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07/09/2018 | FRANCE | N°18/00257

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 07 septembre 2018, 18/00257


07/09/2018



ARRÊT N° 235/2018



N° RG 18/00257

CD/NB



Décision déférée du 13 Décembre 2017 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE (21602102)

(Mme. MAUDUIT)























Monique X...





C/



SARL 2B DESIGN

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE






























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INFIRMATION

EXPERTISE







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANTE



Madame Monique X...

[...]



représentée par Me Emilie F... d...

07/09/2018

ARRÊT N° 235/2018

N° RG 18/00257

CD/NB

Décision déférée du 13 Décembre 2017 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE (21602102)

(Mme. MAUDUIT)

Monique X...

C/

SARL 2B DESIGN

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE

INFIRMATION

EXPERTISE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANTE

Madame Monique X...

[...]

représentée par Me Emilie F... de la SCP D'AVOCATS Y..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

SARL 2B DESIGN, venant aux droits de la société GALVANI,

représentée par son Gérant Monsieur Cédrick Z...

[...]

représentée par Me Laurence G..., avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Mme Perrine A... (Membre de l'entrep) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2018, en audience publique, devant Mme C. B..., chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. H..., président

A. BEAUCLAIR, conseiller

C. B..., conseiller

Greffier, lors des débats : C. BLAQUIERES

lors du prononcé : M. C...

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par C. H..., président, et par M. C..., greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Monique X..., employée en qualité de secrétaire comptable depuis le 2 octobre 2001 par la société Gavani devenue la société 2B Design, a été victime le 20 juillet 2015 d'un accident du travail, déclaré par son employeur le 22 juillet suivant, et pris en charge, après enquête, au titre de la législation professionnelle. La caisse l'a déclarée consolidée à la date du 11 janvier 2016.

Mme X... a été licenciée le 31 décembre 2015, pour les motifs

suivants :

- inaptitude et impossibilité de reclassement,

- insuffisance professionnelle.

Elle a saisi, après échec de la procédure de conciliation, le 20 décembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale, pour reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 13 décembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne :

- a déclaré le recours de Mme X... recevable mais mal fondé,

- l'a déboutée de ses demandes,

- a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société 2B Design en inopposabilité de la prise en charge de l'accident du 20 juillet 2015.

Mme X... a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions déposées le 17 mai 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société 2B Design de sa demande au titre de l'inopposabilité de l'accident du 20 juillet 2015 et à sa réformation en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

Elle demande à la cour de juger que l'accident dont elle a été victime le 20 juillet 2015 a été causé par la faute inexcusable de la société 2B Design, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer ses préjudices, et de lui allouer une indemnité provisionnelle de 3 000 euros.

Elle sollicite la condamnation de la société 2B Design à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses conclusions déposées le 7 mai 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société 2B Design sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable et conclut à sa réformation pour le surplus.

Elle demande à la cour de juger que le caractère professionnel de l'accident du 20 juillet 2015 lui est inopposable et de condamner Mme X... à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses conclusions déposées le 15 mai 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevable la demande de la société 2B Design d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident du 20 juillet 2015 au titre de la législation professionnelle.

Elle indique s'en remettre sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Dans l'hypothèse où celle-ci serait retenue, elle demande à la cour de :

* juger que l'arrêt à intervenir lui sera déclaré commun, qu'elle sera chargée de procéder auprès de la victime au versement des préjudices extra patrimoniaux,

* lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la réalisation d'une expertise médicale pour évaluer les préjudices qu'elle liste, et de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur le montant de l'indemnité provisionnelle,

* accueillir son action récursoire à l'encontre de l'employeur, la société 2B Design,

* dire qu'elle récupérera directement et immédiatement auprès de la société 2B Design le montant des sommes allouées au titre de la réparation des préjudices subis par Mme X...,

* rejeter toute demande visant à voir condamner la caisse primaire d'assurance maladie au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

* Sur l'opposabilité à la société 2B Design de la décision en date du 14 septembre 2015 de reconnaissance de l'accident du travail en date du 20 juillet 2015:

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. Par ailleurs l'article R.441-11 III du même code dispose que lorsque la déclaration d'accident du travail est assortie de réserves motivées par l'employeur, la caisse envoie, avant décision, à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

En l'espèce, compte tenu des réserves motivées de la société 2B Design accompagnant la déclaration faite le 22 juillet 2015 de l'accident du 20 juillet 2015, la caisse a procédé à une enquête par envois de questionnaires, puis a notifié par courrier en date du 14 septembre 2015 à la société 2B Design sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de cet accident, en lui rappelant qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour contester sa décision.

