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21/09/2011 | FRANCE | N°11/00604

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1 - chambre sociale, 21 septembre 2011, 11/00604


21/09/2011

ARRÊT No

No RG : 11/00604CCO/MFM

***COUR D'APPEL DE TOULOUSE4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale***ARRÊT DU VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE***
APPELANT(S)
SYNDICAT CGT AIRBUS TOULOUSE316 route de Bayonne BP A0131060 TOULOUSE CEDEX 09représenté par la SCP MALET, avoués à la Cour, Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS
UNION GENERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIEN CGT263 rue de Paris93100 MONTREUILreprésenté par la SCP MALET, avoués à la Cour, Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS


INTIME(S)
SAS SOCIETE AIRBUS OPERATIONS316 route de Bayonne31060 TOULOUSEreprésentée p...

21/09/2011

ARRÊT No

No RG : 11/00604CCO/MFM

***COUR D'APPEL DE TOULOUSE4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale***ARRÊT DU VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE***
APPELANT(S)
SYNDICAT CGT AIRBUS TOULOUSE316 route de Bayonne BP A0131060 TOULOUSE CEDEX 09représenté par la SCP MALET, avoués à la Cour, Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS
UNION GENERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIEN CGT263 rue de Paris93100 MONTREUILreprésenté par la SCP MALET, avoués à la Cour, Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS

INTIME(S)
SAS SOCIETE AIRBUS OPERATIONS316 route de Bayonne31060 TOULOUSEreprésentée par la SCP NIDECKER PRIEU JEUSSET, avoués à la Cour, Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de:
C. CONSIGNY, présidentM.P. PELLARIN, conseillerV. HAIRON, conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER

ARRET : - Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile- signé par C. CONSIGNY, président, et par H. ANDUZE-ACHER, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Les cadres de la société Airbus Opérations, issue de l'intégration de différentes sociétés aéronautiques européennes, reçoivent chaque année une prime individualisée comprenant une partie fixe et une partie variable. Le budget consacré au paiement de cette prime représente 12% de la masse salariale des cadres.
Jusqu'en 2009, un acompte était versé en juin et le solde en décembre. Depuis 2010, selon un avenant du 27 janvier 2009 à l'accord d'entreprise « personnel cadre » du 31 mai 1999, le minimum garanti de la prime (7%) est versé en décembre et le solde, correspondant à la part variable, au mois d'avril de l'année suivante.
Selon les termes de l'avenant la part variable tient compte « au cours de l'année considérée, de tous les éléments d'appréciation et d'évaluation sur la performance de chaque intéressé qui font l'objet d'une évaluation selon les procédures en vigueur ». Les procédures d'évaluation prévoient le recours à l'application informatique PetD (performance et développement) qui intègre des critères comportementaux.
Le 26 novembre 2010, l'Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens CGT (l'UGICT-CGT) et le syndicat CGT Airbus Toulouse (le syndicat CGT) ont fait assigner, à jour fixe, la société Airbus Opérations devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir :
- constater que les institutions représentatives du personnel n'ont pas valablement été informées- dire que les critères comportementaux « TheAirbusWay » intégrés dans l'outil PetD sont illicites- dire que la fixation de quotas de salariés par niveau de performance est illicite- en conséquence suspendre le processus d'évaluation des salariés résultant de l'application de l'outil PetD- ordonner la destruction de l'ensemble des supports d'évaluation déjà réalisés depuis janvier 2010 et de toutes les données déjà recueillies au sein de l'outil PetD et de n'en conserver aucune trace dans les dossiers des salariés et ce sous astreinte de 1.000 € par salarié et par jour de retard.
Par jugement du 3 février 2011, le tribunal a :
- déclaré irrecevable l'action de l'UGICT-CGT et du syndicat CGT Airbus Toulouse faute de capacité à agir - débouté la société Airbus Opérations de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile- condamné l'UGICT-CGT et le syndicat CGT Airbus Toulouse aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée le 17 février 2011, l'UGICT-CGT et le syndicat CGT Airbus Toulouse ont régulièrement interjeté appel du jugement.
*******
Dans leurs dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de leurs moyens, l'UGICT-CGT et le syndicat CGT Airbus Toulouse demandent à la cour de :
- réformer le jugement du 3 février 2011- dire recevables et bien fondées à agir l'UGICT-CGT et le syndicat CGT Airbus- constater que les institutions représentatives du personnel n'ont pas été informées ni consultées valablement sur le processus d'évaluation des salariés cadres résultant de l'application de l'outil PetD- dire que les critères comportementaux « TheAirbusWay » intégrés dans l'outil PetD sont illicites- dire que la fixation de quotas de salariés par niveaux de performance est illicite
En conséquence :
- suspendre le processus d'évaluation des salariés résultant de l'application de l'outil PetD- dire en conséquence que la part variable de la prime annuelle individualisée ou de la rémunération, versée en avril 2011 à l'ensemble des cadres, ne pourra être établie que sur la base de la tenue des objectifs des salariés à l'exclusion de tout critère comportemental - ordonner la destruction de l'ensemble des supports d'évaluation déjà réalisés depuis janvier 2010 et de toutes les données déjà recueillies au sein de l'outil PetD et de n'en conserver aucune trace dans les dossiers des salariés et ce sous astreinte de 1.000 € par salarié et par jour de retard- débouter la société Airbus Opérations SAS de l'ensemble de ses demandes- condamner la société Airbus Opérations SAS à la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes l'UGICT-CGT et le syndicat CGT Airbus Toulouse font principalement valoir les moyens suivants :
1. Sur la recevabilité
- les questions de pouvoir et de représentation à l'action d'une organisation syndicale sont fonction des règles qui la gouvernent, lesquelles sont ipso facto opposables aux tiers qui n'ont pas qualité pour les contester ;- le tribunal ne pouvait pas exiger un procès-verbal d'assemblée, une convocation préalable sur un ordre du jour, un résultat de vote, une délibération de l'assemblée générale ayant mandaté le secrétaire général (pour le syndicat CGT Airbus), un procès-verbal contenant la délibération, la liste des membres de la commission, un document qui émane d'un tiers pour le mandat, une « délibération effective avec preuve de l'effectivité de cette délibération » (pour l'UGICT-CGT) ;- l'assemblée générale du syndicat CGT Airbus du 22 octobre 2010 qui décidait de saisir le tribunal de grande instance sur le système d'évaluation des salariés a chargé son représentant légal, Monsieur Édouard X..., ès qualité de secrétaire général du syndicat, de la mise en œuvre de sa délibération et donc de représenter pour ce faire le syndicat devant le tribunal ; cette capacité d'agir en première instance lui a été confirmée lors de la délibération de l'assemblée générale du 15 février 2011 décidant de former appel du jugement ;- pour l'UGICT-CGT, l'absence de mention « représentée par son secrétaire général » est une irrégularité de forme qui n'a pas causé de grief ; selon l'article 20 des statuts la secrétaire générale de l'UGICT-CGT dispose du pouvoir de représenter l'UGICT devant le tribunal ; l'action en justice a été évoquée devant la commission exécutive les 10 septembre 2010 pour l'instance devant le tribunal et le 11 février 2011 pour l'instance devant la cour d'appel ;- les organisations syndicales ont un intérêt à agir lorsque les institutions représentatives du personnel n'ont pas été informées et consultées ainsi que pour faire constater l'illicéité des critères comportementaux.
