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29/06/2018 | FRANCE | N°17/00582

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 29 juin 2018, 17/00582


29/06/2018



ARRÊT N°18/636



N° RG 17/00582

SDA/BC



Décision déférée du 26 Janvier 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 13/02644)

Anne X...

















Martine Y...





C/



Association LES AMIS DE LA MEDECINE SOCIALE















































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

***



APPELANTE



Madame Martine Y...

[...]

31400 toulouse



Représentée par Me Françoise Z... de l'AS...

29/06/2018

ARRÊT N°18/636

N° RG 17/00582

SDA/BC

Décision déférée du 26 Janvier 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 13/02644)

Anne X...

Martine Y...

C/

Association LES AMIS DE LA MEDECINE SOCIALE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANTE

Madame Martine Y...

[...]

31400 toulouse

Représentée par Me Françoise Z... de l'ASSOCIATION VACARIE - Z..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Association LES AMIS DE LA MEDECINE SOCIALE Association gestionnaire de l'Hôpital Joseph DUCUING

[...]

Représentée par Me Agnès A... de la SCP CABINET A..., avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Caroline B..., présidente et Sonia C... ARCO SALCEDO, conseillère, toutes deux chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Caroline B..., présidente

Sonia C... ARCO SALCEDO, conseillère

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Greffière, lors des débats : Brigitte COUTTENIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par Caroline B..., présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Martine Y... a été recrutée le 1er avril 2010 par l'association Les Amis de la Médecine Sociale, association gestionnaire de l'hôpital Joseph Ducuing, en qualité de médecin spécialiste en radiologie, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel soumis à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 des établissements hospitaliers et d'assistance à but non lucratif. Elle était classée au coefficient conventionnel de 1072 et effectuait un temps de travail de 28 heures hebdomadaires.

Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale le 14 novembre 2013 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 14 mai 2014.

A l'issue de deux visites médicales de reprise en date du 19 juin et 3 juillet 2014, elle a été déclarée inapte à son poste de médecin radiologue et à tout autre poste.

Après avoir été convoquée le 29 août 2014, à un entretien préalable fixé au 8 septembre suivant, Mme Y... a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement qui lui a été notifié le 18 septembre 2014.

Par jugement de départage du 26 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- condamné l'association les Amis de la Médecine Sociale à payer à Mme Y... la somme de 1400€ de rappel de salaire au titre des heures complémentaires outre 140,04 € au titre des congés payés y afférents,

- débouté Mme Y... de ses demandes relatives :

* à l'indemnité pour travail dissimulé,

* à la résiliation judiciaire, à la nullité du licenciement pour inaptitude due au harcèlement moral et à l'absence de cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement,

* à l'avertissement disciplinaire du 16 avril 2014,

- rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 9 décembre 2013,

- fixé la moyenne des derniers salaires à 5 737,48 €,

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

Mme Y... a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2018 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des moyens, Mme Y... à la cour de réformer le jugement entrepris et de :

-A titre principal, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et fixer la date de rupture des relations contractuelles au 23 septembre 2014 compte tenu du licenciement intervenu,

-A titre subsidiaire, juger que son licenciement est nul dans la mesure où l'inaptitude résulte du harcèlement moral subi,

-A titre infiniment subsidiaire, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

- annuler l'avertissement qui lui a été délivré par l'Hôpital Joseph Ducuing le 16 avril 2014,

Elle demande en conséquence à la cour de condamner " l'hôpital Joseph Ducuing" à lui verser les sommes suivantes :

* 18 505,89 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, augmentée de 1 850,58 € au titre des congés payés afférents,

* 1 358,08 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés restant due,

* 76 619,40 € soit 12 mois moyens de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2800,80 € à titre de paiement des heures complémentaires effectuées de novembre 2012 à octobre 2013, outre 280,08 € à titre de congés payés afférents, ainsi que la somme de 38309,70 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 2 000 € pour l'avertissement abusif du 16 avril 2014.

