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30/11/2018 | FRANCE | N°16/03090

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 30 novembre 2018, 16/03090


30/11/2018





ARRÊT N°18/904



N° RG 16/03090 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LBCL

SDA/SR



Décision déférée du 23 Mai 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE F14/00944

























Antoine X...





C/



SAS URIOS













































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RÉFORMATION PARTIELLE







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANT



Monsieur Antoine X...

[...]



représenté par Me Olivia P..., avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMÉE



SAS ...

30/11/2018

ARRÊT N°18/904

N° RG 16/03090 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LBCL

SDA/SR

Décision déférée du 23 Mai 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE F14/00944

Antoine X...

C/

SAS URIOS

RÉFORMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT

Monsieur Antoine X...

[...]

représenté par Me Olivia P..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SAS URIOS

[...]

[...]

représentée par Me Stéphanie Y... de la SCP EXLEGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2018, en audience publique, devant Caroline PARANT, présidente, et Sonia Z... ARCO SALCEDO, conseillère, toutes deux chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Caroline PARANT, présidente

Sonia Z... ARCO SALCEDO, conseillère

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Greffière, lors des débats : Brigitte COUTTENIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

La société Urios propose des prestations de réalisation d'enquêtes terrain, commerciales et financières, permettant de déterminer la solvabilité des partenaires de ses clients (PME et grands comptes) ainsi qu'un service de recouvrement. Son effectif est compris entre 20 et 49 salariés.

M. X... a été embauché, à compter du 28 février 2005, par la société Urios, en qualité de consultant commercial, statut agent de maîtrise, indice 600, coefficient 270, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Son salaire brut mensuel était composé d'une partie fixe de 2000 € et d'une partie variable.

Il a été promu aux fonctions de commercial senior, statut cadre, coefficient 300, suivant avenant signé le 17 janvier 2013.

Pour l'année 2013, son salaire mensuel brut était fixé à 5416,66 €, partie fixe et variable, une régularisation étant prévue sur le salaire du mois de janvier de l'année suivante en fonction de l'atteinte réelle des objectifs.

Par courrier du 7 mars 2014, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 18 mars suivant, le salarié étant mis à pied à titre conservatoire par cette même correspondance.

Par courrier du 26 mars 2014, M. X... a été licencié pour faute grave.

Ce dernier a saisi le 3 avril 2014 la juridiction prud'homale pour voir juger son licenciement dénué cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes.

Il a été embauché le 14 avril 2014 par la société Atradius Credit Insurence en qualité d'ingénieur commercial senior vente direct.

Le 17 avril 2014, la société Urios a déposé plainte contre M. X... pour vol et abus de confiance. Un avis de classement sans suite est intervenu le 8 septembre 2014.

Par courrier du 5 mai 2014, la société Urios a mis en demeure M. X... de cesser sa collaboration avec la société Atradius Credit Insurence lui rappelant qu'il était lié par une clause de non-concurrence. Par cette même correspondance, la société Urios l'informait de ce qu'il ne bénéficierait pas de la contrepartie financière prévue à la clause de non-concurrence.

Par jugement du 23 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- jugé que M. X... a été licencié sans que la faute grave ne soit démontrée mais pour une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Urios prise en la personne de son représentant légal à lui payer les sommes suivantes:

*17 159,74 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 1 715,97 € au titre des congés payés sur préavis,

*10 295,83 € au titre de l'indemnité de licenciement,

*1 773,33 € au titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, outre 177,33€ au titre des congés payés afférents,

- débouté M. X... de sa demande au titre de dommages et intérêts pour l'absence de cause réelle et sérieuse;

- jugé que M. X... a subi un préjudice complémentaire du fait de ce licenciement pour faute grave et de la plainte pénale qui a été déposée,

- condamné la société Urios à payer à M. X... la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts;

- jugé que la société Urios doit payer à M. X... la prime d'intéressement de 6 265,05€,

- jugé que la clause de non-concurrence est nulle et que la société Atradius n'est pas concurrente de la société Urios,

- condamné M. X... à rembourser la somme de 1 244,91 € au titre de la contrepartie financière déjà versée,

- débouté la société Urios de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité forfaitaire de 6 mois pour non respect de la clause de non-concurrence

- jugé qu'il devra y avoir compensation entre les sommes accordées à M. X... et celles accordées à la société Urios,

- condamné la société Urios à payer la somme de 1500,00 € à M. X... au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- condamné la société Urios aux entiers dépens,

- condamné la société Urios à remettre les documents sociaux modifiés à M. X..., sans y appliquer d'astreinte.