Faute pour la société 2B Design d'avoir contesté cette décision dans le délai ainsi imparti à peine de forclusion, elle n'est pas recevable à contester l'opposabilité de la décision de la caisse.

Le jugement entrepris qui l'a déclarée irrecevable en ce chef de demande doit être confirmé.

* sur le caractère professionnel de l'accident du 20 juillet 2015 et la faute inexcusable :

Même si la décision de prise en charge de l'accident du travail lui est opposable, dans le cadre du présent litige, portant sur l'existence de la faute inexcusable qui lui est imputée dans cet accident, la société 2B Design peut en discuter le caractère professionnel.

- concernant le caractère professionnel de l'accident du 20 juillet 2015 :

La société 2B Design indique reprendre les réserves émises dans sa lettre en date du 10 septembre 2015 adressée à la caisse, dans laquelle elle explique contester la réalité de l'accident du travail déclaré au motif que : 'nous avons tout lieu de penser que le malaise dont elle s'est plainte était simulé pour les raisons suivantes :

- ce malaise est survenu dans un contexte de projet de rupture du contrat de travail (...),

- le 20 juillet 2015, Mme X... s'est présentée sur son poste de travail (..) Le magasin était fermé le lundi. Mme X... dit qu'elle a eu un malaise au moment où elle était devant la vitrine du magasin. C'est un vendeur Thomas D..., qui nous a alertés lorsqu'il est allé au magasin ce jour là pour récupérer une lampe. A son arrivée Mme X... était allongée sur la surface de vente en présence d'un agent de police du commissariat à côté. Je me suis rendu au magasin dès que j'ai été alerté par M. D... et je suis arrivé avant les pompiers (...)'.

Si les pièces des parties concordent sur l'état relationnel très dégradé à la date du 20 juillet 2015, pour autant ce contexte ne peut suffire à étayer l'allégation du caractère dissimulé du malaise de Mme X....

La cour relève en premier lieu que la déclaration d'accident du travail en date du 22 juillet 2015, mentionne que cet accident a eu lieu le 20 juillet 2015 à 15 h 45, sur le lieu habituel du travail de Mme X..., qu'elle ne présentait pas de lésions apparentes, mais était faible et a été transportée à l'hôpital Purpan. Elle précise qu'un témoin inconnu est allé prévenir le commissariat très proche.

Le certificat médical initial établi par un interne de médecine générale de l'hôpital Purpan le jour même, mentionne que Mme X... a eu un 'malaise vagal' tout en prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 24 juillet 2015.

Les réserves motivées de l'employeur indiquent que Mme X... travaille généralement seule le lundi car le magasin est fermé, qu'elle est sortie de son bureau pour aller chercher un verre d'eau, puis est allée dans le magasin où elle a eu un malaise. Une personne a vu Mme X... depuis la vitrine du magasin allongée par terre, et est allée prévenir les policiers qui ont réussi à pénétrer dans le magasin, Mme X... était consciente mais faible.

Ces éléments concordants établissent que Mme X... bien a eu sur son lieu et pendant son travail un malaise qui a justifié son hospitalisation. S'agissant d'un événement soudain survenu au temps et au lieu de travail, la présomption d'accident du travail est applicable et il appartient en conséquence à la société 2B Design de la renverser en rapportant la preuve que sa salariée s'est soustraite à son autorité ou que l'accident a une cause totalement étrangère au travail.