L'appelante sollicite également que la cour ordonne que les "sommes de préavis et salaires et assimilés" portent intérêt à taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 14 novembre 2013, et pour les dommages et intérêts, à compter de la décision à venir en application de l'article 1153 du code civil, ainsi que l'exécution provisoire de l'ensemble de la décision, rappelant que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 5 554,95 € bruts, et enfin que la cour condamne l'association l'Hôpital Joseph Ducuing, outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 2800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2018 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des moyens, l'Association Les Amis de la Médecine Sociale, association gestionnaire de l'Hôpital Joseph Ducuing demande à la cour de :

- constater qu'aucun des manquements qui lui sont reprochés par Mme Y... n'est avéré,

-en conséquence,

- juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme Y... n'est pas recevable, et débouter celle-ci de l'ensemble des demandes formulées à ce titre,

- constater qu'il a procédé au paiement intégral de la rémunération due à Mme Y...,

- constater que l'infraction de travail dissimulé n'est en aucun cas constituée,

- constater que l'avertissement qui a été notifié à Mme Y... le 16 avril 2014 n'a aucun caractère abusif,

- en conséquence,

-débouter Mme Y... des demandes formulées à ces titres,

- condamner Mme Y... aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures complémentaires

Aux termes de l'article L 3123-17 du code du travail, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois «ou sur une période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L3122-2» ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat «calculée le cas échéant sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L 3122-2».

Il en résulte que toutes les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures complémentaires donnant lieu à majoration de salaire de 25%, aucune disposition légale ne prévoyant le remplacement du paiement de ces heures par l'octroi d'un repos.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Mme Y... demande le paiement de 2800,80 € pour 90 heures complémentaires effectuées de novembre 2012 à octobre 2013 inclus, non réglées ou compensées par des jours de repos supplémentaires, expliquant qu'une vacation supplémentaire de scanner avait été mise en place et assurée par ses soins le mercredi de 12h à 14 h, pendant cette période et que les 13 jours de RTT dont elle avait bénéficié correspondaient aux vacations scanner effectuées les vendredis après-midi.

L'employeur fait valoir que la salariée avait reçu, en compensation des heures de scanner effectuées le mercredi de 12 à 14 heures, 12,86 jours de RTT.

Il sera d'abord observé que l'employeur reconnaît ainsi dans ses écritures que la salariée a effectivement réalisé pendant la période visée 2 heures complémentaires, le mercredi de 12h à 14 h.

En tout état de cause, il ressort des mails échangés entre Mme Y... et le docteur D... le 9 décembre 2013 que celle-ci indiquait, sans être contredite par ce dernier, qu'elle assurait depuis fin 2012 les vacations scanner le mercredi de 12 h à 14 h et que depuis le 1er novembre 2013, c'était ce dernier qui les assurait.

En conséquence, il convient de retenir que Mme Y... a effectivement réalisé 2 heures complémentaires par semaine de novembre 2012 à octobre 2013 inclus.

Par ailleurs, nonobstant qu'aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne permettait à l'employeur de compenser les heures complémentaires effectuées par Mme Y..., salariée à temps partiel, par l'octroi de jours de RTT, il convient de relever que les tableaux des RTT établis au nom des radiologues versés aux débats mentionnent au bénéfice de Mme Y... le même nombre de jours de RTT pour chaque année 2012, 2013 et 2014 (13 jours) de sorte qu'ils ne peuvent correspondre aux heures complémentaires rajoutées par l'employeur le mercredi entre midi et quatorze heures le mercredi, pour la période de novembre 2012 à octobre 2013 inclus.

Il sera donc fait droit à la demande de la salariée à hauteur de 2 heures complémentaires par semaine.

Sur la base des calculs qu'elle a effectués dans un tableau récapitulatif, non critiqués par l'employeur, il doit lui être alloué la somme de 2 800,80 € à titre de rappel de salaire au titre de 90 heures complémentaires effectuées de novembre 2012 à octobre 2013 inclus, ainsi que la somme de 280,08 € au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Sur la demande relative au travail dissimulé

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L 8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

La seule circonstance que la salariée n'ait pas été rémunérée d'un nombre limité d'heures complémentaires par elle effectuées sur une période de 12 mois ne caractérise pas suffisamment l'intention de l'employeur de se soustraire volontairement aux obligations prévues par l'article L. 8221-5 du code du travail.

Mme Y... doit donc, par confirmation du jugement entrepris, être déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 16 avril 2014

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l'employeur est fondé à sanctionner les fautes commises par son salarié.

Il résulte des dispositions de l'article L 1333-1 du Code du travail que l'employeur doit fournir au conseil des prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, selon l'article L 1333-2 le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'employeur fonde l'avertissement notifié à Mme Y..., par courrier du 16 avril 2013, sur les plaintes émanant de l'équipe paramédicale et de l'équipe médicale, relatives à un manque de civilité et de politesse de l'appelante, une impossibilité de travail en concertation avec elle et de prise de décision collégiale, à une exigence de sa part d'une communication systématiquement écrite, à une préférence pour certains manipulateurs radio de sexe masculin, l'employeur précisant que certaines manipulatrices indiquent qu'elles arrivent au travail la "boule au ventre" quand elles savent qu'elles vont se retrouver avec le docteur Y... au scanner.

