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25/01/2010
ARRÊT N° 46
N°RG: 09/00098
OC/CD
Décision déférée du 19 Novembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 07/00839
Mme [V]
[L] [N]
représentée par la SCP [G]-[C]-[G]
C/
[O] [N]
représenté par la SCP [S] [Z]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE DIX
***
APPELANTE
Madame [L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP PRIOLLAUD-COHEN-TAPIA, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par la SCP B. CHATEAU, avoués à la Cour
assisté de Me Marc LAVONNIER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 mai 1992, [L] [N] et son frère [O] ont acquis chacun un appartement, la première au rez-de-chaussée, le second à l'étage, dans une maison individuelle d'habitation à [Localité 2] préalablement divisée pour la circonstance en deux lots suivant état descriptif de division établi par acte notarié du 30 avril 1992.
Leur mère a vécu dans l'appartement du rez-de-chaussée jusqu'à son décès le 3 novembre 2005.
Le 10 avril 2006, [L] [N] mettait en demeure son frère, mais en vain, de libérer de toute occupation une pièce du rez-de-chaussée lui appartenant privativement qu'il avait annexée à usage de buanderie ainsi que diverses parties communes dont le jardin où il avait construit une piscine semi-enterrée.
Par acte d'huissier du 8 février 2007, [L] [N] a assigné [O] [N] devant le tribunal de grande instance de Toulouse à ces fins sous astreinte et en indemnisation.
Par le jugement déféré du 19 novembre 2008, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes tant principales de [L] [N] que reconventionnelles de [O] [N] en l'absence de règlement de copropriété ou faute de preuve.
Vu les dernières conclusions déposées le 20 octobre 2009 par [L] [N], appelante, tendant à la réformation de cette décision et demandant à la Cour, rejetant les demandes reconventionnelles, d'ordonner l'enlèvement du cumulus et de la piscine sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'expiration du délai de pourvoi et de condamner [O] [N] à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, soutenant notamment qu'en vertu de l'article 2 alinéa 1er de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, le cumulus qui ne dessert que l'appartement de son frère ne peut être maintenu dans le cellier qui est une partie privative, que le creusement de la piscine ne pouvait être autorisé que par décision d'assemblée générale et que son silence n'a pas exprimé plus qu'une tolérance, que tant le constat d'huissier que les termes de l'ordonnance du juge de la mise en état démontrent que son frère s'est rendu responsable d'abus de jouissance, qu'elle avait tout loisir de démolir l'escalier intérieur qui n'est pas une partie commune, que son frère peut accéder à son cumulus par l'extérieur, que l'intimé ne prouve pas les travaux qu'il aurait exécutés et dont compte ne pourrait être demandé qu'à la copropriété,
Vu les conclusions déposées le 2 septembre 2009 par [O] [N] tendant au rejet des demandes adverses et, au bénéfice d'un appel incident, à la condamnation de [L] [N] sous astreinte de 500 € par jour de retard quinze jours après notification de l'arrêt à intervenir à reconstruire à l'identique l'escalier intérieur qu'elle a fait démolir, au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance et le préjudice moral qu'elle lui a fait subir, ainsi que la somme de 20.000 € en règlement des travaux effectués à son domicile afin quelle puisse emménager et d'entretien des parties communes et de ses parties privatives, sauf subsidiairement à ordonner une expertise afin de chiffrer les travaux qu'il a réalisés, soutenant notamment en ce qui concerne le cumulus et au visa de l'article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 que le fait pour [L] [N] de faire installer un cumulus séparé pour les besoins de son lot n'a pas fait disparaître le caractère d'équipement commun de l'unique cumulus qui desservait auparavant les deux lots, qu'il démontre par les attestations de son épouse et de sa fille que sa soeur avait donné son autorisation à la construction de la piscine, que les deux copropriétaires en ont la jouissance indivise, que l'escalier intérieur était un élément de gros-oeuvre et donc une partie commune qui lui permettait d'accéder à son cumulus, qu'il fournit bien à tout le moins un commencement de preuve de ses travaux,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu, sur la procédure, que l'appelante a déposé des conclusions responsives le 20 octobre 2009, jour de l'ordonnance de clôture, dont le rejet a été demandé le 21 octobre 2009 au visa du principe de contradiction des débats ;
