01/07/2016
ARRÊT N°959/16
N° RG : 14/05808
DB/FQ
Décision déférée du 15 Septembre 2014 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE 21201009
Mme MAUDUIT
[W]
SARL PEINTURE HAUTE-VOLTIGE
C/
URSSAF MIDI PYRENEES
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale
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ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE SEIZE
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APPELANT
Maître [W], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL PEINTURE HAUTE-VOLTIGE
[Adresse 4]
[Localité 3]
non comparant, non représenté
SARL PEINTURE HAUTE-VOLTIGE, représentée par son gérant [O] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de la SCP D'AVOCATS ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
URSSAF MIDI PYRENEES
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe DUMAINE de la SCP D'AVOCATS DUMAINE-RODRIGUEZ, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2016, en audience publique, devant D. BENON et C.PAGE conseillers chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. PARANT, président
D. BENON, conseiller
C. PAGE, conseiller
Greffier, lors des débats : B. COUTTENIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. PARANT, président, et par B. COUTTENIER, greffier de chambre.
FAITS
La SARL PEINTURE HAUTE VOLTIGE (PHV), gérée par M. [X], exerce une activité dans le domaine des peintures anti-corrosion et a pour clientes, notamment, les sociétés RTE, SNCF, SHEM et EDF.
Elle emploie des saisonniers pour des chantiers dont les durées sont de 6 à 8 mois.
En application de l'article R 243 -59 du code de la sécurité sociale, par lettre d'observations datée du 23 mai 2011, l'URSSAF de la Haute Garonne (aux droits de laquelle vient désormais l'URSSAF Midi Pyrénées) lui a notifié un redressement en principal d'un montant de 665 771 € au titre de la période de 2008 à 2010 au motif qu'elle avait eu recours à du travail dissimulé en employant des travailleurs roumains détachés, en réalité employés dans leur pays par la société de droit roumain VOPSITORIE ACROBATICA (SVA), créée et gérée par M. [X].
Après rejet de la contestation formée auprès de l'inspecteur du recouvrement, le 8 septembre 2011, l'URSSAF a délivré à la SARL PHV une mise en demeure de s'acquitter de la somme totale de 787 749 €.
Le 6 février 2012, la SARL PHV a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF en déclarant contester le redressement au motif que les salariés roumains étaient en situation, régulière, de pluri-activités, et qu'ils ne dépendaient que du régime de sécurité sociale de leur pays d'origine.
Par décision du 24 juillet 2012, la commission de recours amiable a confirmé le redressement.
Par acte du 27 septembre 2012, la SARL PHV a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute Garonne afin d'obtenir l'annulation du redressement en faisant valoir que le contrôle n'avait été précédé d'aucun avis, que l'intention frauduleuse n'avait pas été recherchée, et que les salariés de nationalité roumaine remplissaient les conditions légales pour faire l'objet d'un détachement en France et, enfin, que les démarches administratives réglementaires avaient été accomplies.
A titre subsidiaire, elle a exposé que l'URSSAF avait manqué à son obligation d'information du fait que, lors d'un précédent contrôle en 2009, aucune remarque n'avait été formulée sur ses pratiques.
A titre très subsidiaire, elle a déclaré contester le montant calculé sur des bases forfaitaires.
Au cours de la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la SARL PHV a été placée en redressement judiciaire, Me [F] [W] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me [M] [K] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu le 15 septembre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- déclaré le recours recevable mais non fondé,
- débouté la SARL PHV de l'ensemble de ses demandes,
- confirmé la décision du 24 juillet 2012 de la commission de recours amiable de l'URSSAF,
- fixé la créance de l'URSSAF au passif du redressement judiciaire à la somme de 665 516 €,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL PHV et Me [W], es-qualités, ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été fixée à l'audience de la Cour du 2 juin 2016.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions déposées le 2 juin 2016, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL PHV explique qu'elle a toujours essayé de recruter du personnel en France, mais que faute d'en trouver, elle a été amenée à en rechercher à l'étranger, sous forme de détachements conformes aux règles sur l'immigration.
Elle explique que le contrôle s'est déroulé de la façon suivante :
- le 20/08/09, l'inspecteur de l'URSSAF s'est présenté dans ses locaux pour l'informer d'une investigation concernant ses sous-traitants.
- le 21/08/09, l'inspecteur lui a envoyé une télécopie indiquant qu'il se présenterait à une date à définir ensemble, au visa de certains textes, en sollicitant la communication de documents, ce qu'elle a fait.
- le 23/05/11, la lettre d'observations en litige lui a été adressée.
La SARL PHV fait valoir les arguments suivants :
- non respect de la procédure applicable en matière de recherche de travail dissimulé instituée à l'article L 8271-1 et suivants du code du travail :
* ce texte impose la rédaction d'un constat par les agents de contrôle, qui n'a été produit que très tardivement par l'URSSAF à l'occasion de l'instance en appel,
* d'autres textes font référence à la nécessité d'établir un procès-verbal,
* elle n'a jamais été destinataire d'un tel procès-verbal au cours des opérations de redressement.
