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02/07/2018 | FRANCE | N°15/02209

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 02 juillet 2018, 15/02209


02/07/2018





ARRÊT N° 196





N°RG: N° RG 15/02209


CR/CD





Décision déférée du 20 Avril 2015 - Tribunal de Commerce de FOIX - 2013J00018


C. X...


























SARL BETERU





SA ALLIANZ





SA MECAMIDI





C/





SNC MOULIN DES ILLES





SARL SOGECOMCLER





SAS VICTOIRE





SA AXA

FRANCE IARD





SNC HUTCHINSON





SAS NETCO




























































































INFIRMATION PARTIELLE











Grosse délivrée





le





à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


***


COUR D'APPEL DE TOULOUSE


1ere Chambre Section 1


***


ARRÊT DU DEUX ...

02/07/2018

ARRÊT N° 196

N°RG: N° RG 15/02209

CR/CD

Décision déférée du 20 Avril 2015 - Tribunal de Commerce de FOIX - 2013J00018

C. X...

SARL BETERU

SA ALLIANZ

SA MECAMIDI

C/

SNC MOULIN DES ILLES

SARL SOGECOMCLER

SAS VICTOIRE

SA AXA FRANCE IARD

SNC HUTCHINSON

SAS NETCO

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DEUX JUILLET DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANTES

SARL BETERU

[...]

[...]

Représentée par Me Benoît CHEVREL-BARBIER de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

SA MECAMIDI

[...]

Représentée par Me Jean-Paul BOUCHE de la SELEURL BOUCHE Jean-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE

SA ALLIANZ venant aux droits de la Société GAN EUROCOURTAGE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Francis NIDECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Nadia ZANIER de la SCP INTER-BARREAUX RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

SNC MOULIN DES ILLES

[...]

Représentée par Me Laurent SABOUNJI, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Mathieu GENY de la SCP PGTA, avocat au barreau de GERS

SARL SOGECOMCLER

[...] -[...]

[...]

Représentée par Me Laurent SABOUNJI, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Mathieu GENY de la SCP PGTA, avocat au barreau de GERS

SAS VICTOIRE

La Borie Sèche

[...]

Représentée par Me Laurent SABOUNJI, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Mathieu GENY de la SCP PGTA, avocat au barreau de GERS

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

313 Terrasses de l'Arche

[...]

Représentée par Me Gilles C..., avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Luc R... de la D... , avocat au barreau d'ARIEGE

SNC HUTCHINSON prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Françoise TROUCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Jean-Marc SOUCHET, avocat au barreau de PARIS

SAS NETCO prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me S... de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

SELARL EGIDE prise en la personne de Maître Stéphane G... es qualité de mandataire judiciaire de la SA MECAMIDI,

[...]

sans avocat constitué

Scp I...-K...-H... prise en la personne de Maître Christian I... es qualité d'administrateur judiciaire de la SA MECAMIDI

[...]

[...]

sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 6 Novembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

D. FORCADE, président

C. ROUGER, conseiller

C. MULLER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, conseiller, en lieu et place du président empêché, et par M. TANGUY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Afin de construire et d'exploiter une centrale hydroélectrique à Prat Bonrepaux (09), au bord de la rivière le Salat, la Snc Moulin des Illes a :

- confié le 27 mai 2006 un marché de maîtrise d'oeuvre complète à la Sarl Beteru

- confié le 27 février 2007 un marché de réalisation des lots n° 3 (turbine) et n° 4 (multiplicateur) à la Sa Mecamidi.

La réception des lots 3 et 4 a été prononcée le 30 juillet 2008, avec certaines réserves.

Le 22 juillet 2011, sont apparus des dysfonctionnements et un sinistre bris de machine. La centrale a été arrêtée.

Suite à déclaration de sinistre du 22 juillet 2011 de la Snc Moulin des Illes auprès de son assureur, la Sa Axa France Iard a mandaté le Cabinet Polyexpert, lequel, selon rapport du 19 janvier 2012, a conclu à une absence de garantie.

La Snc Moulin des Illes a engagé une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce de Foix, en référé et au fond.

Par ordonnance du 23 janvier 2012 une expertise a été ordonnée, confiée à M. J..., mesure étendue par ordonnance du 18 juillet 2012 aux différentes parties en cause, et il a été sursis au fond dans l'attente du rapport d'expertise par jugements des 9 juillet 2012 et 27 mai 2013.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 20 juin 2014.

Par jugement contradictoire en date du 20 avril 2015, le tribunal de commerce de Foix a :

- constaté que les sociétés Sogecomcler et Victoire n'ont aucun intérêt à agir

- homologué purement et simplement le rapport d'expertise de monsieur J...

- constaté que la société Beteru n'a pas rempli ses obligations contractuelles prévues au marché

- dit la Snc Moulin des Illes bien fondée en fait et en droit à constater la défaillance de la société Beteru dans l'exécution des ses obligations contractuelles

- constaté que la société Mecamidi n'a pas rempli ses obligations contractuelles prévues au marché

- dit la Snc Moulin des Illes bien fondée en fait et en droit à constater la défaillance de la société Mecamidi dans l'exécution des ses obligations contractuelles

- mis la société Netco hors de cause

- condamné la Snc Moulin des Illes à payer à la société Netco la somme de 1.500 euros au titre de l''article 700 du code de procédure civile

- mis la société Hutchinson hors de cause

- condamné la Snc Moulin des Illes à payer à la Snc Hutchinson la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- jugé que le principe de la solidarité des condamnations sollicité par la Snc Moulin des Illes est totalement inéquitable au cas d'espèce et que chaque partie doit supporter les conséquences de ses propres responsabilités

- jugé que la responsabilité du sinistre survenu au préjudice de la Snc Moulin des Illes doit étre partagée à égalité par la société Beteru et la société Mecamidi

- jugé qu'elles devront en supporter dans la même proportion les conséquences au titre des dommages dus à la Snc Moulin des Illes

- fixé à la somme de 223.860 euros HT le montant du préjudice subi par la Snc Moulin des Illes au titre des dommages matériels

- condamné la société Beteru à payer à la Snc Moulin des Illes 50 % de cette somme soit 111.930 € HT

- condamné la société Mecamidi à payer à la Snc Moulin des Illes 50% de cette somme soit 111.930 € HT

- fixé à la somme de 431.025,58 € HT le montant du préjudice subi par la Snc Moulin des Illes au titre des dommages immatériels

- condamné la société Beteru à payer à la Snc Moulin des Illes 50 % de cette somme soit 215.512,79 € HT

- condamné la société Mecamidi à payer à la Snc Moulin des Illes 50% de cette somme, soit 215.512,79 € HT

- condamné les sociétés Beteru et Mecamidi à payer chacune à la Snc Moulin des Illes la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- jugé que la compagnie Axa doit sa garantie à la Snc Moulin des Illes et doit l'indemniser à concurrence des préjudices subis tant au titre des dommages matériels qu'au titre des dommages immatériels, sous déduction des franchises du contrat

- jugé que le paiement de ces sommes à la Snc Moulin des Illes produira subrogation des droits de cette dernière à l'égard des sociétés Beteru et Mecamidi

- condamné la compagnie Axa à payer à la Snc Moulin des Illes la somme de 4.000 € au titre de I'article 700 du code de procédure civile

- jugé que la compagnie Allianz doit sa garantie à la société Mecamidi sur le terrain de la responsabilité civile professionnelle et doit relever et garantir la société Mecamidi des condamnations prononcées à son encontre sous déduction des éventuelles franchises prévues au contrat

- débouté la compagnie Axa de toutes ses demandes

- débouté la compagnie Allianz de toutes ses demandes

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution

- condamné les sociétés Beteru, Mecamidi, Axa et Allianz à supporter chacune un quart des dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise et ceux du référé expertise.

La société Axa a réglé à la Snc Moulin des Illes la somme de 419.210€ le 29 mai 2015.

Par déclaration en date du 5 mai 2015, la Sarl Beteru a interjeté appel général de ce jugement.

Par déclaration en date du 22 mai 2015, la Sa Mecamidi a interjeté appel général de ce jugement.

Par déclaration en date du 3 juin 2015, la Sa Allianz, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, a interjeté appel général de ce jugement.

Par ordonnances en date du 18 juin 2015, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces affaires sous le seul numéro RG 15/02209.

Par ordonnance en date du 16 août 2015, le premier président de la cour d'appel a prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Par ordonnance en date du 25 août 2015, le conseiller de la mise en état a donné acte à la Sarl Beteru de son désistement d'appel à l'égard de la Sarl Sogecomcler et de la Sas Victoire.

La société Mecamidi a été placée en redressement judiciaire le 8 juin 2017, la Scp I...-K...-H... ayant été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl Egide en qualité de mandataire judiciaire. Par décision du 4 juillet 2017 le premier président de la cour d'appel a suspendu l'exécution provisoire attachée à ce jugement.

Par acte du 15 septembre 2017 la Sa Axa France Iard a assigné lesdits administrateur et mandataire judiciaires en reprise d'instance avec signification de ses conclusions à personne habilitée.

Par actes des 25 et 26 octobre 2017 les sociétés Netco et Beteru ont aussi assigné les mêmes ès-qualités à comparaître devant la cour.

La société Mecamidi a quant à elle constitué avocat devant la cour en la personne de Maître Jean-Paul Bouche, lequel, par lettre du 30 octobre 2017, a indiqué ne plus avoir d'instruction de sa cliente ni de ses dirigeants et avoir mis fin à sa mission en dégageant la responsabilité de son cabinet par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2015. Il n'a néanmoins fait l'objet d'aucune déconstitution avec nouvelle constitution d'avocat.