mais attendu que l'appelante, qui comme son adversaire avait connaissance de la date de la clôture, n'a fait, par ces conclusions, que répondre, sans rien ajouter au débat, aux conclusions déposées le 2 septembre 2009 en réponse aux conclusions de l'appelante déposées plus de trois mois auparavant le 11 mai 2009 ;
qu'aucune atteinte n'a de la sorte été portée aux droits de la défense de l'intimé, qui n'a pas souhaité pouvoir répondre avant l'audience fixée au 3 novembre 2009 ;
que dès lors, la demande tendant à ce que ces dernières écritures soient écartées des débats ne peut être accueillie ;
Attendu, sur le fond, que les parties se sont dès l'origine placées volontairement sous le régime de la copropriété ;
qu'il en résulte, et par application des dispositions de l'article 8 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, que l'établissement d'un règlement de copropriété était obligatoire ;
qu'il n'en a pourtant été établi aucun, mais seulement un état descriptif de division ;
que cette absence n'empêche pas que le statut de la copropriété s'applique de plein droit en toutes ses dispositions ;
que c'est donc en référence à celui-ci que le litige peut être réglé en droit, sauf l'existence de conventions originaires contraires, même non écrites, qu'il était loisible aux parties d'établir ;
Attendu, sur les demandes de [L] [N], que l'appelante n'est pas fondée à prétendre obtenir l'enlèvement du cumulus servant aujourd'hui exclusivement à l'alimentation en eau chaude du lot de son frère, quand bien même serait-il installé dans une partie de l'immeuble qui lui appartient privativement selon le descriptif de division, dès lors qu'il n'est pas discuté que cet équipement était originairement commun puisqu'il assurait seul la production et la distribution d'eau chaude sanitaire pour les deux lots de la copropriété, ce qui, dans le silence des titres, traduit l'existence d'un élément non écrit d'une convention originaire dont il n'est pas spécifiquement démontré qu'elle heurterait une disposition d'ordre public du statut ;
que [O] [N] est fondé en droit à soutenir que la circonstance que plusieurs années plus tard, dans le courant de l'année 2002, [L] [N] ait fait installer dans la même pièce un second cumulus destiné à la production et la distribution d'eau chaude séparée de son seul lot, caractérise un acte unilatéral de ce copropriétaire qui, en l'absence de modification de la convention originaire des parties, est sans effet sur les droits que l'autre copropriétaire tient de celle-ci ;
Attendu, sur l'enlèvement de la piscine, que l'état descriptif de division précise que les deux lots auront la jouissance du jardin se trouvant autour de la maison ;
qu'il n'est pas discuté que le jardin soit ainsi une partie commune, ni que la piscine appartient à [O] [N] qui l'a achetée et installée dans le courant de l'année 2002, le 27 juin 2002 selon une attestation, en l'enterrant partiellement ;
Attendu qu'il s'agit en droit d'une construction sur partie commune, qui exigeait donc l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;
qu'il n'en a pas été tenu, et que [L] [N] est donc fondée à en soutenir l'irrégularité ;
que l'allégation par [O] [N], qui à cette fin se prévaut de témoignages de membres de sa famille, de l'existence d'un consentement verbal de la copropriétaire à cette construction, contestée par celle-ci, ne permet pas d'établir l'existence d'une modification de la convention originaire et est donc inopérante ;
que le fait que [L] [N] ait pu occasionnellement profiter de son usage, dans le cadre de relations familiales, n'établit pas que les copropriétaires ait la jouissance indivise de cet équipement ;
mais attendu qu'en application de l'article 15 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, [L] [N] qui se prévaut seulement de l'irrégularité de la construction en l'absence d'autorisation de l'assemblée générale, n'est recevable à agir à titre individuel qu'à la condition de démontrer l'existence d'un préjudice personnel ;
que n'en invoquant aucun en relation avec cet équipement dans les écritures qu'elle soumet à la Cour, ce que n'implique pas sa seule présence, elle n'est pas recevable à exercer l'action individuelle contre le copropriétaire ;
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts, qu'il est établi que [O] [N] a occupé, jusqu'à l'ordonnance du juge de la mise en état, par divers appareils électroménagers et autres objets personnels le local non aménagé dans lequel se trouve le cumulus, occupant ainsi sans droit et donc abusivement une partie privative de la copropriétaire qui est fondée à demander réparation du préjudice qui en est nécessairement résulté pour elle ;
