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15/10/2012 | FRANCE | N°12/00212

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 94, 15 octobre 2012, 12/00212


COUR D'APPEL DE TOULOUSE

No AMP 12/ 228

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE DOUZE et le 15 OCTOBRE-17 HEURES 00

Nous, Y. PALERMO-CHEVILLARD, conseiller, délégué par ordonnance du premier président en date du 10 Juillet 2012 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9, L 222-6 et R. 552. 12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 12 Octobre 2012 à 16H43 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au

centre de rétention de

-X SE DISANT X... Bushar née le 12 Février 1994 à DAMAS (SYRIE) d...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

No AMP 12/ 228

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE DOUZE et le 15 OCTOBRE-17 HEURES 00

Nous, Y. PALERMO-CHEVILLARD, conseiller, délégué par ordonnance du premier président en date du 10 Juillet 2012 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9, L 222-6 et R. 552. 12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 12 Octobre 2012 à 16H43 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de

-X SE DISANT X... Bushar née le 12 Février 1994 à DAMAS (SYRIE) de nationalité syrienne

Vu l'appel formé le 12/ 10/ 2012 à 18 heures 58 par télécopie, par Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse et la demande qui l'accompagne tendant à déclarer son recours suspensif ;
Vu l'ordonnance rendue le 13 octobre 2012-11 heures 30 déclarant suspensif le recours du Ministère Public ;
A l'audience publique du 15 octobre 2012-10 heures 00, assisté de Michelle MARTY, greffier avons entendu :
- Madame GALTIER, substitut général,

- X SE DISANT X... Bushra

assisté de Me Sylvain LASPALLES, avocat commis d'office
qui a eu la parole en dernier

En présence de M. A... représentant la PRÉFECTURE DES PYRÉNÉES ORIENTALES ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Les faits de l'espèce sont parfaitement résumés dans l'ordonnance déférée, le délégué du premier président s'y réfère expressément.
Le 7 octobre 2012, à 14 heures 10, le procureur de la République de PERPIGNAN donnait aux enquêteurs instruction de mettre fin à la garde à vue et de se conformer à la décision administrative. Ainsi, à l'issue de la procédure judiciaire, le préfet des Pyrénées-Orientales prenait une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire national, accompagnée d'une décision de maintien en rétention administrative.

Justifiant ne pouvoir éloigner l'intéressée dans le temps de rétention initial de cinq jours, notamment à raison des délais de recours suspensif devant le tribunal administratif et des délais de réponse de l'Etat de réadmission, le préfet des Pyrénées-Orientales sollicitait du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse, la prolongation du maintien de X sedisant Bushra X... en rétention ;

Par ordonnance du 12 octobre 2012 à 16 heures 43, ce magistrat ne faisait pas droit à la requête estimant que le contrôle d'identité de l'intéressée était irrégulier au motif que :

" Le conseil de la personne retenue soulève l'irrégularité de ce contrôle d'identité en ce que les policiers n'ont pas caractérisé en quoi le comportement de Mme X... Bushra était suspect comme l'exige l'alinéa 4 de l'article 78-2 du code de procédure pénale qui renvoie expressément aux conditions requises par l'alinéa 1er du même article ;
Attendu qu'un tel contrôle selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (arrêt du 22 juin 2012) et celle de la Cour de Cassation Première Chambre Civile (arrêts des 23 février 2011 et 18 mai 2011), doit, pour être régulier et sans qu'il y ait à distinguer entre les lieux de contrôles, ne pas revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières et doit être effectué en fonction du comportement de la personne et des circonstances particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public.
Attendu qu'en l'espèce, l'intéressée a été contrôlée à un péage auto-routier, de manière aléatoire mais sans qu'il soit précisé notamment les éléments de son comportement justifiant le contrôle conformément à l'alinéa 1 de l'article 78-2 du Code de procédure pénale et que par ailleurs, les circonstances de temps du contrôle restent floues, les textes exigeant qu'un tel contrôle n'excède pas une durée de six heures ;
Attendu en conséquence, qu'un tel contrôle d'identité est irrégulier et que la garde à vue et les actes subséquent de la procédure doivent être annulés.... ".
Le procureur de la République de Toulouse a régulièrement formé appel de cette décision avec demande de suspension, par courrier adressé en télécopie à la cour d'appel ce même jour à 18 heures 58, à laquelle le premier président a fait droit.

A l'appui de son recours, il fait valoir :

" Qu'une mauvaise interprétation a été faite du texte 78-2 du Code de procédure pénale contrôle exécuté dans la bande de 20 kilomètres, sous le contrôle d'un OPJ, dans le cadre de la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, de façon aléatoire (contrôle mise en place à 21 heures 50, interpellation à 22 heures 00) d'un durée donc inférieure aux 6 heures légales. En conséquence, c'est rajouter aux exigences de la cour européenne que de prévoir par le magistrat que le comportement de la personne interpellée doit laisser soupçonner un risque d'atteinte à l'ordre public. "

Le Ministère Public soutient oralement son appel.