2. Sur l'absence de consultation des instances représentatives du personnel
- sachant que des modifications importantes ont été apportées au système d'évaluation préexistant avec l'introduction de critères comportementaux à compter de 2010, que ce système a été étendu à l'ensemble des cadres et que la société Airbus a souhaité lui donner une plus grande portée, cette dernière a instauré un nouveau processus d'évaluation nécessitant la consultation des instances représentatives du personnel et notamment du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dès lors qu'il en résulte une pression psychologique- la consultation des 7 CHSCT et du comité central d'entreprise du 11 mai au 26 mai 2011, postérieurement à la mise en œuvre du système d'évaluation, est sans effet ;
3. Sur le caractère illicite des critères comportementaux
Défaut d'objectivité
- les valeurs et comportements (« TheAirbusWay ») ont été présentés au CCE du 17 novembre 2008 et comportent les objectifs principaux suivants :- agir avec courage- promouvoir l'innovation et livrer des produits fiables- générer de la valeur pour le client- favoriser le travail d'équipe et l'intégration au niveau mondial- faire face à la réalité et être transparent- développer mes talents et ceux des autres- si certains comportements pourraient être objectivement appréciés dès lors qu'ils seraient formalisés, individualisés, ramenés à la situation concrète du salarié, à ses tâches précises, à ses fonctions réelles, d'autres (agir avec courage) ne peuvent pas être mesurés et ne peuvent faire l'objet que d'une appréciation subjective ;- si les résultats des objectifs font l'objet d'une discussion contradictoire entre le salarié et son manager, il n'en est pas de même de l'évaluation des comportements comme l'a reconnu le DRH d'Airbus : « l'évaluation du potentiel du collaborateur n'est pas visible dans l'outil PetD car elle requiert des explications et, si besoin, le lancement d'actions de développement. Les managers expliqueront cette évaluation au cours d'un entretien en face à face (feed-back) donnant lieu à discussions et échanges avec le cadre concerné » ; ainsi le retour au salarié (feed-back) a lieu après le calibrage de la prime ce qui ne laisse aucun espace de discussion et de contestation du salarié
Défaut de pertinence au regard de la finalité poursuivie
- défendre la position de l'employeur devant des tiers, appliquer des consignes, agir en fonction d'orientations relève d'une exigence légitime de l'employeur mais en revanche, adhérer ou partager relève de l'intime, de l'être, et ne peut être exigé du salarié sauf à attenter à sa liberté et réclamer de lui plus qu'il n'est nécessaire eu égard au but recherché- les injonctions morales (« agir avec courage », « être transparent », « être intègre », « être honnête » etc..), l'obligation d'adhérer à des valeurs « Société », à une « culture globale, unique, mondiale », l'obligation de « partager la vision » constituent une obligation d'adhésion à une idéologie qui s'accommode mal avec le respect de la liberté d'être des salariés d'Airbus- le défaut d'adhésion aux valeurs « TheAirbusWay » expose les salariés à des sanctions d'abord financières (incidence sur la prime) puis à plus long terme sur l'évolution professionnelle.
4. Sur les quotas de salariés par niveaux de performance
- dans le guide distribué aux hauts cadres managers figure un quota ou distribution cible sous forme de courbe de répartition des salariés selon leur performance à atteindre par le haut management en 2009, qui se distingue de l'année 2008- les managers doivent porter à 20% le nombre de cadres Top et High Performance, limiter à 70% le nombre de cadres dans la moyenne et porter à 10% le nombre de cadres « Low Performance »- instituer des quotas revient à violer le principe d'égalité des salariés qui suppose un caractère objectif et pertinent des éléments d'appréciation - pour mettre en place un système de quotas, il était nécessaire à la société Airbus de disposer de l'instrument de critères comportementaux arbitraires.
******
Dans ses dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens, la société Airbus Opérations demande à la cour de :
À titre principal :
- confirmer le jugement- constater le défaut de capacité à agir du syndicat CGT Airbus Toulouse et de l'UGICT-CGT et dire nulle l'assignation délivrée le 26 novembre 2010- déclarer irrecevable l'action du syndicat CGT Airbus Toulouse et de l'UGICT-CGT en raison de son défaut d'intérêt à agir et de qualité à agir sur leur demande de constat du défaut d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel et par voie de conséquence, sur leur demande de suspension du processus d'évaluation des salariés- constater que du fait des réunions d'information et de consultation des CHSCT, du CCE et des avis exprimés, l'objet de la demande a disparu et, en conséquence, la déclarer irrecevable.
À titre subsidiaire :
- constater qu'il n'y a pas lieu de suspendre le processus d'évaluation des salariés résultant de l'outil Performance et Développement- constater la licéité des critères comportementaux- lui donner acte de ce qu'aucun système de quotas aboutissant à prédéfinir un pourcentage de salariés à telle ou telle catégorie n'est et ne sera mis en place- en conséquence, débouter le syndicat CGT Airbus Toulouse et l'UGICT-CGT de l'ensemble de leurs demandes- en toute hypothèse constater qu'en leur qualité de syndicats, CGT Airbus Toulouse et l'UGICT-CGT ne sont pas fondés à demander l'ordonnance d'une obligation de faire- en tout état de cause condamner les appelants à lui verser 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Nidecker, Prieu, Jeusset, avoués sur son affirmation de droit.

