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18/12/2013 | FRANCE | N°13/00005

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Indemnisation a raison d'une dÉtention provisoire, 18 décembre 2013, 13/00005


18/ 12/ 2013
DÉCISION No 26/ 2013
NoRG : 13/ 00005

Nouzha X...

C/

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE *** INDEMNISATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE ***

Décision prononcée le DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE par Guy de FRANCLIEU, premier président, assisté de G. GAMBA, greffier

DÉBATS :

En audience publique, le 05 Décembre 2013, devant Guy de FRANCLIEU, premier président, assisté de G. GAMBA, greffier.

MINISTÈRE PUBLIC :

Représ

enté lors des débats par Jean-Jacques SILVESTRE, substitut général, qui a fait connaître son avis.
La date à laquelle ...

18/ 12/ 2013
DÉCISION No 26/ 2013
NoRG : 13/ 00005

Nouzha X...

C/

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE *** INDEMNISATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE ***

Décision prononcée le DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE par Guy de FRANCLIEU, premier président, assisté de G. GAMBA, greffier

DÉBATS :

En audience publique, le 05 Décembre 2013, devant Guy de FRANCLIEU, premier président, assisté de G. GAMBA, greffier.

MINISTÈRE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Jean-Jacques SILVESTRE, substitut général, qui a fait connaître son avis.
La date à laquelle la décision serait rendue a été communiquée.

NATURE DE LA DÉCISION : CONTRADICTOIRE

DEMANDEUR

Madame Nouzha X...... 31660 BESSIERES

Représentée par Me Nicolas RAYNAUD-DE-LAGE de la SELARL RAYNAUD DE LAGE, avocat au barreau de TOULOUSE

DÉFENDEUR

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT Direction des affaires juridiques Sous direction du droit privé Immeuble Condorcet-bât 6-6 rue Louise Weiss 75013 PARIS

Représenté par Me Marc JUSTICE ESPENAN de la SCP MERCIE-FRANCES-JUSTICE ESPENAN, avocat au barreau de TOULOUSE
I-FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES Madame Nouzha X...a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de Montauban en date du 20 octobre 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 15 janvier 2013, du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et non justification de ressources.

Madame Nouzha X...a été mise en examen et placée en détention provisoire le 12 juin 2008. Elle a été mise en liberté et placée sous contrôle judiciaire par ordonnance du 12 février 2009. Madame Nouzha X...a subi une détention provisoire d'une durée de 8 mois.
Par requête présentée le 16 avril 2013, madame Nouzha X...a saisi le premier président de la cour d'appel et sollicite :-12. 000, 00 ¿ en réparation de son préjudice moral-13. 904, 00 ¿ en réparation de sa perte de revenus-30. 289, 20 ¿ en réparation du préjudice causé par sa réaffectation à un poste plus éloigné de son domicile-9. 000, 00 ¿ en réparation du préjudice économique subi par le refinancement d'une année scolaire

Par conclusions reçues le 12 juillet 2013, l'agent judiciaire de l'Etat estime :- que l'indemnisation du préjudice moral du requérant ne saurait excéder la somme de 9. 000 ¿- que la perte des revenus doit être fixée à la somme de 11. 798, 58 ¿- que le surplus de la requête doit être rejeté

Par conclusions en date du 4 septembre 2013, le ministère public demande :- de déclarer la demande recevable-de fixer l'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 9. 000 ¿- de fixer l'indemnisation du préjudice matériel à hauteur de 11. 798, 58 ¿

Dans ses dernières conclusions reçues le 26 août 2013, madame Nouzha X...rappelle avoir subi une détention injustifiée de 8 mois, du 12 juin 2008 au 12 février 2009. Elle confirme les demandes présentées dans sa précédente requête.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 décembre 2013. Les parties ont maintenu oralement leurs écritures.
L'avocat de la requérante a eu la parole en dernier.

