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26/09/2013 | FRANCE | N°12/04996

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 6ème chambre, 26 septembre 2013, 12/04996


26/ 09/ 2013
ARRÊT No37/ 2013
NoRG : 12/ 04996 AM/ CD

Décision déférée du 7 septembre 2012- Conseil de discipline du ressort de la cour d'Appel de TOULOUSE
BEC Jean-Louis
C/
Me X...Michel
*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 6ème chambre *** ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE ***

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
Maître Michel X......31000 TOULOUSE comparant en personne assisté de la SCP DE CAUNES-FORGET et de la SCP DENJEAN-ETELIN, avocats au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONS

TITUTIONNALITE
Madame le Procureur Général Cour d'appel de Toulouse 10 place du salin 31068 TO...

26/ 09/ 2013
ARRÊT No37/ 2013
NoRG : 12/ 04996 AM/ CD

Décision déférée du 7 septembre 2012- Conseil de discipline du ressort de la cour d'Appel de TOULOUSE
BEC Jean-Louis
C/
Me X...Michel
*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 6ème chambre *** ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE ***

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
Maître Michel X......31000 TOULOUSE comparant en personne assisté de la SCP DE CAUNES-FORGET et de la SCP DENJEAN-ETELIN, avocats au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
Madame le Procureur Général Cour d'appel de Toulouse 10 place du salin 31068 TOULOUSE représentée par monsieur Jean-Louis BEC, avocat général

EN PRÉSENCE DE
Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 23 mai 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : D. VONAU premier président Assesseurs : A. MILHET, président de chambre A. BEAUCLAIR, conseiller P. CRABOL, conseiller, J.- M. BAISSUS, conseiller qui en ont délibéré.

MINISTÈRE PUBLIC : M. BEC, avocat général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée a déposé des conclusions le 22 mai 2013 lesquelles ont été notifiées aux parties le 24 mai 2013 (transmises par télécopie le 22 mai 2013)
DÉBATS : M. J.- M. BAISSUS, conseiller, a fait le rapport, Me DE CAUNES, a été entendu en ses explications M. le Bâtonnier a présenté ses observations M. BEC, avocat général, a été entendu en ses réquisitions Me DE CAUNES a eu la parole en dernier ainsi que M. X...présent à l'audience

Greffier : G. GAMBA
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis donné aux parties de ce qu'elles devront, en cas de décision de transmission se conformer aux dispositions de l'article 126-9 relatif à la présentation des observations devant la cour de cassation-signé par J.- M. BAISSUS, conseiller, substituant D. VONAU, premier président, régulièrement empêché. FAITS ET PROCEDURE