- débouté M. X... de sa demande au titre de l'exécution provisoire sauf pour les éléments pour lesquels elle est de droit.

M. X... a interjeté appel le 14 juin 2016 de la décision entreprise dans des conditions de délai et de formes qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique, le 23 mai 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément fait référence, M. X... à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Urios à lui payer 75 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement entrepris sur l'indemnité de préavis, les congés payés y afférents, l'indemnité de licenciement, et le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ainsi que les congés payés afférents,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il avait subi un préjudice moral distinct mais l'infirmer quant au quantum indemnitaire alloué,

- Statuant à nouveau,

- condamner la société Urios à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Urios à lui payer la somme de 6 265,05 € à titre de prime d'intéressement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la compensation de cette somme avec celles qu'il pourrait devoir,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il jugé la clause de non-concurrence nulle,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Atradius n'était pas concurrente de la société Urios, en ce qu'il a débouté la société Urios de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation de la clause de non concurrence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à rembourser à la société Urios la somme de 1 244,91 € au titre de la contrepartie financière,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Urios à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société Urios à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe civil le 18 octobre 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément fait référence, la société Urios demande à la cour de :

- déclarer l'appel de M. X... mal fondé,

Au principal,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave et qu'il a considéré que la clause de non-concurrence était nulle, sauf en ce qu'il a condamné M. X... à lui rembourser la somme de 1 244,91 € au titre de la clause de non-concurrence,

- constater que le licenciement de M. X... est fondé sur une faute grave,

- débouter M. X... de ses demandes, à l'exception de la prime d'intéressement d'un montant de 6 265,05 € qui a d'ores et déjà été réglée dans le cadre de l'exécution provisoire,

- en conséquence, condamner M. X... à lui rembourser la somme de 24 981,94 € payée au titre du préavis, de la mise à pied, des congés payés et de l'indemnité de licenciement,

- condamner M. X... à lui payer la somme de 34 319,50 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation de la clause de non-concurrence,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a condamné à des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

En tout état de cause,

- condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.

Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.

La lettre de licenciement du 26 mars 2014, qui prononce le licenciement du salarié pour faute grave et fixe les limites du litige, lui reproche les manquements suivants:

- d'avoir annulé plusieurs rendez-vous clients, ces annulations véhiculant une image très négative de la société, "dénotant une désinvolture et un manque de sérieux manifeste" et générant un préjudice pour la société en terme de coût de prise de rendez-vous et en terme de chiffre d'affaires:

* celui du 7 janvier 2014 à 16h avec Mme A... de la société Molinie Boissons, située à Sainte Livrade sur Lot, laquelle n'a pas été informée de l'annulation du rendez-vous,

* celui du 3 février 2014 à 11h avec Mme B... de la société Cave et Vignobles du Gers, située à Eauze, laquelle a été informée de l'annulation du rendez-vous,

* celui du 14 février 2014 à 11h avec Mme C... de la société Delicés d'Auzan située à Castelnau, laquelle n'a pas été informée de l'annulation du rendez-vous,

* le 21 février 2014 à 11h, avec Mme D... de la société Plyrey située à Baneuil, laquelle a été informée de l'annulation du rendez-vous, étant précisé qu'un premier rendez-vous avait déjà été annulé,

* celui du 25 février 2014 à 11h, avec Mme E... de la société Synergie Bétail située à Pamiers,

*celui du 26 février 2014 à 11h avec M. F... de la société Labesque située à Pau, le client n'étant pas informé de l'annulation du rendez-vous,

* celui du 3 mars 2014 à 10h30 avec M. G... de la société Archimeca située à Bon Encontre, celui-ci étant informé de l'annulation du rendez-vous ;

- de ne pas avoir renseigné les comptes-rendus de visite en janvier et février 2014, sur les applications informatiques Déclic et Zéphir tant pour les clients que pour les prospects, alors qu'il s'agit d'une obligation contractuelle impérative permettant un suivi efficace de l'activité de la société ;