Le représentant de la préfectures des Pyrénées-Orientales s'associe à la demande de réformation de l'ordonnance entreprise.
Le conseil de l'étranger maintient son moyen développé devant le premier juge et sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et, en conséquence, la remise en liberté de sa cliente.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Sur la procédure :
A-Sur les conditions d'application de l'article 78-2 alinéa 4 du Code de procédure pénale :
L'article 78-2 alinéa 4, comme l'article 78-2 alinéa 2 du Code de procédure pénale renvoie pour les modalités du contrôle d'identité à l'alinéa premier du même article.
Ce premier alinéa comprend deux conditions d'application une de forme, une de fond.
1) Condition de forme : les modalités du contrôle
" les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne... ".
2) Condition de fond : le motif ou la cause du contrôle
"... toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit-ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire....

1- cette référence aux mêmes modalités de contrôle, condition de forme, se retrouve expressément mentionnée à l'article 78-2 alinéa 2 (contrôle sur réquisitions du procureur de la République), à l'article 78-2 alinéa 3 (menace d'atteinte à l'ordre public) et à l'article 78-2 alinéa 4, ce qui paraît exclure pour ces trois alinéas la condition de fond, le motif du contrôle, de l'alinéa 1
D'ailleurs, si cette condition de fond devait s'appliquer aux alinéas 2, 3 et 4, comme l'écrit le premier juge, elle retirerait toute la spécificité et toute la substance de ces textes, l'alinéa 1 étant suffisant pour tout contrôle d'identité, indifféremment des lieux ou des circonstances.
Ce n'est pas, apparemment, la volonté du législateur, qui a décliné des possibilités différentes de contrôle d'identité à travers chacun des alinéas de l'article 78-2.
2- Condition de fond pour l'alinéa 4
Celui-ci est ainsi rédigé depuis la loi du 11 juillet 2011 :
" Dans une zone comprise entre le frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà.... pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut également être contrôlée selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi.... Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. "

L'alinéa 4 prévoit un certain nombre d'exigences spécifiques d'application pour opérer un contrôle d'identité.
1- dans la bande des 20 kilomètres avec la frontière des Etats parties à Schengen ;
2- pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontière par vérification du respect des obligations de détention, de port et de présentation des documents prévus par la loi.
3- d'une durée maximum de six heures consécutives dans un même lieu,
4- par un contrôle aléatoire des personnes.

B-Sur le contrôle d'identité effectuée le 6 octobre 2012 à 22 heures au Boulou :

1) Condition de fond :
Le contrôle a été réalisé par un agent de police judiciaire, le brigadier B..., sur l'ordre et sous la responsabilité du commandant de police C..., officier de police judiciaire.
2) Conditions de forme :
Le contrôle opéré dans la bande des 20 kms au regard de la frontière espagnole a commencé à 21 heures 50 et l'autobus intercepté à 22 heures.
Il avait pour but la prévention et la recherche de la criminalité transfrontière par la vérification des obligations de détention, de port et de présentation des documents prévus par la loi.
Seul l'autobus a été contrôlé dans le flux de la circulation arrivant à la " Grande Barrière " au BOULOU, ce contrôle étant, en l'occurrence aléatoire et non, évidemment, systématique.
Il résulte de ce qui précède que le contrôle a duré moins de six heures consécutives et que les policiers ont procédé de manière aléatoire en extrayant un véhicule du flot de circulation, véhicule dans lequel Bushra X... avait pris place.
En l'espèce, les conditions de forme et de fond prévues par l'article 78-2 alinéa 4 du Code de procédure pénale pour procéder au contrôle d'identité de Bushra X... ont été respectées.
La procédure apparaît donc régulière.
Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée, étant précisé enfin que la garde à vue, dont la régularité n'a d'ailleurs pas été contestée, était parfaitement justifiée par la présentation par l'étrangère d'un passeport roumain ne lui appartenant pas.

2/ Sur le fond :

Aux termes des articles L 552-1 et L 552-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention, saisi par le préfet aux fins de la prolongation de la rétention, statue sur l'une des deux mesures suivantes :

1) la prolongation du maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

2) à titre exceptionnel, lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, l'assignation à résidence après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité.

En l'espèce, la condition de remise du passeport en cours de validité à la police n'est pas réalisée.

PAR CES MOTIFS

En la forme,

DÉCLARONS l'appel recevable ;
Au fond,
INFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de TOULOUSE le 12 Octobre 2012 ;
ORDONNONS la prolongation du maintien en rétention de Bushra X... pour une durée de vingt jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée au MINISTÈREE PUBLIC, à X SE DISANT Bushar X..., à la PRÉFECTURE DES PYRÉNÉES ORIENTALES ainsi qu'à Me Sylvain LASPALLES.

LE GREFFIERP/ LE PREMIER PRÉSIDENT

M. MARTY Y. PALERMO-CHEVILLARD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 94
Numéro d'arrêt : 12/00212
Date de la décision : 15/10/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

ETRANGER

Ne constitue pas une condition de régularité du contrôle d'identité effectué en application de l'article 78-2 alinéa 4 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet 2011 la constatation du comportement de la personne ou de circonstances particulières laissant soupçonner un risque d'atteinte à l'ordre public. Est donc régulier le contrôle opéré de manière aléatoire sur un bus dans la bande des 20 kilomètres à partir de la frontière espagnole, ayant pour but la prévention et la recherche de la criminalité transfrontière par la vérification des obligations de détention, de port et de présentation des documents prévus par la loi, dès lors que le contrôle dure moins de six heures consécutives au même endroit et qu'il respecte les modalités prévues à l'alinéa 1 de l'article susvisé pour être réalisé par un agent de police judiciaire sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2012-10-15;12.00212 ?
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