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14/12/2011 | FRANCE | N°10/05185

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre section 1, 14 décembre 2011, 10/05185


COUR D'APPEL DE TOULOUSE2ème Chambre Section 1
ARRÊT DU QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE
ARRÊT No 393
No RG: 10/05185
Décision déférée du 17 Juin 2010 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2010R205

SOCIÉTÉ GOOGLE INC.représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
C/
S.A.S. SOCIÉTÉ AKERYS PARTICIPATIONSreprésentée par la SCP MALET

APPELANTE
SOCIÉTÉ GOOGLE INC.1600 Amphithéâtre Parkway Montain View24000 BATSHORE PARKWAY - USA
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la cour assistée de la SCP HERBERT SMITH PARIS LLP,

avocats au barreau de Paris

INTIMÉE
S.A.S. SOCIÉTÉ AKERYS PARTICIPATIONS33 avenue Georges Pompidou31130 B...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE2ème Chambre Section 1
ARRÊT DU QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE
ARRÊT No 393
No RG: 10/05185
Décision déférée du 17 Juin 2010 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2010R205

SOCIÉTÉ GOOGLE INC.représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
C/
S.A.S. SOCIÉTÉ AKERYS PARTICIPATIONSreprésentée par la SCP MALET

APPELANTE
SOCIÉTÉ GOOGLE INC.1600 Amphithéâtre Parkway Montain View24000 BATSHORE PARKWAY - USA
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la cour assistée de la SCP HERBERT SMITH PARIS LLP, avocats au barreau de Paris

INTIMÉE
S.A.S. SOCIÉTÉ AKERYS PARTICIPATIONS33 avenue Georges Pompidou31130 BALMA
représentée par la SCP MALET, avoués à la cour assistée de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX MORVILLIERS SENTENAC AVOCATS, avocats au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
G. COUSTEAUX, présidentV. SALMERON, conseillerF. CROISILLE-CABROL, vice président placé qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRÊT :
- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

FAITS et PROCÉDURE
En février 2009, la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS, qui avait mis en ligne plusieurs sites sur Internet, a constaté qu'une recherche sur le moteur GOOGLE à partir du mot AKERYS proposait en recherche associée ou en suggestion de recherche AKERYS ARNAQUE.
Ayant demandé en vain leur suppression par plusieurs courriers, le plus ancien remontant au 16 février 2009, la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS a fait assigner la société GOOGLE INC devant le juge des référés par acte du 15 avril 2010.
Par ordonnance du 17 juin 2010, le juge des référés du tribunal de commerce de TOULOUSE a :
- ordonné à la société GOOGLE INC de supprimer le terme "arnaque" des "suggestions de recherches" et "recherches associées" proposées par son moteur de recherche et notamment accessible aux adresses www.google.com et www.google.fr lors d'une saisie comprenant le mot AKERYS ou de l'affichage d'une page de résultats qui y soit relative,- assorti cette obligation d'une astreinte provisoire de 5.000 euros par jour de retard commençant à courir le 15e jour suivant la signification de la décision, en se réservant la liquidation de ladite astreinte,- débouté la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS de sa demande de provision de 300.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice,- condamné la société GOOGLE INC. à payer à la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GOOGLE INC, qui n'avait pas comparu en première instance, a interjeté appel le 14 septembre 2010.
La société GOOGLE INC a déposé ses dernières écritures le 18 octobre 2011.
La S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS a déposé ses dernières écritures le 18 octobre 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2011.

MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES
Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa de la loi du 29 juillet 1881, de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique et de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, La société GOOGLE INC conclut à l'annulation de la décision de première instance à titre principal et subsidiairement ainsi que très subsidiairement à son infirmation. Elle sollicite également la condamnation de la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante développe les moyens suivants :- à titre principal, la demande d'interdiction relative aux outils d'aide à la recherche telle que formulée dans l'acte introductif d'instance relève des dispositions de la loi du 29 juillet 1881,- cette assignation est nulle comme violant les dispositions de cette loi,- l'ordonnance a été rendue en méconnaissance d'une compétence d'attribution en faveur du tribunal de grande instance,- l'action était prescrite depuis au moins le 23 octobre 2009, l'intimée ayant fait constater l'affichage litigieux le 22 juillet 2009,- à titre subsidiaire, les mesures d'information mises en oeuvre par la société GOOGLE INC excluent que le public puisse voir dans l'affichage de la requête litigieuse une atteinte à la considération de la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS,- le trouble n'est pas établi pas plus que l'illicéité de l'affichage,- à titre très subsidiaire, la mesure de suppression ordonnée est disproportionnée,- le message d'avertissement et d'information mis en oeuvre par la société GOOGLE INC sur la manière dont les requêtes sont affichées est une mesure suffisante pour faire cesser le trouble allégué,- la suppression de l'association des termes "akerys arnaque" des pages de résultat est matériellement impossible à mettre en oeuvre,- les mesures de suppression ordonnées ne sont pas limitées dans le temps, une limite de trois mois devant être une durée maximale .
Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 46 et 873 du code de procédure civile ainsi que 1382 à 1384 du code civil, la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS sollicite la confirmation partielle de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société GOOGLE INC sous astreinte à supprimer le terme arnaque et l'a condamnée à lui verser la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, son infirmation en condamnant la société GOOGLE INC à lui verser une provision de 150.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ainsi que la condamnation de la société GOOGLE INC à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS développe les moyens suivants :- il n'est nullement question de diffamation au sens du droit de la presse ou d'injure à une personne mais d'une faute civile délictuelle commise par la société GOOGLE INC qui, par le biais de ses suggestions de recherche et recherches associées, se rend complice de dénigrement commercial à son préjudice,- le support qui se rend complice de dénigrement, ne serait-ce que par négligence, peut voir sa responsabilité engagée,- la société GOOGLE INC associe systématiquement, par le biais de ses outils le nom de la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS au terme "arnaque" sans que l'internaute ne renseigne par lui-même ce mot en tant que terme de recherche,- les faits dommageables ayant été constatés par un huissier de justice à Toulouse, le juge des référés du tribunal de commerce de cette ville est compétent pour connaître des demandes présentées,- la société GOOGLE INC a tenté vainement de s'exonérer de sa responsabilité en alléguant l'impossibilité de toute intervention humaine sur l'algorithme de saisie automatique alors qu'elle a procédé à plusieurs modifications substantielles de l'algorithme notamment pour limiter le téléchargement illégal, - il suffit de constater que le 1er septembre 2010, soit dans les jours qui ont suivi la signification de l'ordonnance dont appel, l'association litigieuse avait disparu,- dans ses dernières écritures, l'appelante se contredit en reconnaissant qu'elle est en mesure de contrôler et de supprimer, au moins a posteriori, les suggestions litigieuses,- la société GOOGLE INC a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour avoir associé le nom d'une société au mot "arnaque",- l'affichage non sollicité "AKEYRIS ARNAQUE" fait nécessairement peser sur la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS sinon l'imputation directe de faits pénalement répréhensibles, du moins la suspicion de s'être trouvée compromise dans une affaire de vol ou d'escroquerie, - l'affichage des suggestions dénigrantes résulte d'un choix commercial délibéré de la société GOOGLE INC.- la suppression prononcée n'a pas pour effet d'empêcher les internautes de saisir de leur propre initiative les mots AKERYS et ARNAQUE dans le moteur de recherche,- la procédure judiciaire a été introduite après l'envoi de quatre mises en demeure restées sans effet,- sur le préjudice pour lequel le juge des référés peut allouer une provision, la seule mise en évidence du terme "arnaque, associé de manière systématique au groupe AKERYS, avant même que l'internaute effectuant une recherche ne formule précisément ce qu'il cherche, va l'inciter à renoncer à toute relation avec la société AKERYS.

