11/01/2012
ARRÊT No 6
NoRG: 10/03575VS/MB
***COUR D'APPEL DE TOULOUSE2ème Chambre Section 1***ARRÊT DU ONZE JANVIER DEUX MILLE DOUZE***
DEMANDEUR SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur Marco X......32000 AUCH
représentés par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avocats au barreau de Toulouse assistée de Me Michel BLAISE, avocat au barreau d'Auch
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 31555/2010/013115 du 20/12/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Toulouse)
DÉFENDEUR SUR RENVOI APRES CASSATION
S.A. SOCIÉTÉ BANQUE POSTALE34 rue de la Fédération75015 PARIS
représentés par la SCP RIVES PODESTA, avocats au barreau de Toulouse assistée de la SELARL ARCANTHE, avocats au barreau de Toulouse,
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 9 novembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : G. COUSTEAUXAssesseurs : V. SALMERON, conseiller : F. CROISILLE-CABROL, vice président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
EXPOSÉ DES FAITS :
Marco X..., titulaire d'un compte dans les livres de la Banque Postale, y a déposé le 13 juin 2005 un chèque de 10.000 euros, daté du 25 juin 2005, émis par Matera Vicenzo et tiré sur une banque italienne la Banca Popolare de Vicenza. Transmis pour compensation à la Banque de France, ce chèque a fait l'objet d'un refus de paiement le 17 juin 2005 du fait de sa date postérieure à la remise.Le 27 juin 2005, la Banque Postale l'a de nouveau remis à la Banque de France pour paiement. Le 26 juillet 2005, la Banque de France l'a payé, ce qui a permis de créditer le compte de Marco X... de cette somme. Le lendemain, Marco X... a retiré cette somme en espèces.Le 29 juillet 2005, la Banca Popolare a rejeté le chèque au motif que l'endos n'était pas conforme et a retourné le chèque pour régularisation ; M. X... s'est exécuté et le chèque a de nouveau été présenté au paiement le 5 août 2005. Le 10 août, la Banque de France a retourné le chèque afin de prise en charge des frais de nouvel encaissement que la Banque Postale a accepté de payer. Toutefois, la Banque de France a exigé la signature de Marco X....La Banque Postale a alors émis une lettre de garantie, laquelle a été rejetée par la Banca Popolare pour endos non conforme. Le compte de Marco X... a été débité de 10.185,13 euros incluant les frais d'agios.
Par acte du 12 mai 2006, la Banque Postale a fait assigner Marco X... en paiement du solde de son compte, clôturé depuis décembre 2005 en indiquant qu'elle n'avait crédité le compte qu'à titre d'avance et que son client qui avait égaré le chèque, faisait preuve de mauvaise foi en s'abstenant de réclamer un nouveau chèque à l'émetteur.En défense, Marco X... a demandé de créditer son compte du montant du chèque, de supprimer les frais d'agios et de rejet et a recherché la responsabilité de la banque pour avoir égaré le titre.
Par jugement du 31 janvier 2007, le tribunal de grande instance d'Auch a condamné Marco X... à payer à la Banque Postale 10.185,13 euros avec intérêt au taux légal à compter du 14 décembre 2005 au titre du solde débiteur du compte et 600 euros au titre des frais irrépétibles et à prendre en charge les dépens.
Sur appel de Marco X..., la cour d'appel d'Agen, dans son arrêt du 6 août 2008, a confirmé le jugement et condamné l'appelant aux dépens outre 600 euros au titre des frais irrépétibles.
Par arrêt du 26 janvier 2010, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 6 août 2008 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse et a condamné la Banque Postale aux dépens et à verser 2.500 euros au visa des articles 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La Cour de Cassation a dit que la cour d'appel avait violé la loi au visa de l'article 1315 alinéa 2 du code civil en inversant la charge de la preuve alors qu'il appartenait à la banque d'établir qu'elle avait restitué le titre litigieux à son client.
Par déclaration du 28 juin 2010, Marco X... a saisi la cour d'appel de Toulouse.
La clôture a été fixée au 25 octobre 2011.
MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 24 octobre 2011 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Marco X... demande de réformer l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, de débouter la Banque Postale de ses demandes et, à titre reconventionnel,
de condamner la Banque Postale à lui payer :-10.000 euros de dommages-intérêts majorés des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2005 sur la somme correspondant au chèque contrepassé,-15.000 euros au titre du préjudice financier et moral,
d'ordonner la levée de l'interdiction bancaire et de le condamner à 5.000 euros en application des dispositions des articles 37 alinéa 2 et 75 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.
Il fait valoir qu'il démontre avoir remis le chèque à l'encaissement. En revanche, la Banque Postale n'établit pas avoir remis le chèque litigieux, ce qui lui a causé un préjudice financier important. Il n'a pas pu obtenir un protêt lui permettant de mettre en oeuvre les mesures d'exécution nécessaires contre son débiteur, cause exclusive et déterminante du préjudice subi. La Cour de Cassation a rappelé les règles de preuves en matière civile ; il appartient à la banque de rapporter la preuve qu'elle a remis le chèque au client. Or, les motifs du rejet du chèque n'ont cessé de changer au fil des correspondances. Dans sa lettre du 25 août 2005, la banque ne fait référence qu'à l'envoi de l'avis et non du chèque (chèque perdu, absence de provision endos non conforme à 3 reprises) ; les pièces 8 et 9 qu'elle invoque ne permettent pas d'établir la transmission du chèque à Marco X....La Banque Postale sans préavis a bloqué son compte personnel. Elle prétend sans l'établir que ce compte aurait servi à dissimuler une fraude.La non-restitution du chèque litigieux, en raison de nombreuses erreurs commises par la banque le prive d'une chance de pouvoir obtenir le recouvrement de sa créance.Il demande le paiement du montant du chèque. De surcroît, du fait de la contre-passation tardive fautive par la Banque Postale, son compte s'est trouvé en position débitrice. Des chèques ont été rejetés sans l'avertissement préalable exigé par l'article L 131-73 du CMF, la lettre du 2 décembre 2005 ne précisait aucun avertissement préalable.Enfin, la banque confond, dans sa pièce no2, une demande d'ouverture de compte avec une demande de carnet de chèques.
Par conclusions notifiées le 21 juillet 2011 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Banque Postale demande de condamner Marco X... à lui verser :-10.185,13 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2005,- 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,- 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle la jurisprudence en matière d'avance des sommes afférentes à un chèque qui constitue un contrat de crédit justifiant l'endossement du chèque, ainsi que le droit du banquier d'opérer une contre passation en matière de chèque resté impayé.Elle indique en l'espèce qu'elle a crédité le compte sous réserve d'encaissement puis a contrepassé le chèque au débit du compte lorsqu'il a été rejeté.Sur la responsabilité de la banque, elle affirme qu'il n'y a pas eu de changement de motifs d rejet du chèque litigieux, ni de retard dans la contrepassation du chèque litigieux en octobre 2005 après avoir mis en oeuvre de nombreuses diligences entre juin et octobre pour obtenir le paiement du chèque, ni d'erreur de l'encaissement du chèque alors qu'elle a rempli les obligations du banquier présentateur ni de perte du chèque de son fait.Elle affirme sur ce dernier point qu'elle a transmis le chèque à Marco X... (cf pièces 8 et 9) et que le chèque n'a pas été perdu dans les circuits bancaires.Enfin, en toute hypothèse, elle souligne le fait que, nonobstant la perte du chèque, Marco X... ne justifie d'aucun préjudice au titre du manquement de la banque. Elle fait observer qu'il n'a pas poursuivi ses démarches amiables et contentieuses à l'encontre de la société émettrice du chèque pour récupérer sa créance fondamentale. Curieusement, Marco X... n'avait jamais effectué de retrait de la totalité des sommes présentes sur son compte bancaire avant le retrait en espèces de 10.000 euros le 27 juillet 2005 et la banque y voit une manoeuvre.Sur le non-respect des exigences de l'article L131-73 du CMF, elle fait observer qu'elle a adressé plusieurs courriers avisant son client qu'il ne pouvait plus émettre de chèque.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Indépendamment de tout recours fondé sur le droit du chèque, la banque a le droit de se faire rembourser par le bénéficiaire de chèques qui se sont révélés ensuite sans provision ou rejeté pour endos non conforme, le montant des avances qu'elle lui avait accordées lors de leur remise en vue de leur encaissement.De son coté, le client remettant n'est recevable à mettre en oeuvre la responsabilité de la banque que par une demande principale ou reconventionnelle en dommages-intérêts, à charge pour lui d'établir le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice prétendu et ne peut l'invoquer en défense pour prétendre la banque déchue de son droit au remboursement de l'avance consentie « sous réserve d'encaissement » sur le montant de l'effet.Il convient donc de statuer sur la demande de remboursement du solde du compte avant de statuer sur la demande de dommages-intérêts engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque.