Dans le cadre de l'enquête diligentée par la caisse, Mme X... impute son malaise à la chaleur dans son poste de travail, mentionnant que celui-ci est 'dans un placard sans climatisation ni chauffage', que le magasin est fermé le lundi et 'la climatisation éteinte'. Elle écrit qu'elle avait chaud et mal à la tête et était allée chercher un verre d'eau aux toilettes et poser l'agrafeuse sur le bureau du magasin, où elle a eu un étourdissement et est tombée. Elle ajoute avoir déjà fait un malaise sur son lieu de travail le 7 juillet 2015 déclaré comme accident du travail.

Il est établi que la caisse a décidé le 21 septembre 2015, de prendre ce malaise du 7 juillet 2015 en charge en tant qu'accident du travail.

Le gérant de la société 2B Design confirme dans son questionnaire que Mme X... travaillait seule, le magasin étant fermé, l'avoir vue vers 13 heures et qu'elle paraissait encore fatiguée, que lors de son arrivée

Mme X... était allongée au sol à l'endroit de sa chute 'pas sur le chemin entre son bureau et le point d'eau', ajoutant qu'une rupture conventionnelle devait être signée deux jours plus tard.

Il résulte du courriel en date du 26 août 2015 du commissariat qu'une main courante de l'événement du 20 juillet 2015 à 15 h 45 a été établie par un équipage de police au retour de son intervention, qu'une 'passante' s'est présentée à l'accueil du commissariat centre pour signaler qu'une femme était allongée dans le magasin 2B Design Galvani, que 'sur place les policiers ont remarqué à travers la baie vitrée qu'une dame d'une cinquantaine d'années était allongée au sol, de l'eau et des débris autour d'elle', que la porte du magasin étant verrouillée, un des policiers a ouvert la porte en portant deux coups de pieds, puis les fonctionnaires de police ont prodigué les premiers soins à la victime qui reprenait connaissance mais se plaignait de mal au dos. Les sapeurs pompiers de Colomiers ont transporté la victime Mme X... au CHU de Purpan, le propriétaire du magasin, M. Z..., a rejoint les fonctionnaires sur place et avisé personnellement l'inspection du travail.

Les éléments de cette main courante corroborent donc les éléments fournis par Mme X... dans le questionnaire, puisque les policiers ont constaté la présence d'eau et de débris à proximité du corps de Mme X..., et que celle-ci n'avait repris connaissance qu'après qu'il lui ait été prodigué des soins.

Ces éléments objectifs (constatations des policiers primo arrivants sur les lieux, certificat médical initial établi dans le cadre de l'hospitalisation en urgence de Mme X...) infirment la thèse du malaise simulé et confortent au contraire la présomption d'accident du travail, que la société 2B Design ne renverse pas.

- concernant la faute inexcusable imputée à la société 2B Design dans cet accident du travail :

Dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par conséquent d'établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

Toutefois il résulte des dispositions de l'article L.4131-4 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, que le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

En l'espèce, Mme X... reproche à son employeur des manquements à son obligation de sécurité de résultat caractérisés par l'absence de ventilation naturelle ou mécanique du bureau et la mise à disposition uniquement d'un ventilateur le 30 juin 2015 alors qu'elle s'était plainte de la chaleur et l'absence de nouvelles dispositions prises après un premier malaise le 7 juillet 2015, ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail. Elle impute son malaise du 20 juillet 2015 à la chaleur constatée par le service de l'inspection du travail.

La société 2B Design lui oppose que les conditions de la présomption de faute inexcusable ne sont pas réunies, en l'absence d'alerte préalable de l'employeur. Elle invoque le respect de son obligation de sécurité, l'absence de conscience d'une situation de danger et les dispositions prises (remplacement de spots par un néon, mise à disposition d'un climatiseur portatif que la salariée a refusé d'utiliser et accès au climatiseur général du magasin).