La société Airbus fait valoir les moyens suivants :
1. Sur les moyens d'irrecevabilité
- les appelants ne produisent en appel aucune pièce nouvelle concernant leur capacité à agir lors de la saisine du tribunal de grande instance ; les seules nouvelles pièces ont trait à l'instance d'appel- Monsieur X... ne peut pas prétendre en justice être cru sur sa seule affirmation et prouver les pouvoirs qu'il aurait par un document qu'il s'établit à lui-même étant précisé que les statuts du syndicat CGT Airbus Toulouse ne lui donnent aucun pouvoir- il appartient au syndicat CGT Airbus Toulouse de dire quand et où s'est tenue l'assemblée générale, comment et par qui ont été convoqués les adhérents et produire le procès-verbal de cette assemblée dans une forme qui permette de l'authentifier- le syndicat CGT Airbus Toulouse n'apporte aucun élément de preuve permettant de démontrer que Monsieur X... a reçu mandat pour agir en justice au nom du syndicat- l'absence d'indication dans l'assignation de l'organe et du nom de la personne physique qui agit au nom de l'UGICT-CGT cause nécessairement un grief à la société Airbus- la secrétaire générale de l'UGICT-CGT ne peut pas prétendre que l'article 20 des statuts lui donne pouvoir pour agir en justice puisque cet article évoque la notion de « représentation » et non la notion de « ester en justice »- la délibération de la commission exécutive ne permet pas de régulariser l'action en justice introduite par devant le tribunal de grande instance mais en outre elle ne saurait être considérée comme régulière en vue de donner mandat à Mme C... d'interjeter appel au nom de l'UGICT-CGT- les appelants n'ont pas intérêt à agir dès lors que le CCE de la société Airbus a été informé et consulté et que le débat ne porte pas sur une absence d'information et de consultation mais sur le caractère complet et suffisant de celle-ci que seul le comité central d'entreprise, créancier de l'obligation, a intérêt, au sens juridique du terme, à contester judiciairement- les 5 CHSCT de Toulouse de la société Airbus Opérations ainsi que ceux de Nantes et Saint-Nazaire, de même que le CCE ont été informés et consultés courant mai 2011 sur la prise en compte des critères comportementaux professionnels dans l'évaluation de la performance des cadres

2. Sur le prétendu défaut de consultation
- les faits de l'espèce s'inscrivent dans une démarche remontant au début des années 2000 ensuite de la création de la société EADS et de la décision prise de faire d'Airbus une entreprise unique et intégrée ; - l'outil de gestion des ressources humaines dont il est demandé de suspendre l'application a fait, de longue date, l'objet des informations et consultations requises par les textes (CCE des 13 novembre 2003, 22 novembre 2007, 25 janvier 2008, 4 janvier 2011, CHSCT et CCE en mai 2011) ;

