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04/04/2012 | FRANCE | N°11/05617

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 04 avril 2012, 11/05617


. 04/ 04/ 2012


ARRÊT No 109


NoRG : 11/ 05617
GC/ MB


Décision déférée : ordonnance de mise en état du 14 novembre 2011-
P. LEGRAS














S. A. R. L. SOCIÉTÉ EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY
représentée par la SCP BOYER & GORRIAS


C/


S. A. S. SOCIÉTÉ GROUPE DELFOSSE
représentée par la SCP DESSART SOREL DESSART

































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CONFIRMATION






Grosse délivrée


le


àRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE DOUZE
***


APPELANTE


S. A. R. L. SOCIÉTÉ EDITIO...

. 04/ 04/ 2012

ARRÊT No 109

NoRG : 11/ 05617
GC/ MB

Décision déférée : ordonnance de mise en état du 14 novembre 2011-
P. LEGRAS

S. A. R. L. SOCIÉTÉ EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY
représentée par la SCP BOYER & GORRIAS

C/

S. A. S. SOCIÉTÉ GROUPE DELFOSSE
représentée par la SCP DESSART SOREL DESSART

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

àRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATRE AVRIL DEUX MILLE DOUZE
***

APPELANTE

S. A. R. L. SOCIÉTÉ EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY

...

...

31430 GRATENS

représentée par la SCP BOYER & GORRIAS, avocats au barreau de Toulouse assistée de la SCP J. P. MARTY, avocats au barreau de Toulouse

INTIMÉE

S. A. S. SOCIÉTÉ GROUPE DELFOSSE

...

01150 SAULT-BRENAZ

représentée par la SCP DESSART SOREL DESSART, avocats au barreau de Toulouse assistée de Me François DELFOUR, avocat au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 février 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

G. COUSTEAUX, président
P. DELMOTTE, conseiller
F. CROISILLE-CABROL, vice président placé
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. S. VIBERT, greffier de chambre.

FAITS et PROCÉDURE

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY a interjeté appel le 19 avril 2011 du jugement rendu le 11 avril 2011 par le tribunal de commerce de TOULOUSE ayant prononcé la nullité du contrat conclu le 8 juillet 2007 entre elle et la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE, l'ayant condamnée à rembourser à sa cocontractante la somme de 20. 779, 30 € et ayant condamné la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE à lui restituer les fichiers, documents et modèles par elle livrés, à détruire les plaques en stock et lui ayant interdit la commercialisation des plaques ou modèles tirés des dessins fournis par la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY.

Le greffe de la cour a adressé le 4 mai 2011 à la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE l'avis d'avoir à constituer avoué prévu par l'article 902 du code de procédure civile.

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY a déposé ses conclusions au greffe de la cour le 19 juillet 2011 et elle a procédé le 23 août 2011 à la notification à la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE de la déclaration d'appel et de ses conclusions.

La S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE a constitué avoué le 19 septembre 2011.

Le 28 septembre 2011 l'avoué de la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE a formé incident devant le magistrat chargé de la mise en état en demandant de constater la caducité de l'appel.

Par ordonnance du 14 novembre 2011, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de l'appel.

Par requête du 24 novembre 2011, la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY a déféré cette décision.

La S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE a déposé des écritures le 31 janvier 2012.

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY a déposé ses dernières écritures le 17 février 2012.

MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES

Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY conclut à l'infirmation de l'ordonnance, au rejet de la demande de caducité ainsi qu'à la condamnation de la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE à lui payer la somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY développe les moyens suivants :
- les dispositions du décret du 9 décembre 2009 modifiées par le décret du 28 décembre 2010, et plus particulièrement l'article 911 du code de procédure civile, sont contraires à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,
- la multiplication des causes d'irrecevabilité d'office et/ ou de caducité et l'emploi systématique de cette sanction aux différentes étapes de la procédure deviennent un obstacle à un accès effectif au juge d'appel,
- un emploi systématique et sans aucune différenciation de la même sanction constitue une atteinte à la proportionnalité,
- le procès civil restant dans un Etat démocratique la chose des parties, l'autorité réglementaire ne peut prononcer de sanction définitive et irrémédiable privant une partie de l'accès au juge et à la voie de recours légale dans le seul but d'accélérer la procédure,
- à défaut d'être conforme à l'article 6 de la CEDH, les sanctions prévues par l'article 911 du code de procédure civile doivent être écartées et l'appel doit être jugé recevable,
- les dispositions du décret du 9 décembre 2009 modifiées par le décret du 28 décembre 2010, et plus particulièrement l'article 911 du code de procédure civile, sont contraires aux articles 47 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce second article visant notamment le principe de proportionnalité.
- si la cour ne s'estime pas compétente pour vérifier cette atteinte, il lui est demandé de poser une question préjudicielle,
- l'huissier de justice n'a pas respecté le délai de l'article 911 du code de procédure civile pour régulariser l'acte à personne en raison de la fermeture de l'entreprise pour des congés d'été,
- le retard purement formel de délivrance de l'acte n'a causé aucun grief à la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE,
- le délai de l'article 902 du code de procédure civile n'ayant pas couru en l'absence de trace de l'envoi de l'avis par le greffe, le délai de l'article 911 n'a pas pu par voie de conséquence commencer à s'écouler valablement,
- profitant de la décision déférée, l'intimée a fait procéder au blocage de la totalité des avoirs de l'entreprise.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée ainsi que la condamnation de La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY à lui payer la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE développe les moyens suivants :
- l'accès à un juge impartial n'est nullement en cause en l'espèce,
- remettre en cause le décret Magendie serait remettre en cause l'ensemble du code de procédure civile qui contient bien d'autres conditions de délai parfois étonnantes ou sévères,
- les articles 902 et 911 du code de procédure civile sont autonomes,
- ne pas appliquer la caducité reviendrait à priver le décret Magendie de toute force et de tout effet.

