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06/07/2018 | FRANCE | N°17/02124

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 06 juillet 2018, 17/02124


06/07/2018



ARRÊT N°18/656



N° RG 17/02124

APB/BC



Décision déférée du 23 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F15/02304)

Bernard X...

















Y... Z...





C/



SAS LABORATOIRES ALCON





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANT



Monsieur Y... Z...

[...]



Représenté par Me Christelle D..., avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMÉE



SAS L...

06/07/2018

ARRÊT N°18/656

N° RG 17/02124

APB/BC

Décision déférée du 23 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F15/02304)

Bernard X...

Y... Z...

C/

SAS LABORATOIRES ALCON

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT

Monsieur Y... Z...

[...]

Représenté par Me Christelle D..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SAS LABORATOIRES ALCON RCS Nanterre n° 652 009 044

[...]

[...]

Représentée par Me Sophie A..., avocat au barreau de TOULOUSE, postulant et par Me Henri B..., avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Caroline PARANT, présidente

Sonia C... ARCO SALCEDO, conseillère

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Greffière, lors des débats : Brigitte COUTTENIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Y... Z... a été engagé le 14 décembre 1994 par la société Laboratoires Alcon, du groupe Novartis, en qualité de spécialiste équipements au sein de la région sud ouest, statut cadre, sous contrat à durée indéterminée régi par la convention collective Nationale de l'Industrie Pharmaceutique.

Par avenant du 4 avril 2000, une convention de forfait en jours a été stipulée dans le contrat de travail de M. Y... Z..., fixant la durée du travail à 210 jours par an.

Pa réunion du 4 juillet 2013, le comité central d'entreprise était informé d'un projet de 'réallocation des ressources' préalable à la réorganisation de la société en raison de difficultés liées à la conjoncture économique.

Celui-ci était ensuite consulté sur le projet de réorganisation économique conformément l'article L.2323-6 du code du travail.

Un accord collectif majoritaire relatif au projet de licenciement pour motif économique a été signé le 4 mars 2014 par trois organisations syndicales représentatives. Cet accord portait sur la suppression de 70 postes entraînant le licenciement pour motif économique de 50 salariés, ainsi que 51 propositions de modifications de contrats de travail.

Ce PSE a été validé par la DIRECCTE le 9 avril 2014.

Par courrier du 16 mai 2014, la société Laboratoires Alcon a adressé à M. Y... Z... une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en la modification de son secteur géographique d'activité. M. Y... Z... a refusé cette modification par mail du 24 juin 2014.

Le 26 juin 2014, l'employeur a proposé au salarié trois postes de reclassement que celui-ci refusait le 8 juillet 2014.

M. Y... Z... était investi à cette époque des mandats de membres du comité d'établissement, comité central d'entreprise et délégué du personnel.

Le 4 septembre 2014, la société Laboratoires Alcon a reçu de la DIRECCTE l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de ce salarié protégé.

Par courrier du 12 septembre 2014, la société Laboratoires Alcon a notifié à M. Y... Z... son licenciement pour motif économique et lui a proposé d'adhérer au congé de reclassement. Celui-ci y a effectivement adhéré.

Le 10 septembre 2015, M. Y... Z... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulouse de la contestation de son licenciement et de diverses demandes en paiement.

Par jugement du 23 février 2017, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- jugé que le licenciement notifié à M. Y... Z... repose sur un motif économique,

- jugé que la procédure de licenciement a été respectée,

- débouté en conséquence M. Y... Z... de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Laboratoires Alcon de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- laissé à la charge des parties les frais et dépens.

M. Y... Z... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais non discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2017, auxquelles il est fait expressément fait référence, M. Y... Z... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et de :

- débouter la société Laboratoires Alcon de l'intégralité de ses demandes,

- dire pourquoi les primes forfaitaires « quantitatives » versées en rémunération de la vente de machines doivent être considérées ou non comme périodiques,

- condamner la société Laboratoires Alcon à lui payer les sommes suivantes :

*185 789,91 €, 21 000 € et 20 088,36 € au titre du complément des indemnités de licenciement,

*20 659,89 € au titre de la régularisation de l'indemnité de reclassement, dont seules les cotisations de CSG/SRDS seront déduites,

*24 823,34 € au titre des cotisations salariales indument déduites de l'allocation de reclassement,