sur la demande de la Banque Postale de remboursement du solde débiteur du compte courant de Marco X... arrêté au 14 décembre 2005 :
Le 17 octobre 2005, la Banque de France a informé la Banque Postale que la lettre de garantie tirée sur la Banca Popolare di Vicenza en remplacement du chèque rendu impayé une première fois pour le motif « endos non conforme » a été retournée impayée pour le même motif. Dès le 18 octobre 2005, la Banque Postale en a informé son client, MARCO'S BOUTIQUE, enseigne commerciale de Marco X... entrepreneur individuel, et a procédé à la contrepassation du chèque de 10.000 euros, dont elle avait fait l'avance dès le 26 juillet 2005 après remise du chèque, augmentée du débit des frais de rejet de 19,05 euros.
Le 28 octobre, elle a écrit à MARCO'S BOUTIQUE lui demandant de régulariser son découvert dépassant le montant autorisé et, dès le 2 décembre 2005, elle lui a de nouveau écrit pour l'informer du fait que l'incident de paiement entraînait son interdiction d'émettre des chèques et la résiliation de son autorisation de découvert, lettre réitérée le 7 décembre 2005.
Dès lors que la convention de compte courant stipulait à l'article 2.2.1 des conditions générales que « les chèques sont généralement crédités au compte « sous réserve d'encaissement » dans l'attente du paiement par la banque du tireur », la Banque Postale a, à bon droit, contrepassé sur le compte de son client le chèque en définitive non encaissé auprès de la banque du tireur.La Banque Postale a en outre informé à chaque rejet du chèque, entre le 26 juillet et le 18 octobre 2005, son client sans délai des motifs de rejet dès qu'elle en a été elle-même informée par la Banque de France et notamment dès le 18 octobre après la lettre de la Banque de France du 17 octobre 2005.Par lettre du 14 décembre 2005, la Banque Postale a demandé à Marco X... de régulariser la situation de son compte courant avant le 12 février 2006 et l'a informé de son intention de clôturer le compte en raison de la persistance d'un découvert non autorisé.
Il convient de faire droit à la demande de la Banque Postale et de condamner Marco X... à lui régler la somme de 10.185,13 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2005.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts présentée par Marco X... :
la cour constate que le tribunal a omis de statuer dans le dispositif du jugement sur cette demande alors que, dans les motifs de sa décision, il a écarté toute faute de la banque.
Marco X... reproche à la banque de ne lui avoir retourné le chèque litigieux. Il appartient à la Banque Postale de rapporter la preuve qu'à la suite du rejet du chèque elle a bien restitué ce dernier à son client .
Il ne ressort pas à l'examen des pièces produites aux débats que la Banque Postale a rapporté la preuve qui lui incombe, ses pièces 8 et 9 n'étant que des courriers qui lui sont destinés émanant de la Banque de France tandis que la pièce 17 est un courrier que la Banque Postale adresse le 2 septembre 2005 à l'avocat de Marco X... dans lequel elle affirme avoir envoyé à Marco X... le document transmis le 12 août par la Banque de France aux fins de signature par le client lui-même et accompagné du chèque. Cette dernière pièce ne suffit pas à elle seule à rapporter la preuve que le chèque litigieux a été restitué à Marco X... par la Banque Postale. Enfin, la lettre de garantie de la Banque Postale adressée à la Banca Popolare de Vicenza évoquait le 19 septembre 2005 le fait que le chèque avait été égaré pour solliciter de la banque italienne le versement du montant du chèque litigieux sans rapporter la preuve de sa transmission à Marco X....