*

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 24 octobre 2017, la Sarl Beteru (Bureau d'Etudes Techniques d'Equipement Rural et Urbain), appelante, demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel

- dire que sa responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et que le maître d'oeuvre n'est tenu qu'à une obligation de moyen

- constater que l'arrêt de la centrale est lié à des erreurs de fabrication et/ou de livraison concernant exclusivement les courroies du multiplicateur

- dire qu'il n'y a lieu au remplacement du multiplicateur

- dire que seuls seront tenus à réparation des préjudices matériels et préjudices annexes les auteurs de ces erreurs

- la mettre hors de cause et condamner tout succombant à lui régler la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles

Subsidiairement,

- ordonner une nouvelle expertise

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que le multiplicateur a été fabriqué et conçu par la Sa Mecamidi

- condamner la Sa Mecamidi seule à réparation sous réserve de son recours contre la société Hutchinson

- la mettre hors de cause

A titre encore plus subsidiaire,

- dire n'y avoir lieu au remplacement du multiplicateur, mais à sa seule modification

- limiter le coût des réparations à 93.458 € HT

- dire que la perte de production n'est pas égale à la perte effectivement subie par la société Moulin des Illes

- ordonner une nouvelle expertise compte tenu des erreurs commises par l'expert

- limiter les préjudices immatériels à la valeur moyenne de perte de production (190.820 €)

- rejeter toutes plus amples demandes

- fixer sa créance au redressement correspondant au montant de la demande de la Snc Moulin des Illes soit 859.582,45 €, et la créance correspondant à la demande de condamnation formée au titre des frais d'expertise, les dépens de référé, première instance et appel

-condamner tout succombant à lui régler la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 août 2015, la société Mecamidi, appelante, demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté qu'elle n'a pas rempli ses obligations contractuelles et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Snc Moulin des Illes la somme de 119.930 € HT au titre des dommages matériels et 215.512,79 € HT au titre des dommages immatériels

- constater qu'elle a répondu à un marché pour l'installation d'une génératrice à courroie le 27 février 2007

- constater qu'elle a respecté ses engagements

- dire qu'elle ne peut être condamnée

- condamner la Snc Moulin des Illes à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Subsidairement,

- prendre acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que seule la société Beteru a rédigé les cahiers des clauses techniques particulières avec toutes les caractéristiques tenant lieu de marché

- constater qu'elle s'est conformée à ces exigences

- la mettre hors de cause

A titre encore plus subsidiaire,

- dire qu'il n'y a lieu au remplacement du multiplicateur mais à sa seule modification

- dire qu'elle ne peut être condamnée au titre du préjudice immatériel

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société Allianz lui doit sa garantie sur le terrain de la responsabilité civile professionnelle et lui doit sa garantie au titre des condamnations prononcées à son encontre sous déduction des éventuelles franchises prévues au contrat

- dire que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent s'appliquer.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 octobre 2017, la Sa Allianz, appelante, demande à la cour de :

A titre principal,

- dire que ses garanties sont non mobilisables quel que soit le fondement de la responsabilité de son assurée tant au bénéfice de la société Mecamidi qu'au bénéfice des tiers et, notamment, la société Moulin des Illes

- réformer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la société Mecamidi des condamnations prononcées à son encontre

- rejeter toute demande formée à son encontre et, notamment, la demande de la société Moulin des Illes

- prononcer sa mise hors de cause

- condamner in solidum les sociétés Moulin des Illes et Mecamidi au paiement d'une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de l'instance en référé que de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Francis Nidecker en application de l'article 699 du code de procédure civile

A titre subsidiaire, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil,

S'agissant du préjudice matériel,

- rejeter purement et simplement les demandes de la société Moulin des Illes

- ce faisant, réformer le jugement dont appel en ce qu'il a alloué à la société Moulin des Illes la somme de 223.860 € HT et condamné la société Mecamidi au paiement d'une somme de 111.930 € HT

- à défaut, dire que le sinistre consécutif à la mise en oeuvre des travaux de réparation est la conséquence d'une erreur de conception générale imputable de manière prépondérante à la société Beteru et à la société Hutchinson et, dans une part minoritaire, à la société Mecamidi

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé la part de responsabilité de la société Mecamidi à 50 %

- dire qu'en vertu du principe indemnitaire, l'indemnisation de la société Moulin des Illes sera limitée à la somme de 251.983,75 € HT et confirmant sur ce point le jugement entrepris, rejeter le surplus des demandes

S'agissant du préjudice immatériel,

- dire que les préjudices immatériels invoqués par la société Moulin des Illes avant travaux de réparation sont la conséquence de défauts affectant les 4 premières courroies successivement mises en oeuvre sur la centrale litigieuse qui sont étrangers à la société Mecamidi

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a alloué à la société Moulin des Illes la somme de 362.325,86 € HT et a condamné la société Mecamidi au paiement de la somme de 181.162,93 € HT

- dire que les préjudices de ce chef ne sauraient excéder la somme de 253.814,63 € HT

- débouter la société Moulin des Illes et/ou toute autre partie de leurs prétentions de ce chef à l'encontre de la société Mecamidi et de son assureur la société Allianz

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a alloué à la société Moulin des Illes la somme de 68.699,72 € HT au titre des préjudices découlant des travaux de remplacement du multiplicateur et a condamné la société Mecamidi au paiement d'une somme de 34.349,86 € HT

- dire que les préjudices de ce chef ne sauraient excéder la somme de 2.959,88 €

- débouter la société Moulin des Illes de sa demande de condamnation à son encontre au paiement d'une somme complémentaire de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter la société Moulin des Illes et/ou toute autre partie de leurs prétentions de ce chef à l'encontre de la société Mecamidi et de son assureur Allianz

- dire que si les travaux de réparation étaient éventuellement nécessaires, les conséquences immatérielles constituées par les pertes d'exploitation seraient mises à la charge des constructeurs dans les mêmes proportions que la responsabilité des coûts de travaux de réparation

En toutes hypothèses, réformant le jugement de ces chefs,

- dire qu'il sera fait application des conditions et limites de garantie de la police qu'elle a consentie à la société Mecamidi faisant état d'une absence de garantie des prestations réalisées par la société Mecamidi

- dire que pour toutes condamnations au titre des préjudices immatériels, elle est en droit d'opposer sa franchise de 10 % avec un minimum de 20.000€ et un maximum de 60.000 €

- condamner in solidum les société Beteru, Hutchinson et Netco à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre

- condamner in solidum tout succombant au paiement d'une somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Francis Nidecker en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 2 novembre 2017, les sociétés Moulin des Illes, Sogecomcler et Victoire, intimées, appelantes incidentes, demandent à la cour de :

- réformer partiellement le jugement dont appel

- débouter les sociétés Axa, Beteru, Allianz venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, Hutchinson et Netco de toutes demandes, fins, conclusions contraires

- condamner in solidum les sociétés Axa, Beteru, Allianz venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, Hutchinson et Netco à leur payer les sommes de 398.868,38 € HT au titre du préjudice matériel, 9.688,44 € au titre du nouveau sinistre survenu le 4 septembre 2014 et 431.025,63 € au titre du préjudice immatériel

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la Selarl Egide et à la Scp I...

- à titre subsidiaire, fixer la créance de la Snc Moulin des Illes à la procédure de redressement judiciaire de la Sa Mecamidi à la somme globale de 879.343,80 €

- ajoutant au jugement entrepris, condamner in solidum les sociétés Axa, Beteru, Allianz venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, Hutchinson et Netco à leur payer la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux de référé, dont le coût d'expertise judiciaire, de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître SABOUNJI, avocat, aux offres de droit.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 octobre 2017, la société Axa France Iard, intimée, appelante incidente, demande à la cour de :

A titre principal,

- dire que la Snc Moulin des Illes a effectué une fausse déclaration ne lui ayant pas permis d'avoir une appréciation exacte du risque et déclarer en conséquence nul et sans effet le contrat les liant

- débouter en conséquence la Snc Moulin des Illes de ses demandes et la condamner au remboursement des sommes versées assorties des intérêts au taux légal depuis le 22 mai 2015

A titre subsidiaire,

- condamner les parties intervenantes qui seront déclarées responsables des dysfonctionnements de la centrale sur un fondement contractuel ou délictuel à la relever et la garantir des condamnations dirigées à son encontre

- condamner la société Beteru à lui rembourser la somme de 419.210€ assortie des intérêts au taux légal depuis le 22 mai 2015

- fixer le montant de sa créance à l'égard de la Sa Mecamidi à la somme de 419.210 €

- lui allouer une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la décharger intégralement des dépens de première instance et d'appel y compris du coût de l'expertise.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 26 octobre 2015, la société Hutchinson, intimée, appelante incidente, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel

- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes principales et subsidiaires en garantie à son encontre

- condamner solidairement les sociétés Beteru, Mecamidi et Allianz à lui payer la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement dont appel

- limiter le montant maximum d'indemnisation pouvant être mis à sa charge à 2.499,64 € HT

- condamner les sociétés Netco, Beteru et Mecamidi solidairement à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre

- condamner solidairement les sociétés Netco, Beteru et Mecamidi à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 23 octobre 2017, la société Netco, intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que la société Moulin des Illes n'a pas précisé la destination de la courroie lors de sa commande auprès d'elle

- dire que le sinistre résulte d'un défaut de conception initial, étranger à la société Netco

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause

- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens

A titre subsidiaire,

- limiter sa responsabilité éventuelle à 5 %

- débouter la société Moulin des Illes de l'ensemble de ses demandes au titre du préjudice matériel et de ses pertes d'exploitation

- débouter l'ensemble des parties des demandes formées à son encontre

- en toute hypothèse les ramener à de plus strictes proportions

En toute hypothèse,

- condamner in solidum les sociétés Mecamidi, Beteru, Hutchinson, Moulin des Illes et les assureurs, Allianz et Axa, à la relever et garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre

- les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR:

1°/ Sur la présence à l'instance des sociétés Sogecomcler et Victoire

Dans le dispositif des dernières écritures notifiées par la Snc Moulin des Illes et les sociétés Sogecomcler et Victoire, il n'est formé aucune demande de réformation du jugement entrepris en ce que le premier juge a constaté que les sociétés Sogecomcler et Victoire n'ont aucun intérêt à agir. Dès lors, cette disposition ne peut qu'être confirmée.

