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06/07/2018 | FRANCE | N°17/00347

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 06 juillet 2018, 17/00347


06/07/2018





ARRÊT N°2018/491



N° RG 17/00347

J-C.G/NB



Décision déférée du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FOIX F 16/00108

(M. X...)























Gilles Y...





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SAS LES MENUISERIES ARIEGEOISES












































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INFIRMATION







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANT



Monsieur Gilles Y...

[...]



comparant en personne, assisté de Me Dominique L..., avocat au barreau de TOULOUSE





IN...

06/07/2018

ARRÊT N°2018/491

N° RG 17/00347

J-C.G/NB

Décision déférée du 16 Décembre 2016 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FOIX F 16/00108

(M. X...)

Gilles Y...

C/

SAS LES MENUISERIES ARIEGEOISES

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT

Monsieur Gilles Y...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Dominique L..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS LES MENUISERIES ARIEGEOISES prise en la personne de son représentant légal, domicilié [...]

représentée par Me Benoît Z... de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2018, en audience publique, devant M. A... et J-C. GARRIGUES, conseillers chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée

de :

M. A..., président

C. PAGE, conseiller

J.C. GARRIGUES, conseiller

Greffier, lors des débats : M. SOUIFA, faisant fonction de greffier

lors du prononcé : A. M...

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par M. GARRIGUES, conseiller ayant participé au délibéré (art. 456 du Code de procédure civile) en remplacement du président empêché, et par A. M..., greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Les Menuiseries Ariégeoises est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits funéraires, et plus particulièrement des cercueils.

M. Gilles Y... a été embauché le 5 octobre 2012 par la SAS Les Menuiseries ariégeoises en qualité de Directeur Opérationnel, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de l'ameublement.

Le contrat précisait en préambule : ' La décision de créer le poste de Directeur opérationnel a été motivée par la volonté de recruter le futur Directeur pour le site des Menuiseries ariégeoises pour :

- remplacer à terme Monsieur Jean-Louis B..., Directeur de production, qui a manifesté le souhait de faire valoir ses droits à la retraite sous 4 à 5 ans. Monsieur B..., dans ce cadre-là, transmettra progressivement ses fonctions et pourra se voir ainsi confier des missions extérieures au site des Menuiseries ariégeoises ;

- assurer à terme les fonctions de Directeur des Menuiseries ariégeoises réalisées à ce jour par M.Bruno C..., et ce progressivement, à l'exception de la partie commerciale, marketing et financière '.

M. Y... devait encadrer l'ensemble de l'exploitation du site, animer les relations avec les différents responsables de production, optimiser l'organisation de la production, proposer des améliorations techniques et organisationnelles, mettre en place la démarche qualité, faire évoluer le système d'information. Il assurait également les fonctions de responsable des ressources humaines.

Sa rémunération était constituée d'un salaire fixe mensuel brut de 5 500 €, d'une partie variable de 0,30 % du résultat courant avant impôt pour l'exercice 2014 et de

0,50 % pour les exercices suivants. Dans les termes de la convention collective, il bénéficiait également d'une prime d'assiduité, d'un treizième mois, de la participation et de l'intéressement dans les conditions des accords en vigueur.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 19 février 2014, M. Y... a été licencié par lettre du 26 février 2014 pour insuffisance professionnelle. Il a saisi le conseil des prud'hommes de Foix le 5 mai 2014 pour contester son licenciement et demander diverses indemnités.

Le conseil des prud'hommes de Foix, section encadrement, par jugement du 16 décembre 2016, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des moyens en fait et en droit a dit que le licenciement de M. Y... est justifié par l'insuffisance professionnelle de ce dernier, laquelle constitue une cause réelle et sérieuse, débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.

-:-:-:-

M. Y... a interjeté appel de la décision le 20 janvier 2017.

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Par conclusions déposées le 4 mai 2018 auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur Y... demande à la cour de réformer le jugement, de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS Menuiseries Ariégeoises à lui payer la somme de 85 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 4 000 € au titre des frais irrépétibles, et de la condamner aux entiers dépens.