En revanche, Marco X... ne peut reprocher à la Banque Postale un défaut de vigilance concernant la date du chèque qui ne portait pas atteinte à la validité du chèque ni sur la non-conformité de l'endos du chèque avec la mention de l'ordre comme l'a relevé la Banco Popolare di Vicenza alors que la Banque Postale savait nécessairement qu'en réalité, la mention sur l'ordre n'était que l'enseigne commerciale du titulaire du compte et de la personne mentionnée sur l'endos et que le chèque n'avait pas été endossé irrégulièrement.
De même, la faute de la banque n'est pas davantage établie concernant les changements allégués de motifs de rejet du chèque mentionnés dans les divers courriers de la Banque Postale. Il n'y a en réalité qu'un motif de rejet du chèque litigieux qui est « l'endos non conforme » alors que le défaut de provision mentionné dans le courrier du 21 octobre 2005 de la Banque Postale faisait référence au rejet impayé de la lettre de garantie de la Banque Postale comme elle l'a rappelé à Marco X... dans un courrier du 9 novembre 2005.
Concernant le délai de contrepassation du chèque, 3 mois après son dépôt, la faute n'est pas établie dès lors que la Banque Postale a tenu régulièrement et immédiatement informé son client des observations de la Banque de France sur les motifs de rejet du chèque notamment courrier du 25 août dès l'information de la Banque de France adressée le 22 août, puis courrier du 18 octobre au client après courrier de la Banque de France du 17 octobre 2005 .
Enfin, concernant le blocage du compte sans préavis et les chèques rejetés pour défaut de provision, les faits reprochés ne sont pas davantage établis. En effet, les échanges de courriers entre la Banque Postale et son client, notamment à compter du 2 décembre 2005, attestent que Marco X... a été informé des incidents de paiement et du dépassement de découvert autorisé, conduisant à la clôture du compte dans un délai de plus de 2 mois puisqu'il lui a été proposé de régulariser la situation au plus tard le 12 février 2006.
En définitive, la seule faute établie à l'encontre de la Banque Postale est la non-restitution du chèque litigieux.Celle-ci a nécessairement causé un préjudice à Marco X... qui, en définitive, n'a pas été réglé de sa créance alors que son débiteur Matéra Vicenzo ne lui a pas adressé un nouveau chèque en paiement comme il le lui avait demandé par courriers et notamment par LRAR du 30 janvier 2006. Le chèque litigieux doit lui être restitué pour fonder son recours cambiaire à l'encontre de Matéra Vicenzo et de sa banque qui est à l'origine des difficultés de paiement en précisant que le chèque comportait à tort un endos non conforme. La perte du chèque par la Banque Postale lui a causé un préjudice qui consiste en la perte de chance de pouvoir poursuivre son débiteur efficacement sur un fondement cambiaire en faisant établir un protêt et d'être réglé du montant dudit chèque.Il convient donc de lui allouer 5.000 euros de dommages-intérêts.
Sur la demande de la Banque Postale de dommages-intérêts :
il ne saurait être reproché à Marco X... de ne pas s'être acquitté de sa dette immédiatement et d'avoir engagé un recours contre sa condamnation en paiement, dès lors qu'il dénonçait des fautes de la banque qui ont été partiellement admises en appel et qu'il a pu croire que les créances réciproques se compenseraient. Par ailleurs, la résistance a une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi insuffisamment caractérisé en l'espèce.Il convient de débouter la Banque Postale de sa demande.
Sur les demandes annexes :
chaque partie, succombant partiellement en appel, supportera chacune la charge de la moitié des dépens d'appel.Sur la demande d'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, il sera partiellement fait droit à la demande de Marco X... dès lors que la Banque Postale est condamnée partiellement aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
La Cour
- confirme le jugement,
Et, y ajoutant et statuant sur la demande reconventionnelle de Marco X... en dommages-intérêts,
- condamne la Banque Postale à verser Marco X... 5.000 euros de dommages-intérêts,
-ordonne la compensation des sommes dont chaque partie est réciproquement redevable,
- condamne chaque partie à régler la moitié des dépens d'appel,
- autorise les avocats postulants de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- déboute la Banque Postale de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la Banque Postale à verser 2.500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Le greffier, Le président,
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