*9 000 € au titre de la commission restant due sur les ventes auprès de la Clinique de L'Union,

*30 000 € au titre de la réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'exécution déloyale du contrat, du manquement à l'obligation de sécurité de résultat, de la mise en danger, de la perte de chance de se faire payer ses heures supplémentaires et du préjudice subi du fait du non respect des durées maximales du travail,

-dire que la période de transition prévue pour le paiement des primes doit s'entendre comme une période de quatre mois débutant à compter de la date de départ du salarié,

-dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- par conséquent, condamner la société Laboratoires Alcon à lui payer 276 838 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la condamner à lui payer la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2018, auxquelles il est expressément fait référence, la société Laboratoires Alcon demande à la cour de :

- relever l'incompétence de la juridiction judiciaire pour apprécier le motif économique du licenciement de M. Y... Z...,

- constater que le licenciement notifié à M. Y... Z... repose sur un motif économique,

- constater que la procédure de licenciement a été respectée,

- constater que M. Y... Z... a été rempli de l'ensemble de ses droits,

- constater que la convention de forfait annuel en jours est licite et parfaitement exécutée,

- en conséquence, débouter M. Y... Z... de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel, condamner M. Y... Z... à lui payer la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS :

A titre préliminaire, la cour rappelle que sont applicables à la cause les dispositions issues de la loi de sécurisation de l'emploi n° 2013-504 du 14 juin 2013 entrée en vigueur le 1er juillet 2013, la première réunion du CCE sur le projet de réorganisation étant postérieure à cette date (art. 18 XXXIII de la loi).

Sur la compétence du juge judiciaire pour examiner le motif économique du licenciement :

La société Laboratoires Alcon soulève l'incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur le caractère réel et sérieux du licenciement économique, au motif que l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail ne peut être contestée devant les juridictions judiciaires et qu'il appartenait au salarié de contester le motif du licenciement ou la régularité de sa procédure devant les juridictions administratives.

Elle ajoute que l'incompétence de la juridiction judiciaire avait été soulevée in limine litis devant le conseil de prud'hommes, lequel a omis de statuer sur ce point, de sorte qu'il appartient désormais à la cour de se prononcer.

Elle soutient que la cour d'appel de Toulouse est incompétente au profit du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

M. Y... Z... soutient pour sa part que l'exception d'incompétence n'a pas été valablement invoquée en première instance car elle n'a pas été soulevée in limine litis, de sorte que l'exception d'incompétence ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel.

Il indique qu'en tout état de cause cette exception d'incompétence n'est pas fondée car l'autorité administrative s'est prononcée sur la réalité du motif économique au regard de la menace de la compétitivité 'de l'entreprise', alors qu'il est nécessaire d'apprécier la sauvegarde de la compétitivité 'du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient', examen auquel peut donc se livrer la cour d'appel sans porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

Sur ce,

Il ressort des pièces produites aux débats que :

-la société Laboratoires Alcon a fait déposer à l'audience du conseil de prud'hommes de Toulouse du 20 octobre 2016 des conclusions visées à cette date par le greffier, par lesquelles elle soulevait à titre liminaire l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative pour statuer sur le motif économique du licenciement,

-le jugement entrepris indique expressément qu'il retient les moyens exposés par les parties ainsi que ceux exposés par voie de conclusions en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, de sorte que l'exception d'incompétence est réputée avoir été soulevée in limine litis à l'audience, faute pour la partie adverse de démontrer que tel n'était en réalité pas le cas,

-le jugement entrepris n'a pas répondu à ce moyen tiré de l'exception d'incompétence.

Contrairement à ce que soutient M. Y... Z..., il ne s'agit pas d'une omission de statuer sur un chef de demande, entrant dans les prévisions des articles 463 et 464 du code de procédure civile, mais de l'absence de réponse à un moyen de défense.

Ce moyen étant maintenu devant la cour d'appel, il appartient à celle-ci d'y répondre.

La cour rappelle que le juge judiciaire n'a pas compétence pour se prononcer sur la légalité de la décision d'autorisation de licenciement prise par l'autorité administrative, dès lors que cette dernière est seule compétente pour apprécier le bien-fondé du licenciement d'un représentant du personnel.