L'employeur fonde également la sanction sur les doléances des radiologues sur une absence de participation de Mme Y... aux réunions d'équipe, notamment aux réunions de concertation pluridisciplinaire d'oncologie, sur le refus de tout dialogue collégial ou professionnel avec le chef de service, à telle enseigne que le 8 janvier 2014, le docteur Y... a procédé à l'enregistrement audio d'une discussion avec ce dernier avec son téléphone personnel, devant l'ensemble de l'équipe. L'employeur relève également un refus d'entraide entre radiologues opposé par Mme Y... et prend à titre d'exemple, le refus d'interprétation d'une radiographie en urgence quand le docteur Y... réalise des échographies en rendez-vous programmés, même lorsque le collègue des urgences est débordé ou équipé en tenue stérile pour faire un examen interventionnel.

L'association intimée, qui rappelle qu'elle est tenue à une obligation de sécurité de résultat, conclut son courrier sur le caractère intolérable d'un tel comportement qui remet en cause la confiance mutuelle nécessaire au bon fonctionnement des équipes, estimant que Mme Y... préfère se victimiser plutôt que de se remettre en cause.

Sont versés aux débats par l'employeur :

- un courrier de 6 pages rédigé le 9 janvier 2014 par le docteur D... sur le comportement du docteur Y..., générateur de stress pour toute l'équipe, se traduisant notamment par une application stricte de ses heures de travail au mépris des patients et de l'image de l'établissement, des difficultés à s'adapter à l'activité hospitalière qui gère des patients externes programmés mais aussi des urgences, ce qui est de nature à modifier l'activité planifiée, une difficulté à la joindre pendant les astreintes, une seule participation aux réunions de service qu'elle estime être une perte de temps, malgré les nombreuses dates qui lui sont proposées, une absence de participation à la réunion de la commission médicale élargie et aux réunions de concertation pluridisciplinaire d'oncologie fixées à midi les vendredis, une absence de travail en équipe et de concertation avec les autres radiologues dans la gestion des tâches et des congés, un refus de participer à la formation des internes, un refus de tout dialogue collégial ou professionnel autre que par écrit, et enfin l'enregistrement audio avec son téléphone portable d'une discussion qu'elle avait avec lui le 8 janvier 2014 sur sa demande d'annulation de congés, et ce, devant toute l'équipe médicale;

- un courrier collectif du 5 février 2014 signé par 6 salariés du service d'imagerie dans lequel ces derniers font part à l'employeur de leur exaspération devant l'absence quasi-systématique de toute civilité/politesse élémentaire de la part de Mme Y..., l'absence de toute concertation, ainsi que devant une attitude de suspicion et de défiance affichée impactant la qualité et la sérénité attendue dans les activités paramédicales ; ces salariés confirment la pratique utilisée par le docteur Y... d'écrits systématiques et même d'enregistrements téléphoniques des conversations professionnelles, estimant que tous ces "agissements égocentriques" nuisent au bien-être et à la quiétude nécessaires à un investissement de qualité dans leurs missions.

- deux courriers de M. E..., cadre de santé, le premier en date du 6 février 2014, portant sur le refus opposé par le docteur Y... d'accueillir l'étudiante programmée dans le cadre d'un stage contractualisé entre l'hôpital et le CHU de Toulouse et le second portant sur un refus du docteur Y... de travailler avec du personnel féminin le 19 septembre 2012, ce qui avait généré incompréhension et mécontentement du personnel.

- la fiche de signalement établie par le docteur D... le 29 janvier 2014 portant sur un refus du docteur Y... de communiquer autrement que par écrit, ce qui ne permettait pas une décision rapide et concertée sur les modalités d'exploration en imagerie médicale adaptées aux patients.

Les griefs développés par l'employeur et la sanction disciplinaire prise ont été contestés par Mme Y... suivant courrier du 12 mai 2014. Celle-ci s'est étonnée des reproches qui lui sont faits après 4 ans d'ancienneté dans l'établissement, quelques mois seulement après sa saisine de la juridiction prud'homale en résiliation de son contrat de travail. Elle indique que le climat de défiance qui s'était instauré au sein du service avait pour origine la publication sur l'intranet par le docteur F... d'un courriel la critiquant directement, et pour conséquence, un comportement méprisant de son chef de service, le docteur D... à son égard. Mme Y... reproche à l'employeur de faire une application différenciée de son obligation de sécurité puisqu'il n'avait pas jugé utile de prendre une quelconque mesure alors qu'elle l'avait alerté à plusieurs reprises des difficultés qu'elle rencontrait depuis l'envoi du courriel litigieux.