2°/ Sur la mise en cause de Mecamidi et son mandataire judiciaires

En l'état des dernières écritures des parties constituées et des pièces produites, la seule information donnée à la Cour relativement à la situation juridique de la société Mecamidi est qu'elle a été placée en redressement judiciaire le 8 juin 2017, la Scp I...-K...-H... ayant été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl Egide en qualité de mandataire judiciaire, et que par décision du 4 juillet 2017 le premier président de la cour d'appel a suspendu l'exécution provisoire attachée à ce jugement.

Ni l'administrateur judiciaire, ni le mandataire judiciaire, régulièrement appelés en cause d'appel n'ont constitué avocat.

Ayant été assignés à personne habilitée en application de l'article 654 du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

La Snc Moulin des Illes a procédé à la déclaration de sa créance telle qu'elle résultait du jugement de première instance entre les mains de Me G... membre de la Selarl Egide par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 3 octobre 2017 (pièce 89). Ses prétentions tendent au principal au prononcé d'une condamnation à l'encontre de la Sa Mecamidi, subsidiairement à la fixation de sa créance.

Aucun justificatif n'étant produit quant à l'effectivité d'un redressement judiciaire en cours suite à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 8 juin 2017, la demande de la Snc Moulin des Illes tendant au prononcé d'une condamnation à l'encontre de la Sa Mecamidi se trouve recevable.

3°/ Sur l'action en garantie diligentée sur le fondement de l'article 1792 du code civil

Selon les dispositions de l'article 1792-7 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005 ne sont pas considérés comme des éléments d'équipements d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipements, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle.

En l'espèce, la Snc Moulin des Illes a envisagé la réhabilitation du moulin des Illes pour l'aménagement d'une centrale hydroélectrique avec prise d'eau sur la rivière le Salat.

Pour ce faire elle a signé le 13 juin 2006 un marché de maîtrise d'oeuvre avec le bureau d'études Beteru chargé d'établir les études d'avant-projet définitif (surfaces détaillées des éléments du programme, plans, coupes, façades, dimensions et aspect de l'ouvrage, définition des principes constructifs, de fondations et de structures avec dimensionnement indicatif, définition des matériaux, estimatif des travaux décomposé par lots, assistance au maître de l'ouvrage pour arrêter définitivement le programme et procéder à certains choix d'équipements en fonction des coûts d'investissement, d'exploitation et de maintenance), d'assister le maître d'ouvrage pour la constitution du dossier administratif de permis de construire et de la demande de travaux en rivière, le dossier et l'étude architecturale devant être établis par un architecte choisi par le maître de l'ouvrage, d'assister le maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux avec établissement du dossier de consultation des entreprises, d'assurer la direction des contrats de travaux, d'assister le maître de l'ouvrage aux opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.

Puis le 27 février 2007 elle a signé avec la société Mecamidi deux marchés concernant le lot n° 3 «Turbine» et le lot n° 4 «Multiplicateur».

Le cahier des clauses administratives particulières prévoyait une répartition des travaux en sept lots traités par marchés séparés: lot 1 «Terrassements», lot 2 «génie civil», lot 3 «turbine», lot 4 «électricité et automatismes», lot 5 «multiplicateur», lot 6 «ventellerie», lot 7 «alternateur».

Seul est concerné par le présent litige le lot afférent au multiplicateur, élément d'équipement nécessaire à l'exploitation de la centrale hydroélectrique de la Snc Moulin des Illes.

Cette dernière indique elle-même que le bâtiment a été construit autour des machines.

Les photographies et ordres de service concernant les travaux de remplacement réalisés en mai 2015 (dépose et repose) établissent que le multiplicateur en cause pouvait être démonté et remonté sans détérioration ou enlèvement de matière au bâti. En cours d'expertise la génératrice a d'ailleurs été déposée sans difficultés particulières.

Cet élément d'équipement ne formait donc pas indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Il en résulte que les désordres ayant affecté ce multiplicateur et les dommages consécutifs, tant matériels qu'immatériels, ne relèvent pas d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 du code civil et que la responsabilité décennale ne peut être recherchée par la Snc Moulin des Illes à l'encontre ni du maître d'oeuvre Beteru, ni de Mecamidi, fournisseur du multiplicateur.

4°/ Sur les causes du sinistre du 22 juillet 2011

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la courroie dite C4 (4ème courroie mise en place), en aramide, a été installée le 3 février 2010 et a rompu le 22 juillet 2011 après avoir fonctionné pendant 10.984 heures, provoquant l'arrêt de la centrale pendant 15 mois.

L'expert a constaté le 28 février 2012 que cette courroie, encore en place, était fortement usée et présentait des arrachements de dents et qu'une grande quantité de poussière de caoutchouc se trouvait sur le sol, les paliers et les grilles d'aération de la génératrice. Il a conclu qu'avant remise en route de la centrale avec une nouvelle courroie il convenait de contrôler la génératrice ainsi que d'autres éléments.

Auparavant, depuis la mise en circulation, les deux premières courroies (C1 et C2) avaient dû être changées suite à des erreurs de livraison et de fabrication reconnues par l'ensemble des parties à l'expertise. La courroie n° 3 a été remplacée principalement pour des problèmes de bruit.

L'expert précise que cette courroie C4 n'était pas adaptée pour ce type de centrale hydro-électrique mais qu'elle a cependant permis de mettre en évidence des problèmes de conception, son usure ayant été probablement accélérée par les problèmes de conception relevés à savoir:

- un entraxe des deux poulies situé à la valeur limite du minimum acceptable

- un diamètre de la petite poulie à une valeur très proche de la valeur minimale autorisée imposant des contraintes mécaniques importantes aux courroies

- un rapport de transmission (8,7) très largement supérieur aux rapports couramment utilisés dans la majorité des centrales de ce type (5)

- une longueur de courroie utilisée proche de la longueur limite pour ce type de courroies, les courroies utilisées dans cette installation étant toujours à leur limite d'utilisation

- une longueur maximum possible en déroulé des courroies empêchant d'avoir un rapport de transmission faible, des diamètres de poulies plus grands, des entraxes plus importants qui permettraient de transporter la puissance fournie.

L'expert conclut que:

- étant donné la position de la turbine, la solution qui consisterait à conserver la génératrice de 750 tr/m en augmentant le diamètre de la poulie n'est pas possible (entraxe et longueur de courroie trop important), les calculs étant explicités en page 44 du rapport

- l'utilisation d'une génératrice de 500 tr/m reste possible mais les calculs montrent que si l'on utilise un diamètre de génératrice de 400 mm la longueur de la courroie devient très proche voire dépasse les longueurs maximales autorisées.

Lors de la réunion d'expertise du 4 septembre 2013 l'expert a constaté que depuis le 11 octobre 2012 une cinquième courroie avait été installée et fonctionnait depuis 7184 heures pendant une période de 11 mois. Il a noté sur le fonctionnement de la génératrice que lorsque le «S» sortait de la poulie de la turbine le brin mou de la courroie vibrait et qu'au niveau de ce «S» la courroie subissait un déplacement vertical d'environ 2 à 3 mm. Il a aussi noté, à l'arrêt, sur toute la longueur de la courroie, une usure visible à l'oeil nu sur le dessus de la 14ème dent en partant du bas, une coloration cuivrée sur le sommet de la 14ème dent de la grande poulie et trois zones de couleur différentes sur la petite poulie.

L'expert s'est de nouveau rendu sur les lieux le 25 février 2014 après que le gardien de la centrale ait constaté des battements anormaux de la courroie, une réduction du bruit et l'augmentation du dépôt de poussière noire. L'expert a constaté l'absence de bruit de claquement, un dépôt de poussière noire aux alentours du multiplicateur, au niveau de la sortie de la courroie, sur les grilles d'aération de la génératrice. Il a constaté que la fréquence de vibration de la courroie (13 Hz) était tout à fait anormale et indiquait que la courroie s'était détendue, phénomène entraînant la disparition du bruit de claquement et l'apparition d'un glissement plus important provoquant la production des poussières noires, confirmant que le bruit de claquement était directement lié à la tension de la courroie. Il a précisé que le glissement de la courroie pouvait s'expliquer par l'usure de la courroie, par la déformation de sa structure ou par la puissance transmise. Il a indiqué que le faible diamètre de la petite poulie nécessitait une tension de la courroie très importante, laquelle tension, alliée au glissement, entraînait une usure rapide et peut- être même une déformation. Il a relevé que la production rapide de ce phénomène était très probablement corrélée à la forte puissance produite par la centrale au mois de janvier 2014. Il en a déduit que tant que les puissances fournies sont basses la centrale fonctionne sans problème apparent mais que dés que les puissances dépassent 320 kW, les problèmes apparaissent. Tel a été le cas en 2011, où avait été enregistrée une puissance de 380 kW, les puissances de décembre 2013 et janvier 2014 ayant quant à elles dépassé les 320 kW et ce, alors que contractuellement, la génératrice est capable de fournir 400 kW.

Sur les préconisations de l'expert il a été procédé le 10 avril 2014 à une tension de la courroie. Après de nouveaux calculs de bruyance et du glissement, l'expert a observé une diminution du glissement corrélativement à l'augmentation de la tension, ce qu'il indique être normal, une augmentation du glissement depuis le 25 février au niveau de la petite poulie, les bruits de claquement ayant disparu des suites de l'usure de courroie, phénomène qui selon lui ne pouvait que s'amplifier, et il a conclu que pour éviter un glissement trop important il faudrait soit augmenter le diamètre de la petite poulie de façon significative, soit tendre encore davantage la courroie par augmentation de la fréquence, ce qui entraînerait davantage de bruit et une usure bien plus importante qui détruirait rapidement la courroie.

