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29/06/2011 | FRANCE | N°10/00765

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2eme chambre section 1, 29 juin 2011, 10/00765


29/ 06/ 2011
ARRÊT No 207
NoRG : 10/ 00765 FC/ ASV

*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1 *** ARRÊT DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE ***

APPELANTE
LA MONDIALE 32 Avenue Emile Zola 59370 MONS EN BAROEUIL

représenté par la SCP DESSART SOREL DESSART, avoués à la Cour assisté de la SELARL ESPACE JURIDIQUE, avocats au barreau de LILLE

INTIMEE
Madame Joëlle Y... veuve Z... ... 81990 CARLUS

représentée par Me Bernard DE-LAMY, avoué à la Cour assistée de Me Anne Marie BELLEN-ROTGER, avocat au barreau d'ALBI

COM

POSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2011 en audience publiqu...

29/ 06/ 2011
ARRÊT No 207
NoRG : 10/ 00765 FC/ ASV

*** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 2eme Chambre Section 1 *** ARRÊT DU VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE ONZE ***

APPELANTE
LA MONDIALE 32 Avenue Emile Zola 59370 MONS EN BAROEUIL

représenté par la SCP DESSART SOREL DESSART, avoués à la Cour assisté de la SELARL ESPACE JURIDIQUE, avocats au barreau de LILLE

INTIMEE
Madame Joëlle Y... veuve Z... ... 81990 CARLUS

représentée par Me Bernard DE-LAMY, avoué à la Cour assistée de Me Anne Marie BELLEN-ROTGER, avocat au barreau d'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
G. COUSTEAUX, président A. ROGER, conseiller F. CROISILLE-CABROL, vice-présidente placée qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties-signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE
Le 20 août 1982, M. Philippe Z..., né le 8 janvier 1953, a souscrit auprès de LA MONDIALE un contrat à effet du 1er juillet 1982 garantissant notamment le risque décès ; en cas de décès accidentel, le capital décès de base était triplé.
Le 22 août 2008, à ALBI, en début d'après-midi, après le déjeuner, alors qu'il venait de quitter son domicile pour rejoindre son cabinet d'ophtalmologie, et conduisait son véhicule sur la rocade, M. Z... s'est déporté sur la partie gauche de la chaussée et a percuté un ensemble routier venant en sens inverse ; il est décédé.
Le 21 octobre 2008, LA MONDIALE a adressé à sa veuve, Mme Joëlle Y..., deux chèques de 166. 380 € et 14. 017, 87 € soit un total de 180. 397, 87 €.
Par courrier du 17 novembre 2008, Mme veuve Z... a demandé le triplement du capital-décès pour cause d'accident. Par courrier du 21 novembre 2008, LA MONDIALE a refusé en estimant que le décès n'était pas accidentel.
Après mise en demeure du 12 janvier 2009, par exploit d'huissier du 19 janvier 2009, Mme Z... a fait assigner LA MONDIALE devant le Tribunal de Grande Instance d'ALBI aux fins notamment de paiement de la somme de 332. 760 € au titre de la majoration de capital décès.
Par jugement du 7 janvier 2010, le Tribunal a considéré que le décès était accidentel et a :- condamné LA MONDIALE à verser à Mme Z... la somme de 332. 760 € au titre de la majoration du capital due en cas de décès accidentel, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2009 ;- débouté Mme Z... de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral ;- ordonné l'exécution provisoire ;- condamné LA MONDIALE à payer à Mme Z... la somme de 1. 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- condamné LA MONDIALE aux dépens.

Par acte déposé le 16 février 2010, LA MONDIALE a interjeté appel du jugement.
LA MONDIALE a déposé ses dernières conclusions le 14 avril 2011.
Mme Z... a déposé ses dernières conclusions le 3 mai 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2011.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

LA MONDIALE soutient que le Tribunal a inversé la charge de la preuve ; que, selon la jurisprudence, il appartient à Mme Z..., demanderesse au triplement du capital décès, de démontrer le caractère accidentel du décès c'est-à-dire l'action soudaine et exclusive d'une cause étrangère et l'absence de toute cause interne ou pathologique ayant concouru au décès, ce qu'elle ne fait pas ; qu'en l'espèce, la chaussée était large, les conditions climatiques favorables et la circulation fluide ; que M. Z... n'avait aucune raison de se déporter sur la gauche ; qu'il n'a pas freiné ainsi que les témoins l'attestent ; qu'avant les faits, M. Z... était stressé, surmené professionnellement et impatient de prendre des vacances ; que, selon toute vraisemblance, il a été victime d'un malaise ou d'un endormissement au volant, sans lequel le décès ne se serait pas produit, donc le décès résulte d'une cause interne ; qu'en l'absence d'autopsie, il n'a pas été établi que le décès était dû à un choc avec le camion.