Par arrêt du 16 septembre 2008, la cour d'appel d'Orléans, réformant sur ce point une décision prononcée le 8 novembre 2007 par le tribunal correctionnel d'Orléans, a déclaré M. Michel X..., avocat inscrit au barreau de Toulouse, coupable des deux délits de blanchiment du produit d'un trafic de stupéfiants et de blanchiment du produit d'un crime ou d'un délit aggravé par les facilités procurées par l'exercice d'une profession. La cour a cependant confirmé le jugement en ce qu'il a relaxé M. Michel X...du chef de révélation d'informations issues d'une instruction en cours. La cour d'appel d'Orléans a condamné M. Michel X...à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 60. 000 ¿.
Saisie d'un pourvoi intenté notamment par M. Michel X..., la chambre criminelle de la cour de cassation a rendu un arrêt de rejet le 20 mai 2009.
Le 6 août 2009, le procureur général près la cour d'appel de Toulouse a informé le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Toulouse de l'arrêt rendu par la cour de cassation. Ce dernier a saisi le conseil de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Toulouse le 3 février 2010.
Le 19 novembre 2010, le conseil de discipline a décidé de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour européenne des droits de l'homme, saisie d'un recours intenté par M. Michel X....
Le 15 décembre 2011, la cour européenne des droits de l'homme a déclaré ce recours irrecevable.
Le conseil de discipline, par décision du 7 septembre 2012, a :
- retenu à l'encontre de M. Michel X...les faits de blanchiment du produit d'un trafic de stupéfiants et de blanchiment du produit d'un crime ou d'un délit aggravé par les facilités procurées par l'exercice de la profession d'avocat, retenus au terme de la décision de justice définitive émanant de la cour d'appel d'Orléans en date du 16 septembre 2008 et ayant l'autorité de la chose jugée,
- déclaré M. Michel X...coupable pour ces faits contraires aux dispositions de l'article 1. 3 du RIN et du décret no 2005-798 du 12 juillet 2005 et, singulièrement, des principes essentiels de probité et de confiance qui s'imposent à un avocat,
- prononcé à l'encontre de M. Michel X...la peine de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de trois ans avec sursis.
Le 5 octobre 2012, le parquet général près la cour d'appel de Toulouse a relevé appel de la décision rendue le 7 septembre 2012 par le conseil de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Toulouse.
Le 23 octobre 2012, M. Michel X...a formé appel incident à l'encontre de cette même décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions préalables à tout débat sur le fond, enregistrées le 16 mai 2013, M. Michel X...soulève l'inexistence de l'appel et la nullité substantielle du document intitulé « déclaration d'appel », daté du 5 octobre 2012. Il fait en effet valoir qu'en matière de procédure disciplinaire concernant les avocats, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 prévoit des formes spécifiques, consistant en un acte écrit devant être remis au greffier de la cour, et qu'en l'espèce, le recours formé par le parquet général a été formé par déclaration enregistrée par un greffier.
Le procureur général près la cour d'appel de Toulouse, le 22 mai 2012, conclut au rejet du moyen de nullité soulevé par M. Michel X.... Il considère qu'il a été mis fin à la notion jurisprudentielle d'inexistence, qu'aucun vice de forme n'affecte l'acte critiqué, et que s'il était considéré que l'acte ne répondait pas aux formes exigées par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 portant organisation de la profession d'avocat, la nullité ne saurait être caractérisée qu'à la condition que soit établie la preuve d'un grief. Il est soutenu qu'aucun grief n'étant établi, l'appel interjeté par le ministère public est recevable.
Par conclusions distinctes, M. Michel X...demande à la cour de transmettre à la cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libellée :
« L'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est-il conforme au procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge, en ce qu'il permet au procureur général de faire appel d'une décision alors qu'il n'était pas partie en première instance ? »
M Michel X...base sa demande en arguant que la possibilité d'appel n'appartient en principe qu'aux parties à la première instance comme l'indique l'article 546 du Code de procédure civile. Il en déduit qu'en ouvrant un recours au bénéfice du ministère public alors que celui-ci n'est en rien intervenu dans l'instance devant le conseil de discipline, l'article 23 précité, porte atteinte à un principe de procédure fondamental, lui-même inscrit dans celui de procès équitable. Il estime qu'il a ainsi été privé d'une possibilité de double examen et de double discussion des arguments avancés pour la première fois en appel. M. Michel X...considère encore que l'éventualité d'un recours par le procureur général est de nature à « influencer insidieusement » le jugement des membres du conseil de discipline.