3. Sur la contestation des critères
- les critères contestés ne constituent que le rappel de valeurs qui s'imposent à chacun, y compris au sein de l'entreprise où le code du travail ne constitue pas la seule norme applicable- les critères et les valeurs dont il demandé qu'ils soient partagés s'adressent à des cadres et que sauf à considérer que le comité directeur en est le dépositaire, il est parfaitement légitime à un employeur de demander à des cadres de les partager et de les porter avec lui- les comportements attendus des cadres s'affichent autour de 6 valeurs d' « appel » qui sont : agir avec courage, promouvoir l'innovation et livrer de manière fiable, générer de la valeur pour le client, favoriser le travail d'équipe et l'intégration au niveau mondial, développer mes talents et ceux des autres, faire face à la réalité et agir avec intégrité- chacun de ces comportements est explicité et ne doit pas être apprécié au regard du seul titre d' « appel »- les comportements attendus recouvrent des éléments d'évidence liés à la fonction et ne portent pas sur des valeurs ou comportements personnels- la société a su tirer les enseignements, à la fois des tables rondes et des revendications des organisations syndicales mais aussi du projet vécu au travail et des risques psychosociaux aux fins d'expliciter, à nouveau, en quoi les comportements professionnels contenus dans le document TheAirbusWay correspondent à l'exercice professionnel, sont la traduction du souci d'un bien être des collaborateurs au travers l'encadrement et des lignes de conduite du comportement attendu par les collaborateurs

4. Sur la prétendue mise en œuvre des quotas
- il n'est pas contesté que la mise en œuvre de la définition de quotas, c'est-à-dire la prédétermination de la quantité de salariés qui doivent être évalués de telle ou telle manière est illicite - la note interne du 4 janvier 2010 ne porte que sur des recommandations dont le sens était d'inviter les destinataires de ce document à ne pas tomber dans la facilité qui aurait pu consister à attribuer à chacun de leurs collaborateurs une note moyenne et pour éviter toute ambiguïté il a été immédiatement indiqué à l'ensemble de la population cadres qu'il n'existait aucun quota (notes des 16 et 17 mars 2010)
En dernier lieu, la société Airbus Opérations indique que la suspension du processus d'évaluation résultant de l'application de l'outil Performance et Développement aboutirait à la paralysie du système permettant d'aboutir à la fixation des parts variables et qu'aucun évènement, aucune date ultime mettant un terme à cette période de suspension n'est exposée ;
Que la seule explication plausible à cette anomalie juridique flagrante réside dans le constat qui a dû être fait par les appelantes qu'une plus grande précision aurait abouti à l'aveu de la seule compétence du CCE pour porter le débat dont elles n'ont aucune légitimité à s'emparer.
Elle ajoute que la demande tendant à voir ordonner la destruction de l'ensemble des supports d'évaluation déjà réalisés depuis janvier 2010 ne relève pas de la compétence du tribunal de grande instance mais relève de la seule démarche que pourrait éventuellement avoir chacun des intéressés devant la juridiction prud'homale qui serait seule compétente comme l'a jugé le tribunal de grande instance de Nanterre.
Enfin elle précise que les primes au titre de l'année 2010 ont été distribuées aux cadres en avril 2011 sans que cela donne lieu à des difficultés.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la régularité de la procédure et la rececevabilité de l'action
Attendu qu'en l'absence dans les statuts d'une association, de stipulations réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, celle-ci est régulièrement engagée par la personne tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que dans le silence desdits statuts sur ce point, l'action ne peut être régulièrement décidée que par l'assemblée générale.
Attendu que selon l'article 20 des statuts de l'UGICT-CGT « le secrétaire général, ou un membre du bureau (sur mandat écrit de celui-ci) est habilité à représenter l'UGICT-CGT en justice » ;
qu'en l'absence de dispositions spécifiques des statuts désignant l'organe chargé de décider d'une action en justice, Madame Marie-José C..., secrétaire générale du syndicat UGICT-CGT, était donc habilitée à décider d'introduire une instance au nom du syndicat, d'interjeter appel du jugement et de confier l'exercice de l'action en justice à un avocat qui n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial.
Attendu que selon l'article 648 du code de procédure civile tout acte d'huissier de justice indique, si le requérant est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
que toutefois selon l'article 114 du code de procédure civile la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;
qu'en l'espèce la nullité n'est pas encourue dès lors que la société Airbus ne prouve pas le grief que lui cause l'irrégularité mais se contente d'indiquer que cette irrégularité lui cause nécessairement préjudice.
Attendu que les statuts du syndicat CGT Airbus Toulouse ne désignent aucun organe pour décider de l'opportunité d'agir en justice et pour représenter le syndicat en justice ;
qu'à défaut de dispositions statutaires ou légales imposant un formalisme particulier sur la tenue des assemblées générales, le document intitulé mandatement, signé par le secrétaire général du syndicat et par le secrétaire de séance, atteste valablement que l'assemblée générale a été réunie le 22 octobre 2010 et a décidé de saisir le tribunal de grande instance de Toulouse et de mandater un avocat pour représenter le syndicat à l'audience ;
que selon un second document également signé par le secrétaire général et par le secrétaire de séance, une assemblée générale a été réunie le 15 février 2011 pour :
· décider de faire appel du jugement du 3 février 2011, · confirmer la désignation de Monsieur X... effectuée le 22 octobre 2010 pour représenter le syndicat en première instance; · désigner son secrétaire général, Monsieur X..., pour le représenter en appel· mandater Maître Boussard-Verrecchia, avocate... pour former toutes demandes et exercer les voies de recours en son nom
que dès lors la procédure diligentée par le syndicat CGT Airbus Toulouse est régulière.
Attendu que sans préjuger du bien fondé des moyens présentés par les deux syndicats appelants, ceux-ci tirent de l'article L.2132-3 du code du travail le droit de saisir le juge pour demander la suspension d'une procédure d'évaluation pour défaut d'information du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou pour illicéité des critères comportementaux retenus par l'employeur dans le cadre de cette évaluation ;
que la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt doit donc être rejetée.
Attendu qu'il convient également de rejeter la fin de non recevoir tirée de la disparition de l'objet de la demande et donc du défaut d'intérêt à agir par suite de la consultation du comité central d'entreprise et des différents CHSCT au cours du mois de mai 2011 dès lors que les syndicats invoquent précisément l'inefficacité de ces consultations tardives.
Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse et, en application de l'article 568 du code de procédure civile, d'évoquer les points non jugés pour donner à l'affaire une solution définitive.