- un manque de réactivité auprès des clients puisqu'il a fallu insister pour qu'il effectue des relances auprès de ceux-ci : notamment groupe Daniel, groupe Quiksilver, Sud Métal Provence..., manquement qui a entraîné une perte financière pour la société ;

- d'avoir dénigré la politique commerciale, notamment la politique tarifaire décidée par la direction, mise en place depuis un an ;

- d'avoir envoyé de manière non sécurisée sur sa boîte mail personnelle l'intégralité du fichier clients d'Urios sans demander l'autorisation et sans en informer la hiérarchie, alors que ce fichier intègre l'industrie de la société depuis 20 ans, et d'avoir voulu ensuite effacer l'envoi de ce fichier en pénétrant dans la base de données de la société, le 10 mars 2014, pendant la période de mise à pied conservatoire ;

- d'avoir pris contact avec un client de la société pendant cette même période de mise à pied pour l'informer de son départ de la société, alors que son licenciement n'avait pas été encore décidé, ce qui avait créé une incertitude chez le client.

Il doit d'abord être observé qu'un changement de direction (M. H... remplaçant Mme I...) et de politique commerciale est intervenu en 2013 au sein de la société Urios.

L'employeur formule dans la lettre de licenciement un grief tiré du dénigrement par le salarié de la politique commerciale alors décidée et mise en place.

Il produit les attestations de Mme J..., responsable analyste financier de la société, et de Mme K..., ingénieur commercial, libellées en termes précis et circonstanciés sur le désaccord exprimé par M. X... notamment sur la politique tarifaire, la première précisant qu'après chaque réunion commerciale, celui-ci discréditait celle-ci auprès de ses collègues.

Le lien de subordination entre les témoins et la société intimée ne permet pas, à lui seul, d'écarter le contenu précis et vérifiable des faits qu'ils relatent.

M. X... produit de nombreuses attestations d'anciens salariés de la société qui soulignent ses qualités professionnelles et sa loyauté envers la société dirigée par Mme I..., ce qui ne fait pas débat et ne permet pas de contredire utilement les déclarations précises et concordantes des deux témoins J... et K....

En outre, le fait que le salarié ait réussi à conserver des clients mécontents de la nouvelle politique tarifaire n'est pas en contradiction avec le reproche qui lui est fait de dénigrer la politique commerciale de la société auprès de ses collègues, comportement qui était de nature à engendrer une démotivation de l'équipe de travail.

Ce grief est ainsi suffisamment établi.

S'agissant du grief tiré du transfert du fichier clients, l'employeur produit le constat établi le 2 juillet 2014 par Me L..., huissier de justice, dont il ressort :

- que le 11 février 2014 à 15h26, M. X... a transféré sur sa boîte mail personnelle un mail ayant pour objet " rien" et un fichier XLS concernant tous les clients de la société gérés par chaque commercial,

- que le 10 mars 2014 à 10h14, M. X... a supprimé ce mail et ce fichier envoyés le 11 février précédent de sa boîte mail professionnelle.

M. M..., dirigeant de la société Beic, déclare dans une attestation en la forme légale, s'être entretenu avec M. X... le 11 février 2014 à 16h, ce dernier présentant sa candidature à un poste de commercial au sein de sa société concurrente d'Urios. Le témoin précise qu'en apprenant que le salarié était lié par une clause de non-concurrence, il l'avait informé qu'il ne pouvait être embauché au sein de sa société.

Il découle de ces éléments que 30 minutes après avoir transféré sur sa boîte mail personnelle l'intégralité du fichier clients de la société Urios, M. X... a présenté sa candidature à un poste de commercial auprès du directeur d'une société concurrente.

M. Jabour, conseiller du salarié lors de l'entretien préalable, atteste que M. X... n'a pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés et que sur le transfert du fichier clients, il avait expliqué qu'il avait toujours eu accès, avec l'accord de sa hiérarchie, à ce fichier, qui constituait son outil de travail et par ailleurs, que pour des raisons d'espace mémoire, il supprimait régulièrement les fichiers de sa messagerie.

Dans ses écritures, M. X... explique que la consultation de la base clients lui permettait d'obtenir des renseignements qu'il utilisait pour préparer ses entretiens et illustrer ses propos auprès du futur client et que Mme I..., ancienne présidente de la société Urios, lui avait donné accès au système informatique. Il indique également que cela permettait de contourner les difficultés de connexion à distance au logiciel de l'entreprise.