Par ailleurs, M. Michel X...forme une seconde demande de transmission à la cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire, tiré de l'article 4 du Code de procédure pénale et de l'article 1351 du Code civil, liant le conseil de discipline des avocats quant aux faits, est-il conforme, d'une part à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en ce qu'il garantit le droit d'accès effectif au juge, ainsi que le principe du respect des droits de la défense et celui du contradictoire, et, d'autre part, à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge puisque l'instance disciplinaire retrouve sa plénitude de juridiction en l'absence de décision pénale préalable, alors même que les faits qu'il connaît peuvent avoir une coloration pénale ? ».
A l'appui de sa position, M. Michel X...fait notamment valoir qu'il entend demander à la cour d'invoquer les faits, qu'il soutient ne pas avoir commis, et que tant le conseil de discipline que le ministère public lui opposent l'autorité de la chose jugée au pénal. Il estime que du fait de la jurisprudence imposant l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire, il n'a pas eu un accès effectif au juge disciplinaire, ni à un procès équitable. M. Michel X...considère en outre qu'il y a violation du principe d'égalité en ce que, si l'instance disciplinaire avait été engagée avant les poursuites pénales, elle n'aurait pas été tenue par la décision de condamnation.
Le ministère public conclut au rejet de la première demande de question prioritaire de constitutionnalité en faisant valoir qu'il est présent tout au long de la procédure disciplinaire et qu'en tant que représentant de l'intérêt général, il a vocation à intervenir à tout moment de la procédure. Il conclut également au rejet de la seconde question prioritaire de constitutionnalité en se basant sur l'autonomie de la procédure disciplinaire par rapport à l'instance pénale. Il estime qu'aucune des deux ne présente le caractère sérieux leur permettant d'être soumises à la Cour de cassation.
Le représentant du bâtonnier de l'ordre des avocats indique s'en rapporter à justice sur les questions prioritaires de constitutionnalité. Il rappelle que si les instances pénale et disciplinaire sont en effet autonomes, il n'en reste pas moins qu'en pratique l'organe disciplinaire attend toujours une décision pénale définitive, et que par conséquent il existe une influence de cette décision pénale sur la décision disciplinaire.
Dans le dernier état de ses conclusions, M. Michel X...sollicite le sursis à statuer sur l'exception de nullité de l'appel jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la question de la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, et le sursis à statuer au fond dans l'attente de la décision à prendre sur la transmission des deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Les parties et le bâtonnier de l'ordre des avocats de Toulouse ont été entendues le 23 mai 2013.
SUR QUOI,
1. Sur la recevabilité de l'appel du ministère public
Préalablement à tout débat au fond, M. Michel X...soulève l'inexistence de l'appel et la nullité substantielle du document intitulé « déclaration d'appel », daté du 5 octobre 2012. Il fait en effet valoir qu'en matière de procédure disciplinaire concernant les avocats, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 prévoit des formes spécifiques, consistant en un acte écrit devant être remis au greffier de la cour, et qu'en l'espèce, le recours formé par le parquet général a été formé par déclaration enregistrée par un greffier.
Il convient que cette question soit abordée après qu'il a été statué sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par ailleurs, qui seraient susceptibles de remettre en cause le fondement même des poursuites disciplinaires.
Il sera donc fait droit à la demande de sursis à statuer.
2. Sur les questions prioritaires de constitutionnalité
2-1. Sur la question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971
M. Michel X...demande à la cour de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité ainsi libellée :
« L'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est-il conforme au procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge, en ce qu'il permet au procureur général de faire appel d'une décision alors qu'il n'était pas partie en première instance ? »
Les parties s'accordent sur le fait et il est établi par les débats que l'article 23 précité est applicable au litige et qu'il n'a pas fait à ce jour l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution.
M Michel X...soutient que le ministère public n'est ni partie à l'instance disciplinaire, ni partie poursuivante, mais que le texte querellé reconnaît malgré tout à ce dernier un droit d'appel, en violation d'un principe fondamental de la procédure, rendant ainsi le procès inéquitable.
Il résulte des dispositions mêmes de l'article 23 précité que l'instance disciplinaire peut être saisie par le procureur général. En l'occurrence la saisine du conseil de discipline a été faite par le bâtonnier de l'ordre mais seulement à la suite de la communication par le parquet général de la décision pénale définitive frappant M. Michel X.... Dès lors le ministère public est bien à l'origine des poursuites disciplinaires.
M Michel X...se fonde notamment sur l'article 546 du code de procédure civile qui dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, en soulignant que le ministère public n'était pas partie à la procédure disciplinaire de première instance. Cette position revient en fait à alléguer la privation d'une possibilité de double examen des arguments qui seraient ainsi avancés pour la première fois en appel, et donc une violation des principes du procès équitable.