Après toutes ses constatations, analyses et mesures, l'expert conclut que sur le plan technique la conception du multiplicateur est telle que l'ensemble des cotes utilisées font que la courroie est très près de, voire dépasse, ses limites d'utilisation ce qui se traduit par une usure prématurée de la courroie largement supérieure à une usure normale et par une bruyance au-delà du seuil contractuel. Il indique qu'au stade de la conception ces problèmes étaient prévisibles:

- diamètre de la petite poulie trop petit au regard de la puissance à transmettre

- rapport de transmission important (8,7) sachant qu'un rapport de 5 est communément employé dans ce type de transmission

- entraxe des deux poulies à la limite inférieure

- tension de la courroie très importante à cause du diamètre de la petite poulie et de la puissance à transmettre (usure accrue de la courroie et des paliers)

- bruit prévisible à cause de la forme en «S» d'une partie de la courroie et de la tension de celle-ci

-puissance maximum de la centrale de 400 kW en valeur contractuelle alors que la courroie installée ne peut transmettre que 384 kW .

Il en retient que le multiplicateur conçu entraîne une usure importante des courroies, lesquelles doivent être régulièrement retendues sous peine d'augmentation du glissement générant une perte d'exploitation et une usure irréversible et conclut qu'un tel multiplicateur n'aurait jamais dû être construit et que pour la centrale du Moulin des Illes il aurait fallu utiliser un multiplicateur à engrenage ou installer une machine synchrone en bout d'arbre de la turbine équipée d'une électronique associée, solutions qui existaient le jour de la conception du multiplicateur.

Ces constatations et analyses ne peuvent être utilement remises en cause par le rapport d'expertise non contradictoire de M. L..., mandaté par Beteru après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, daté du 23 juillet 2015, lequel ne s'est jamais rendu sur place et n'a donc vu ni l'installation ni les courroies et se contente de valider les choix techniques de conception en se retranchant derrière les interventions de la société Hutchinson. Or le représentant de cette dernière lors de la réunion d'expertise du 4 juillet 2012 a expressément indiqué que compte tenu de la génératrice choisie la société Mecamidi avait demandé à Hutchinson que les calculs de dimensionnement soient refaits pour que la vitesse de la génératrice atteigne 750 tours, que les calculs fournis par Hutchinson pour les nouvelles dimensions donnaient un rapport de 8,7, ce rapport n'étant pas couramment utilisé pour la transmission de telles puissances, et qu'une alerte avait été donnée par le logiciel d'Hutchinson, les poulies et les courroies ayant néanmoins été fabriquées. Il a été précisé lors de la réunion d'expertise du 18 septembre 2012 par le représentant de la société Hutchinson que lors de la transmission des résultats ci-dessus, elle aurait mis en garde oralement la société Mecamidi sur le fait que le rapport demandé (8,7) était en dehors des spécifications de la courroie. L'avis de M. L... qui considère que le rapport de 8,7 n'est pas exceptionnel et a été validé par Hutchinson n'est donc pas de nature à remettre utilement et objectivement en cause les analyses de l'expert judiciaire sur la conception du multiplicateur. Par ailleurs M. L... fait totalement l'impasse sur le phénomène de glissement observé sur site par l'expert judiciaire.

Après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le 7 mai 2015, il a été constaté par huissier de justice (pièce 53 de la Snc) que la courroie était endommagée sur environ 13 centimètres de longueur et deux centimètres de hauteur alors que la puissance active de la centrale relevée était de 348kW et que la tension de la courroie oscillait entre 14 et 15 Hz.

De ces éléments, qui ne sont pas utilement techniquement et objectivement combattus, il ressort que, quelles que soient les courroies installées, y compris la dernière (C5), parfaitement adaptée à une centrale hydroélectrique (modèle Micro Hydro HTTP), leur usure prématurée et rapide est inhérente à la conception du multiplicateur.

Il en résulte que le sinistre du 22 juillet 2011 a pour cause déterminante, non une non conformité de la courroie n° 4, mais un défaut de conception du multiplicateur.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Netco, fournisseur de cette quatrième courroie.

De même la responsabilité de la société Hutchinson en qualité de fabricant de cette quatrième courroie ne peut être recherchée dans la survenance du sinistre objet du présent litige.

5°/ Sur les responsabilités

Le contrat de maîtrise d'oeuvre signé entre la Snc Moulin des Illes et Beteru le 18 mai 2006 pour la réalisation de la centrale hydroélectrique des Illes est un marché de maîtrise d'oeuvre complète comprenant notamment la réalisation d'études d'avant projet devant permettre au maître de l'ouvrage d'arrêter définitivement le programme et certains choix d'équipements en fonction de l'estimation des coûts d'investissement, d'exploitation et de maintenance, le maître d'oeuvre devant remettre au maître de l'ouvrage le descriptif détaillé des solutions techniques retenues et notamment des installations techniques, l'assistance pour la passation des contrats de travaux avec préparation de la consultation des entreprises sur la base de pièces administratives et techniques et établissement d'un dossier de consultation des entreprises, l'analyse des offres et notamment des méthodes et solutions techniques en s'assurant qu'elles sont assorties de toutes justifications et avis techniques, sans omission, erreurs ou contradictions normalement décelables par un homme de l'art, l'établissement d'un rapport d'analyse comparative proposant les offres susceptibles d'être retenues, les propositions de sélection soumises au maître de l'ouvrage, la mise au point des marchés de travaux et la direction de l'exécution des contrats de travaux outre l'assistance aux opérations de réception et ce, moyennant une rémunération de 81.567,20 €.

Les conditions dans lesquelles la société Mecamidi a pu être consultée et sélectionnée en vue des marchés turbine et multiplicateur ne sont pas explicitées ni ne résultent des pièces produites au débat, mais il est justifié que cette dernière a signé avec la Snc Moulin des Illes le 27 février 2007 les marchés correspondant aux lots «Turbine» et «Multiplicateur».

Le cahier des clauses techniques particulières du marché concernant le multiplicateur établi par le maître d'oeuvre énonce qu'il a pour objet la réalisation et la fourniture d'un multiplicateur de vitesse à axes verticaux de puissance 400 kW à installer sur l'arbre de la turbine avec génératrice asynchrone, une vitesse nominale de générateur de 750 tr/mn, une vitesse de sortie de turbine de 86 tr/mn et un couple de surcharge admissible de 3k. Il précise que le fournisseur fournira les charges, réactions d'appuis, les calculs d'accouplement, l'étude de vitesse critique devant être assurée par le constructeur du multiplicateur. L'article 5.1.4 prévoyait un système à engrenages.

Le même jour que la signature du marché, un avenant a été dressé par le maître d'oeuvre, Beteru, signé par Mecamidi et approuvé par le maître de l'ouvrage, prévoyant le remplacement du multiplicateur à engrenages prévu au cahier des clauses techniques particulières par un multiplicateur de type courroie avec les mêmes caractéristiques de vitesse: poulie moteur, vitesse de rotation 86 tr/mn, diamètre 2480 mm, poulie réceptrice, vitesse de rotation 750 tr/mn, diamètre 277 mm.

Il s'évince des échanges de messages électroniques entre la société Brammer et la société Hutchinson que le 6 février 2007, la société Brammer, pour le compte de Mecamidi avait sollicité des calculs pour un multiplicateur à courroie envisageant deux solutions, une solution (1) pour une puissance de 500 kW, avec vitesse de rotation entrée de 86 tr/min, vitesse de rotation sortie de 750 tr/min, entraxe à la convenance d'Hutchinson, le moins encombrant possible, et une solution (2) pour une puissance de 500 kW avec vitesse de rotation entrée de 86 tr/min mais vitesse de rotation sortie de 500 tr/min, sollicitant une réponse rapide et indiquant avoir besoin des diamètres de poulies et de l'entraxe que prévoiraient Hutchinson.

Le 13 février 2007 un premier calcul était transmis par Hutchinson à Brammer pour Mecamidi, semblant correspondre à la solution n°2 (pièce 3 de Hutchinson). Lors de la réunion d'expertise du 4 juillet 2012 le représentant d'Hutchinson a déclaré que sa société avait été contactée par le maître d'oeuvre afin de définir le diamètre et la largeur des deux poulies devant correspondre à la courroie à fabriquer, ces diamètres devant tenir compte des vitesses de la turbine et de la génératrice. Il a précisé que dans un premier temps les dimensions données pour le diamètre des deux poulies correspondaient à un rapport d'environ cinq (rapport du diamètre de la grande poulie sur le diamètre de la petite poulie), la génératrice tournant à 500 tours, puis que compte tenu de la génératrice choisie la société Mecamidi a demandé que les calculs soient refaits pour que la vitesse de la génératrice soit de 750 tours.

De fait, le 28 février 2007, la société Brammer sollicitait pour le compte de Mecamidi la reprise du calcul avec une vitesse de rotation de 750tr/mn avec une vitesse moteur restant de 86 tr/mn, précisant que le rapport de transmission était modifié (diamètre réceptrice plus petit).

Le jour même la société Hutchinson formulait ses préconisations pour une micro centrale 500 kW 750 tr/mnà l'intention de Mecamidi via Brammer dans les termes suivants:

- moteur striée diamètre 2415 mm

- vitesse moteur:86 tr/mn

- vitesse récepteur: 750 tr/mn

- récepteur striée diamètre : 277 mm (en fonction du rapport de transmission 8.72)

- entraxe client: min 2000 mm/max 3000 mm

- données Hutchinson entraxe sous tension 2674 mm (en fonction de la tolérance longueur)

- puissance moteur 500 kW

- quantité 100/an.

Etaient joints un schéma de la transmission, des relevés de mesures, les préconisations pour une courroie Poly V.

Il ne peut qu'être observé que les caractéristiques techniques du multiplicateur figurant à l'avenant n°1 signé le 27 février, telles qu'énoncées ci-dessus, sont identiques à celles transmises par la société Hutchinson à Brammer pour Mecamidi le 28 février. Cependant lors de la réunion d'expertise du 4 juillet 2012 le représentant d'Hutchinson a bien confirmé que les données fournies par Hutchinson ont été conservées pour la réalisation de la centrale hydroélectrique, que le rapport de 8.7 n'était pas un rapport couramment utilisé pour la transmission de telles puissances, et qu'une alerte avait été donnée par le logiciel.

