables au travail'. Cet avis n'est contredit que par le certificat du Dr H... qui tout en se basant exclusivement sur les déclarations de M. Y... fait état de 'traumatismes cumulatifs' mais sans relier pour autant la crise d'angoisse du 1er décembre 2015 à un événement particulier en lien avec le travail. De plus, et ainsi que le relève avec pertinence la caisse ce spécialiste n'a commencé à suivre M. Y... qu'en 2016, soit bien postérieurement.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que l'existence d'un lien entre la crise d'angoisse et le travail n'est pas établie, de sorte qu'il n'y a pas, présentement, réunion de présomptions graves, précises et concordantes, permettant de déduire que M. Y... a bien été victime d'un accident du travail (plus précisément trajet-travail).

Le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle est donc justifié.

Le jugement entrepris doit en conséquence être intégralement confirmé.

Il n'y a pas lieu de faire application du deuxième alinéa de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale aux termes duquel l'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris, y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

Le présent arrêt a été signé par C. M..., président et N.DIABY, greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

N.DIABY C. M...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 17/04961
Date de la décision : 30/11/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 43, arrêt n°17/04961 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-30;17.04961 ?
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