Si Mme X... justifie avoir écrit le 8 juin 2015 au médecin du travail pour se plaindre de ses conditions de travail (demande de pose d'un néon, impossibilité de bénéficier de l'air climatisé du magasin), puis à nouveau le 16 juin (en faisant état de l'installation d'un néon, et en se plaignant de la chaleur qualifiée d'insupportable de son 'placard') et le 29 juin à l'inspection du travail (en se plaignant de l'installation par la nouvelle direction du magasin de son bureau dans un 'placard au fond du magasin' et de la chaleur régnante), pour autant elle n'établit pas avoir alerté son employeur sur le risque lié à la chaleur et à la configuration de son bureau, ce qui fait obstacle à l'application de la présomption de la faute inexcusable pour cause d'alerte préalable.

Il incombe donc à Mme X... d'établir que son accident du travail est lié à un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Il résulte de l'article R.4213-7 du code du travail que l'employeur a l'obligation de mettre à la disposition de ses salariés des locaux de travail comportant des équipements et caractéristiques de manière à permettre l'adaptation de la température à l'organisme humain pendant le temps de travail.

Il résulte du courrier des deux inspectrices et de la contrôleuse du travail en date du 25 novembre 2015, adressé à Mme X..., que lors de leur déplacement le 20 juillet 2015, sur son lieu de travail, ont été constatés les éléments suivants : ' le bureau que vous occupiez situé à l'arrière boutique du magasin éclairé par un néon n'était pas équipé de climatisation ni de ventilation mécanique et ne disposait pas d'ouverture vers l'extérieur. La température alors mesurée dans ce bureau était de 29.8 ° '.

La Société 2B Design verse aux débats deux 'document unique d'évaluation des risques', qui ont pour point commun de ne pas être datés et de ne pas avoir de date certaine. Ils comportent les mentions respectives 'année 2014" et 'année 2016" et mentionnent que pour le poste 'unité 3 administratif', correspondant à celui occupé par Mme X..., un risque évalué 4 (c'est à dire faible) pour 'froid et fortes chaleurs', et que les mesures de prévention consistent dans la mise à disposition d'un ventilateur et dans le fait de boire de l'eau régulièrement pour s'hydrater, avec la précision 'réfrigérateur avec boissons'.

Celui indiqué '2014" mentionne comme mesure à proposer pour prévenir ce risque : 'ventilateur rafraîchissant' et celui '2016" (année postérieure à l'accident du travail), liste le ventilateur rafraîchissant en sus des mesures de prévention précédentes, et mentionne au titre des 'mesures à

proposer' : 'garder la porte ouverte pour une bonne circulation de l'air'.

Ces documents ne permettent pas à la cour de considérer que le risque lié à une forte chaleur, au demeurant incompatible avec la santé de la salariée, même sur une période limitée dans le temps, a été réellement évalué avant le premier accident du travail de Mme X... du 7 juillet 2015, ni même après celui-ci, ni que l'employeur a pris des mesures pour y remédier et en particulier se conformer aux dispositions précitées de l'article R. 4213-7, alors que du fait même de ces dispositions réglementaires et de ce premier accident du travail du 7 juillet, il ne pouvait ignorer l'existence du risque.

Les photographies du lieu de travail de Mme X... produites par les parties présentent des différences notables. Elles ont pour point commun de ne pas être datées, celles de l'employeur mettant en évidence une réfection du bureau, avec une modification de la disposition des lieux, par rapport aux photographies de la salariée.

La cour relève que les boites d'archives visibles sur les photographies de l'employeur portent mention des années 2016 et 2017 ce qui met en évidence qu'elles sont nécessairement postérieures aux deux accidents du travail de juillet 2015 et ne peuvent être considérées en adéquation avec l'état des locaux en 2015.

Ces photographies sont en conséquence inopérantes pour établir que le bureau de Mme X... n'était pas celui résultant des photographies que produit la salariée. De même le constat d'huissier établi le 15 mai 2018 ne peut davantage être considéré comme décrivant les conditions de travail de Mme X... en juillet 2015.