Elle sollicite :- l'infirmation du jugement ;- la condamnation de Mme Z... à lui payer la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- la condamnation de l'intimée aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués.

Mme Z... réplique qu'elle ne peut pas apporter la preuve négative de l'absence de cause interne ; qu'il appartient à LA MONDIALE, qui entend s'exonérer de son obligation d'indemnisation, de prouver que le décès n'est pas accidentel mais est dû à une cause interne ; que le contrat d'assurance ne définissait pas l'accident ; que le certificat du SAMU indique que le décès est dû à un poly-traumatisme sur accident de la voie publique et est survenu une heure après le choc, et exclut donc tout malaise fatal ; que son époux était en bonne santé ; que le stress n'avait aucun retentissement pathologique sur lui ; qu'il est impossible qu'il se soit endormi au volant ; qu'on ne peut pas tirer des témoignages la certitude qu'il n'a pas freiné ; qu'il a fait un écart sur la droite avant de se déporter à gauche, ce qui prouve qu'il était conscient au moment de l'accident ; que la raison pour laquelle il a perdu le contrôle de son véhicule reste indéterminée et diverses causes externes sont envisageables (éblouissement par le soleil, défaillance du véhicule, présence de gravillons, présence d'un animal sur la chaussée ou d'une guêpe dans l'habitacle …) ; que LA MONDIALE se réfère à la cause de la collision (inconnue) alors qu'elle ne doit se référer qu'à la cause du décès (certaine : le choc) ; que sa position vise à vider de sa substance le principe même de l'assurance en cas d'accident, qui ne peut pas toujours être indépendant du comportement de l'assuré (inattention, maladresse …) ; que les arrêts cités par LA MONDIALE, faisant état d'un doute sur une volonté suicidaire, sont étrangers à l'espèce, où LA MONDIALE n'a jamais prétendu que M. Z... était suicidaire ; que le décès est donc bien accidentel.