2. Sur l'absence de consultation des institutions représentatives du personnel
Attendu que si l'employeur tient de son pouvoir de direction le droit d'évaluer le travail de ses salariés, la mise en place d'un dispositif d'évalution nécessite préalablement l'information des salariés (article L.1222-3 du code du travail), l'information et la consultation du comité d'entreprise (article L.2323-32) et la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dès lors que la procédure d'évaluation est manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail (L.4612-8).
Attendu qu'en l'espèce la nouvelle procédure d'évaluation mettant en oeuvre l'outil informatique PetD a été étendue à tous les cadres de l'entreprise en 2010 et intègre l'analyse des résultats obtenus par chaque salarié au regard des objectifs fixés individuellement mais aussi l'appréciation de son comportement au regard des valeurs Airbus (« TheAirbusWay ») ;
que dans une note adressée le 25 janvier 2010 à tous les cadres de l'entreprise, le directeur des ressources humaines précise :
« l'évaluation du potentiel du collaborateur n'est pas visible dans l'outil PetD car elle requiert des explications et, si besoin, le lancement d'actions de développement. Les managers expliqueront cette évaluation au cours d'un entretien en face à face (« feedback ») donnant lieu à discussion et échanges avec le cadre concerné. Par ailleurs il est rappelé que le « feedback » à la mi-année est une étape obligatoire du processus PetD. En ce qui concerne l'évaluation des objectifs, et dans un souci d'une certaine flexibilité dans l'outil, les managers peuvent formaliser cette évaluation de deux façons : soit objectif par objectif, soit globalement. Dans tous les cas, le « feedback » correspondant à cette évaluation reste obligatoire. ».
Attendu que l'intégration de critères comportementaux professionnels représentant une part importante dans l'évaluation et influant notablement sur la part variable d'une prime annuelle, dont le minimum est de 7 % et dont le maximum peut être supérieur à 13,5% du salaire annuel, est susceptible de générer pour les salariés une insécurité et une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail ; que la mise en oeuvre de cette procédure d'évaluation nécessite donc la consultation préalable des différents CHSCT de l'entreprise ;
que la consultation des 9 CHSCT qui n'est intervenue qu'au courant du mois de mai 2011 ne peut pas avoir pour effet de valider la procédure d'évaluation de l'année 2010 qui a permis de calculer le solde variable des primes versées en avril 2011.
Attendu que le comité central d'entreprise a été informé et consulté à l'occasion de plusieurs réunions et notamment :
· au cours d'une réunion du 13 novembre 2003 avec une information et des échanges relatifs au projet Prospect relatif au personnel III B CE et III C : « la part variable dont il est question et qui sera discutée, est directement liée à l'appréciation des résultats par rapport aux objectifs fixés. Dans ce projet, est intégrée une discussion entre le cadre et son responsable hiérarchique sur les comportements, c'est à dire sur la manière dont le cadre s'acquitte de ses fonctions non seulement dans les résultats, mais aussi dans la manière de les obtenir par rapport à un certain nombre de valeurs qui ont été définies et qui sont les valeurs que porte Airbus ».
· au cours de la réunion du 22 novembre 2007 avec une information et des échanges sur le projet d'harmonisation au niveau EADS des processus de performance et de développement (projet PetD). Dans le procès verbal de cette réunion il est notamment précisé que le nouvel outil concerne toutes les personnes au sein d'Airbus France mais également Central Entity qui était déjà régi par l'outil Prospect, à savoir les Executives, les cadres dirigeants, les Band IV c'est à dire les cadres supérieurs (III B et III C). L'intention de la direction est de commencer le déploiement pour les III A et les III B dès 2008 pour étendre l'outil à l'ensemble des cadres en 2009.
· au cours de la réunion du 25 janvier 2008 avec une information consultation relative à la mise en oeuvre du projet PetD.
Attendu que ces consultations ont notamment porté sur l'extension de l'outil PetD à partir de 2010 (et non 2009 comme indiqué au cours de la réunion du 22 novembre 2007) à l'ensemble des cadres de l'entreprise ;
que dans leurs conclusions (page 13), les syndicats reconnaissent que « l'introduction de critères comportementaux (s'est effectuée) lors d'une présentation de l'évolution en cours de l'outil PetD au CCE d'Airbus Opérations le 17 novembre 2008 » mais que la présentation qui mentionne (pièce syndicats no5 page 17) les valeurs société (agir avec courage, promouvoir l'innovation...) n'avait pour objectif que de consulter le CCE sur le projet d'avenant à un accord préexistant (devenu l'avenant no13 du 27 janvier 2009) relatif au décalage du versement de la prime annuelle de décembre à avril ;
que toutefois ce dernier point portant sur l'information complète et précise que l'employeur doit donner aux membres du comité d'entreprise avant de recueillir leur avis, ne peut pas être vérifié par la cour dès lors que les parties ne produisent pas le procès verbal de la réunion du comité central d'entreprise du 17 novembre 2008.
Attendu que la consultation du CCE le 26 mai 2011 ne peut pas avoir pour effet de valider la procédure d'évaluation de l'année 2010.