La cour relève que l'étude de poste réalisée à la demande du médecin du travail le 3 juillet 2015 (soit avant les deux accidents du travail) à l'issue de l'examen de Mme X..., conclut que son bureau peut être considéré comme aveugle dans la mesure où il ne bénéficie pas d'un éclairage naturel compte tenu de la hauteur à laquelle est implantée la fenêtre panoramique qui donne sur le magasin, et préconise de l'abaisser ou de l'agrandir, et que lors de la visite (du 9 juillet 2015, à 10 h 00), la température relevée était entre 27 et 28 °C, ventilateur à l'arrêt (une photographie de ce ventilateur étant annexée au rapport)). Ce rapport précise que dans un local de bureau la température sèche de l'air doit être comprise entre 20 et 24 °C, et le renouvellement de l'air de 25 m3/personne /heure.

La conscience de l'employeur du risque lié à l'effet sur la santé de la salariée de la chaleur du bureau occupé par Mme X... résulte à la fois des éléments résultant de l'étude de poste du 9 juillet 2015, et de ses propres indications, qui sont certes postérieures à l'accident du travail du 20 juillet 2015, mais qui figurent sur le questionnaire de la caisse daté et signé le 7 août 2015 dans lequel il est écrit que Mme verdier s'était plainte 'uniquement de la chaleur en période de canicule'.

Dans les réserves émises lors de la déclaration de l'accident du travail du 20 juillet 2015, le gérant de la société 2B Design écrit que Mme X... rentrait d'une semaine de congés payés car elle était fatiguée et l'avoir vue vers 13 heures : 'Je suis resté un moment avec elle puis je suis allé à l'autre magasin'. Or il résulte du courriel du commissariat que le malaise de

Mme X... a été constaté à 15 h 45, que la fin d'intervention des policiers a eu lieu à 16 h 30, et l'inspecteur du travail a relevé une température dans ce bureau de 29.8 °, l'absence de climatisation, de ventilation mécanique et d'ouverture vers l'extérieur.

Alors que le gérant indique lui même avoir passé un moment avec

Mme X... ce jour là en début d'après midi, la société 2B Design ne peut soutenir ne pas avoir eu conscience de la chaleur dans laquelle

Mme X... était alors contrainte de travailler, étant souligné que cette salariée y avait eu un malaise moins de quinze jours plutôt, que lors de l'étude de poste réalisée juste après ce malaise, une température anormalement élevée avait déjà été relevée dans ce bureau et qu'enfin l'employeur avait alors reconnu, sans être précis sur la date, que Mme X... s'était effectivement plainte de la chaleur.

Les attestations Maurin, Mazureck, Carlet, D... et Galvani dont se prévaut l'employeur qui font principalement état d'un sentiment d'insatisfaction de Mme X... sont inopérantes dans le litige sur la faute inexcusable et la cour relève que l'attestation Bergeron tout en étant empreinte de dénigrement à l'égard de la salariée, mentionne que lors de l'accident (manifestement celui du 7 juillet) 'madame X... a dit avoir fait un malaise à cause de la chaleur', et ce témoin indique 'il faisait 30 ° ce jour là dans son bureau et 29 ° dans le reste du magasin puisqu'il y a une climatisation dans une partie. Nous avons pris la température ce jour là.'

Cette attestation confirme donc une température similaire à celle relevée par l'inspection du travail 13 jours plus tard, et par conséquent l'absence de mesures prises par l'employeur, qui, dans les deux cas, s'est borné à contester la réalité du malaise de Mme X... sans prendre de disposition pour remédier à la situation.

Le fait que M. E... (expert comptable de l'employeur) estime dans son attestation que 'la chaleur était supportable compte tenu de la période de 'canicule' ne peut justifier que l'exposition à ce type de chaleur ait perduré. Certes ce témoin ajoute que Mme X... n'avait pas allumé l'appareil de climatisation présent dans son bureau, et la société 2B Design se prévaut d'une facture d'achat en date du 10 juin 2006 d'un appareil 'Humid Altra' dans un magasin Darty en région parisienne, ne mentionnant pas l'identité de l'acquéreur. Néanmoins, les services de l'inspection du travail n'ont pas relevé lorsqu'ils sont venus le 20 juillet 2015 la présence de cet appareil.