Cette alerte est confirmée par le résultat logiciel des données saisies produit en pièce 65 par la Snc Moulin des Illes, lequel fait ressortir une anomalie pour le calcul de la vitesse motrice et une alerte pour le diamètre récepteur de 277 mm.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le maître d'oeuvre Beteru a proposé la modification du choix initial d'un multiplicateur à engrenages pour un multiplicateur à courroie le jour même de la signature du marché avec Mecamidi, sans que les raisons de cette modification de dernière heure soit explicitées, que Mecamidi, pour réaliser le multiplicateur à courroie dont elle était chargée contractuellement a fait appel à la société Brammer, professionnel de la transmission, pour l'obtention de calculs des diamètres des poulies et des entraxes sur des bases de puissances données par Mecamidi et prévues au cahier des clauses techniques particulières rédigé par le maître d'oeuvre Beteru, et que la société Brammer, laquelle n'a jamais été appelée à la procédure, s'est adressée à Hutchinson pour la réalisation des calculs qu'elle a ensuite transmis à Mecamidi.

L'expertise n'a pas remis en cause les calculs délivrés in fine par Hutchinson à partir de son logiciel.

La société Hutchinson qui a répondu aux demandes de Brammer, spécialiste de la transmission, sur les bases indiquées par Mecamidi, spécialiste de la conception et de la construction de microcentrales hydroélectriques, et produit des calculs exacts, ne pouvait être tenue à l'égard de ces deux professionnels d'un devoir de conseil quelconque, ceux-ci étant à même d'analyser au regard de leur spécialité et de leur compétence technique les calculs qui leur étaient transmis et d'en apprécier les incidences quant aux mesures limites révélées. Etrangère aux marchés de travaux préparés par le maître d'oeuvre Beteru pour le compte de la Snc Moulin des Illes tout comme au projet de réalisation de la centrale du Moulin des Illes elle ne pouvait davantage être tenue d'un quelconque devoir de conseil que ce soit à l'égard de Beteru ou de la Snc Moulin des Illes. Aucune faute n'étant caractérisée à son encontre dans la réalisation de ses calculs sa responsabilité ne peut être recherchée ni par la Snc Moulin des Illes ni par la société Beteru ni par la société Mecamidi. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il l'a mise hors de cause.

Le sinistre trouve sa clause déterminante, ainsi que retenu ci-dessus, dans l'inadéquation du multiplicateur réalisé par Mecamidi sous le contrôle du maître d'oeuvre Beteru qui a proposé au maître de l'ouvrage, novice en la matière puisqu'il s'agissait de sa première centrale, le jour même de la signature du marché, la réalisation d'un multiplicateur à courroie au lieu du multiplicateur à engrenages initialement prévu et ce, sur des bases de calculs révélant des valeurs limites ainsi qu'un rapport de transmission inhabituel pour ce type de centrale (8,7), ce qui ne pouvait échapper ni à Mecamidi au regard de sa spécialité professionnelle, ni à Beteru, bureau d'études techniques et maître d'oeuvre de conception et d'exécution de la centrale. L'expert judiciaire précise dans sa réponse au dire de Beteru du 28 novembre 2013 (page 63 du rapport) que pour des puissances transmises de l'ordre de 400 kW un rapport de 8,7 ne pouvait apporter que des problèmes ce que personne n'ignore, toutes les centrales qui fonctionnent correctement et dont la courroie a une durée de vie de plus de dix ans ayant un rapport de 5 et générant une puissance maximum de 200 à 250 kW. Il relève en outre que le choix du diamètre de la petite poulie était ouvert, mais que c'est cependant celui de 277 mm qui a été retenu alors que celui de 400mm était possible.

Au regard des défauts de conception relevés tant Beteru que Mecamidi engagent leur responsabilité contractuelle à l'égard de la Snc Moulin des Illes.

Les fautes respectives de Beteru et Mecamidi ayant contribué ensemble à la réalisation du sinistre du 22 juillet 2011, leur responsabilité à l'égard de la Snc Moulin des Illes doit être retenue in solidum contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, et dans leurs rapports entre eux, la responsabilité doit être partagée par moitié.

6°/ Sur les préjudices

a) Sur le préjudice matériel

Le multiplicateur présentant un défaut de conception générant de manière certaine une usure prématurée des courroies quelles qu'elles soient et un risque permanent de rupture avec les coûts qui en découlent en termes de maintenance (vérification permanente des glissements, retension des courroies, coût conséquent des courroies censées fonctionner selon le fabricant 24 000 heures) et de pertes d'exploitation, outre des émergences sonores supérieures aux prévisions contractuelles (85 dB maximum à un mètre alors qu'il a été constaté par l'expert à une puissance de 326 kW une moyenne de bruit à l'intérieur de la centrale de 90 dB), il doit être remplacé.

Pour chiffrer le coût de remplacement du multiplicateur déficient, l'expert a examiné trois devis:

- la modification du multiplicateur à courroie avec génératrice de 500 tr/mn pour un coût de 190.947 € HT

- le remplacement du multiplicateur à courroie par un multiplicateur à engrenages avec conservation de la génératrice à 750 tr/m pour un coût de 213.113 €HT

- la mise en place d'un alternateur synchrone à entraînement direct pour un coût de 370.785 € HT.

La première solution ne permet pas de conserver la puissance prévue contractuellement (750 tr/mn) et ne peut être retenue, pas plus que la proposition de reprise partielle proposée par Beteru de remplacement de la génératrice de 750 tr/m par une génératrice de 500 tr/mn.

La solution d'un alternateur synchrone constitue une prestation excessive générant une plus value alors que la solution du multiplicateur à engrenages correspond à ce qui était initialement prévu au marché, satisfait aux exigences de puissance prévues au marché, et représente donc une solution de réparation adaptée pour un coût plus raisonnable.

Le premier juge a donc justement retenu le remplacement du multiplicateur défaillant par un multiplicateur à engrenages pour un coût HT de 213.113 €.

A cette somme s'ajoutent les frais exposés en cours d'expertise par la Snc Moulin des Illes constatés comme payés par l'expert judiciaire pour nettoyer, remettre en route l'installation et remplacer la courroie n° 4 rompue, chiffrés par l'expert judiciaire à 28.081,88 € HT.

En revanche, aucune facture ne vient justifier le règlement d'une somme de 10.860,62 € HT à l'entreprise Meije pour un nouveau nettoyage de la génératrice suite au devis du 26 février 2014.

Quand à la facture Meije de 9.688,44 € du 10 décembre 2014 elle est relative à la réparation de l'accouplement et du palier haut de la génératrice cassés en septembre 2014 après le dépôt du rapport d'expertise, la cause de cette rupture ne pouvant être déterminée au vu de l'expertise Meije du 4 septembre 2014 et la rupture ne pouvant dès lors être imputée au défaut de conception du multiplicateur tel que ci-dessus retenu.

En conséquence, au titre du préjudice matériel résultant du défaut de conception du multiplicateur, infirmant le jugement entrepris, la Sarl Beteru et la Sa Mecamidi doivent être condamnées in solidum à payer à la Snc Moulin des Illes la somme totale de 241.194,88 € HT, sous déduction des sommes déjà perçues au titre de l'exécution provisoire.

b) Sur les préjudices immatériels

Des suites du sinistre du 22 juillet 2011 la centrale est restée arrêtée pendant 15 mois sans que la cause de ce sinistre ait pu être déterminée avant l'examen de l'installation et de la 4ème courroie rompue et la mise en place le 11 octobre 2012 d'une cinquième courroie et l'observation de son fonctionnement, l'expertise judiciaire ayant été ordonnée dès le 23 janvier 2012 après une expertise amiable diligentée par la Sa Axa France Iard en janvier 2012 suite à une déclaration de sinistre de la Snc Moulin des Illes du 22 juillet 2011.

Aucune carence fautive ne peut être reprochée à ce titre à la Snc Moulin des Illes.

La cause déterminante du sinistre résultant du défaut de conception ci-dessus retenu, toutes les argumentations liées aux courroies elles-mêmes sont sans incidence sur l'appréciation du préjudice d'exploitation invoqué par la Snc Moulin des Illes.

Les pertes d'exploitation résultant directement et nécessairement d'un arrêt de la centrale suite à un défaut de conception ou un dysfonctionnement du multiplicateur étaient prévisibles au moment de la signature du contrat entre la Snc Moulin des Illes et la société Mecamidi au sens des dispositions de l'article 1150 ancien du code civil, devenu 1231-1. Aucune clause limitative de responsabilité n'a été prévue à ce titre dans la convention.

Pour calculer la perte de production pendant l'arrêt de la centrale l'expert judiciaire s'est basé sur les productions mensuelles des cinq dernières années dont il a établi les moyennes, c'est à dire depuis la mise en route de la centrale, la production variant selon les périodes de l'année en fonction du niveau d'eau et du débit du Salat à partir duquel la centrale fonctionne et produit de l'électricité. Ces productions mensuelles résultent des productions nettes en kWh facturées mensuellement par la Snc Moulin des Illes à EDF après déduction de la propre consommation de la centrale, produites à l'expert et produites au débat.

En outre, l'expert judiciaire a justement pris en compte, en sus, une majoration de 5% correspondant aux pertes liées aux arrêts lors des interventions sur les courroies mais surtout aux pertes de rendement induites par le mauvais fonctionnement des courroies, portant ainsi la perte de production totale pendant la période d'arrêt ayant suivi le sinistre du 22 juillet 2011 à la somme de 213.209,20 € HT, montant inférieur à l'estimation de production calculée par la société Beteru dans l'étude de faisabilité du projet s'élevant pour la même période à 258.666 € HT.