Y... expose qu'à la fin de l'année 2013, le directeur M. C..., lui a proposé une modification de ses fonctions liée au fait que M. B... avait différé son départ à la retraite et décidé de rester cinq années de plus dans l'entreprise, qu'il lui a remis un document dont il ressortait que ses fonctions allaient être limitées à la production de l'atelier de panneautage et d'usinage, avec une obligation de suivi technique et des objectifs mensuels de productivité des panneaux très stricts pour l'année 2014, et qu'il devenait ainsi responsable de production au lieu de directeur opérationnel sans le moindre respect de la procédure applicable aux modifications de contrat ; qu'il n'a pas accepté cette modification de son contrat et est, dès lors, devenu indésirable dans l'entreprise ; qu'il a adressé le 4 février 2014 un courriel à M. C... pour se plaindre de sa mise à l'écart et qu'il a reçu en guise de réponse la convocation pour l'entretien préalable prévu le 19 février 2014.

Il conteste la réalité et le sérieux des griefs énoncés dans la lettre de licenciement et il fait observer que ces motifs sont d'autant moins pertinents que le travail qu'il effectuait n'avait fait l'objet jusque là d'aucune critique, d'aucun reproche et d'aucun avertissement.

-:-:-:-

La SAS Les Menuiseries Ariégeoises, par conclusions déposées le 2 mai 2018 auxquelles il est expressément fait référence, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter le salarié de toutes ses prétentions et de le condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que les griefs contenus dans la lettre de licenciement sont parfaitement justifiés et s'opèrent autour de trois thèmes : des difficultés liées à la réalisation d'un inventaire, des difficultés de production, et de difficultés de management humain.

Par ailleurs, elle conteste les diverses allégations de M. Y... relatives aux circonstances et motifs réels de son licenciement.

MOTIFS

Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur évoque dans la lettre de licenciement divers faits traduisant selon lui l'insuffisance professionnelle de M. Y... dans l'exécution de ses tâches de Directeur opérationnel.

L'insuffisance professionnelle, qui n'est jamais une faute disciplinaire, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée notamment par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte volontaire ou d'un manquement volontaire mais, par exemple, du fait de son insuffisance professionnelle dans les tâches accomplies, de son incompétence dans l'exécution de ses tâches ou de son inadaptation professionnelle à l'emploi exercé.

Aux termes de la lettre du 26 février 2014, les motifs du licenciement sont les suivants : ' Nous donnons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 19 février dernier. Les éléments recueillis de votre part ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation. De fait, vous êtes licencié par la voie des présentes pour insuffisances professionnelles, décision qui intervient pour les motifs évoqués ci-après. Vous avez été engagé en qualité de Directeur opérationnel par les MENUISERIES ARIÉGEOISES le 03/12/2012.

1° ) Comme je vous l'avais demandé et à l'occasion de la fermeture annuelle de l'usine, vous avez procédé le 24/12/2013 à un inventaire du stock de bois présent dans le hangar des MENUISERIES ARIÉGEOISES . Le 30/12/2013, j'ai pu prendre connaissance de cet inventaire que vous aviez laissé à mon attention avant votre départ en congés. Ce document m'a interpellé, en particulier dans la mesure où il n'était accompagné d'aucune étape préparatoire ayant permis de réaliser ce travail (relevé manuscrit de toutes les spécifications identifiant tous les produits en stock). Par ailleurs, cet inventaire m'a semblé faux. Joint par téléphone, je vous ai demandé pourquoi cet inventaire final n'était accompagné d'aucun des travaux préparatoires. Visiblement très gêné, vous m'avez indiqué que vous n'aviez pas conservé ces documents. Vous m'avez cependant affirmé avoir réellement effectué cet inventaire. Votre réponse ne m'a pas convaincu et j'ai chargé Monsieur Jean-Louis B..., Directeur de production, de réaliser un nouvel inventaire des bois secs en avives stockés dans le hangar des MENUISERIES ARIÉGEOISES . Celui-ci s'est fait assister de Monsieur Robert D... dès la reprise, le 02/01/14.