- l'évaluation forfaitaire :
* la lettre d'observations est signée par les inspecteurs et non par le directeur de l'URSSAF, en violation de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale,
* l'URSSAF n'a pas cherché à obtenir les éléments permettant de connaître la rémunération versée aux salariés,
* elle n'a pas tenu compte des éléments qui lui ont été produits sans chercher à obtenir le montant des rémunérations versées aux salariés roumains.
- l'URSSAF a en réalité utilisé la procédure de droit commun de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale :
* les textes visés en attestent,
* cette procédure n'a pas été respectée : absence d'avis préalable au contrôle, et de notification de la possibilité de se faire assister d'un conseil pendant les opérations.
- déloyauté :
* les pièces relatives aux sous-traitants ont été utilisées en réalité à son encontre,
* les éléments produits n'ont pas été pris en compte,
* un délai de 2 ans s'est écoulé entre le contrôle et la lettre d'observations.
Au terme de ses conclusions, la SARL PHV demande à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler le redressement, ou subsidiairement de le limiter à la somme de 173 173 €.
Elle réclame enfin 30 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions déposées le 2 juin 2016, auxquelles il est également renvoyé pour le détail de l'argumentation, l'URSSAF Midi Pyrénées présente les observations suivantes :
- régularité du contrôle :
* le contrôle a été effectué pour rechercher les situations de travail dissimulé dont la possibilité avait été signalée par l'inspection du travail du fait de la présence de salariés de la société roumaine SVA,
* des recherches sur cette société ont été effectuées après demande de communication de documents à la SARL PHV, dont il est résulté que les deux sociétés avaient le même gérant, M. [X],
* dans ce cas, l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale dispense d'adresser un avis préalable au contrôle et la lettre d'observations doit être signée par les agents de contrôle et non par le directeur de l'URSSAF,
* le contrôle a été effectué par les agents spécialisés dans la lutte contre le travail dissimulé et le redressement n'a porté que sur les cotisations dues à ce titre,
* il n'existe aucune obligation pour l'inspecteur de l'URSSAF d'établir un autre procès-verbal que le procès-verbal de contrôle établi par celui-ci le 8 juillet 2011.
- fond du redressement :
* l'ancien article 14-1 du règlement 1408/71 imposait d'assujettir les travailleurs détachés de Roumanie en France au régime de sécurité sociale français, faute d'activité réelle de l'entreprise roumaine en Roumanie,
* la société SVA n'a aucune activité réelle en Roumanie et le montage effectué par M. [X] était illicite car l'activité de la société roumaine se limitait en réalité à une prestation de prêt de main-d'oeuvre,
* l'existence d'un travail dissimulé justifiait la taxation forfaitaire de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale sur la base de l'ensemble des sommes versées à la société SVA.
L'URSSAF conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Me [W], actuellement commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL PHV, régulièrement convoqué par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé le 24 septembre 2015, n'a pas comparu.
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MOTIFS
1) Sur la régularité de la procédure de redressement :
En premier lieu, selon les pièces produites aux débats, par lettre du 21 août 2009, le service intitulé 'Lutte Contre le Travail Illégal' de l'URSSAF de la Haute Garonne a indiqué à la SARL PHV qu'un agent se présenterait dans ses locaux, à une date à définir ensemble, afin d'y recueillir des renseignements concernant les sous-traitants de la SARL.
Dans cette lettre, l'URSSAF a demandé à la SARL PHV de mettre à sa disposition différents documents comptables, comme par exemple les contrats et factures de sous-traitance.
L'URSSAF a expressément indiqué agir en vertu du droit de communication de l'article L 114-19 du code de la sécurité sociale afin de rechercher les infractions aux interdictions du travail dissimulé prévues à l'article L 8221-1 du code du travail.
En effet, cet organisme avait été informé de la présence, inhabituelle, d'ouvriers roumains sur certains chantiers.
Il s'agissait par conséquent pour l'URSSAF de la seule mise en oeuvre de la procédure de communication de documents, prévue à l'article L 114-9 sus-dit, dans le cadre de vérifications relatives à la lutte contre le travail illégal.
Ce droit d'information autonome à toute autre procédure, qui ne visait qu'à recueillir des informations sur la société roumaine SVA, ne constituait pas un contrôle de la situation de la SARL PHV tel que prévu à l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, et réglementé à l'article R 243-59 du même code.
Par conséquent, la SARL PHV n'est pas fondée à prétendre que l'URSSAF aurait agit de façon irrégulière, ou déloyale, en commençant son contrôle en août 2009 pour n'adresser une lettre d'observations que le 23 mai 2011 ou même en ne l'informant pas des conséquences éventuelles à son égard du droit de communication.
En deuxième lieu, en février 2011, il s'est avéré, d'une part, que le gérant de la SARL PHV avait créé la société roumaine SVA à seule fin de répondre aux besoins, en France, de la SARL PHV et, d'autre part, que la société SVA n'avait aucune activité réelle en Roumanie, condition impérative pour permettre le détachement de ses salariés en France tout en ne cotisant qu'auprès du régime de sécurité sociale roumain.