Il produit des dizaines de mails qui démontrent que des documents et des fichiers de

rendez-vous lui étaient adressés par la société sur sa boîte mail personnelle et que cette dernière échangeait dans ce cadre avec lui.

Cependant, Mme I..., dans une attestation établie le 9 juillet 2014, déclare que M.X... avait un accès distant au fichier clients de son seul secteur et qu'il n'avait jamais été autorisé à extraire le fichier clients de la société " compte tenu de la valeur de celui-ci pour la concurrence".

M. I..., qui était le directeur commercial de la société, confirme dans une attestation établie le même jour, qu'il n'avait jamais demandé à M. X... de réaliser une étude de l'ensemble du fichier clients de la société Urios et que ce dernier ne lui avait jamais adressé de manière spontanée une telle étude.

Ces témoignages ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant pu conserver des liens avec l'employeur, sans éléments objectifs permettant de douter leur sincérité.

Il est donc établi que M. X... avait l'autorisation de se connecter sur le logiciel de la société et d'avoir accès au seul fichier de ses clients, ce qui n'est pas contredit par l'employeur. Il n'avait pas pour autant l'autorisation de transférer sur sa boîte mail personnelle le fichier de tous les clients de la société. Il doit être observé qu'en outre, il n'a pas jugé utile d'en informer sa hiérarchie .

Ce manquement est d'autant plus grave que, concommitamment à ce transfert, il présentait au dirigeant d'une société concurrente sa candidature à un poste de commercial.

Il se déduit du comportement ainsi adopté par le salarié envers la société, après le changement de direction, que celui-ci n'adhérait plus à la stratégie de l'entreprise et souhaitait trouver un autre emploi.

Cela ne lui permettait pas pour autant de faire preuve de déloyauté envers son employeur.

En outre, le fait qu'il ait, au début de sa mise à pied conservatoire, effacé cet envoi de sa messagerie professionnelle, permet d'établir qu'il a ainsi tenté de dissimuler à son employeur cet envoi.

Le déplacement du débat par le salarié sur la politique de réduction des effectifs qui aurait été la véritable cause de son licenciement est inopérant au regard de la gravité de ses manquements. Mme N... et M. O..., délégués du personnel titulaires, dans des attestations en la forme légale, déclarent avoir toujours été informés par M. H... de la situation de la société ainsi que des décisions prises en matière de licenciements et d'embauches. Ils précisent avoir ainsi eu connaissance des motifs à l'origine du licenciement de M. X... sur lesquels ils n'émettent aucune critique.

Enfin, le comportement déloyal de M. X... ne peut être contredit par le seul fait que la société Urios ne se plaint pas d'avoir perdu des clients à la suite de ses agissements, la plainte pénale déposée par cette dernière pour vol et abus de confiance 3 jours après l'embauche du salarié par la société Atradius Crédit Insurance présentant par nature un caractère dissuasif de tout détournement de clientèle.

La cour considère, contrairement aux premiers juges, que la gravité des manquements ainsi commis par M. X... a rendu impossible son maintien dans l'entreprise de sorte qu'il doit être retenu que son licenciement repose, par réformation du jugement entrepris, sur une faute grave, sans qu'il soit utile ou nécessaire d'examiner les autres griefs figurant dans la lettre de licenciement.

M. X... doit en conséquence être débouté de toutes ses demandes indemnitaires ainsi que de sa demande de rappel de salaire relativement à la période de sa mise à pied conservatoire.

Le jugement déféré à la cour sera réformé en ce sens.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de la clause de non-concurrence

En application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.

En l'espèce, l'avenant régularisé en janvier 2013 prévoit en son article 7 une clause de non-concurrence libellée comme suit :

«Compte tenu de vos fonctions et des informations stratégiques de nature économique, commerciale et technique auxquelles vous avez (sic) ainsi que des liens privilégiés développés avec notre clientèle, vous vous engagez après la rupture de votre contrat de travail ou votre départ effectif de l'entreprise à ne pas exercer, sous quelque forme que ce soit, des activités susceptibles de concurrencer celles de l'entreprise ou détourner la clientèle ou entrer directement ou indirectement au service des entreprises concurrentes de la société.