Il doit néanmoins vérifier que le motif du licenciement est bien celui pour lequel l'autorisation a été donnée.

En l'espèce, l'autorité administrative a autorisé le licenciement pour motif économique de M.Y... Z..., et il est constant que son licenciement est intervenu pour motif économique.

La réalité du motif économique, ainsi que le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, ont été contrôlés et validés par la DIRECCTE dans sa décision d'autorisation de licenciement du 4 septembre 2014, peu important que cette validation ait résulté d'un examen prétendument erroné du périmètre de l'obligation de reclassement. Le contrôle de la pertinence de cet examen relève de l'appréciation du juge administratif.

Or, aucune des parties ne demande à la cour de poser une question préjudicielle au juge administratif sur la légalité de cette autorisation de licenciement ni de surseoir à statuer dans cette attente.

Dans ces conditions, la cour ne peut que se déclarer incompétente pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement de M. Y... Z..., de sorte que les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir sur ce point, en application des dispositions de l'article 96 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a examiné le motif économique du licenciement et statué sur la validité du licenciement en déclarant celui-ci fondé.

S'agissant de la procédure de licenciement, la cour n'est saisie d'aucun moyen de nature à critiquer le jugement entrepris ayant déclaré celle-ci régulière, de sorte que cette disposition du jugement sera confirmée.

Sur la nullité de la convention de forfait :

La convention de forfait annuel en jours dont la validité est discutée par l'appelant a été stipulée entre les parties le 4 avril 2000. Elle n'a fait l'objet d'aucun avenant après cette date.

En application des dispositions de l'ancien article L212-15-3 du code du travail, texte applicable à la cause :

'I. - Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L.212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail.

Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues.

A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle.'

Ce texte poursuit :

'III. - La convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-huit jours.

La convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés.

La convention ou l'accord précise en outre les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte.

L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1.

Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.

La convention ou l'accord collectif détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix.

Les salariés concernés ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 212-1 et du

deuxième alinéa de l'article L. 212-7. Les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 leur sont applicables. La convention ou l'accord doit déterminer les modalités concrètes d'application de ces dernières dispositions.

La convention ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables, à condition qu'ils aient individuellement donné leur accord par écrit, aux salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents existant dans l'entreprise ou l'établissement permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par les salariés concernés par ces conventions de forfait. Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, après déduction, le cas échéant, du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps ou auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues au premier alinéa et des congés payés reportés dans les conditions prévues à l'article L. 223-9, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris.'

Il résulte de ce texte que toute convention de forfait en jours doit être prévue par une convention ou un accord collectif. En outre, cet accord doit assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

L'employeur doit, face à une contestation du salarié, justifier de ce qu'il a respecté les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte tel que prévu par l'accord.

Par ailleurs, les dispositions de l'article L.3121-46 du code du travail issues de la loi du 20 août 2008 sont applicables aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur ; ces dispositions prévoient l'obligation pour l'employeur d'organiser un entretien annuel individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, ayant pour objet l'examen de la charge de travail du salarié, de l'organisation du travail dans l'entreprise, de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que de la rémunération du salarié.

Ces dernières dispositions ont été modifiées par la loi du 8 août 2016 toutefois la convention de forfait litigieuse avait cessé de recevoir application avant cette date par l'effet du licenciement du salarié.

En l'espèce, il est constant que la convention collective nationale des industries pharmaceutiques ne prévoit aucune disposition relative au forfait annuel en jours.

Un accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du 15 mars 2000 était applicable lors de la conclusion de l'avenant au contrat de travail de M. Y... Z... mentionnant la clause de forfait jours.

Cet accord permet à l'employeur de recourir au forfait annuel en jours pour les cadres, mais ne respecte pas les dispositions légales précitées, en ce qu'il ne mentionne aucun élément de nature à détailler les caractéristiques des conventions de forfait, s'agissant en particulier des modalités de décompte des journées ou demies journées travaillées, des modalités de prise de journées ou demi-journées de repos.

A ce titre, la simple mention des jours travaillés sur les bulletins de salaire dont se prévaut la société Laboratoires Alcon ne saurait pallier l'absence de système fiable de contrôle du temps de travail. En outre, la cour relève que les bulletins de salaire de M. Y... Z... font mention d'un forfait de 211 jours et non 210, et que beaucoup d'entre eux ne comportent pas la moindre indication du nombre de jours de travail ou de jours de repos.