II-MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour l'exposé des faits et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures des parties qui ont été confirmées oralement lors de l'audience.
La recevabilité de la requête n'a pas été contestée. La requête est intervenue dans les 6 mois de la décision et madame Nouzha X...a droit à la réparation intégrale de ses préjudices. Il convient de déclarer recevable la requête de madame Nouzha X....
1) sur le préjudice moral
Madame Nouzha X...sollicite au titre de la détention provisoire injustifiée la somme de 12. 000 ¿ en réparation de son préjudice moral.
Il convient de prendre en compte l'environnement familial et professionnel de madame Nouzha X...ainsi que ses antécédents judiciaires. Madame Nouzha X...était âgée de 42 ans au moment de la détention. Elle est mariée, mère de trois enfants et est technicienne de péage auprès de la société des Autoroutes du Sud de la France. Son casier judiciaire ne porte aucune condamnation. Madame Nouzha X...se dit traumatisée par son incarcération brutale et imprévisible. Elle affirme s'être trouvée privée de la possibilité de voir ses trois enfants et avoir été inquiète du fait qu'ils se soient trouvés livrés à eux-même devant subvenir à leurs besoins. De plus, madame Nouzha X...culpabilise du fait que son incarcération ait causé l'échec scolaire de sa fille aînée qui a dû abandonner sa scolarité pour s'occuper de la maison et de ses frères et soeurs. Madame Nouzha X...ajoute qu'à sa sortie de détention, elle a été confrontée aux dettes qui s'étaient accumulées pendant 8 mois. Elle a dû renégocier avec ses créanciers un échelonnement de ses dettes, a eu des pénalités de retard à régler et a fait l'objet d'un interdit bancaire et d'un fichage à la Banque de France.
L'agent judiciaire de l'Etat propose la somme de 9. 000 ¿ en réparation de son préjudice moral.
Compte tenu des pièces du dossier et de l'environnement familial et professionnel de madame Nouzha X..., il convient de fixer le préjudice moral inhérent à la privation de liberté injustifiée d'une durée 8 mois à la somme de onze mille euros (11. 000 ¿).
2) sur le préjudice matériel
Pour une détention provisoire de 8 mois, madame Nouzha X...sollicite :
-13. 904, 00 ¿ en réparation de sa perte de salaires-30. 289, 20 ¿ en réparation du préjudice causé par sa réaffectation à un poste plus éloigné de son domicile-9. 000, 00 ¿ en réparation du préjudice économique subi par le refinancement d'une année scolaire