Les écarts sont considérables : (...) De toute évidence, cet inventaire a été totalement bâclé. Ces faits sont pour nous inacceptables, compte tenu de votre niveau de responsabilités et du caractère particulièrement simple d'une mission effectuée l'exercice précédent aux côtés de M. B... et que vous seul aviez décidé de réaliser pour vous-même à chaque fin de mois. En effet, engagé en qualité de Directeur opérationnel avec, à terme, la perspective de succéder à M. B..., et pour d'autres tâches, de prendre ma succession, il est inconcevable que, sur une mission aussi basique qu'un inventaire du stock, vous ayez pu faire preuve d'autant de négligences et approximations. Ceci met à jour des insuffisances professionnelles réelles qui viennent s'ajouter à d'autres constats amenant à la même conclusion.

2° ) Ainsi, pour ce qui concerne ces dernières semaines : - Le 03/12/13 les fonds 107 S taille Y ont été panneautés 5 cm trop large, comme les dessus, entraînant une perte de 10 % sur le bois, cette même erreur s'est reproduite le 3/02/2014. - Le 04/12/12 les fonds 101 Q0 taille S étaient panneautés 8cm trop large, soit une perte d'environ 12 % sur le bois, tandis que le dessus était trop large de 4 cm, soit une perte d'environ 6 % . M. B... vous avait pourtant alerté sur ces problèmes afin qu'ils ne se reproduisent pas. Dans le même esprit, nous avons fait les constats suivants : - Le 02/12/13 : vous avez donné la priorité à la production de planches de caveaux alors que des dessus de 104 et de 171 étaient prioritaires pour satisfaire aux expéditions du jour ;

- Le 05/12/13 : une mauvaise planification de la production des socles 148 S a entraîné, comme souvent, une inactivité d'un certain nombre d'ouvriers démontrant une mauvaise organisation

- Le 06/12/13 étaient réalisés des socles 190 mais pas en quantité suffisante pour couvrir les besoins de l'encours de ceintures. Ce même jour, Monsieur E... s'est retrouvé dans l'incapacité de fabriquer des cadre de 186 parce que la série de pièces à disposition était incomplète ;

- Le vendredi 17/01/14 vous n'avez pas établi le planning des livraisons bois pour la semaine suivante à transmettrre aux Bois Ariégeois, ce qui a généré une rupture de stocks d'avivé pin et, par voie de conséquence, l'indisponibilité des modèles 104 ; Ces difficultés au jour le jour démontrent là encore des insuffisances professionnelles de votre part au travers d'un manque d'application et d'un défaut d'organisation de la production.

3° ) Sans surprise, elles ont également une traduction vis-à-vis de votre gestion du personnel :

Ainsi, M. William F..., chef d'équipe de l'atelier panneaux nous alertait dès le 6 décembre dernier des difficultés rencontrées sous vos ordres à la production de panneaux, puis à nouveau courant janvier compte tenu du manque d'organisation à l'oeuvre. Pour ce collaborateur, présent aux MENUISERIES ARIÉGEOISES depuis 16 ans, la situation a atteint une telle ampleur qu'il a jugé nécessaire de s'en ouvrir à

M. B.... Dans le même esprit, nous venons d'être alertés par Mme G... d'un différend très grave l'opposant à M. H..., qu'elle considère du fait du comportement de ce dernier comme à l'origine d'un état anxio-dépressif sévère, pour lequel elle est arrêtée depuis le 18/11/2013. L'absence d'alerte de votre part, l'absence d'assistance et/ou de proposition de démarches pour solutionner cette difficulté démontrent là encore une insuffisance professionnelle manifeste.

Ces problèmes de management humain nous apparaissent tout aussi graves que vos manquements organisationnels ou techniques. Ces différentes insuffisances sont très préjudiciables aux intérêts de l'entreprise '.

La cour observe en premier lieu que M. Y... , ingénieur diplômé de l'Ecole supérieure du bois, disposait d'une expérience professionnelle avérée lors de son embauche puisqu'il avait successivement occupé des postes de Responsable de production d'un site, Responsable logistique et Directeur d'usine de 1999 à 2012 au sein de la Sté GMPI, fabrique de mobilier de collectivité, que son engagement a été assorti d'une période d'essai de quatre mois pendant laquelle ses qualités professionnelles ont pu être appréciées par l'employeur, et que son travail n'a pas fait l'objet de la moindre observation pendant plus d'un an, jusqu'à l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ce qui amène à s'interroger quant à l'exactitude de la cause de licenciement retenue par l'employeur.