Par ailleurs, l'analyse des résultats de la centrale depuis sa mise en fonctionnement permet une appréciation plus fine du préjudice effectivement subi qu'une limitation arbitraire aux trois années précédant le sinistre.

Ainsi que le soutient justement la société Beteru, la perte de production correspond à une perte de chiffre d'affaires et n'est pas exactement identique à la perte d'exploitation, laquelle doit tenir compte des charges supportées en toute hypothèse par l'exploitant, la perte d'exploitation devant correspondre à la perte effective de marge sur le chiffre d'affaires.

Sur ce point, la seule charge fixe supportée par la Snc Moulin des Illes consiste, le coût de la propre consommation de la centrale étant d'ores et déjà déduit, au vu des éléments du dossier, en la présence d'un gardien sur le site chargé de surveiller le fonctionnement des installations.

Dans ces conditions, il peut être retenu, ainsi que le soutient la société Beteru dont la proposition n'est remise en cause par aucun élément comptable émanant de la Snc Moulin des Illes, que la perte effective de marge de cette dernière correspond à 94% de la perte de production.

Le préjudice d'exploitation résultant pour la Snc Moulin des Illes de l'arrêt de la centrale pendant les quinze mois écoulés du 22 juillet 2011 au 11 octobre 2012 pendant lesquels elle n'a rien produit, ressort à 94%x 213.209,20 = 200.416,65, arrondie à 200.417 € HT.

A cette somme doivent s'ajouter les pertes d'exploitation inhérentes à l'arrêt de la centrale sur la période des quatre mois nécessaires à sa remise en état, travaux à réaliser, représentant, au vu des calculs de moyennes de l'expert judiciaire, une somme totale à retenir de 68.699,77x 94%, soit la somme de 64.577,78 arrondie à 64.578 € HT.

Il ressort en outre du rapport d'expertise judiciaire que la société EDF a versé 80% de la prime correspondant à la majoration de qualité au fur et à mesure de la facturation (51.359,85 € HT) et devait ensuite verser les 20% restant (16.292,78 € HT), et que la Snc Moulin des Illes a dû rembourser la somme de 51.359,85 € HT et n'a pas bénéficié de la somme de 16.292,78€ HT; que par ailleurs les incidents survenus sur la centrale ont fait perdre à la Snc Moulin des Illes la majoration de qualité sur la période quinquennale suivante, soit la somme de 81.464,03 € HT; qu'enfin, lors de la remise en état de la centrale les quatre mois d'arrêt nécessaires pénaliseront encore la Snc Moulin des Illes sur la majoration de qualité pour un montant pouvant être évalué au vu des éléments ci-dessus à 5.430,09 € (81.464/60x4).

Il n'est pas contesté que la Snc Moulin des Illes a dû rembourser à EDF suite aux quinze mois d'arrêt de la centrale les sommes perçues au titre de la majoration qualité (soit 80% du tarif de la majoration prévue au contrat pendant les cinq premières années d'exploitation). Elle n'a en outre pas pu percevoir les 20% restant dus sur la première période quinquennale, l'engagement pris d'un coefficient d'irrégularité inférieur à 0,20 lui permettant de bénéficier d'une majoration de qualité de 100% n'ayant pas été respecté.

Contrairement à ce qui est soutenu, la Snc Moulin des Illes n'a pas pu obtenir l'annulation des mois de production liés au sinistre du 22 juillet 2011.

Il ressort en effet du courrier adressé par EDF à la Snc Moulin des Illes le 5 juillet 2012 que la Snc Moulin des Illes a bien déclaré à EDF le sinistre du 22 juillet 2011 ayant entraîné l'arrêt de la production et que EDF a invoqué l'annexe 3 des conditions générales du contrat la liant à la Snc pour considérer que l'incident n'entrait pas dans la correction des défaillances imputables soit à des accidents survenus au matériel ou aux ouvrages de génie civil, soit à des arrêts d'entretien normal et que de ce fait la période concernée par l'arrêt de production ne pouvait être retirée du calcul et de la régularisation de la majoration de qualité à laquelle la Snc pouvait prétendre, le taux de majoration de qualité devant être modifié et une régularisation en résultant.

Aucune défaillance n'est donc imputable à la Snc Moulin des Illes dans la gestion du sinistre du 22 juillet 2011 à l'égard de EDF.

Par ailleurs le contrat avec EDF prévoit bien que pour la période quinquennale suivant les cinq premières années d'exploitation les taux réels de majoration de qualité sont calculés au vu des productions des cinq premières années d'exploitation de la centrale, une régularisation étant opérée sur les cinq années écoulées.

Compte tenu de la perte de production subie sur les cinq premières années d'exercice avec obligation de remboursement de la majoration qualité perçue pour la production de novembre 2008 à mars 2013, nécessairement, la majoration de qualité de 100% a été perdue pour les cinq années suivantes de production de novembre 2013 à mars 2018, soit une perte de 81.464,03 € au vu des estimations de la production des mois d'hiver 2013/2018 sans arrêt d'exploitation vérifiées par l'expert judiciaire.

Le premier juge a donc justement retenu une perte effective de majorations de qualité de 149.116,66 € HT (51.359,85 + 16.292,78 + 81.464,03).

En conséquence, au vu des éléments retenus ci-dessus, infirmant le jugement entrepris, la société Beteru et la société Mecamidi doivent donc être condamnées à payer à la Snc Moulin des Illes la somme totale de 414.111,66 € HT au titre des pertes d'exploitation subies des suites des quinze mois d'arrêt de la centrale consécutives au sinistre du 22 juillet 2011, sous déduction des sommes déjà perçues à ce titre par la Snc en vertu de l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge.

7°/ Sur la garantie de Axa France Iard

Sur le fondement de l'article L 113-8 du code des assurances la compagnie Axa France Iard sollicite au principal la nullité du contrat d'assurance souscrit par la Snc Moulin des Illes pour fausse déclaration ne lui ayant pas permis d'apprécier exactement le risque à couvrir, le débouté consécutif des demandes de la Snc, et le remboursement des sommes versées par elle au titre de l'exécution provisoire outre intérêts au taux légal depuis le 22 mai 2015.

C'est à l'assureur d'établir qu'au moment de la souscription du contrat le candidat à l'assurance a fait preuve d'une réticence ou d'une fausse déclaration, ainsi que le caractère intentionnel de cette réticence ou fausse déclaration.

Il n'est pas contesté en l'espèce que les deux polices souscrites par la Snc Moulin des Illes auprès de la compagnie Axa France Iard (police incendie et risques annexes n° 388986804 et police bris de machine et perte d'exploitation n° 3890061804), sont à effet du 9 juillet 2008. La quittance de règlement de cotisation émise le 4 août 2008 pour la période du 9 juillet 2008 au 1er mars 2009 le confirme.

Dans le cadre du contrat bris de machines l'activité déclarée a bien été celle de centrale hydroélectrique de production d'électricité et, au titre des antécédents, le souscripteur a déclaré ne pas avoir fait l'objet de résiliation pour des garanties telles que celles accordées par le contrat souscrit au cours des 24 derniers mois et que les machines rentrant en garantie à l'occasion du fait de production déclaré n'avaient pas au cours des 24 derniers mois subi de dommages indemnisables au titre d'une garantie accordée par le contrat souscrit et ne remplaçaient pas des machines qui auraient été détruites ou volées. Il n'est pas allégué que ces déclarations du souscripteur aient été fausses.

La réception des travaux de la centrale hydroélectrique est intervenue le 30 juillet 2008 avec réserves portant sur les essais à opérer à pleine puissance lorsque l'hydrologie du Salat le permettrait et l'identification de la cause de l'usure anormale de la courroie et de l'origine des bruits parasites de fonctionnement de la turbine et/ou de l'ensemble multiplicateur/courroie.

Au regard des dates respectives de préparation des contrats, de prise d'effet des polices et de la date de la réception, à défaut de tout autre élément produit par Axa pour justifier que les polices d'assurances auraient été signées postérieurement à la date de réception de la centrale, la Snc Moulin des Illes ne pouvait être tenue d'informer l'assureur du procès-verbal de réception de la centrale avec réserves intervenu le 30 juillet 2008.

Par ailleurs, il n'est justifié par la société Axa France Iard d'aucun incident survenu sur la centrale antérieurement au procès-verbal de réception ou antérieurement à la prise d'effet des contrats d'assurances qui aurait été tu par le candidat à l'assurance, de manière intentionnelle, et de nature à modifier l'appréciation du risque à assurer.

La courroie n° 4 dont la rupture a entraîné l'arrêt de la centrale avait été posée en février 2010, les trois précédentes installées à compter de la mise en circulation de la centrale avaient dû être changées, les deux premières suite à des erreurs de livraison et de fabrication qui ont été admises en cours d'expertise judiciaire, la troisième courant 2009 pour des problèmes de bruit.

De surcroît ce n'est qu'après une longue expertise judiciaire qu'il s'est avéré que le multiplicateur construit par Mecamidi sous le contrôle du maître d'oeuvre Beteru était affecté d'un problème de conception le rendant impropre à son fonctionnement quelle que soit la courroie installée.

La société Axa France Iard n'est donc pas fondée à soutenir que lors de la souscription du contrat le maître de l'ouvrage ne l'a pas avertie ou informée ou alertée sur les incidents à répétition qui se seraient produits et doit être déboutée de sa demande tendant à la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L 113-8.

Dans le cadre du contrat bris de machines, a été souscrite une garantie de base dommages aux biens pour un ensemble de matériels de production d'électricité faisant l'objet d'une première mise en service en 2008 composés d'une turbine Kaplan Mecamidi et du multiplicateur, d'une génératrice Leroy Somer de 400 kW et batterie de condensateurs, d'un transformateur, d'armoires électriques haute et basse tension, de systèmes parafoudres, d'une ligne haute tension propriété de l'assuré, de la cellule HT, de l'armoire de puissance, de la ventellerie y compris le dégrilleur, d'armoires de commande et d'automatisation, des systèmes de contrôle (sondes) et de télésurveillance, des systèmes hydrauliques, du pont hydraulique de levage, pour un capital de 645.000 € ainsi qu'une garantie optionnelle perte d'exploitation consécutive à un sinistre garanti atteignant la machine 1 à savoir la turbine et le multiplicateur pour un montant limité à 200.000 € et une franchise de 1.650 €.