Les premiers juges ont justement relevé que l'incident créé par le courriel diffusé le 23 juillet 2013 avait opposé le docteur Y... à une personne extérieure au service de radiologie à savoir le docteur F..., de sorte que cet incident ne pouvait avoir de lien avec les difficultés exposées par l'équipe de radiologie dans des termes précis, circonstanciés et concordants.

Mme Y... se prévaut du certificat du médecin du travail établi le 13 mai 2014 dans lequel celui-ci s'étonne qu'il n'ait jamais reçu la moindre doléance sur la salariée de la part des agents du service de radiologie ou de la hiérarchie.

Les premiers juges ont observé avec pertinence que la seule absence d'information du médecin du travail ne permettait pas d'exclure la réalité de problèmes au sein d'un service.

De même, le seul fait que le comportement inapproprié de Mme Y... ait été dénoncé postérieurement à sa saisine de la juridiction prudhomale est insuffisant à établir la fausseté des griefs invoqués dans la lettre portant notification de l'avertissement.

En réponse au grief tiré de son absence aux réunions d'équipe, Mme Y... fait valoir que les réunions étaient principalement fixées les lundis, alors qu'elle ne travaillait pas les lundis, sans pour autant contester que des dates alternatives lui étaient proposées. Elle explique qu'elle ne pouvait participer aux réunions d'oncologie fixées les vendredis à midi alors qu'elle terminait ses consultations vers 12h15 minimum et commençait sa vacation scanner à 13h, ce qui ne peut justifier son absence systématique à ces réunions alors qu'elle avait l'habitude des journées continues pour en effectuer notamment les mercredis.

Elle a également contesté le refus d'entraide reproché, son désintérêt des activités du groupe, les demandes d'écrits, les enregistrements dénoncés par le docteur D... notamment pour la journée du 8 janvier 2014 et son manque de politesse et de civilité à l'égard de l'équipe.

Mme Y... produit l'attestation en la forme légale de M. G..., qui l'a assistée lors de l'entretien préalable du 21 mars 2014, dans laquelle celui-ci déclare que le directeur, M.H..., a fait état de la lettre du chef de service établie au nom de toute l'équipe médicale et de la lettre des manipulateurs radio, libellées en termes concordants sur un climat de tension induit par le comportement de Mme Y... incompatible avec la vie du service : malaise quotidien, situation de non-dits, manque de confiance, manque de civilité, absence d'esprit d'équipe, absence d'échanges entre professionnels, absence d'intérêt pour les projets, autant de griefs que la salariée a qualifié de "remarques subjectives".

Cette attestation permet seulement de confirmer que l'entretien a porté sur les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de notification de l'avertissement.

Mme Y... ne produit aucun élément de nature à contredire les déclarations concordantes, précises et circonstanciées émanant tant de plusieurs salariés de son service, que du cadre de santé et du chef de service sur le comportement professionnel inapproprié qui lui est reproché.

Mme Y... doit en conséquence, être déboutée, par confirmation du jugement entrepris, de sa demande d'annulation de l'avertissement du 16 avril 2014 et de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Il appartient au salarié d'établir la réalité des manquements reprochés à l'employeur.

Il lui appartient également d'établir que ces manquements sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Mme Y... fonde sa demande sur le harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi et sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Il doit être rappelé que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité; il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut, être sanctionné ('..) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L'article L 1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme Y... présente à la cour les éléments de fait suivants :

- les propos vexatoires à son égard figurant dans le courriel du Docteur F... du 23 juillet 2013, publié sur l'intranet de l'hôpital, propos relayés par M. E..., cadre du service et l'inertie de l'employeur qui n'a pas géré l'incident :

Elle produit le courriel du Docteur F... du 23 juillet 2013, publié sur l'intranet de l'hôpital, ayant pour objet : "accueil humain à Ducuing' mythe'", dans lequel celui-ci relate un incident ayant opposé une de ses patientes âgée, invalide et malade et le médecin du service de radiologie (lequel n'est pas nommé), ce dernier lui ayant opposé un refus sans appel de réaliser un scanner en raison de son retard. Le docteur F... précise qu'il a essayé de trouver une solution avec ledit médecin qui a maintenu son refus de réaliser le scanner au motif que la vacation se terminait à 17h alors qu'il était 16h30, la patiente ayant alors été invitée à passer par les urgences afin de passer le scanner.