Il convient tout d'abord de rappeler que l'article 546 précité est de nature réglementaire et ne saurait donc être opposé à l'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971, qui est, lui, de rang législatif.
Le ministère public, garant de l'intérêt général, a dès lors vocation à intervenir en toute procédure.
Par ailleurs, l'appel ouvert au ministère public à côté de celui qui est reconnu à l'intéressé comme au bâtonnier de l'ordre, garantit également un débat pleinement contradictoire devant la cour.
Surtout, le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle, et dès lors le législateur peut par un texte précis, comme en l'espèce, y déroger sans porter atteinte aux principes d'équité et d'égalité prévus par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Enfin, M. Michel X...allègue que l'existence d'un droit d'appel du procureur général serait de nature à « influencer insidieusement » sur la décision du conseil de discipline en le poussant à prendre une décision qui serait en conformité avec les attentes du ministère public. Rien ne permet de fonder ce qui relève d'une simple allégation de partialité du juge disciplinaire, d'autant moins crédible qu'en l'espèce, les membres du conseil de discipline sont des auxiliaires de justice soumis à de strictes règles déontologiques d'indépendance.
La cour considère dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michel X...est dépourvue de sérieux.
2-2. Sur la question prioritaire tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire.
M. Michel X...forme une seconde demande de transmission à la cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire, tiré de l'article 4 du Code de procédure pénale et de l'article 1351 du Code civil, liant le conseil de discipline des avocats quant aux faits, est-il conforme, d'une part à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en ce qu'il garantit le droit d'accès effectif au juge, ainsi que le principe du respect des droits de la défense et celui du contradictoire, et, d'autre part, à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge puisque l'instance disciplinaire retrouve sa plénitude de juridiction en l'absence de décision pénale préalable, alors même que les faits qu'il connaît peuvent avoir une coloration pénale ? ».
Il résulte des motifs de la décision disciplinaire entreprise que le conseil de discipline s'est considéré lié par la déclaration de culpabilité prononcée par la cour d'appel d'Orléans dans son arrêt du 16 septembre 2008. Il est notamment indiqué que « le conseil ne dispose pas du pouvoir de le M. Michel X...renvoyer des fins de la poursuite disciplinaire » et que « la condamnation pénale prononcée par l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans pour les faits de blanchiment étant définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée impose au conseil de retenir comme ayant été commis les faits de blanchiment imputés à Michel X..., de le déclarer coupable sur le plan disciplinaire et de le sanctionner en conséquence... ».
Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est fermement établi en jurisprudence, même s'il ne dérive pas d'un fondement textuel précis. Dès lors, il est susceptible au même titre qu'un texte de loi de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, compte tenu de la motivation de la décision disciplinaire, il est manifeste que ce principe est applicable à la procédure en cours.
Les parties s'accordent sur le fait et il est établi par les débats que ce principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil n'a pas fait à ce jour l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution.
En premier lieu, il faut souligner que l'argumentation avancée par M. Michel X...et selon laquelle le principe de l'autorité de la chose jugée serait susceptible de faire l'objet d'un revirement de jurisprudence est sans pertinence en l'espèce. Le fondement même de la question prioritaire de constitutionnalité se justifie par l'existence d'une règle de droit actuellement en vigueur, sans que son éventuelle abrogation ait à être considérée en l'état.
L'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen pose le droit au recours effectif au juge. Se fondant sur les motifs de la décision disciplinaire, M. Michel X...considère que la juridiction disciplinaire n'a pas bénéficié d'une pleine possibilité d'appréciation de l'affaire et qu'elle était empêchée de juger librement de l'existence ou non de la faute disciplinaire, comme plus particulièrement le fait qu'un témoin à charge s'était rétracté devant elle. Il soutient donc que le droit au recours effectif à un juge aurait été violé en ce que le conseil de discipline, n'aurait finalement le choix que de la nature de la peine disciplinaire à infliger.
