23/ 02/ 2011
ARRÊT No
No RG : 09/ 03861 C. CO/ MFM
Décision déférée du 26 Juin 2009- Tribunal paritaire des baux ruraux de FOIX-51-08-0006 MN TUFNELL
Gérard X...
C/
Jacqueline Y... Philippe Y...
SCEA DU FARINOUS
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4eme Chambre Section 1- Chambre sociale *** ARRÊT DU VINGT TROIS FEVRIER DEUX MILLE ONZE ***
APPELANT (S)
Monsieur Gérard X...... 09000 ST JEAN DE VERGES représenté par la SCP BABY, avocats au barreau d'ARIEGE
INTIME (S)
Madame Jacqueline Y... ... 64100 BAYONNE représentée par Me Marie christine ETELIN, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur Philippe Y...... 78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX représenté par Me Marie christine ETELIN, avocat au barreau de TOULOUSE
SCEA DU FARINOUS 14 route de Crampagna 09000 SAINT JEAN DE VERGES représentée par Me Jean TERLIER, avocat au barreau d'ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
C. CONSIGNY, président C. PESSO, conseiller C. CHASSAGNE, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER
ARRET :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile-signé par C. CONSIGNY, président, et par H. ANDUZE-ACHER, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Au cours de l'année 1985, Monsieur et Madame Henri-Jean Y... ont consenti à Monsieur Gérard X... un bail verbal sur une propriété agricole de 24 hectares située sur la commune de CRAMPAGNA (09120).
Les terres ont été exploitées par Monsieur X... puis à compter de 1996 par la SCEA DU FARINOUS constituée entre Monsieur Gérard X..., associé non exploitant, et Monsieur Jean-Claude A..., associé exploitant.
Madame Jacqueline Y... et Monsieur Philippe Y... ont hérité des terres de leurs parents décédés respectivement en 2004 et 2007.
Le 22 décembre 2008, ils ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de FOIX d'une demande de résiliation du bail rural consenti à Monsieur X... aux motifs que ce dernier avait mis les terres louées à disposition de la SCEA DU FARINOUS en cessant son activité d'exploitant agricole et en négligeant d'en aviser le bailleur.
Par jugement du 26 juin 2009, le tribunal paritaire des baux ruraux a prononcé la résiliation du bail et a condamné Monsieur X... à payer aux demandeurs la somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 21 juillet 2009, Monsieur Gérard X... a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par suite d'un acte de vente à titre de licitation en date du 9 octobre 2009, Madame Jacqueline Y... est devenue seule propriétaire des terres données à bail.
**** **
Reprenant oralement ses conclusions déposées au greffe le 21 janvier 2010 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, Monsieur X... demande à la cour de réformer le jugement et de condamner Monsieur Philippe Y... et Mme Jacqueline Y... à lui payer la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X... indique que le 20 décembre 1996, Monsieur Henri Y... a signé un reçu de la somme de 3. 050 francs payée par la SCEA LE FARINOUS au titre des fermages de terres de CRAMPAGNA pour l'année 1996 ;
Que d'autres reçus identiques ont été signés par Monsieur Henri Y... de 1996 à 2004, par Madame Marie Y... en 2005 et 2006 et par Monsieur Philippe et Madame Jacqueline Y... en 2007 ;
Il prétend que Monsieur Henri Y... avait accepté le transfert du bail à la SCEA DU FARINOUS dans la mesure où il n'émet aucune réserve ; que Monsieur Henri Y... puis son épouse et même ses enfants ont accepté la cession du bail.
**** **
Intervenant volontairement à la procédure par voie de conclusions déposées le 11 janvier 2011, reprises oralement à l'audience et auxquels il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens, la SCEA DU FARINOUS demande à la cour de :
- à titre principal, dire et juger que Monsieur et Madame Henri-Jean Y... ont donné leur agrément tacite à l'apport du droit au bail à la SCEA DU FARINOUS-à titre subsidiaire, dire et juger que Monsieur et Madame Henri-Jean Y... ont consenti un bail verbal soumis au statut du fermage à la SCEA DU FARINOUS depuis le 1er janvier 1996- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait considérer que l'opération litigieuse devait s'analyser en une mise à disposition de terres, * constater qu'aucune mise en demeure n'a été réalisée par le bailleur * constater qu'il n'est pas démontré que le défaut d'information au titre de la mise à disposition des terres à la SCEA DU FARINOUS a été de nature à induire le bailleur en erreur ou à lui porter préjudice * dire et juger en conséquence que la résiliation du bail à ferme n'est pas encourue en application des dispositions susvisée-condamner Madame Jacqueline Y... à payer à la SCEA DU FARINOUS la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SCEA DU FARINOUS invoque le reçu signé le 20 décembre 1996 par Monsieur Jean-Henri Y... portant sur une somme de 3. 050 francs versée par la SCEA DU FARINOUS au titre du fermage des terres de CRAMPAGNA pour l'année 1996 ainsi que tous les reçus identiques pour les fermages des années 1998 à 2006.