Est également versé aux débats le courriel du même jour de M. E..., cadre de santé, qui se dit attristé de cette situation dans la mesure où son unité s'en trouve à l'origine "sur un comportement individuel"qu'il ne souhaite pas voir étendu à l'ensemble de l'équipe d'imagerie médicale.

- les propos tenus le 23 août "2012" ( 2013) par le docteur D..., celui-ci l'ayant menacée en lui indiquant : " tu ne sais pas ce qu'on te prépare, je suis dégouté de ton attitude, tu travailles mal. On va te licencier, tu ne te doutes pas de ce qui va t'arriver..." et les incidents du 8 janvier et 4 février 2014 avec le même qui l'a insultée en ces termes :" tu ne fais plus partie du service, tu es dehors, tu es de la merde, tu es malade psychologiquement et folle..." et " tu est folle, tu es dérangée, tu ne fais pas correctement ton travail...".

- l'incident du 30 novembre 2013 qui l'a opposée au docteur F..., celui-ci cherchant à la prendre en défaut, faisant contrôler son travail par le manipulateur radio de garde :

Cet incident ressort du courrier adressé par Mme Y... à l'employeur le 2 décembre 2013 dans lequel elle se plaint d'une absence de communication avec son collègue sur un scanner qu'elle avait réalisé suivant la prescription de ce dernier, le docteur F... préférant s'adresser à l'administrateur de garde sur son portable personnel et lui demander de vérifier si elle avait fait son travail d'interprétation, de lui lire le compte rendu et d'apporter celui-ci à l'infirmerie de médecine alors qu'il se trouvait encore sous la forme de brouillon et n'était pas validé.

- une procédure disciplinaire vexatoire initiée le 13 février 2014, au regard d'un comportement non professionnel dénoncé à son encontre par son chef de service et les membres du service d'imagerie, ayant donné lieu à un avertissement du 16 avril 2014, procédure intervenue postérieurement à sa saisine du conseil de prud'hommes ;

- le comportement irrespectueux à son égard de Mme Perrot, secrétaire, le 9 mai 2014, qu'elle décrit dans un courrier adressé à l'employeur le 12 mai suivant :

Mme Y... reproche à Mme Perrot d'avoir été verbalement agressive, de lui avoir dit dans un premier temps, qu'il était très pénible de travailler avec elle alors qu'elle lui avait expliqué qu'elle ne pouvait pas signer immédiatement tous les comptes rendus de patients externes car elle devait finir d'interpréter les examens des patients hospitalisés, qui étaient attendus le soir même par les médecins, et dans un deuxième temps, alors qu'elle l'informait des comptes rendus qu'elle avait finalement validés, de lui avoir dit en la chassant de la main: " ma pauvre, vous nous rendez tous malades".

- l'inertie de l'employeur qui n'a géré aucun des incidents signalés par Mme Y..., le CHSTC n'ayant été saisi par l'employeur que tardivement. En outre, celui-ci a affiché au cours de cette réunion son soutien à toute personne agissant contre la salariée.

- l'instrumentalisation par la direction de ses confrères salariés, dont les docteurs D..., F... et I..., qui ont envoyé le 14 mai 2014, une lettre de doléances mensongère au conseil de l'ordre dans laquelle le comportement de Mme Y... était stigmatisé.

Mme Y... soutient que ces agissements vexatoires répétés ont dégradé son état de santé et qu'ils sont à l'origine de son inaptitude.

Elle produit le certificat de son médecin traitant qui confirme l'avoir placée en arrêt maladie le 11 décembre 2013. Cet arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 30 décembre 2013.

Le docteur J..., neuro-psychiatre, a prescrit à Mme Y..., le 5 février 2014, un antidépresseur. Il l'a placée en arrêt maladie le 14 mai 2014 pour "état dépressif d'épuisement dans un contexte conflictuel professionnel", lequel a été prolongé jusqu'au 18 juin 2014.

A l'issue d'une visite médicale du 14 mai 2014, le docteur K..., médecin du travail, a déclaré Mme Y... temporairement inapte à son poste de travail pour une durée de 1 mois.

Le 25 juin 2014, le docteur J... a établi un certificat dans lequel il certifie que Mme Y... présente des manifestations anxieuses et dépressives majeures avec hyperémotivité que celle-ci décrit en relation directe avec une situation conflictuelle au travail qu'elle qualifie de harcèlement moral. Le médecin atteste avoir observé une grande souffrance au travail avec un syndrome dépressif dans un contexte de stress intense et de déstructuration hyper-anxieuse, nécessitant un traitement médicamenteux associant anti-dépresseurs et anxiolytiques, et un arrêt de travail. Il précise avoir recommandé à sa patiente de prendre contact avec la médecine du travail compte tenu des risques d'aggravation et de danger pour sa santé.