Cette position revient à critiquer l'indépendance du conseil de discipline. Or, si la juridiction disciplinaire est effectivement liée, en ce qui concerne les faits soutien de la condamnation, par l'autorité de la chose jugée au pénal, rien ne permet pour autant de dire qu'elle est contrainte de passer condamnation. En effet, elle peut, comme en l'espèce, faire recueillir librement des éléments de fait et de droit distincts de ceux qui ont été débattus dans le cadre de la procédure pénale. C'est ainsi que son rapporteur a été amené à entendre un témoin à décharge. Enfin, l'autonomie de la faute disciplinaire par rapport à la faute pénale autorise l'instance disciplinaire, même face au constat d'un fait par la juridiction pénale, à considérer que ce fait ne revêt pas la nature d'une faute disciplinaire et que, par conséquent il n'y a pas lieu à condamnation à ce titre. Le juge saisi de l'action disciplinaire apprécie ainsi librement la gravité des faits qui lui sont déférés au regard des règles déontologiques, sans être tenu de se conformer aux appréciations portées par le juge pénal.
La violation alléguée de l'article de 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen n'est pas avérée.
En se fondant sur les dispositions de l'article 8 de cette même Déclaration, M. Michel X...soutient que le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire porterait atteinte au respect des droits de la défense et au principe du contradictoire. Il précise qu'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire alors qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier devant le conseil d'un débat contradictoire consacré aux faits, alors que le rapporteur a pu mener une instruction contradictoire.
Mais il résulte des termes mêmes de la décision disciplinaire que M. Michel X...et ses conseils ont pu développer tous leurs arguments, après avoir spécialement obtenu l'audition du témoin s'étant rétracté. Les garanties assurées par l'article 8 sont de nature procédurale, et ne doivent pas être confondues avec le principe de la liberté d'appréciation du juge dont il vient d'être traité. Or, en ne mettant aucun frein à l'expression de la position de M. Michel X..., en permettant au contraire de recueillir le témoignage à décharge qu'il sollicitait, et de pouvoir s'exprimer librement devant lui, le conseil de discipline des avocats du ressort de la cour d'appel de Toulouse a pleinement respecté ces garanties. Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire n'a en rien affecté le respect des droits de la défense et celui du débat contradictoire.
Cette branche de l'argumentation sera donc également écartée comme non fondée.
Enfin, M. Michel X...fait valoir que le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire porterait atteinte au principe d'égalité devant le juge garanti par l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Il souligne que l'instance disciplinaire est libre de statuer avant la juridiction pénale et que, dès lors, il existe un risque d'inégalité selon la date de sa saisine, et ce, à la discrétion de l'autorité de poursuite.
Mais cette argumentation découle de l'appréciation, erronée comme il a été vu ci-dessus, selon laquelle le conseil de discipline ne serait pas libre d'apprécier l'existence ou non d'une faute de nature disciplinaire. Dès lors que cette instance dispose de la plénitude de juridiction pour porter une telle appréciation, la préexistence ou non d'une décision pénale est sans incidence.
Cet aspect du moyen sera lui-aussi rejeté.
La question soumise est dénuée de fondement sérieux. Il convient donc de rejeter la demande de transmission de cette seconde question prioritaire de constitutionnalité.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, et avant-dire droit, après débats en chambre du conseil, le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Toulouse entendu en ses observations,
REJETTE, faute de fondement sérieux, la demande de transmission à la cour de cassation des deux questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. Michel X...et dont le libellé est :
« L'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est-il conforme au procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge, en ce qu'il permet au procureur général de faire appel d'une décision alors qu'il n'était pas partie en première instance ? »
« Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le disciplinaire, tiré de l'article 4 du Code de procédure pénale et de l'article 1351 du Code civil, liant le conseil de discipline des avocats quant aux faits, est-il conforme, d'une part à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en ce qu'il garantit le droit d'accès effectif au juge, ainsi que le principe du respect des droits de la défense et celui du contradictoire, et, d'autre part, à l'article 6 de la même Déclaration qui assure l'égalité devant le juge puisque l'instance disciplinaire retrouve sa plénitude de juridiction en l'absence de décision pénale préalable, alors même que les faits qu'il connaît peuvent avoir une coloration pénale ? ».
SURSOIT à statuer sur le moyen d'irrecevabilité de l'appel du ministère public soulevé par M. Michel X...jusqu'à l'audience du 26 septembre 2013.
ROUVRE les débats au 26 septembre 2013.
LE GREFFIERP/ LE PREMIER PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12/04996
Date de la décision : 26/09/2013
Sens de l'arrêt : Autre décision ne dessaisissant pas la juridiction

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2013-09-26;12.04996 ?
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