Elle sollicite, au visa de l'article 1134 du Code Civil :- la confirmation de la décision de première instance sur la condamnation en principal et intérêts ;- l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et la condamnation de LA MONDIALE à lui payer la somme de 10. 000 € à ce titre ;- la condamnation de LA MONDIALE à lui payer la somme supplémentaire de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;- la condamnation de l'appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur le triplement du capital-décès
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit le 20 août 1982 stipulent « en cas de décès par accident, le capital prévu ci-dessus sera triplé si le décès survient dans les 12 mois qui suivent l'accident et avant le 31 décembre qui suit le 65e anniversaire de l'adhérent ».
LA MONDIALE tente d'appliquer au présent litige les définitions très précises que les assureurs ont aujourd'hui l'habitude d'insérer dans leurs contrats ; néanmoins, le contrat litigieux, ancien, ne donnait aucune définition de l'accident ; il convient donc de faire application de la définition générale donnée par la jurisprudence, comme « un fait soudain, fortuit, imprévu et indépendant de la volonté de l'assuré », ou « l'atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de l'assuré, provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ».
Il incombe bien à Mme Z... de démontrer le caractère accidentel du décès de son époux.
En l'espèce, il ressort des procès-verbaux de police que, le 22 août 2008 à 14 h 30, M. Z... s'est déporté sur le côté gauche de la chaussée et a percuté l'ensemble routier venant en sens inverse ; il était seul à bord, ne présentait pas d'alcoolémie, les conditions atmosphériques étaient normales, il faisait jour et les raisons pour lesquelles M. Z... a perdu le contrôle de son véhicule sont inconnues ; il s'agit là d'un « accident de la circulation » au sens le plus courant de l'expression. Le médecin du SAMU a constaté le décès à 15 h 20 des suites d'un « polytraumatisme sur AVP ».
Aucun élément du dossier ne laisse soupçonner une volonté suicidaire et LA MONDIALE ne prétend pas que M. Z... se serait suicidé. Il ne présentait aucune pathologie (cardiaque ou autre) susceptible d'avoir provoqué un malaise fatal ; au moment de l'accident, il était bien vivant puisqu'il n'est décédé que 50 minutes après, et uniquement des suites des multiples traumatismes.
Il est inutile et vain de rechercher les causes de l'accident ; seules comptent les causes du décès, et incontestablement M. Z... est décédé suite à la collision avec le camion, collision qu'il n'a pas voulue. Le fait que M. Z... soit à l'origine exclusive de la collision ne fait pas perdre à la collision son caractère accidentel ; il n'est pas nécessaire que l'accident soit causé par autrui : M. Z... peut être à la fois l'auteur et la victime de l'accident ; l'accident peut simplement être dû à une maladresse au volant, un instant d'inattention, un manque de réflexe de la part de M. Z..., qui a perdu le contrôle de sa trajectoire.
De même, il est sans intérêt au regard du litige de savoir si, au moment de l'accident, M. Z... était stressé ou fatigué ce qui selon LA MONDIALE permettrait d'expliquer pourquoi il se serait déporté.
Enfin, le caractère d'extériorité est établi par l'existence d'un choc contre le camion (mais le choc aurait pu aussi avoir lieu contre un arbre, un talus etc …).
Il en résulte que Mme Z... apporte bien la preuve que le décès de son mari a été provoqué par un événement accidentel, soudain, violent, indépendant de la volonté du conducteur et extérieur.
Le décès est bien survenu dans les 12 mois suivant l'accident (50 minutes après) et alors que M. Z... était âgé de 55 ans.
Mme Z... pouvait donc bien prétendre au triplement du capital-décès de base, qui s'élève suivant relevé annuel du 1er juillet 2008 à 166. 380 € (le chèque complémentaire de 14. 017, 87 € semble concerner un autre contrat) et réclamer un complément de capital de 166. 380 € x 2 = 332. 760 €.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné LA MONDIALE à payer à Mme Z... la somme de 332. 760 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par LRAR du 12 janvier 2009.

Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral

La mauvaise foi de LA MONDIALE, qui tente d'appliquer à un contrat prévoyant une garantie générale, des restrictions de garantie présentes dans des contrats autres, et tente par toutes les arguties d'échapper à ses obligations, est criante.
Ce comportement cause un préjudice à Mme Z..., qui, frappée par un événement dramatique, a dû engager un procès pour faire valoir ses droits légitimes et s'expliquer devant deux juridictions successives sur les circonstances du décès de son époux.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande en dommages-intérêts ; LA MONDIALE sera condamnée à une indemnité de ce chef de 5. 000 €.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens
La condamnation en première instance au titre des dépens de LA MONDIALE, qui succombe au principal, supporte une indemnité de 1. 200 € au titre de l'article 700 et est déboutée de sa propre demande au titre de l'article 700, sera confirmée ; l'appelante supportera aussi les dépens d'appel. L'équité commande d'allouer à Mme Z... une indemnité supplémentaire au titre des frais irrépétibles exposés en appel de 2. 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du 7 janvier 2010, sauf en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande en dommages-intéreêts pour résistance abusive et préjudice moral ;
Statuant à nouveau sur ce point, condamne LA MONDIALE à payer à Mme Y... veuve Z... la somme de 5. 000 € de dommages-intérêts de ce chef ;
Y ajoutant :
Condamne LA MONDIALE à payer à Mme Y... veuve Z... la somme supplémentaire de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne LA MONDIALE aux dépens d'appel ;
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 10/00765
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

Le contrat d¿assurance ne donnant aucune définition de l¿accident, la définition générale jurisprudentielle d¿un événement accidentel, soudain, violent, extérieur, et indépendant de la volonté du conducteur s¿applique ; si la preuve est apportée par le bénéficiaire que le décès a été provoqué par un tel événement, il importera peu de rechercher les causes de l¿accident, seules les causes du décès étant prises en compte. Ainsi, le fait que le souscripteur soit à l¿origine de la collision de son véhicule avec un camion ne fait pas perdre à celle-ci son caractère accidentel et le contrat d¿assurance devra donc s¿appliquer.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2011-06-29;10.00765 ?
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