Conformément aux dispositions de l'article 3 de la convention collective cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de 12 mois et limitée au périmètre géographique dont la rémunération est fonction des attributions effectivement exercées par vous.

Pendant toute la durée de l'interdiction, vous percevrez une contrepartie financière dont le montant et les modalités de paiement seront celles fixées par la convention collective.

Celle-ci est calculée sur la base d'un pourcentage au moins égal à 25 % du salaire moyen perçu par le salarié au cours des 12 derniers mois de présence dans l'établissement en contrepartie de son travail personnel et présentant un caractère obligatoire pour l'employeur et incluant l'indemnité de 13e mois le cas échéant.

En cas de violation de la clause, l'indemnité mensuelle cessera d'être due, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourront être réclamés.

De même, en cas de violation de la clause de non-concurrence, vous serez tenu au remboursement intégral des sommes déjà versées au titre de la contrepartie financière prévue ci-dessus, ainsi éventuellement qu'une indemnité forfaitaire égale au maximum à six mois de salaire.

- - - -»

La rédaction de la clause de non-concurrence est imprécise voire incompréhensible s'agissant de sa délimitation dans l'espace. Même en considérant qu'elle fait référence à la zone d'affectation du salarié, il doit être relevé que cette zone n'a jamais été contractuellement définie. Il en découle que ladite clause n'est pas clairement délimitée dans l'espace ce qui privait le salarié de toute possibilité de travail pendant un an dans sa branche d'activité.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a décidé qu'une telle clause est nulle et de nul effet.

La nullité produit à l'égard du salarié les mêmes effets que si la clause n'avait jamais existé. Celui-ci est donc libéré de son obligation de non-concurrence de sorte qu'il ne peut être condamné pour violation de la clause et il est également privé du bénéfice de la contrepartie pécuniaire qu'elle prévoit. Il doit cependant rembourser les sommes reçues à titre de contrepartie financière alors qu'il a violé la clause de non concurrence avant que la nullité de cette clause ait été judiciairement prononcée.

En effet, la société Atradius, qui a embauché M. X... le 14 avril 2014, a une activité d'assurance crédit alors que la société Urios propose à ses clients prestations de réalisation d'enquêtes terrain, commerciales et financières, permettant de déterminer la solvabilité des partenaires de ses clients (PME et grands comptes) mairs les deux sociétés sont concurrentes en matière de recouvrement de créances.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société Urios de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour non respect de la clause de non-concurrence et en ce qu'il a condamné M. X... à rembourser à la société Urios la somme de 1244,91 € versée par l'employeur au titre de la contrepartie financière de ladite clause.

Sur le surplus des demandes

À défaut de critiques, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Urios à payer à M. X... la somme de 6265,05 € au titre de la prime d'intéressement, étant observé que la société a réglé cette somme dans le cadre de l'exécution provisoire.

Le jugement déféré à la cour sera confirmé sur la compensation ordonnée entre les sommes accordées au salarié et celles accordées à la société Urios, mais réformé sur la remise des documents sociaux rectifiés alors que M. X... a été débouté de sa demande de rappel de salaire et de ses demandes relatives à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de licenciement et des congés payés y afférents.

Il apparaît équitable, au regard de la situation des parties, de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en procédure d'appel, le jugement entrepris devant cependant recevoir confirmation en ce qu'il a condamné la société Urios à payer à M.X... la somme de 1500 € sur ce fondement au titre de la procédure de première instance.

Chaque partie qui succombe partiellement dans ses prétentions devra supporter ses propres dépens en procédure d'appel, ceux de première instance restant à la charge de la société Urios par confirmation du jugement déféré à la cour.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris hormis en ce qu'il a condamné la société Urios à payer à M.X... la prime d'intéressement de 6265,05 €, en ce qu'il a jugé que la clause de

non-concurrence est nulle, en ce qu'il a débouté la SAS Urios de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour non respect de la clause de non- concurrence, en ce qu'il a condamné M. X... à rembourser la somme de 1244,91 € au titre de la contrepartie financière déjà versée , sur la compensation ordonnée, en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la SAS Urios aux dépens,

Le confirme sur ces points ,

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. X... repose sur une faute grave,

Déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de sa demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente et par Brigitte COUTTENIER, greffière.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

Brigitte COUTTENIERCaroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/03090
Date de la décision : 30/11/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°16/03090 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-30;16.03090 ?
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