MOTIFS de la DÉCISION
La société GOOGLE INC fournissant divers services de communication en ligne accessibles à l'adresse www.google.fr, au premier rang desquels un moteur de recherche, a la qualité d'éditeur de ce site. En septembre 2008, elle a complété son moteur de recherche par une fonctionnalité dite "google suggest" qui offre aux internautes effectuant une recherche, à partir des premières lettres du mot qu'ils saisissent, un menu déroulant de propositions au nombre de dix, un clic sur l'une d'entre elles évitant d'avoir à saisir le libellé entier de la recherche et permettant d'accéder ainsi plus rapidement à une liste de résultats. Une autre fonctionnalité affiche sur certaines pages de résultat, sous le titre "recherches associées", d'autres propositions de recherche supposées proches de celles que l'internaute a saisies dans sa requête.
Le litige dont la cour d'appel est saisie porte sur l'association des mots AKEYRIS et ARNAQUE qui était faite par ces deux outils de recherches, soit suggérées ou autrement dénommées populaires soit associées.
La société GOOGLE INC soutient tout d'abord que le fondement de la demande présentée en première instance par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS relevant de la loi du 29 juillet 1881, l'acte introductif qui ne vise aucun de ces dispositions est nul, ce qui par voie de conséquence entraîne la nullité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce.Les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être ni poursuivis ni réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
D'une part, selon l'article 29 de ladite loi, toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé est une diffamation.
Aux termes même de l'assignation délivrée le 15 avril 2010, en page 4, la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS fait état du constat de l'association des mots AKERYS et ARNAQUE, tout en précisant que l'affichage de cette expression porte grave atteinte à sa réputation.
Le terme litigieux ARNAQUE se rattache directement et se confond avec des imputations diffamatoires dans la mesure où le rapprochement est nécessairement compris comme une arnaque commise par la société dont le nom est associé à ce terme et non commise à son détriment.
Les faits caractérisant ainsi une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881, l'assignation devait dès lors indiquer la disposition de cette loi qui était applicable, comme le prévoit l'article 53.
Cette obligation s'impose non seulement aux procédures pénales mais aussi aux procédures civiles, que ce soit en référé ou au fond.
D'autre part, pour que les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 soient applicables encore faut-il qu'une intervention humaine soit démontrée.
Les deux fonctions litigieuses du moteur de recherche développé par la société GOOGLE INC portent sur des recherches suggérées et des recherches associées. Il est à relever que l'explication technique fournit par l'appelante a varié en cours de procédure.
Dans ses premières écritures devant la cour d'appel, déposées le 14 janvier 2011, en page 9, la société GOOGLE INC renvoyait à la réponse fournie à la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS en réponse à sa première réclamation formulée le 16 février 2009, à savoir le fait que les recherches litigieuses étaient générées automatiquement sans choix ni contrôle de sa part. Il est à relever que cette réponse a été reprise le 5 août 2009, à la suite d'une nouvelle réclamation émise par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS.
Or, dans son dernier jeu d'écritures, si la société GOOGLE INC recopie, également à la page 9, le même élément de réponse, elle complète cependant ses explications, notamment en page 22 et 23, en ne contestant pas pouvoir désactiver manuellement et au cas par cas certaines requêtes populaires ou recherches associées lorsqu'elles ont été effectivement prises en compte par le système et ont été affichées dans l'outil d'aide à la recherche, en ajoutant que cette désactivation est alors effectuée par ses salariés lorsque cela est justifié, en particulier en application d'une décision de justice. Il suffit d'ailleurs de constater qu'en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse, l'association AKERYS ARNAQUE a été désactivée.
Certes, les techniques utilisées à base d'algorithmes et le volume considérable d'informations quotidiennes interdisent à l'exploitant d'un moteur de recherches d'analyser toutes les associations proposées aux internautes. Il n'en demeure pas moins que cet exploitant n'échappe pas à toute responsabilité qui peut être engagée par un manquement à son obligation de diligence, manquement reproché par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS qui a adressé à la société GOOGLE INC quatre réclamations restées sans effet.
Il n'est pas contesté qu'actuellement la société GOOGLE INC filtre les requêtes suggérées qui présenteraient un caractère pornographique, grossier, haineux ou violent, sans que l'appelante ne démontre, ni d'ailleurs n'allègue, que lors de l'association litigieuse courant 2009 elle était dans l'incapacité technique de procéder à un tel filtrage.
A la différence d'un index de livre qui est arrêté par l'auteur avant la publication, les requêtes suggérées et apparentées sont en évolution permanente, dépendant des requêtes formulées par les internautes. Dès lors, la manipulation de tiers malveillants à l'égard d'une personne morale ou d'une personne physique ne peut pas être exclue.
Certes le caractère automatique des résultats affichés exclut toute intention de nuire de la part de la société GOOGLE INC.
Certes, la société GOOGLE INC a mis en place une procédure d'alerte permettant à un tiers de signaler le caractère diffamant d'une requête suggérée ou associée.
Mais, en l'espèce, sans au demeurant utiliser cette procédure, la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS a signalé à quatre reprises - le 16 février 2009, 2 mars 2009, le 3 août 2009 et le 26 octobre 2009 - à la société GOOGLE INC l'association litigieuse sans obtenir la suppression, techniquement possible, consistant à ne plus la faire apparaître lors de la saisie du nom de la société, ce qui n'interdit nullement aux internautes de bénéficier des résultats trouvés par le moteur de recherche en saisissant eux-mêmes les deux mots. Il est à relever que les réponses standardisées de la société GOOGLE INC se bornaient à justifier le refus de toute intervention par l'impossibilité technique d'y procéder, alors qu'il est établi, ne serait-ce que par les écritures même de l'appelante et par l'exécution de la décision du juge des référés du tribunal de commerce, que de telles interventions sont possibles.
Si particulièrement les sociétés commerciales se doivent de veiller sur les informations mises en ligne sur Internet pour s'assurer qu'il n'est pas porté atteinte à leur réputation, les exploitants des moteurs de recherche doivent être particulièrement réactifs, compte tenu de la rapidité de la diffusion de l'information sur le réseau Internet, pour supprimer les saisies semi-automatiques qui font l'objet de contestations, étant rappelé qu'une telle suppression n'interdit nullement aux internautes d'obtenir les mêmes résultats en saisissant eux-mêmes l'intégralité des mots clés. Une telle suppression ne porte nullement atteinte au droit de recevoir des informations par quelque canal que ce soit protégé par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme.
Par l'association du mot ARNAQUE au nom de AKERYS et par le manquement à l'obligation de diligence qui incombait à la société GOOGLE INC, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sont applicables à l'espèce.
Dans les instances civiles en réparation d'infractions de presse, l'exception de nullité de l'assignation doit être invoquée avant toute défense au fond.
Tel est le cas en l'espèce, la société GOOGLE INC sollicitant in limine litis l'annulation de l'ordonnance de référé en invoquant la nullité de l'acte introductif d'instance.
En l'absence du respect des prescriptions exigées, à peine de nullité des poursuites, tant pénales que civiles, notamment par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, et alors que s'agissant d'une imputation diffamatoire, les dispositions de l'article 1382 du code civil ne peuvent pas recevoir application, il convient de constater la nullité de l'acte introductif d'instance.
Selon le second alinéa de l'article 562 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend notamment à l'annulation du jugement. Mais, l'appel est dépourvu d'effet dévolutif lorsque la décision de première instance est nulle en raison d'une irrégularité de l'acte introductif d'instance. Cependant, l'effet dévolutif joue malgré une telle nullité si l'appelant a conclu au fond, comme en l'espèce.
La société GOOGLE INC soutient ensuite que le juge des référés du tribunal de commerce était incompétent. En effet, aux termes de l'article R 211-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable à l'espèce par l'entrée en vigueur au 1er janvier 2010 du décret du 29 décembre 2009, le tribunal de grande instance a désormais compétence exclusive notamment pour les actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites.
Or, l'acte introductif d'instance devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse a été délivré le 15 avril 2010.
Mais, selon l'article 79 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Tel est le cas en l'espèce, la cour d'appel étant compétente pour examiner les recours contre les décisions rendues tant par la juridiction consulaire toulousaine que par le tribunal de grande instance de Toulouse.
La société GOOGLE INC soutient enfin que l'action engagée est prescrite.