Elle ajoute que le 14 décembre 2000 et le 29 janvier 2002, Monsieur Y... signera de sa propre main des reçus aux termes desquels il est indiqué qu'il a reçu un fermage « en paiement des terres travaillées par la SCEA DU FARINOUS ».
Selon la SCEA DU FARINOUS Monsieur et Madame Henri-Jean Y... ont donné leur agrément tacite à l'apport du droit au bail par Monsieur X... à la SCEA DU FARINOUS.
Elle se prévaut de l'article L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime qui autorise, sous des conditions strictes, le preneur à apporter son droit au bail à une société et de la jurisprudence qui considère que l'agrément du bailleur peut résulter des circonstances et du comportement du propriétaire même postérieur à la cession.
Sur la demande subsidiaire portant sur l'existence d'un nouveau bail consenti à la SCEA DU FARINOUS, elle considère que les conditions de qualification de bail à ferme telles qu'elles résultent de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime sont en l'espèce remplies.
Sur la demande infiniment subsidiaire portant sur la mise à disposition du bail à la SCEA DU FARINOUS, elle invoque l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999 et applicable aux baux renouvelés postérieurement, selon lequel la résiliation du bail n'est encourue que si les omissions ou irrégularités constatées ont été de nature à induire le bailleur en erreur et s'il est établi que le défaut d'information est « de nature à porter préjudice au bailleur ».
**** **
Reprenant oralement ses conclusions écrites déposées au greffe le 10 janvier 2001, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, Madame Jacqueline Y... demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail verbal-condamner Monsieur X... à verser à Mme Y... une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 470 € à compter du 26 juin 2009 jusqu'au départ effectif-condamner Monsieur X... aux entiers dépens de l'instance et à verser à Mme Y... une somme de 3. 000 €.
Mme Jacqueline Y... indique que quelques temps après le décès de sa mère en 2007, Monsieur X... s'est présenté au domicile des bailleurs pour les informer qu'il cessait son activité et pour leur demander l'autorisation de céder son bail à Madame C... dont ils ignoraient tout ;
Qu'ils apprirent que ce dernier avait mis les terres louées à la disposition de la SCEA DU FARINOUS créée en 1995 avec Monsieur A... et dans laquelle il était associé non exploitant et que par acte du 24 juin 2008 prenant effet le 31 décembre 2007, Monsieur A... avait cédé toutes ses parts à Mme C... tandis que Monsieur X... lui cédait toutes ses parts sauf une.
Qu'ils comprirent qu'il y avait eu une cession illégale et que tout avait été mis en œ uvre pour qu'elle soit masquée au bailleur pendant des années.
Madame Y... conteste un apport du bail à la SCEA DU FARINOUS qui selon l'article L. 411-38 du code rural requiert l'agrément préalable du bailleur qui ne peut résulter d'une acceptation sans réserve des paiements réalisés par le cessionnaire.
Elle précise que les chèques de paiement des fermages ont toujours été remis en main propre par Monsieur X... qui était leur seul et unique interlocuteur ; que les chèques étaient signés par Monsieur X... alors même qu'il n'était pas le gérant de la SCEA et que les reçus ont tous été rédigés par Monsieur X....
Madame Y... conteste également l'existence d'un nouveau bail au profit de la SCEA DU FARINOUS en indiquant que pour échapper à la nullité de la cession prohibée, le cessionnaire prétendu doit démontrer que le bail originaire a été résilié et qu'un nouveau bail distinct a été consenti directement à son profit.
Sur la mise à disposition des terres louées à la SCEA DU FARINOUS, Mme Y... invoque l'article L. 411-37 du code rural qui prévoit avant comme après la loi de 1999, que lorsque les terres sont mises à disposition d'une société, le preneur reste seul titulaire du bail et doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur l'apport du droit au bail à la SCEA DU FARINOUS
Attendu que Monsieur X... et la SCEA DU FARINOUS prétendent que le droit au bail a été apporté par Monsieur X... à la SCEA DU FARINOUS et que l'agrément personnel du bailleur prévu par l'article L. 411-38 du code rural peut résulter des circonstances et du comportement du propriétaire même postérieurs à la cession.
Mais attendu que une liste des apports effectués par Monsieur X... a été annexée aux statuts de la SCEA DU FARINOUS modifiés par l'acte sous seing privé du 24 juin 2008, prenant effet le 31 décembre 2007 ;
que cette liste ne mentionne pas l'apport d'un bail rural portant sur les parcelles litigieuses.
Attendu que les reçus du paiement des fermages ont tous été rédigés et remis par Monsieur X... ; qu'ils ont été signés par Monsieur Henri-Jean Y... de 1996 à 2004 puis par Madame Marie Y... de 2005 à 2007 ;
Que selon les affirmations non contestées de Madame Jacqueline Y..., tous les chèques de paiement des fermages étaient signés et remis en main propre par Monsieur X... qui était l'unique interlocuteur des époux Y....