MOTIFS de la DÉCISION

Selon l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), intitulé droit à un procès équitable, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

L'article 6 paragraphe 1 de la CEDH n'astreint pas les Etats contractants à créer des cours d'appel ou de cassation. Néanmoins, un Etat qui se dote de juridictions de cette nature a l'obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d'elles des garanties fondamentales dudit article.

Le « droit à un tribunal » n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Néanmoins, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, ces limitations ne se concilient avec l'article 6 § 1 que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

La procédure civile devant la cour d'appel a fait l'objet d'une réforme par la voie du décret du 9 décembre 2009 modifié par le décret du 28 décembre 2010.

Le magistrat chargé de la mise en état dont la décision a été déférée devant la cour d'appel a été saisi par la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE d'une requête en déclaration de caducité de l'appel formé par la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY, motif pris du dépassement du délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile. Dès lors, la question à trancher est circonscrite à l'examen de la conventionnalité de cette disposition réglementaire, la cour ne pouvant pas se prononcer, comme la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY le sollicite, sur la conventionnalité de toutes les nouvelles dispositions introduites par les deux décrets susmentionnés.

Selon l'article 902 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue, le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l'indication de l'obligation de constituer avoué.

En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avoué dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l'avoué de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel.

A peine de caducité de la déclaration d'appel, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe.

Selon l'article 908 dudit code, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.

Selon l'article 911 dudit code, sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avoués des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avoué ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avoué avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avoué.

Contrairement à ce que tente de soutenir La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY, les articles 902 et 911 sont autonomes.

Il appartient à la cour de rechercher si la sanction automatique de la caducité prévue par l'article 911 du code de procédure civile contrevient aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1 de la CEDH.

Les délais de procédure impartis par la loi à peine d'irrecevabilité, de forclusion, de déchéance ou de caducité sont nécessaires au bon déroulement des procédures et contribuent au procès équitable, dès lors qu'ils assurent la sécurité juridique, le respect des droits de la défense et le principe de la contradiction et du délai raisonnable ; les défaillances des auxiliaires de justice, chargés de délivrer les actes, si elles justifient des actions en responsabilité ne peuvent pas atteindre l'efficacité des sanctions attachées à la méconnaissance de ces délais.

Mais, l'impossibilité pour le magistrat chargé de la mise en état de relever de caducité dans le cadre de l'article 911 du code de procédure civile, par une appréciation de l'existence d'un motif légitime pouvant justifier le dépassement du délai, pourrait caractériser une atteinte disproportionnée au principe du procès équitable au regard du but poursuivi, soit la célérité de la procédure. Cependant, les circonstances du présent litige excluent l'existence d'une telle atteinte.

En effet, il est établi que pour respecter le délai d'un mois imparti à l'appelant par l'article 911 du code de procédure civile, la signification des conclusions à l'intimée qui n'avait pas constitué avoué, devait intervenir au plus tard le jeudi 18 août 2011 et qu'elle a eu en réalité lieu le mardi 23 août 2011.
Pour expliquer le dépassement du délai, qui ne bénéficiait d'aucune prorogation ayant expiré un jeudi et non un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé (article 642 du code de procédure civile), la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY fait valoir que l'huissier de justice a privilégié la signification à personne, principe posé par l'article 654 du code de procédure civile en attendant la réouverture de l'entreprise qui était fermée pendant le délai de signification.

Mais, la cour d'appel constate que l'explication fournie sur les causes de la remise tardive de l'acte n'apparaît nullement dans le procès-verbal dressé lors de la signification litigieuse. A cet égard, il est seulement mentionné que l'huissier de justice s'est transporté le 23 août 2011 au siège social de la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE, sans indication d'une fermeture qui aurait été relevée lors d'un passage antérieur au 19 août 2011. Or, l'acte de signification doit se suffire à lui-même pour en apprécier la régularité et en tirer un motif légitime pour décider éventuellement d'un relevé de caducité. Dès lors, l'exclusion de tout relevé de caducité ne constitue pas, en l'espèce, une violation de l'article 6, paragraphe 1 de la CEDH.

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY invoque également la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et plus précisément des articles 47, intitulé droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et 52 intitulé portée et interprétation des droits et des principes. Mais, cette charte ne s'applique aux Etats membres que lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, ce qui n'est pas le cas des droits invoqués par la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY. Il n'y a donc pas lieu de rechercher la conformité à ladite charte de l'article 911 du code de procédure civile dans le cas d'espèce dont la cour d'appel est saisi.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état.

La S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY, qui n'obtient pas satisfaction, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 14 novembre 2011,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY et la S. A. S. SOCIETE GROUPE DELFOSSE de leurs demandes de ce chef,

Condamne la S. A. R. L. SOCIETE EDITIONS GILLES DE COURS DE SAINT GERVASY aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 11/05617
Date de la décision : 04/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-04;11.05617 ?
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