L'absence de dispositions prises pour remédier au risque lié à la forte chaleur après le premier accident du travail de Mme X... caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité alors qu'il ne pouvait du fait même du premier accident du travail et du déplacement du médecin du travail lors de l'étude de poste ignorer le risque généré par une telle situation.

La faute inexcusable dans l'accident du 20 juillet 2015, est donc caractérisée.

L'attestation E... ne peut donc contredire les éléments concordants précédemment retenus, caractérisant la défaillance de la société 2B Design dans son obligation de sécurité et sa conscience du risque, étant rappelé que la faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité encourue en raison de sa faute inexcusable, et que seule la propre faute inexcusable commise par le salarié au sens des dispositions de l'article L.453-1 du code de la sécurité sociale, c'est à dire une faute d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison son auteur à un danger dont il aurait dû avoir connaissance, peut permettre une réduction de la rente.

Par infirmation du jugement entrepris la cour juge que l'accident du travail du 20 juillet est dû à la faute inexcusable de la société 2B Design.

* Sur les conséquences de la faute inexcusable :

Lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, à une indemnisation complémentaire de ses préjudices, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

L'expertise médicale sollicitée est effectivement nécessaire pour évaluer les conséquences dommageables de l'accident, la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices étant fixée, eu égard au peu d'élément caractérisant les postes de préjudices susceptibles d'être indemnisés à

1 000 euros.

L'équité justifie par ailleurs que la société 2B Design soit condamnée au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris, hormis sur le rejet de la demande d'inopposabilité à la société 2B Design de la reconnaissance du caractère professionnel à l'accident du 20 juillet 2015, le confirme sur ce point,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que l'accident du travail du 20 juillet 2015 a pour cause la faute inexcusable de la société 2B Design,

- Alloue à Mme Monique X... la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne fera l'avance des sommes allouées à Mme X... et récupérera directement et immédiatement auprès de la société 2B Design le montant des sommes allouées au titre des préjudices subis par Mme X...,

- Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de Mme X... :

* Ordonne une expertise médicale,

* Commet pour y procéder le Docteur I... Jacqueline, expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Toulouse,

[...],

Tel : [...]

avec pour mission de :

- convoquer, dans le respect des textes en vigueur, Mme X...,

- Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de Mme X... et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle,

- A partir des déclarations de Mme X..., au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

- Recueillir les doléances de Mme X... et au besoin de ses proches, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

- Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

- Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de Mme X..., à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par lui,

- Analyser dans un exposé précis et synthétique :

* la réalité des lésions initiales

* la réalité de l'état séquellaire

* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur

- Tenir compte de la date de consolidation fixée par l'organisme social,

- Préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale :

* Souffrances endurées temporaires et/ou définitives :

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif :

Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice d'agrément :

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitif,

* Perte de chance de promotion professionnelle :

Indiquer s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles,

- Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :

* Déficit fonctionnel temporaire :

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d'une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation.

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* Assistance par tierce personne avant consolidation :

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l'aide prodiguée et sa durée quotidienne,

* Frais de logement et/ou de véhicule adaptés :

Donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

* Préjudices permanents exceptionnels :

Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents,

* Préjudice sexuel :

Indiquer s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),

- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

- Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

- Dit que les frais de l'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

- Dit que l'expert déposera au greffe de la cour son rapport dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine,

- Désigne le président de la 4ème chambre section 3 de la cour pour surveiller les opérations d'expertise,

- Renvoie l'affaire à l'audience du 10 octobre 2019 à 14 heures,

- Dit que les parties devront déposer et communiquer leurs conclusions selon le calendrier de procédure suivant :

- 30 avril 2019 pour la partie appelante

- 31 août 2019 pour les parties intimées,

- Condamne la société 2B Design à payer à Mme Monique X... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par C. H..., Présidente et par M. C..., Greffier de chambre.

Le Greffier,Le Président,

M. C...C. H...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 18/00257
Date de la décision : 07/09/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 43, arrêt n°18/00257 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-07;18.00257 ?
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