Mme Y..., à l'issue de la 2ème visite de reprise du 3 juillet 2014, a d'ailleurs été déclarée inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise.

La dégradation de l'état de santé de la salariée ressort donc de l'ensemble de ces avis médicaux.

Les faits ainsi présentés comme constitutifs de harcèlement moral, qui sont multiples, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient à l'employeur de prouver que les agissements ainsi présentés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du courriel en date du 23 juillet 2013 publié par le docteur F... sur l'intranet de l'hôpital, l'employeur reconnaît que si le docteur Y... n'était pas nommément désignée, elle était cependant parfaitement identifiable.

Le courriel du cadre de santé M. E... ne contient aucune attaque à l'encontre de Mme Y... mais constitue la première réaction d'un salarié au message du docteur F....

L'employeur fait valoir qu'il avait préféré recueillir les versions des deux médecins plutôt que d'agir dans la précipitation.

La cour observe comme les premiers juges qu'il pouvait difficilement faire disparaître a posteriori un courriel reçu de tous.

Il demeure qu'il n'a effectué aucune démarche auprès du docteur F... qui avait utilisé un mode de communication inapproprié et qu'il ne peut valablement justifier cette inaction par le fait qu'il a finalement considéré que le fond de ce message était avéré.

En effet, le caractère public donné à ce courriel était vexatoire et humiliant pour Mme Y..., même si la version qu'elle donne elle-même des faits dans ses écritures aboutit à confirmer la version du docteur F....

S'agissant des incidents ayant opposé Mme Y... au docteur D... qui l'aurait insultée et menacée, ils ne reposent que sur les affirmations de la première, et sont contredites par les déclarations du second telles qu'elles figurent dans son courrier du 9 janvier 2014, corroborées par les déclarations de plusieurs salariés du service d'imagerie médicale figurant dans un courrier commun du 5 février 2014.

Il a été vu lors de l'étude sur l'avertissement du 16 avril 2014 que le docteur D..., chef du service d'imagerie médicale, a informé l'employeur de l'impossibilité pour le service et pour lui-même de communiquer normalement avec Mme Y..., cette dernière exigeant que les échanges se fassent par écrit et enregistrant les conversations professionnelles sur son téléphone portable. Le chef de service a pris pour exemple un incident du 8 janvier 2014 au cours duquel il a considéré le comportement du docteur Y... comme inacceptable alors qu'elle s'adressait à lui en procédant en même temps à l'enregistrement audio de la conversation

Cet incident a eu lieu devant l'équipe médicale et la lettre commune à 6 salariés du service en date du 5 février 2014, déjà citée, confirme ces faits ainsi qu'un comportement général de Mme Y... excluant toute civilité et politesse.

La matérialité objective du comportement injurieux du docteur D... envers l'appelante n'est donc pas établie.

Il sera observé que le docteur F..., dans un courriel du 13 février 2014 adressé au directeur de l'association, dénonce les propos que le docteur Y... lui aurait tenus "avec un grand sourire" la veille à la sortie de l'hôpital: " ça va être maintenant l'acte 2 pour vous, Mr F..., je tenais à vous en avertir", le docteur F... estimant qu'il s'agissait d'une agression verbale.

Ces propos attribués à Mme Y..., qui ne reposent que sur les affirmations de M. F..., permettent seulement d'en déduire des difficultés relationnelles et de communication entre les médecins.

Des difficultés de communication exclusives de tout agissement de harcèlement ressortent également de la fiche de signalement établie par le docteur D... le 29 janvier 2014 dans laquelle ce dernier dénonce le refus du docteur Y... de dialoguer avec le docteur L... sur le suivi d'une patiente et des investigations à retenir, celle-ci exigeant de cette dernière des échanges écrits, ce que le chef de service a estimé incompatible avec une prise en charge rapide et concertée entre membres du personnel médical.

L'incident du 30 novembre 2013 ayant opposé Mme Y... au docteur F... auquel celle-ci reproche de ne pas l'avoir appelée, a été analysé par la première comme une tentative du second de la prendre en défaut et de faire surveiller son travail par le manipulateur de garde.

La fiche de signalement des évènements indésirables complétée par le docteur F... mentionne que ce jour là, à la suite d'un examen effectué, le docteur Y... a refusé de l'appeler et qu'il n'a obtenu qu'un compte rendu illisible, ni daté ni signé.

Il apparaît ainsi que chaque médecin a attendu l'appel de l'autre de sorte que le comportement du docteur F... ne peut davantage constituer un agissement constitutif de harcèlement moral.