Cela étant, il convient d'examiner les griefs formulés par l'employeur dans la lettre de licenciement. S'agissant de l'inventaire, la cour relève que les résultats de cet inventaire n'ont pas été vérifiés en présence de M. Y... qui n'a pas été mis en mesure de fournir des explications sur les erreurs alléguées, mais surtout que cet incident n'a donné lieu à aucun reproche ou avertissement écrit, ce qui est particulièrement surprenant dès lors que, dans la lettre de licenciement, l'employeur qualifie cet inventaire de 'totalement bâclé' et ajoute qu'il est inconcevable que le salarié ait pu faire preuve d'autant de négligences et d'approximations. Au demeurant, à les supposer avérés, ces faits relèveraient beaucoup plus de la faute disciplinaire que de l'insuffisance professionnelle, l'employeur écrivant en ce sens dans ses conclusions que ' vu le nombre d'erreurs basiques, vu l'absence de tout document de travail qui n'aurait pas été conservé par lui, on peut penser, en définitive, que Y... ment et qu'il n'a, en réalité, jamais réalisé véritablement l'inventaire, ce qui paraît d'autant plus grave '. S'agissant de la production de panneaux, il apparaît que l'employeur n'évoque aucune erreur antérieure au mois de décembre 2013, ce dont il faut déduire que M. Y... n'a pas fait preuve de la moindre insuffisance professionnelle pendant plus d'un an, puis cite de multiples erreurs commises les 2, 3, 4, 5 et 6 décembre 2012, erreurs qui là encore n'ont pas donné lieu à la moindre observation de la part de la direction alors que celle-ci indique que B... avait été informé de ces problèmes dès le 6 décembre 2012 par M. F..., chef d'équipe. De plus, ce grief n'est étayé par aucun élément de preuve objectif. S'agissant de la gestion du personnel, il est produit un courrier daté du 15 janvier 2014, établi par M. F... à l'attention de M. C..., dans lequel ce chef d'équipe évoque les problèmes rencontrés dans la production de panneaux et son mécontentement concernant l'organisation de l'atelier et les méthodes de fabrication, sans toutefois citer le nom de M. Y.... M. Y... produit quant à lui une attestation établie le 24 avril 2014 conformément aux règles légales par M. I..., également chef d'équipe, indiquant que M. Y... a permis de gagner en autonomie sur la gestion de l'atelier et de l'équipe, et d'anticiper et gérer les priorités. Il ajoute que M. Y... est ouvert à l'échange, a mis en place une nouvelle organisation efficace dans l'atelier panneaux, et qu'il a su l'accompagner au quotidien dans ses missions de chef d'équipe. La SAS Les Menuiseries ariégeoises produit quant à elle une seconde attestation établie par M. I... le 5 janvier 2015, indiquant qu'en complément de son témoignage du 24 avril 2014 il tient à préciser qu'à différentes occasions au [...], il a ressenti la nécessité d'aller trouver B... pour lui faire part de dysfonctionnements récurrents constatés au sein de l'atelier panneaux, attestation qui ne saurait priver de toute valeur probante son premier témoignage.