Enfin, la société Laboratoires Alcon affirme qu'elle a procédé à des entretiens annuels d'évaluation de M. Y... Z... permettant de définir ses objectifs et d'évoquer avec lui sa charge de travail, mais n'étaye cette assertion par aucune production.

La cour ne peut donc considérer que la société Laboratoires Alcon a respecté son obligation de s'assurer que la charge de travail du salarié était raisonnable et compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire, comme l'exige l'article L.3121-6 du code du travail.

Pour l'ensemble de ces motifs, la convention de forfait jours est inopposable au salarié.

Celui-ci est donc recevable à présenter une demande de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires à la condition de satisfaire aux règles de preuve de l'article L.3171-4 du code du travail.

Il est également recevable à solliciter l'indemnisation du préjudice distinct de la perte de salaire, qu'il déclare avoir subi à raison de l'application de la convention de forfait jugée inopposable, sous réserve de la démonstration de ce préjudice.

En l'espèce, M. Y... Z... ne sollicite pas de rappel de salaires mais une indemnisation de son préjudice pour exécution déloyale du contrat de travail et manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur, au motif qu'il aurait perdu une chance d'obtenir le paiement de ses heures supplémentaires et l'indemnisation du repos compensateur. La demande formulée en première instance au titre du travail dissimulé n'est plus soutenue en cause d'appel.

La cour considère cependant que M. Y... Z... ne peut, sous couvert de cette argumentation, obtenir le paiement de sommes au titre d'heures supplémentaires couvertes par la prescription.

Au demeurant M. Y... Z... ne présente strictement aucun élément de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles il aurait accompli des heures supplémentaires avec, pour certaines, ouverture d'un droit à repos compensateur : il ne produit pas le moindre décompte permettant à la cour d'examiner le bien-fondé de ses demandes en faisant application des règles probatoires précitées.

M. Y... Z... fait également valoir un état de fatigue extrême et un épuisement moral dus à la durée du travail ayant, selon lui, souvent excédé 10 heures par jour sans pouvoir bénéficier des pauses de 20 minutes auxquelles il avait droit.

Pour les mêmes raisons qu'exposées ci-dessus, et en l'absence de tout élément relatif à l'état de santé du salarié, la cour ne peut que rejeter la demande indemnitaire présentée par ce dernier, le préjudice allégué n'étant pas démontré.

Le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté la demande de M. Y... Z....

Sur les demandes relatives aux indemnités de rupture :

-Sur les indemnités conventionnelle et supra-légale de licenciement :

Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul des indemnités de rupture fait débat entre les parties.

En effet, M. Y... Z... a perçu en août 2014, mois précédant le début de son préavis, une prime de 24689,21 € dénommée 'prime quantitative A', il considère que cette prime doit être incluse dans la rémunération perçue au mois d'août ce qui conduit à retenir un salaire de référence de 32439 € alors que l'employeur a proratisé cette prime en considérant qu'il s'agit d'une prime versée selon une périodicité supérieure à un mois et a retenu un salaire de référence de 14714 € pour calculer les indemnités conventionnelle et supra-légale de licenciement.

L'article 33 2º de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 17 décembre 1956 applicable à la cause dispose que la base de calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération effective totale mensuelle gagnée par le salarié licencié pendant le mois précédant le préavis de licenciement, que cette rémunération ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le préavis de licenciement, que pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes de rendement, les primes à la productivité et la prime d'ancienneté, et lorsqu'elles sont attribuées au salarié, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles.

Il en résulte qu'à défaut d'autres dispositions de la convention collective, celles des rémunérations versées au cours de ce mois, dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération dudit mois.

Le plan de primes produit aux débats prévoit deux catégories de primes, des primes sur objectifs de chiffre d'affaires correspondant à un objectif annuel, et des primes dont le taux est fixé annuellement, mais dont le facteur de déclenchement est la signature de nouveaux contrats (contrats de location ou de vente d'équipements selon le type de matériel).

Il est constant que les primes versées à M. Y... Z... au mois d'août 2014 pour un montant de 24'689,21 € relèvent de la deuxième catégorie.