S'agissant de la procédure disciplinaire, qui a donné lieu à un avertissement notifié le 16 avril 2014, il a été jugé qu'elle était justifiée par le comportement professionnellement inapproprié de Mme Y... de sorte qu'elle ne peut caractériser un agissement participant à un harcèlement moral.

Le comportement irrespectueux de Mme Perrot, secrétaire du service, à l'égard de Mme Y..., le 9 mai 2014, ne repose que sur les seules affirmations de cette dernière et doit être apprécié au regard de la situation de rupture de toute communication entre les salariés et le docteur Y... telle que dénoncée par les docteurs D..., F... et I... dans les courriers qu'ils ont adressés au conseil de l'ordre des médecins.

Le docteur D... a en effet informé le 14 mai suivant le président du conseil de l'ordre des médecins de l'attitude agressive, irrespectueuse, méprisante du docteur Y... à l'égard de ses confrères et des salariés, précisant que les salariés du secteur médico-technique et du secrétariat exprimaient une souffrance au travail et un stress permanent au contact du docteur Y... "qui n'avait de cesse de les humilier, de les agresser ou à l'inverse des les ignorer avec le plus grand mépris". Le docteur D... demandait à son interlocuteur de lui donner des conseils "dans le but de résoudre une situation devenue insoutenable autant qu'inacceptable".

Le docteur F... a également fait la même démarche auprès du président du conseil de l'ordre des médecins.

Le chef de service des urgences, le docteur I... a également adressé un courrier à l'ordre des médecins dans lequel il confirme les difficultés relationnelles des urgentistes avec le docteur Y... et demande une aide pour revenir à une relation plus apaisée.

Aucun élément ne permet d'établir que l'employeur a été à l'origine de cette action de plusieurs médecins auprès du conseil de l'ordre.

Eu égard à la qualité et à la personnalité de ces derniers, il ne peut être retenu qu'ils ont été instrumentalisés par la direction ou que leurs courriers ont été rédigés par la direction des ressources humaines afin d'affaiblir davantage Mme Y... et servir les intérêts de l'employeur.

En outre, l'absence d'intervention de l'employeur ne peut s'analyser comme un soutien apporté aux trois médecins ci-dessus cités qui étaient parfaitement libres de saisir leur ordre des difficultés rencontrées.

En tout état de cause, après des entretiens avec les différents protagonistes, aucune suite n'a été donnée par cette instance à ces courriers dont l'objectif était de trouver une solution pour pacifier la situation.

Le président de l'ordre, M. M..., en a informé Mme Y... le 9 septembre 2014, précisant que les trois médecins n'avaient pas déposé de plainte formelle à son égard.

Enfin, l'employeur produit le compte rendu de la réunion du CHSCT qui s'est tenue le 27 mai 2014 et au cours de laquelle ont été évoqués la situation de risques psycho-sociaux affectant le service d'imagerie médicale.

Les membres du CHSCT ont tous été concordants sur les deux versions données de la situation : le service d'imagerie médicale impute au docteur Y... la responsabilité de la rupture de toute communication alors que cette dernière s'inscrit en faux sur tous les reproches qui lui sont faits et se pose en victime de l'ostracisme du service.

Il est indiqué qu'une rencontre est prévue avec le médecin du travail la semaine suivante et que l'employeur souhaite un audit mettant en évidence les mécanismes de groupe.

Les propositions de l'employeur étaient donc justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments soumis à la cour que, nonobstant le courriel du docteur F... du 23 juillet 2013 dont le caractère public a été vexatoire et humiliant pour le docteur Y... mais qui ne peut à lui seul caractériser un harcèlement moral subi par la salariée au sens de l'article L 1152-1 du code du travail, les difficultés rencontrées par le docteur Y... s'inscrivent dans un contexte d'absence de communication et de mésentente entre elle et les différents membres du service d'imagerie médicale, dont son propre comportement n'était pas étranger, ce qui a justifié l'avertissement qui lui a été notifié.

Il sera cependant relevé que l'employeur, à qui il incombait de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'effectivité de son obligation générale de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l'entreprise, alors même que Mme Y... lui avait demandé d'intervenir et qu'elle avait été placée une première fois en arrêt de travail dès la fin de l'année 2013, n'a saisi le CHSCT qu'au mois de mai 2014, laissant ainsi la situation entre les membres du service d'imagerie médicale et le docteur Y... s'envenimer.