Que dans ces conditions la mention « reçu de la SCEA DU FARINOUS la somme... représentant le montant alloué au titre du fermage des terres de Crampagna » ne suffit pas à établir que le bailleur a consenti à l'apport à la SCEA LE FARINOUS des terres louées par Monsieur X... ;
Que de même la mention « en paiement des terres travaillées par la SCEA DU FARINOUS » portée sur les reçus des fermages des années 2000 et 2001 ne saurait constituer un agrément tacite de Monsieur Henri-Jean Y... à l'apport des terres à la SCEA DU FARINOUS à compter de sa constitution en 1995 ou postérieurement ;
qu'en effet cette mention ne permet de savoir si l'exploitation des terres par la SCEA résultait d'un apport du droit au bail à la société, de la conclusion d'un nouveau bail ou d'une mise à disposition des terres louées à un associé exploitant.
Attendu que la demande tendant à faire constater l'apport du bail par Monsieur X... à la SCEA DU FARINOUS doit donc être rejetée.
2) Sur la conclusion d'un nouveau bail avec la SCEA DU FARINOUS
Attendu que la SCEA DU FARINOUS se prévaut subsidiairement de l'existence d'un nouveau bail qui lui aurait été consenti par les époux Y... à compter de 1996.
Mais attendu que la conclusion d'un nouveau bail au profit de la SCEA DU FARINOUS ne peut intervenir que si le bail d'origine conclu avec Monsieur X... a été résilié soit expressément soit tacitement ;
Qu'en l'espèce la signature des reçus par les bailleurs qui ne démontre pas leur agrément à l'apport du bail à la SCEA DU FARINOUS ne démontre pas davantage qu'ils ont manifesté de façon non équivoque leur intention de résilier le bail consenti au profit de Monsieur X... et de conclure un nouveau bail au profit de la SCEA DU FARINOUS.
3) Sur la mise à disposition des terres louées à la SCEA DU FARINOUS
Attendu que selon l'article L. 411-37 du code rural dans la rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999, applicable en l'espèce dès lors que le bail d'origine a été renouvelé en 2003 :
« Le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Tous les membres de la société sont tenus de participer à la mise en valeur des biens qu'elle exploite, dans les mêmes conditions. Nonobstant toute stipulation contraire, le preneur peut mettre fin à tout moment à la mise à disposition si l'un ou plusieurs de ces membres cessent de remplir cette condition. Le bail ne peut être résilié que si cette situation a persisté plus d'un an après que le bailleur ait mis le preneur en demeure de la régulariser. Ce délai est porté à deux ans en cas de décès de l'un des associés. Il peut en outre, en cas de force majeure, être prolongé par le tribunal paritaire. »
Attendu que la mise en demeure préalable à la résiliation du bail est exigée lorsque le preneur ou l'un des associés cessent de remplir la condition d'exploitation personnelle du terres de façon effective et permanente et non lorsque le preneur ne remplit pas la condition d'exploitation personnelle au moment où il met les terres à la disposition de la société ;
qu'en l'espèce Monsieur X... a cessé de se consacrer à l'exploitation des terres dès la création de la SCEA DU FARINOUS dans laquelle il était associé non exploitant ;
qu'il a toujours conservé cette qualité d'associé non exploitant comme il le rappelle dans un courrier adressé le 20 juin 2008 à Mme Jacqueline Y... et à Monsieur Philippe Y... : « j'ai cessé mon activité d'exploitant agricole et je me suis associé dans une SCEA. Dans cette société, dès sa création j'avais un statut d'associé non exploitant, et mon statut n'a pas évolué et n'évolue pas … ».
Attendu qu'aux termes de l'article L. 411-31 du code rural dans sa rédaction issue de l'ordonnance no2006-870 du 13 juillet 2006, « le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :... toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur »
Attendu que les dispositions de l'ordonnance du 13 juillet 2006 sont applicables aux baux en cours pour les seules contraventions commises postérieurement à son entrée en vigueur ;
qu'en l'espèce le défaut d'information du bailleur s'étant produit en 2003, lors du renouvellement du bail, le bailleur n'a pas à démontrer l'existence d'un préjudice.
Attendu qu'il convient de prononcer la résiliation du bail et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Qu'en outre il convient de condamner Monsieur X... à payer à Madame Y... une indemnité d'occupation égale au montant du fermage en cours jusqu'à la libération effective des parcelles louées.
Attendu que la SCEA DU FARINOUS et Monsieur X... devront supporter les entiers dépens de l'instance et devront payer à Madame Jacqueline Y... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du 26 juin 2009 ;
Y ajoutant ;
Condamne Monsieur Gérard X... à payer à Madame Jacqueline Y... une indemnité d'occupation égale au montant du fermage en cours jusqu'au jour de la libération effective des parcelles louées ;
Condamne Monsieur Gérard X... et la SCEA DU FARINOUS à payer à Mme Jacqueline Y... une somme de mille cinq cents euros (1. 500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Gérard X... et la SCEA DU FARINOUS aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par monsieur CONSIGNY, président et madame H. ANDUZE-ACHER, greffier.