Aucune exclusion de garantie contractuelle n'est invoquée.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Axa France Iard doit sa garantie à la Snc Moulin des Illes et doit l'indemniser à concurrence des préjudices subis tant au titre des dommages matériels qu'au titre des dommages immatériels sous déduction des franchises du contrat, sauf à y ajouter que la garantie due au titre des dommages immatériels tels que ci-dessus arrêtés est limitée au plafond de 200.000 €.

Il ne peut en revanche être reproché aucune attitude déloyale d'Axa France Iard dans la gestion du sinistre dès lors que, suite à la déclaration de sinistre du 22 juillet 2011 elle a mandaté un expert, lequel a diligenté une expertise amiable, la première réunion étant intervenue le 5 août 2011, et dont le rapport a été établi le 20 janvier 2012, concluant à un refus de garantie, refus de garantie confirmé par Axa par courrier du 14 décembre 2011. L'action judiciaire pour la détermination des causes du sinistre et la garantie de l'assureur était donc indispensable.

La centrale n'ayant par ailleurs pu être remise en fonctionnement qu'en cours d'expertise judiciaire après l'installation d'une 5ème courroie sous contrôle de l'expert, le 11 octobre 2012, les pertes d'exploitation au delà du plafond de 12 mois garanti, librement négocié entre les parties à l'assurance, ne sont pas imputables à la société Axa.

En conséquence, la Snc Moulin des Illes doit être déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître la responsabilité pour faute de la société Axa France Iard et à obtenir sa condamnation à paiement du préjudice d'exploitation au delà du plafond de garantie contractuel à titre de dommages et intérêts.

La société Axa France Iard ne peut donc être tenue à l'égard de la Snc Moulin des Illes son assurée in solidum des condamnations prononcées à l'encontre de la société Beteru et de la société Mecamidi que dans la limite de son contrat bris de machines, les franchises contractuelles et plafonds de garantie devant recevoir application.

Elle est aussi fondée à solliciter d'être relevée et garantie in solidum par les sociétés Beteru et Mecamidi, responsables du sinistre ayant mobilisé sa garantie, des condamnations mises à sa charge à l'égard de son assurée.

En exécution du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire la société Axa France Iard a réglé en compte CARPA à l'avocat constitué pour la Snc Moulin des Illes le 29 mai 2015 la somme totale de 419.210 € au titre de la perte d'exploitation, des dommages matériels et de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Beteru et Mecamidi étant condamnées in solidum à relever et garantir la société Axa France Iard des condamnations prononcées à son encontre le présent arrêt constitue le titre en vertu duquel elle pourra recouvrer à leur encontre les sommes d'ores et déjà réglées à son assurée au titre de l'exécution provisoire, sans qu'il y ait lieu de prononcer en sus une condamnation à remboursement, les intérêts au taux légal sur les sommes allouées par le présent arrêt, infirmatif sur les montants des indemnités allouées, ne pouvant courir à l'égard des garants qu'à compter de la signification du présent arrêt valant mise en demeure de payer.

8°/ Sur la garantie de la société Allianz, assureur de Mecamidi

Il résulte des pièces produites et des explications des parties que la société Mecamidi a souscrit successivement deux contrats d'assurance responsabilité civile auprès de la compagnie Le Gan, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Allianz:

- un premier contrat n° 86317071 à effet du 1er janvier 2005 qui a pris fin le 31 décembre 2010

- un second contrat n° 086691459 à effet du 1er janvier 2011.

Le second contrat, en vigueur à la date du sinistre du 22 juillet 2011, est en base réclamation.

La société Gan a déclaré ouvrir un dossier sinistre suite au litige opposant la société Mecamidi à la Snc Moulin des Illes consécutivement à la fabrication et à l'installation d'une turbine dans la centrale hydroélectrique du Moulin d'Aragon au titre du contrat 086691459 le 20 septembre 2011.

En l'espèce, tant le fait dommageable que la réclamation sont intervenues alors qu'était en vigueur le contrat responsabilité civile 086691459, contrat ayant pris la suite du précédent n° 86317071.

La garantie subséquente invoquée par la Snc Moulin des Illes au titre du premier contrat responsabilité civile n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'en application des dispositions de l'article L 124-5 du code des assurances elle ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance du fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite.

Compte tenu du nouveau contrat responsabilité civile souscrit à effet du 1er janvier 2011, le sinistre survenu le 22 juillet 2011 et ayant fait l'objet d'une réclamation pendant le cours de ce contrat, est soumis aux dispositions du contrat 086691459 et non à celles du contrat 86317071 ayant pris fin au 31 décembre 2010, la date de la déclaration d'ouverture de chantier étant, s'agissant en l'espèce de la couverture d'une responsabilité civile de droit commun et non d'un sinistre objet de la garantie obligatoire décennale du constructeur, sans incidence.

Le contrat n° 086691459 est assorti de conditions spéciales produites au débat. Dans la mesure où aucune des conditions générales n'est invoquée par l'assureur pour échapper à sa garantie et où les conditions spéciales, invoquées, reçoivent application en sus des conditions générales, la non production de ces dernières n'a pas d'incidence sur l'appréciation du présent litige.

La société Allianz, venant aux droits du Gan, invoque un certain nombre d'exclusions de garantie pour conclure à sa non prise en charge des conséquences dommageables du sinistre du 22 juillet 2011.

La Snc Moulin des Illes, outre la discussion sur la validité des clauses d'exclusion invoquées, soutient que la société Allianz aurait fait preuve de déloyauté pour contester tardivement sa garantie. Néanmoins il ressort tant de l'accusé de réception de la déclaration de sinistre que du dire à l'expert du 28 novembre 2013 que la société Allianz n'est intervenue à la procédure que sous réserve de la mobilisation de ses garanties, mobilisation qu'elle a contestée, et qu'elle est intervenue à l'instance sur assignation et de manière distincte de son assurée Mecamidi dont elle n'a pas assuré la direction du procès. A aucun moment la société Allianz n'a renoncé à invoquer les clause d'exclusions figurant au contrat d'assurance de Mecamidi.

Aux termes des conditions spéciales du contrat responsabilité Entreprises 086691459 la société Mecamidi a souscrit auprès du Gan pour ses activités de conception, fabrication, installations et réparations de turbines et d'équipements pour centrales hydroélectriques, négoce de pièces indispensables au fonctionnement d'une centrale hydroélectrique, telles que multiplicateurs et génératrices une assurance responsabilité civile exploitation, une assurance responsabilité civile après livraison, une assurance responsabilité civile professionnelle.

La garantie responsabilité civile après livraison a vocation à garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels survenant après livraison et causés aux tiers:

- par un vice propre (de la nature de ceux visés à l'article 1641 du code civil) ou un défaut de sécurité (au sens de l'article 1386-1 du code civil) des produits, ou par une malfaçon des travaux (notamment erreur ou omission commise dans la conception, la préparation, la fabrication, la transformation, la réparation, la manipulation, l'emballage, l'étiquetage, le stockage, la livraison, la présentation, le montage ou l'application)

- par une erreur ou omission commise dans les prestations accessoires à la commercialisation des produits ou à l'exécution des travaux (notamment instructions d'emploi, préconisations, conseils, formation ou assistance technique).

Cette garantie est accordée pour les dommages corporels, matériels et immatériels, consécutifs ou non, dans la limite pour ces derniers d'un plafond de 1.200.000 € par année d'assurance.

Aux termes du contrat le dommage immatériel s'entend de tout préjudice pécuniaire qui résulte de la privation de jouissance totale ou partielle d'un bien ou d'un droit, de la perte d'un bénéfice, de la perte de clientèle, de l'interruption d'un service ou d'une activité, le dommage immatériel consécutif étant celui qui est la conséquence directe de dommages matériels garantis tandis que le dommage immatériel non consécutif est celui qui résulte soit d'un dommage corporel ou matériel non garanti soit d'un événement n'entraînant pas de dommage corporel ou matériel. Par ailleurs la garantie responsabilité civile après livraison précise que la garantie de la responsabilité civile de l'assuré s'applique aux dommages immatériels non consécutifs résultant d'un dommage matériel causé aux produits livrés ou aux biens ayant fait l'objet des travaux par suite d'un vice caché des produits ou de malfaçon dans les travaux, d'un vice caché des produits livrés n'entraînant pas de dommage matériel à ces produits ou encore d'une malfaçon des travaux n'entraînant pas de dommage matériel aux biens ayant fait l'objet des travaux.

Cette assurance précise en outre que l'assureur indemnise l'assuré des frais qu'il a engagés pendant la période de validité du contrat pour la dépose du produit livré qui révèle un vice caché ou un défaut de sécurité après incorporation dans un autre produit sauf lorsque la pose initiale faisait l'objet de la prestation contractuelle de l'assuré à savoir: les frais de recherche pour repérer le produit défectueux, les frais de dépose du produit défectueux et de repose du produit réparé ou du produit de remplacement, les frais de transport du produit défectueux pour réparation et du produit réparé ou de remplacement, les frais supplémentaires de main d'oeuvre.

Les conditions spéciales de la police prévoient, s'agissant des dommages matériels pour la garantie responsabilité après livraison, l'exclusion d'une part, du coût du remboursement, de remplacement, de réparation ou de modification du produit ou du travail à l'origine du dommage ainsi que les frais destinés à remplir complètement l'engagement contractuel ou ceux occasionnés par la vente, d'autre part, les frais de mise en conformité ou de remboursement des produits ou travaux non conformes à la commande ou au marché.