Lorsque des poursuites pour diffamation sont engagées à raison de mise en ligne sur le réseau Internet, d'une information litigieuse, le point de départ du délai, de trois mois, de prescription de l'action, prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, applicable à l'action devant le juge des référés, doit être fixé à la date à laquelle cette information a été mise pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau.
En l'espèce, cette date est connue par celle de la première réclamation adressée par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS à la société GOOGLE INC le 16 février 2009. Dès lors, force est de constater que l'action en justice introduite par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS le 15 avril 2010 était en tout état de cause prescrite.
Il convient en conséquence après avoir annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse, de constater que le tribunal de commerce était incompétent, que l'action introduite par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS était prescrite et de déclarer irrecevables les demandes présentées par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'existence ou non, au jour où le juge des référés du tribunal de commerce a statué, d'un trouble manifestement illicite.
Par ailleurs, la société GOOGLE INC qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Annule l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse,
Statuant à nouveau,
Constate que le tribunal de commerce était incompétent,
Constate que l'action introduite par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS était prescrite,
Déclare irrecevable les demandes présentées par la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société GOOGLE INC et la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS de leurs demandes de ce chef,
Condamne la S.A.S. AKERYS PARTICIPATIONS aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre section 1
Numéro d'arrêt : 10/05185
Date de la décision : 14/12/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

1. L'exploitant d'un moteur de recherche qui ne supprime pas les saisies semi-automatiques faisant l'objet de contestations alors que cela est rendu possible par une intervention humaine, peut être poursuivi pour diffamation au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Ce procédé n'interdisant pas aux internautes d'obtenir les résultats en saisissant eux-mêmes les mots-clés, il ne porte nullement atteinte au droit de recevoir des informations protégé par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. 2. Ainsi, en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la prescription de l'action pour diffamation, la date de départ du délai peut être fixée au jour de la première réclamation adressée par la société lésée à l'exploitant du moteur de recherche.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-12-14;10.05185 ?
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