a) sur la perte de revenus
Madame Nouzha X...s'estime victime d'une perte de revenus suite à la suspension de son activité professionnelle durant les 8 mois de sa détention. Elle affirme que son salaire net était de 1. 738 ¿ par mois au moment de son incarcération et sollicite une indemnisation d'un montant de 13. 904 ¿ en réparation de sa perte de revenus.
L'agent judiciaire de l'Etat précise qu'il résulte des bulletins de salaires versés au dossier que le revenu mensuel moyen de madame Nouzha X...s'élevait pour la période de février à mai 2008 à la somme de 1. 474, 82 ¿ par mois. L'agent judiciaire de l'Etat propose une indemnisation à hauteur de 11. 798, 58 ¿ en réparation de la perte de revenus.
Après examen des justificatifs du dossier et des observations des parties, il convient d'allouer à madame Nouzha X...la somme de onze mille sept cent quatre vingt dix huit euros et cinquante huit centimes (11. 798, 58 ¿) en réparation de sa perte de revenus.
b) sur la réaffectation à un poste plus éloigné de son domicile
Après son incarcération, madame Nouzha X...n'a pu retrouver son ancien poste et s'est vue réaffecter à la gare de péage de MURET qui est située à 59 kilomètres de chez elle alors qu'elle était auparavant à la gare de péage de l'UNION située à 29 kilomètres de son domicile et au nord de TOULOUSE où se trouve son domicile. L'employeur de madame Nouzha X...atteste avoir été contraint de remplacer madame Nouzha X...durant sa détention et que sa réaffectation, qui est définitive, est la conséquence directe de cette incarcération. Madame Nouzha X...dit réaliser 60 kilomètres de plus par jour. Madame Nouzha X...se voit dans l'impossibilité d'espérer d'amélioration avant la fin de l'année 2013. Elle estime devoir subir ce rallongement de trajet entre son lieu de travail et son domicile pendant une durée minimale de 48 mois, durée à laquelle il convient de déduire les 5 mois de congés payés auxquels elle aura droit au cours de cette période. Madame Nouzha X...précise qu'elle possède une voiture qui présente 7 chevaux fiscaux et dont le barème kilométrique est fixé à 0, 587 centimes par kilomètre. Sachant que la perte financière subie par le rallongement des trajets peut être fixée à 20 jours x 60 kilomètres x 0, 587 centimes, soit 704, 40 ¿ de perte par mois. Cette perte s'évalue au minimum 704, 40 ¿ X (48-5 mois) = 30. 289, 20 ¿. Madame Nouzha X...sollicite l'allocation de la somme de 30. 289, 20 ¿ en réparation du préjudice causé par sa réaffectation professionnelle à un poste plus éloigné de son domicile.
L'agent judiciaire de l'Etat précise qu'il n'est pas établi que l'affectation de madame Nouzha X...sur la gare de péage de MURET soit une conséquence directe et certaine de la détention provisoire. Il ajoute que cette réaffectation aurait pu intervenir même en l'absence de détention provisoire dans la mesure où elle se situe dans le même secteur géographique que le précédent poste et le domicile de la requérante. L'agent judiciaire conclut que ces frais ne peuvent être pris en considération et que leur capitalisation sur une période de 48 mois n'est pas justifiée.
Après examen des pièces du dossier et des observations des parties, il apparaît que madame Nouzha X...n'établit pas que l'affectation sur la gare de péage de MURET soit une conséquence directe et certaine de la détention provisoire et il y a lieu de débouter madame Nouzha X...de sa demande en réparation du préjudice causé par sa réaffectation à un poste plus éloigné de son domicile.
c) sur la perte d'une année scolaire
Madame Nouzha X...affirme que son incarcération est à l'origine du redoublement de sa fille. Elle estime que le refinancement d'une année scolaire lui cause un préjudice matériel et économique qu'elle évalue à la somme de 9. 000 ¿.
L'agent judiciaire de l'Etat rappelle que seul le préjudice personnellement subi par la personne détenue est réparable. Il considère que ce préjudice n'a pas été personnellement subi par la requérante mais par sa fille qui était majeure à la date de l'incarcération. L'agent judiciaire de l'Etat ajoute que rien n'indique que le redoublement de sa fille soit en lien direct et certain avec la détention provisoire. L'agent judiciaire de l'Etat se réfère aux bulletins de notes précédant l'incarcération maternelle qui font état de résultats faibles et laissent penser que l'échec de la fille de madame Nouzha X...au baccalauréat pourrait avoir des causes étrangères à la détention de sa mère. L'agent judiciaire de l'Etat sollicite le rejet de la demande de madame Nouzha X...en réparation du préjudice économique subi par le refinancement d'une année scolaire.
Compte tenu des pièces du dossier et des observations des parties, il y a lieu de rappeler que seul le préjudice personnellement subi par la personne détenue est réparable et il convient de débouter madame Nouzha X...de sa demande en réparation du préjudice économique subi par le refinancement d'une année scolaire de sa fille.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, par décision mise à disposition au greffe après avis aux parties.
Déclare recevable la requête de madame Nouzha X...
Alloue à madame Nouzha X...une indemnité de ONZE MILLE EUROS (11. 000 ¿) en réparation de son préjudice moral.
Alloue à madame Nouzha X...une indemnité de ONZE MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS ET CINQUANTE HUIT CENTIMES (11. 798, 58 ¿) en réparation de sa perte de revenus.
Déboute madame Nouzha X...du surplus de ses demandes.
Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le greffier, Le premier président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Indemnisation a raison d'une dÉtention provisoire
Numéro d'arrêt : 13/00005
Date de la décision : 18/12/2013
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2013-12-18;13.00005 ?
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