S'agissant du différend ayant opposé deux salariés, Mme G... et M. H..., la SAS Les Menuiseries Ariégeoises reproche une absence totale de management de la part de M. Y... sur la base d'un courrier adressé le 30 janvier 2014 à M. C... par Mme G... : 'Depuis le 18 novembre, je suis en arrêt maladie pour angoisse dépressive car je ne supporte plus l'attitude de M. H... à mon égard. Depuis qu'il est à la journée, il n'a pas arrêté de me faire des réflexions sur mon travail. Il trouvait toujours quelque chose à me reprocher (...) Il voulait décider à ma place ce que je devais faire (...) Quand c'était lui qui passait les panneaux, il ne ralentissait pas sa cadence et ne tenait pas compte de ma vitesse pour les ranger (...) J'ai signalé tout cela à ma hiérarchie mais cela n'a rien changé, M. H... a continué à me harceler (...) J'ai demandé un premier entretien à M. Y.... Puis un deuxième avec M. Y... et M. D... pour me changer de poste et ne plus travailler avec M. H... mais cela m'a été refusé. Ils m'ont dit que je n'avais pas le choix, que je devais prendre sur moi et travailler avec lui bien que je leur ai signalé la situation et ma souffrance. (...) Je vous écris cette lettre car je ne supporte plus cette situation. Vous êtes mon dernier recours, ma dernière alternative car je n'en peux plus '. M. Y... réplique qu'il avait bien pris des mesures en ce qui concerne le comportement au travail de M. H... : - que face à l'attitude de M. H... qui multipliait les altercations au sein de l'entreprise, il lui a notifié un avertissement en main propre le 18 avril 2013, mais qu'il a ensuite découvert que cet avertissement, placé au dossier du salarié, portait une mention manuscrite apposée par M. J..., Directeur administratif et financier du groupe, indiquant : 'Cet avertissement a été annulé (l'exemplaire remis à M. H... a été déchiré par M. B... le 19 avril 2013). Le 23 avril 2013 M. H... est venu dans mon bureau pour me demander de le retirer de son dossier, je lui ai confirmé que si M. B... l'avait annulé...' ;

- que M. I... témoigne que 'M. Y... m'a demandé que M. H... K... ne travaille plus avec Mme G... en septembre, faite en présence de M. F... et M. D...'. En toute hypothèse, la manière dont l'employeur a géré le problème postérieurement au licenciement de M. Y... prive de toute pertinence le grief formulé à son encontre. Il a en effet proposé à Mme G... de changer de poste, et une convention de rupture du contrat de travail a ensuite été signée le 24 avril 2014, tandis qu'il a adressé à M. H... le 25 février 2014 un courrier dont le contenu laisse perplexe : '(...) Bien qu'il n'y ait, en la matière, aucun précédent vous concernant, que votre volonté de bien faire ne puisse être remise en cause, que rien ne vienne accréditer sérieusement l'existence de conduite, de votre part, vexatoire ou dénigrante, je ne puis laisser sans réponse la difficulté que m'expose Mademoiselle G.... J'ai donc décidé de proposer à cette dernière une évolution vers des missions différentes au sein de l'entreprise. De votre côté, je souhaite, par la présente, vous sensibiliser sur votre mode de communication qui a pu paraître par trop direct à Mademoiselle G... en vous engageant à plus de retenues vis-à-vis de vos collègues ou de rondeurs en n'hésitant pas à faire passer vos messages via la voie hiérarchique qui peut jouer, en ces circonstances, un rôle de médiation '.

En d'autres termes, l'employeur ne saurait tout à la fois reprocher à M. Y... de ne pas avoir su assurer la protection de Mme G... et, de son côté, tant au mois d'avril 2013 qu'au mois de février 2014, exonérer M. H... de toute responsabilité quant aux conséquences dommageables de son comportement pour des motifs qu'il ne précise pas.

Dans ces conditions, la cour juge que l'insuffisance professionnelle de

M. Y... ne constitue pas la cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Compte tenu de l'âge de M. Y..., de son ancienneté de seulement un peu plus d'un an, du montant de ses revenus, mais aussi des motifs de son embauche et des circonstances dans lesquelles est intervenu son licenciement, la SAS Les Menuiseries ariégeoises doit être condamnée à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La SAS Les Menuiseries ariégeoises, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens. M. Y... est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La SAS Les Menuiseries ariégeoises sera donc tenue de lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Foix en date du 16 décembre 2016 ; Juge que le licenciement de M. Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Condamne la SAS Les Menuiseries ariégeoises à payer à M. Y... la somme de 30 000,00 € à titre de dommages et intérêts ; Condamne la SAS Les Menuiseries ariégeoises aux entiers dépens de l'instance ; Condamne la SAS Les Menuiseries ariégeoises à payer à M. Y... la somme de 3 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. GARRIGUES, conseiller ayant participé au délibéré en remplacement du président empêché, et par A. M..., Greffier.

Le Greffier,P/Le Président empêché,

A. M...J-C. GARRIGUES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 17/00347
Date de la décision : 06/07/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 41, arrêt n°17/00347 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-06;17.00347 ?
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