Les pièces produites aux débats démontrent qu'il s'agit de primes versées sans échéance fixe, plusieurs fois au cours de l'année en fonction des contrats générés par l'activité du salarié.

Ainsi, M. Y... Z... a également perçu au titre de ces primes 500 € en mars 2014, 6644,19 € en mai 2014, et 100 € en juillet 2014.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le versement de ces primes intervenait sur une périodicité supérieure à un mois et devait être proratisées ainsi que l'a fait l'employeur pour le calcul des indemnités de licenciement.

En opérant cette proratisation, la rémunération totale effective du salarié durant le mois précédent le préavis (août 2014) était de 10'410,90 € et se trouvait donc inférieure à la moyenne des 12 dernières rémunérations perçues par le salarié, s'élevant à 14'714 €.

L'employeur a donc, par une juste application de l'article 33 2° de la convention collective, retenu ce dernier montant comme salaire de référence puisqu'il était plus favorable au salarié.

M. Y... Z... n'est donc pas fondé à solliciter un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ni d'indemnité supra-légale de licenciement ; le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formulées à ce titre à hauteur de 185789,91€ et 20088,36 €.

Sur la prime 'EFA' :

M. Y... Z... soutient qu'il aurait dû percevoir une prime dite 'EFA' (prime dénommée 'contrat équipt/implant' en page 6 du plan de prime de 2014) d'un montant de 2000 € et qui aurait dû être rattachée au salaire du mois d'août 2014 utilisé comme salaire de référence pour le calcul des indemnités de rupture.

Il estime que l'absence de prise en compte de cette prime a minoré l'indemnité conventionnelle de licenciement de 21'000 €, somme dont il sollicite le paiement.

Il s'agit en l'espèce d'une prime que le salarié estime due pour la vente d'implants associée à la vente d'une machine à la clinique de Médipôle Garonne.

M. Y... Z... ne conteste pas que cette commande a été concrétisée en décembre 2014, soit bien après son licenciement. Il estime néanmoins qu'il devrait bénéficier d'un régime dérogatoire car il aurait réalisé l'intégralité des démarches ayant abouti à la signature du contrat, que cette signature est intervenue tardivement pour des motifs qui lui sont étrangers, et qu'en tout état de cause la direction aurait pris l'engagement dans le cadre de la réorganisation de verser aux salariés sortants leur prime EFA sur les contrats signés dans les quatre mois de leur départ.

La cour relève en effet à la lecture du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 30 avril 2014 que la direction s'est engagée à instaurer un régime de transition entre l'ancienne et la nouvelle organisation afin de permettre aux salariés sortants, dont le départ était prévu le 30 juin 2014, de bénéficier de leur prime EFA sur les ventes auquel ils avaient contribué, si le contrat était finalisé dans les quatre mois de leur départ c'est-à-dire jusqu'au 30 octobre 2014.

C'est à juste titre que M. Y... Z... fait observer que contrairement aux autres salariés, il a quitté l'entreprise non pas le 30 juin 2014 mais le 30 septembre 2014 en raison de l'obligation légale pour l'employeur d'obtenir l'autorisation administrative de licenciement, et que cette circonstance ne saurait créer en sa défaveur une rupture d'égalité avec les autres salariés au sujet du versement de la prime EFA.

En outre, la cour constate que l'échange de mails intervenu le 31 juillet 2014 le 1er août 2014 entre le salarié et son supérieur hiérarchique ainsi que le service de paie de l'entreprise démontre l'accord de la direction au profit de M. Z... pour prendre en compte cette prime EFA par anticipation sur la facturation conformément à l'engagement décrit ci-dessus, l'omission de cette prime ne résultant que d'une simple erreur.

Dans ces circonstances, M. Y... Z... est bien-fondé à solliciter la prise en compte de cette prime EFA dans le salaire de référence.

Toutefois, ainsi que le fait observer la société Laboratoires Alcon, cette prime est également sujette à proratisation alors que le salarié entend l'inclure de manière globale dans le seul salaire du mois d'août 2014.

Et même sans retenir cette proratisation, la cour constate que la prise en compte de cette prime aboutirait à porter la moyenne des 12 dernières rémunérations à 12'410,90€ au lieu de 10'410,90€, ce qui reste inférieur au montant retenu par l'employeur pour calculer les indemnités de rupture (14'714 €).