Ces clauses qui n'excluent que le coût de remboursement, de mise en conformité, de remplacement, de réparation ou de modification du produit lui-même ou du travail à l'origine du dommage causé aux tiers, figurant de manière lisible aux conditions spéciales et non ambiguës, n'ont pas pour effet de vider la garantie accordée de sa substance puisqu'elles laissent subsister la garantie des dommages corporels, des dommages matériels extérieurs au produit lui-même, et des dommages immatériels causés aux tiers des suites du vice ou de la non conformité du matériel conçu ou fourni par l'assuré.

Le coût du remplacement et des réparations du multiplicateur défaillant, conçu, construit et posé par Mecamidi ne peut donc être couvert par la garantie responsabilité civile après livraison.

En revanche, les pertes d'exploitation ci-dessus évaluées constituent des préjudices immatériels non consécutifs mobilisant la police responsabilité civile après livraison. Sur ce point, la clause excluant les dommages immatériels non consécutifs résultant de l'absence ou de l'insuffisance de performance ou de résultat du produit, travaux ou prestations livrées, c'est à dire leur inaptitude totale ou partielle à atteindre les critères techniques contractuellement définis, n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce, contrairement à ce que soutient la société Allianz, les pertes d'exploitation ci-dessus chiffrées ne résultant pas d'une inaptitude du produit livré à atteindre des critères techniques contractuellement définis, mais résultant de l'arrêt de la centrale hydroélectrique des suites de la rupture de la courroie C4 par suite d'un défaut de conception du multiplicateur à courroie imputable à l'assurée Mecamidi qui n'a pu être mis en évidence qu'après une longue expertise judiciaire.

La société Allianz doit donc sa garantie à la société Mecamidi à l'égard de la Snc Moulin des Illes au titre des pertes d'exploitations ci-dessus chiffrées sous réserve de la franchise contractuelle prévue pour les préjudices immatériels non consécutifs de la garantie responsabilité civile après livraison.

Par ailleurs la Snc Moulin des Illes invoque aussi la garantie responsabilité civile professionnelle souscrite par Mecamidi.

Aux termes de celle-ci l'assureur garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers par la prestation intellectuelle fournie par l'assuré et résultant de l'inexécution d'une obligation contractuelle, la garantie s'appliquant notamment du fait de faute, erreur, omission ou négligence commise dans l'exécution de la prestation, du défaut ou d'insuffisance de rendement, de performance ou de résultat des prestations ou de leur inadéquation aux besoins des tiers.

En l'espèce, ainsi qu'il a été retenu ci-dessus, le multiplicateur à courroie conçu par Mecamidi est inadéquat et impropre à l'usage auquel il était contractuellement destiné pour avoir été réalisé sur des bases de calculs révélant des valeurs limites ainsi qu'un rapport de transmission inhabituel pour ce type de centrale, générant un risque de rupture permanent des courroies quelles qu'elles soient, rupture avérée le 22 juillet 2011, avec les conséquences qui en ont découlé, arrêt de la centrale et pertes d'exploitations. Les dommages matériels qui en découlent pour la Snc Moulin des Illes tiers victime, à savoir la nécessité de remplacer le multiplicateur à courroie par un multiplicateur à engrenages et les dommages immatériels sont la conséquence directe de la prestation intellectuelle fournie par Mecamidi et résultent de l'inexécution de ses obligations contractuelles puisqu'elle était tenue de concevoir un multiplicateur satisfaisant à son office sur les bases qu'elle avait elle-même définies avec la société Beteru et sur lesquelles elle s'était engagée à l'égard de la Snc.

Au regard de la garantie souscrite au titre de la prestation intellectuelle fournie par l'assuré destinée à garantir les conséquences dommageables des fautes, erreurs, omissions ou négligences commises dans l'exécution de la prestation, l'exclusion de garantie invoquée par la société Allianz figurant à l'article 18 des conditions spéciales, laquelle tend à exclure le coût de la prestation de l'assuré, de sa réfection, de son adaptation ou de son amélioration ou les frais destinés à obtenir les résultats requis ou à mener à terme la prestation c'est à dire l'essentiel des conséquences matérielles du vice de conception intellectuelle conduit à vider cette garantie de sa substance de sorte qu'elle ne peut être considérée comme limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances et ne peut recevoir application.

Dans ces conditions, la société Allianz est tenue à réparation au titre de cette garantie tant du dommage matériel résultant du coût de remplacement du multiplicateur, que des dommages immatériels consécutifs à savoir les pertes d'exploitation résultant de l'arrêt de la centrale dans les conditions ci-dessus rappelées, sous réserve des franchises contractuelles et des plafonds de garantie.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la société Allianz devait sa garantie à la société Mecamidi sur le terrain de la responsabilité civile professionnelle. Y ajoutant, la compagnie Allianz sera condamnée in solidum avec son assurée Mecamidi et les autres coobligés, dans la limite des franchises contractuelles (10 % avec un minimum de 20.000 € et un maximum de 60.000 €) et des plafonds de garantie à payer à la Snc Moulin des Illes les sommes qui lui ont été allouées ci-dessus à titre de dommages et intérêts.

Compte tenu du partage de responsabilité instauré entre la société Beteru et la société Mecamidi, la société Beteru doit être condamnée à relever et garantir la société Allianz à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

9°/Sur les dépens et les frais de première instance

Compte tenu des condamnations in solidum prononcées, les dépens de première instance, en ceux compris les frais de référés et d'expertise judiciaire, et les dépens d'appel seront supportés in solidum par les sociétés Beteru, Mecamidi, Allianz et Axa France Iard.

La société Axa France Iard sera relevée et garantie de cette condamnation in solidum par les sociétés Beteru, Mecamidi et Allianz.

Dans leurs rapports entre coobligés lesdits dépens seront supportés à concurrence de 50 % par la société Beteru et de 50 % par la société Allianz, assureur de Mecamidi.

Les indemnités allouées par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Y ajoutant, les sociétés Beteru, Allianz et Axa France Iard sont redevables in solidum à l'égard de la Snc Moulin des Illes d'une indemnité de 8.000 € au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Axa France Iard sera relevée et garantie de cette condamnation in solidum par les sociétés Beteru et Allianz, lesquelles supporteront cette condamnation dans leurs rapports entre elles à hauteur de 50 % chacune.

La Snc Moulin des Illes qui succombe en son appel incident à l'encontre de la société Netco doit être condamnée à payer à cette dernière une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Seule la société Allianz succombe à l'égard de la société Hutchinson dans le cadre de la procédure d'appel. Elle doit être condamnée à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour le surplus la société Hutchinson ne peut prétendre à une indemnité sur le même fondement à l'égard de Beteru et Mecamidi qui n'ont pas formé de demande à son encontre dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a:

- constaté que les sociétés Sogecomcler et Victoire n'ont aucun intérêt à agir

- dit que les sociétés Beteru et Mecamidi engagent leur responsabilité contractuelle à l'égard de la Snc Moulin des Illes

- mis les sociétés Netco et Hutchinson hors de cause

- dit que la responsabilité du sinistre incombait pour moitié chacune aux sociétés Beteru et Mecamidi

- dit que la société Axa France Iard doit sa garantie à la Snc Moulin des Illes tant au titre des dommages matériels qu'immatériels sous déduction des franchises contractuelles

- dit que le paiement des indemnités mises à la charge de la société Axa France Iard emporte subrogation dans les droits de la Snc Moulin des Illes à l'égard des sociétés Beteru et Mecamidi

- dit que la société Allianz doit sa garantie à la société Mecamidi sur le terrain de la responsabilité civile professionnelle et qu'elle doit relever et garantir la société Mecamidi des condamnations prononcées à son encontre sous déduction des franchises prévues au contrat,

ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

L'infirme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Beteru, Mecamidi, Axa France Iard et Allianz, ces deux dernières sous réserve des franchises contractuelles et dans la limite des plafonds de garantie prévus à leurs contrats respectifs, sous déduction des sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire, à payer à la Snc Moulin des Illes la somme de 241.194,88 € HT en réparation de son préjudice matériel et la somme de 414.111,66 € HT en réparation de son préjudice d'exploitation,

Condamne in solidum les sociétés Beteru et Mecamidi à relever et garantir la société Axa France Iard des condamnations mises à sa charge à l'égard de son assurée,

Dit que la société Allianz doit garantir son assurée la société Mecamidi des condamnations ci-dessus sous réserve des franchises contractuelles et des plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance n° 086691459 au titre des garanties responsabilité civile après livraison et responsabilité civile professionnelle,

Dit que dans leurs rapports entre coobligés les condamnations prononcées ci-dessus à l'encontre de la société Beteru et de la société Mecamidi seront supportées à concurrence de 50 % chacune,

Condamne la société Beteru à relever et garantir la société Allianz à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge,

Condamne in solidum les sociétés Beteru, Allianz et Axa France Iard à payer à la Snc Moulin des Illes une indemnité de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Dit que la société Axa France Iard sera relevée et garantie de cette condamnation in solidum par les sociétés Beteru et Allianz, lesquelles supporteront cette condamnation dans leurs rapports entre elles à hauteur de 50 % chacune,

Condamne la Snc Moulin des Illes à payer à la société Netco une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamne la société Allianz à payer à la société Hutchinson une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne in solidum les sociétés Beteru, Mecamidi, Allianz et Axa France Iard aux dépens de première instance, en ceux compris les frais de référés et d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel, avec pour ces derniers autorisation de recouvrement direct au profit de Me SABOUNJI et de la Selas Clamens Conseil, avocats, chacun pour la part les concernant, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit que la société Axa France Iard sera relevée et garantie de cette condamnation aux dépens in solidum par les sociétés Beteru, Mecamidi et Allianz,

Dit que dans leurs rapports entre coobligés lesdits dépens seront supportés à concurrence de 50 % par la société Beteru et de 50% par la société Allianz, assureur de Mecamidi.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 15/02209
Date de la décision : 02/07/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 11, arrêt n°15/02209 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-02;15.02209 ?
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