3. Sur la licéité des critères d'évaluation
Attendu qu'aux termes de l'article L.1222-2 du code du travail « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes.. »
que selon l'article L.1222-3 « le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en oeuvre à son égard... Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».
Attendu que pour tendre à une plus grande objectivité dans l'évaluation, la société Airbus impose aux cadres responsables de fixer des objectifs répondant aux caractéristiques suivantes : « Spécifiques et contrôlables », « Mesurables », « Acceptés », « Réalistes et Ambitieux », « Temporels » (objectifs SMART)
que toutefois l'évaluateur ne doit pas se contenter de vérifier que l'objectif a été atteint, il doit aussi s'assurer que les moyens mis en oeuvre pour l'atteindre sont conformes aux valeurs de la société déclinées dans le document intitulé « TheAirbusWay » :
- agir avec courage- promouvoir l'innovation et livrer des produits fiables- générer de la valeur pour le client- favoriser le travail d'équipe et l'intégration au niveau mondial- faire face à la réalité et être transparent- développer mes talents et ceux des autres
Attendu que l'évaluation du comportement constitue une part importante de l'évaluation globale comme en atteste le document intitulé « management guidelines » (pièce syndicats no13) qui contient une « matrice résultats / comportement » classant notamment comme :
· « low performer » (salarié peu performant) le cadre qui obtient d'excellents résultats au regard de ses objectifs mais dont l'évaluation des comportements est mauvaise et nécessite des améliorations · « meeting expectations » (salarié qui répond aux attentes) le cadre dont les résultats sont partiellement atteints mais qui adhère fortement aux valeurs de la société »
que l'abandon de l'expression « low performer » ou « low performance » à la demande des organisations syndicales (pièce Airbus no36) n'a pas modifié la part des comportements dans l'évaluation globale.
Attendu que si pour apprécier les aptitudes professionnelles d'un cadre dont l'activité n'est pas toujours quantifiable (animation de projet, direction d'équipes etc...) des critères reposant le comportement ne sont pas a priori illicites encore faut-il qu'ils soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l'intégrer dans une activité concrète et à l'évaluateur de l'apprécier avec la plus grande objectivité possible.
Attendu que comme l'indique la société Airbus, les 6 catégories de valeurs et comportements ne doivent pas être appréciées à partir de leur titre mais du contenu qui leur a été donné dans différentes notes de service ;
qu'ainsi « Agir avec courage » recouvre :
· Bâtir, comprendre, partager la vision à long terme de manière sensée et vérifier la cohérence des actions par rapport à la vision.· Prendre des décisions justes et courageuses dans l'intérêt d'Airbus et assumer la pleine responsabilité de leurs conséquences· Déployer / appliquer la politique et les objectifs SMART Spécifiques et contrôlables, Mesurables, Acceptés, Réalistes et Ambitieux, Temporels
que « Promouvoir l'innovation et livrer de manière fiable » recouvre :
· Prendre des engagements réalistes et assurer les livraisons aux clients internes et externes dans le respect des délais, des coûts et de la qualité· Promouvoir en permanence le changement, l'innovation, l'éco-efficience et l'amélioration· Etre orienté process et combattre en faveur de l'efficience Lean, de la normalisation et de l'excellence
Attendu que cette déclinaison des différentes valeurs et comportements sous forme de propositions explicatives ne suffit pas à leur donner un contenu concret facilement transposable dans l'activité des cadres qui peut être très variable selon que le cadre est par exemple débutant membre d'une équipe ou expérimenté dirigeant une équipe, disposant d'une certaine autonomie ou fortement intégré dans une chaîne hiériarchique, en relation ou non avec la clientèle, affecté à un travail de recherche ou d'exécution, etc..)
que la première formulation « bâtir, comprendre, partager la vision à long terme de manière sensée et vérifier la cohérence des actions par rapport à la vision » suppose que le cadre soit en mesure de connaître la vision à long terme grâce à des informations complètes et facilement accessibles ;
qu'en outre lui demander de partager une vision à long terme peut sembler particulièrement exigeant surtout s'il n'est pas en mesure de comprendre tous les enjeux qui peuvent découler de la vision à long terme des dirigeants de l'entreprise ;
que tant l'appréciation du partage par le salarié de la vision à long terme que l'appréciation des « décisions justes et courageuses dans l'intérêt d'Airbus », nécessitent un jugement trop subjectif de l'évaluateur et une recherche qui peut s'avérer difficile sur ce que représente « la vision à long terme » ou « l'intérêt d'Airbus » ;
qu'en imposant aux cadres qui n'auraient pas pris des décisions « justes et courageuses dans l'intérêt d'Airbus » d'« assumer la pleine responsabilité de leurs conséquences » la société Airbus laisse entendre que l'évaluation pourrait avoir une finalité disciplinaire étrangère à la finalité de l'évaluation qui est l'appréciation des aptitudes professionnelles ;
que cette approche disciplinaire se retrouve dans un document destiné aux managers (pièce syndicats no19) qui évoque notamment la situation des « low performers » : « La gestion des « performers » permet la compréhension, l'analyse, la résolution des problèmes qui empêchent l'employé(e) de se consacrer aux tâches dans lesquelles il excelle...Les mesures prises telles que la formation, le coaching, l'intensification du support apporté par le manager ou les collègues, le redéploiement, etc... ne peuvent être lancées que si les causes profondes du faible niveau de performance sont comprises. Dans les cas extrêmes, par exemple le refus d'un(e) employé(e) de s'améliorer, ou de graves problèmes comportementaux, il peut s'avérer nécessaire pour l'employé(e) de quitter Airbus... ».
Attendu que sans entrer dans le détail de chacun des comportements issus des valeurs de l'entreprise (« TheAirbusWay »), il apparaît que certains d'entre eux et notamment le premier (« agir avec courage ») dont la connotation morale rejaillit sur la sphère personnelle, sont trop imprécis pour établir une relation directe suffisante avec une activité professionnelle identifiable, nécessitent une appréciation trop subjective de la part de l'évaluateur et sont parfois éloignés de leur finalité consistant à mesurer les aptitudes professionnelles des salariés ;
que ces comportements ne peuvent donc pas constituer des critères pertinents de l'évaluation au sens de l'article L.1222-3 du code du travail et qu'en conséquence la procédure d'évaluation doit être suspendue.
Attendu que les syndicats reprochent à la société Airbus d'avoir institué des quotas par niveaux de performance.
Attendu que s'il n'est pas contesté que l'institution de quotas permettant de prédéterminer le nombre de salariés à classer dans chaque niveau de performance serait illicite, rien ne permet d'affirmer que la société Airbus a décidé d'y recourir ;
que dans une note du 4 janvier 2010 (pièce syndicats no12) il est fait mention d'une distribution cible avec la recommandation de répartition suivante :
· ~ 20 % Top et High Performance· ~ 70 % Meeting Expectations· ~ 10 % Low Performance
que dans une note du 25 janvier 2010 (pièce syndicats no15), le directeur des ressources humaines précise « il n'est pas demandé aux managers d'identifier un quota de « low performers ». Il leur est demandé d'évaluer de façon réaliste la performance des membres de leur équipe. De façon claire, des quotas n'ont pas été fixés mais, pour aider le management, des orientations de différenciation ont été définies, permettant d'optimiser la répartition des niveaux de performance au sein de leur secteur... » ;
qu'au cours de la réunion extraordinaire du comité central d'entreprise du 4 janvier 2011 (pièce Airbus no39) le directeur des ressources humaines a encore rappelé : « Je m'étais insurgé contre le mot « quota » parce que je suis juriste et je sais que les quotas sont illicites. Ce sont des orientations et recommandations que la direction donne mais en aucun cas nous ne fixons des quotas » ;
que la note du 4 janvier 2010 qui « recommande » des pourcentages « approximatifs » (~) a été précisée les 16 et 17 mars 2010 :
· « le but du calibrage est précisément d'assurer la cohérence entre les départements et le respect du modèle de différenciation devient seulement significatif au niveau des Fonctions. En effet appliquer une cascade stricte au niveau de chaque département ou service peut avoir l'effet inverse de celui voulu, en ce qu'il peut conduire à récompenser toutes les personnes à 100 % indépendamment de leur contribution effective actuelle, démotivant ainsi les bons et les « hauts » performants » (pièce Airbus no24)· « il n'est pas envisagé de procéder à nouveau à une calibration de tous les collaborateurs mais de s'assurer que chacun l'a été en fonction de sa réelle performance. » (pièce Airbus no25)
qu'enfin comme l'indique la société Airbus le tableau de répartition des primes annuelles pour l'année 2009 (pièce Airbus no20 page 6) montre que les recommandations n'ont pas été strictement appliquées.
Attendu qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer à l'employeur dans la définition des critères retenus pour l'évaluation et de lui imposer comme le demande les syndicats appelants de « dire que la part variable de la prime annuelle individualisée ou de la rémunération, versée en avril 2011 à l'ensemble des cadres, ne pourra être établie que sur la base de la tenue des objectifs des salariés à l'exclusion de tout critère comportemental ».
Attendu que si dans l'exercice d'une action purement collective, les syndicats professionnels peuvent contester la licéité d'une procédure d'évaluation, ils ne peuvent pas se substituer aux salariés et demander la condamnation sous astreinte de l'employeur à détruire l'ensemble des supports d'évaluation déjà réalisés depuis janvier 2010 et de toutes les données déjà recueillies au sein de l'outil PetD et de n'en conserver aucune trace aux dossiers des salariés.
Attendu qu'il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Airbus Opérations à payer la somme de 2.000 € à chaque syndicat.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 3 février 2011 ;
Ordonne l'évocation des points non jugés ;
Dit que les actions introduites par l'Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens CGT et par le syndicat CGT Airbus Toulouse sont recevables et régulières ;