Du seul fait de cette constatation, l'URSSAF pouvait émettre la lettre d'observations établie le 23 mai 2011, adressée à la SARL PHV, lui faisant part de ses constatations, qui contient toutes les mentions prévues à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale et qui permettait à la SARL PHV de faire valoir ses arguments.
L'URSSAF n'était tenue à aucune procédure antérieure à cette lettre d'observations étant rappelé que l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit que l'obligation d'envoyer un avis préalable à un contrôle ne s'applique pas 'dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L 8221-1 du code du travail', c'est à dire dans le cas où le contrôle a pour but de rechercher le travail illégal, ce qui était le cas en l'espèce.
Ce texte n'imposait nullement aux agents de l'URSSAF d'établir un procès-verbal préalable au contrôle.
Si un procès-verbal a ensuite été établi, à la date du 8 juillet 2011, c'est afin de porter à la connaissance du procureur de la République les infractions constatées.
La SARL PHV invoque les dispositions des articles L 8271-1 et suivants du code du travail, relatives à la recherche du travail dissimulé.
Cependant ces textes habilitent tout un ensemble d'agents à rechercher des situations de travail dissimulé, mais ne concernent pas la procédure de redressement que doit suivre l'URSSAF laquelle est instituée à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.
En troisième lieu, selon l'article R 133-8 du code du travail, ce n'est que lorsque le contrôle de la situation du cotisant n'a pas été effectué par l'URSSAF, mais par un agent d'un autre organisme, que la lettre d'observations doit être signée par le directeur de l'URSSAF.
Il en résulte en l'espèce que dès lors que la lettre d'observations faisait suite aux renseignements recueillis par les inspecteurs de l'URSSAF, celle-ci devait être signée par ceux-ci en application de l'article R 243-59, ce qui a été le cas.
Au terme de l'examen de ces éléments, la Cour constate que la procédure suivie par l'URSSAF est régulière.
2) Sur le fond du droit :
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte, et qui ne sont d'ailleurs plus contestés par l'appelante, que le premier juge, au visa des dispositions des articles 14-1 du Règlement (CEE) n°1408/71 du 14 juin1971 alors applicable, après avoir constaté qu'il était établi que la société roumaine SVA n'avait aucune activité réelle en Roumanie et se limitait à mettre ses salariés à disposition de la SARL PHV, a dit que cette dernière était tenue de cotiser auprès de l'URSSAF pour l'emploi en France des travailleurs en provenance de la société SVA, ce qu'elle n'avait pas fait.
Le principe du redressement est par conséquent justifié et la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale doit être confirmée, étant précisé qu'il en résulte que l'appelante ne saurait obtenir paiement de dommages et intérêts, comme l'a également justement estimé le tribunal des affaires de sécurité sociale.
3) Sur la taxation forfaitaire :
L'alinéa 1er de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale dispose:
'Lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.'
En l'espèce, il est constant que la SARL PHV n'a établi aucune feuille de paye aux salariés roumains qu'elle a employés sur ses chantiers.
Elle a directement payé la société SVA pour le détachement de ses salariés.
Par conséquent, l'URSSAF a justement estimé que le redressement devait être établi à partir du compte 621 'personnel extérieur à l'entreprise', c'est à dire sur la base des sommes versées par la SARL PHV à la société SVA pour les années 2008 à 2010 qui représentaient les sommes censées être versées au titre de l'emploi des salariés roumains, étant rappelé que l'activité de la société SVA était exclusivement, de facto, de fournir de la main d'oeuvre à la SARL PHV.
Les inspecteurs de l'URSSAF ont constaté sur ce point, après consultation des éléments comptables que 'plus de 80 % du solde débiteur du compte 621 'personnel extérieur à l'entreprise' des grands livres comptables de l'entreprise PEINTURE HAUTE VOLTIGE correspond à la rémunération de personnel de l'entreprise SOCIETATE VOPSITORIE ACROBATICA SVA, en 2008 et 2009".
La taxation a par conséquent été établie sur la base de 80 % des versements mentionnés sur ce compte.
En application de l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire.
L'appelante propose à titre subsidiaire de fixer le redressement à la somme de 173 173 €.
L'examen de ses calculs permet de constater qu'ils sont effectués sur la base des salaires versés par la société SVA à ses salariés roumains.
Admettre un tel mécanisme de calcul reviendrait à faire payer à la SARL PHV des cotisations calculées sur des salaires roumains très inférieurs au SMIC.
Le calcul effectué par l'URSSAF doit par conséquent être retenu et le jugement également confirmé sur ce point.
Enfin, l'équité permet d'allouer à l'URSSAF la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
- la Cour,
- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 septembre 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute Garonne ;
- Y ajoutant, CONDAMNE la SARL PEINTURE HAUTE VOLTIGE à payer à l'URSSAF Midi Pyrénées la somme de 1 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Caroline .PARANT, président et par Brigitte COUTTENIER , greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
B.COUTTENIER C.PARANT
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