La demande de M. Y... Z... sera donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'indemnité de congé de reclassement :

M. Y... Z... fonde sa demande en paiement d'un rappel d'allocation de reclassement sur les mêmes motifs que ceux relatifs à sa demande de rappel sur l'indemnité de licenciement, puisque la discussion porte sur le salaire de référence.

Dans la mesure où il a été jugé ci-dessus que le salaire de référence à retenir s'élevait à la somme de 14'041,81 €, somme prise en compte par l'employeur dans le calcul des indemnités, la demande de M. Y... Z... sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la prise en charge par l'employeur des cotisations sociales :

L'article 3 de l'accord majoritaire validé le 9 avril 2014 par la DIRECCTE prévoit au sujet de l'allocation de reclassement que «cette allocation, dans la limite du congé légal de reclassement, est exclue de l'assiette des cotisations sociales à l'exception de la CSG et de la CRDS dues au titre des revenus de remplacement. Au-delà de cette durée légale, la société Laboratoires Alcon prendra à sa charge les cotisations salariales hors CSG'CRDS».

Ainsi que l'on retenu les premiers juges, la prise en charge des cotisations sociales sur l'allocation de reclassement, calculée sur le salaire de référence mensuel brut, n'intègre pas la prise en charge de dispositifs complémentaires tels les cotisations des contrats de santé, de prévoyance et l'acquisition des points de retraite et des trimestres.

Les articles 7 et 15 de l'accord majoritaire prévoient que ces dispositifs sont maintenus dans les mêmes conditions que celles applicables au moment du licenciement c'est-à-dire sur la base d'une répartition employeur/salarié, aucune clause spécifique n'a été stipulée à ces articles pour appliquer les dispositions de l'article 3 relatives à la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales à ces dispositifs.

Dans ces conditions, le salarié sera débouté de sa demande en paiement formulée à hauteur de 24'823,34 €, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande de rappel de commissions :

M. Y... Z... revendique le paiement de commissions relatives à la signature du contrat avec la clinique de l'Union intervenue en décembre 2014 comme l'aboutissement des démarches commerciales qu'il avait réalisées avant son départ.

La société Laboratoires Alcon ne conteste pas le rôle du salarié dans la réalisation de la commande de machines concrétisée après son licenciement. Elle ne discute pas davantage le droit à prime généré par une telle commande.

Ainsi qu'il l'a été vu précédemment, il résulte du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 30 avril 2014 que l'employeur a pris l'engagement de mettre en 'uvre une période de transition entre l'ancienne organisation et la réorganisation issue du PSE.

La cour fera droit à la demande du salarié pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet de la prime EFA, tenant à l'application de cet engagement à M. Y... Z... ayant quitté l'entreprise postérieurement à ses collègues en raison de son statut de salarié protégé, mais devant bénéficier des mêmes mesures transitoires que ceux-ci permettant la perception de primes sur les commandes auquel ils avaient contribué, concrétisées dans les quatre mois de leur départ.

Le calcul des commissions proposé par le salarié dans ses écritures en application du Plan Primes 2014 sera retenu, à défaut pour l'employeur de produire un quelconque élément de nature à remettre en cause celui-ci.

Il sera donc alloué à M. Y... Z..., par infirmation du jugement entrepris, la somme de 9000 € à titre de rappel de commissions.

Sur le surplus des demandes :

La société Laboratoires Alcon, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera alloué à M. Y... Z... la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a débouté M. Y... Z... de sa demande en paiement de rappel de commissions, et en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur un motif économique,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Laboratoires Alcon,

Se déclare incompétente pour apprécier le motif économique du licenciement de M. Y... Z... et statuer sur les demandes subséquentes, et renvoie les parties à mieux se pourvoir sur ces points,

Condamne la société Laboratoires Alcon à payer à M. Y... Z... la somme de 9000 € au titre du rappel sur commissions relatives aux ventes réalisées auprès de la Clinique de l'Union,

Condamne la société Laboratoires Alcon à payer à M. Y... Z... la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Laboratoires Alcon aux entiers dépens.

.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE

Brigitte COUTTENIERCaroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 17/02124
Date de la décision : 06/07/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°17/02124 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-06;17.02124 ?
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