Dit que la procédure d'évaluation des cadres de la société Airbus Opérations mise en oeuvre au titre de l'année 2010 est illicite dès lors que les CHSCT de l'entreprise n'ont pas été préalablement consultés et que cette évaluation se fonde sur certains critères comportementaux non conformes aux exigences légales ;
Dit que la procédure d'évaluation en cours à la date du présent arrêt doit être suspendue dès lors qu'elle intègre certains critères comportementaux non conformes aux exigences légales ;
Déclare l'Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens CGT et le syndicat CGT Airbus Toulouse irrecevables en leur demande tendant à la condamnation sous astreinte de l'employeur à détruire l'ensemble des supports d'évaluation déjà réalisés depuis janvier 2010 et de toutes les données déjà recueillies au sein de l'outil PetD et de n'en conserver aucune trace aux dossiers des salariés ;
Condamne la société Airbus Opérations à payer à chaque syndicat appelant la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société Airbus Opérations aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par monsieur CONSIGNY, président et madame H. ANDUZE-ACHER, greffier.
Le greffier Le président

H. ANDUZE-ACHER C. CONSIGNY .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1 - chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00604
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1- En l'absence dans les statuts d'une association, de stipulations réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, celle-ci est régulièrement engagée par la personne tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; dans le silence desdits statuts sur ce point, l'action ne peut être régulièrement décidée que par l'assemblée générale.2- Les syndicats tirent de l'article L.2132-3 du code du travail le droit de saisir le juge pour demander la suspension d'une procédure d'évaluation pour défaut d'information du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou pour illicéité des critères comportementaux retenus par l'employeur dans le cadre de cette évaluation ; mais ils ne peuvent pas se substituer aux salariés et demander à l¿employeur de détruire l¿ensemble des supports d¿évaluation déjà réalisés.3- Aux termes des articles L.1222-3, L.2323-32, L.4612-8 du code du travail, si l'employeur tient de son pouvoir de direction le droit d'évaluer le travail de ses salariés, la mise en place d'un dispositif d'évaluation nécessite préalablement l'information des salariés, l'information et la consultation du comité d'entreprise et la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dès lors que la procédure d'évaluation est manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail.L'intégration de critères comportementaux professionnels représentant une part importante dans l'évaluation et influant notablement sur la part variable d'une prime annuelle est susceptible de générer pour les salariés une insécurité et une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail de sorte que la mise en oeuvre de cette procédure d'évaluation nécessite la consultation préalable des différents CHSCT de l'entreprise. Les consultations des CHSCT et du CCE intervenues au mois de mai 2011 ne peuvent pas avoir pour effet de valider la procédure d'évaluation de l'année 2010 qui a permis de calculer le solde variable des primes versées en avril 2011.4- Si pour apprécier les aptitudes professionnelles d'un cadre dont l'activité n'est pas toujours quantifiable (animation de projet, direction d'équipes, etc...) des critères reposant sur le comportement ne sont pas a priori illicites au regard des prescriptions des articles L 1222-2 et L 1222-3 du code du travail, encore faut-il qu'ils soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l'intégrer dans une activité concrète et à l'évaluateur de l'apprécier avec la plus grande objectivité possible.La déclinaison par l'employeur de plusieurs catégories de valeurs et comportements sous forme de propositions explicatives ne suffit pas à leur donner un contenu concret facilement transposable dans l'activité des cadres qui peut être très variable selon l¿expérience, le degré d'autonomie, la nature des missions ; au demeurant, certains de ces comportements issus des valeurs de l¿entreprise, dont la formulation traduit une approche disciplinaire ou dont la connotation morale rejaillit sur la sphère personnelle, sont trop imprécis pour établir une relation directe suffisante avec une activité professionnelle identifiable, nécessitent une appréciation trop subjective et sont parfois éloignés de leur finalité consistant à mesurer des aptitudes des salariés ; ils ne peuvent donc constituer des critères pertinents de l'évaluation, ce qui conduit à suspendre la procédure d'évaluation.L'institution de quotas en vue de prédéterminer le nombre de salariés à classer dans chaque niveau de performance est illicite mais rien ne permet d'affirmer que l'employeur a décidé d'y avoir recours en présence de simples orientations et recommandations de répartition qui n'ont, d'ailleurs, pas été strictement appliquées.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-09-21;11.00604 ?
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