Il a été rappelé que l'employeur n'a effectué aucune démarche auprès du docteur F... alors que celui-ci avait utilisé un moyen de communication inapproprié, mettant publiquement en cause Mme Y..., laquelle ne pouvait se permettre d'exercer un droit de réponse par la même voie de l'intranet au risque d'aboutir à une situation de règlement de comptes.

L'employeur n'a mis en place aucune mesure, notamment de médiation, aux fins de gérer les différents incidents qui lui étaient rapportés, tant par le docteur Y... que par les autres membres de l'équipe médicale, et il ne s'est pas davantage rapproché du médecin du travail alors que Mme Y... l'informait de la dégradation de son état de santé du fait des difficultés relationnelles auxquelles elle se heurtait dans son travail.

La saisine du CHSCT est intervenue alors que Mme Y... était à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie, et qu'à l'issue d'une visite médicale du 14 mai 2014, le docteur K..., médecin du travail, l'avait déclarée temporairement inapte à son poste de travail pour une durée de 1 mois, l'arrêt maladie de la salariée s'étant achevé sur un avis définitif d'inaptitude délivré le 3 juillet 2014, à l'issue de la 2ème visite de reprise du 3 juillet 2014.

Il en découle que l'association intimée n'a pris aucune des mesures prévues par l'article L4121-2 du code du travail qui lui fait obligation de mettre en place:

- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

- des actions d'information et de formation,

- une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ce manquement à son obligation de sécurité de résultat est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse au 18 septembre 2014, date du licenciement pour inaptitude de Mme Y....

Cette dernière est ainsi fondée à obtenir l'indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Le salaire mensuel brut de référence de Mme Y... doit être fixé à 5554,95 € comme sollicité dans le dispositif de ses conclusions, montant qui ne fait l'objet d'aucune critique de l'employeur.

Il convient d'allouer à l'appelante une somme de 16 664,85 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaires) et 1664 € au titre des congés payés y afférents.

Mme Y..., âgée de 59 ans au moment de la rupture du contrat de travail, bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans et 5 mois et était employée dans une entreprise employant plus de 10 salariés.

Elle justifie avoir repris une activité en libéral en avril 2015 et jusqu'au 30 avril 2016, date à laquelle elle indique, sans en donner le motif, avoir vendu son cabinet de radiologie. Son compte Urssaf a d'ailleurs été radié à cette date.

L'appelante justifie de son inscription à ses frais au diplôme inter-universitaire d'imagerie ostéo-articulaire et du suivi de la formation y afférente pendant 2 ans.

Elle indique n'avoir pas retrouvé de travail.

Il doit lui être dès lors alloué la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Mme Y... sollicite enfin une somme de 1358,08 € au titre du solde restant dû sur l'indemnité compensatrice de congés payés, étant précisé que l'employeur lui a versé au titre cette indemnité la somme de 9954,95 €.

Sur la base d'un salaire moyen brut mensuel de 5554,95 €, du nombre de jours de congés payés à hauteur de 45,85 jours qui n'est pas contredit par l'employeur, et après déduction de la somme de 9954,95 € versée, il reste dû à Mme Y... un solde de 232,46 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement entrepris sera complété en ce sens.

Sur le surplus des demandes

La demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt doit être rejetée alors qu'il exécutoire de droit.

Les sommes allouées seront assorties des intérêts légaux conformément aux dispositions prévues dans le dispositif, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a jugé que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2013, date de réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation.

L'association Les Amis de la Médecine Sociale qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance par réformation du jugement entrepris, et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme Y... la somme de 2800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L 1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris hormis sur le montant du rappel de salaire au titre des heures complémentaires et des congés payés y afférents, sur le débouté de Mme Y... de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires subséquentes, sur le montant du salaire brut mensuel de référence et sur les dépens,

Le réforme sur ces points,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'association les Amis de la Médecine Sociale a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y... aux torts de l'employeur,

Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse au 18 septembre 2014,

Fixe le salaire mensuel brut de référence de Mme Y... à 5554,95 €,

Condamne l'association les Amis de la Médecine Sociale à payer à Mme Y... les sommes suivantes :

- 2 800,80 € à titre de rappel de salaire au titre de 90 heures complémentaires effectuées de novembre 2012 à octobre 2013 inclus, ainsi que la somme de 280,08 € au titre des congés payés y afférents,

- 16 664,85 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1664 € au titre des congés payés y afférents,

- 232,46 € à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 2800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 9 décembre 2013, et les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par l'association les Amis de la Médecine Sociale à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'association les Amis de la Médecine Sociale à payer à Mme Y... aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Caroline B..., présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE

Brigitte COUTTENIERCaroline B...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 17/00582
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°17/00582 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;17.00582 ?
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