que l'appelante qui ne discute pas qu'elle ne vivait plus dans cette maison depuis plusieurs années, n'établit en revanche pas que les occupations de parties communes qu'elle impute à [O] [N] et résultant du constat d'huissier du 11 juillet 2006, en l'occurrence par la présence d'un appentis métallique servant à abriter le stationnement de voitures, lui aurait causé un préjudice effectif ;
qu'une indemnité de 750 € assurera une réparation complète du préjudice subi ;
Attendu, sur les demandes de [O] [N], qu'il est établi par le constat d'huissier versé aux débats et n'est pas contesté que [L] [N] a, au mois de février 2009, fait démolir l'escalier intérieur qui reliait la pièce non aménagée dans laquelle se trouve le cumulus originairement commun à l'appartement dont il est propriétaire ;
Attendu que [O] [N] soutient à bon droit que cet ouvrage construit en béton armé et ancré dans les ouvrages d'ossature du bâtiment, murs et planchers, était une partie commune par nature comme faisant partie du gros-oeuvre du bâtiment, qui lui permettait d'ailleurs d'accéder depuis son lot au cumulus originairement équipement commun ainsi qu'à diverses canalisations de fluides ;
que [O] [N], qui se prévaut du préjudice que lui cause la privation de cet accès intérieur, de surcroît par l'effet d'une démolition lourde entreprise en cours de procédure sans autorisation ni aucune justification concrète véritable dès lors qu'il n'est pas discuté que [O] [N] avait obtempéré à l'ordonnance du juge de la mise en état et mis fin aux actes d'occupation abusive dont il s'était rendu responsable, et encore moins dans le contexte où les parties envisagent une vente, est recevable et fondé à agir à titre individuel afin d'en obtenir le rétablissement ainsi que la réparation du dommage qui en résulte pour lui ;
Attendu qu'une indemnité de 750 € assurera une complète réparation du préjudice occasionné, y compris sa dimension morale que [O] [N] est fondé à invoquer compte tenu des conditions dans lesquelles est intervenu le fait dommageable ;
Attendu, sur le paiement de travaux, que les pièces versées aux débats par [O] [N] font ressortir qu'il a exécuté un certain nombre de travaux concourant à l'entretien des parties communes tels que le remplacement d'arêtiers, une partie des travaux notamment d'encastrement nécessaires à la réfection de l'installation électrique, le remplacement de gouttières ;
qu'il ne s'y trouve en revanche pas la justification de travaux exécutés spécifiquement pour le compte de sa soeur ainsi qu'il est prétendu ;
mais attendu que ces pièces établissent également que [L] [N] a apporté une contribution financière à ces travaux en payant la somme de 722,15 € sur les travaux d'électricité en 2002 ainsi qu'il résulte d'un document écrit signé des deux parties contenant un détail des postes financés par celle-ci, en payant la moitié des fournitures de gouttières en 1999, la moitié du coût d'une tondeuse à jardin en 2001, la moitié du coût de la location d'une mini-pelle BOBCAT le 25 avril 2000 -dont l'usage n'est pas précisé ;
Attendu qu'il résulte de ces documents que les parties se sont accordées au fil du temps sur la répartition des frais d'entretien des parties communes ;
que l'appelant, qui ne prétend pas avoir adressé en son temps une quelconque réclamation autre à sa copropriétaire relativement à ces travaux, et exprime une prétention globale importante mais non détaillée, n'apporte dans les explications qu'il soumet à la Cour aucune justification sur la remise en cause soudaine de ces conventions, ni sur son bien fondé un tant soit peu précis au regard tant des estimations nouvelles qu'il prétend en faire, que des obligations légales des parties à proportion de leurs tantièmes de copropriété et/ou de l'utilité des travaux pour leurs lots respectifs, ce dont il ne s'évince ainsi pas même la possibilité de l'existence d'un principe de créance ;
que la décision par laquelle le premier juge a rejeté cette prétention, y compris en ce qu'elle tend à l'institution d'une expertise, n'est pas utilement discuté ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme la décision déférée, mais seulement en ce qu'elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par les parties, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et ajoutant compte tenu de l'évolution du litige,
Condamne [O] [N] à payer à [L] [N] la somme de 750 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à ses occupations abusives passées de la pièce non aménagée, partie privative de cette dernière,
Condamne [L] [N] à reconstruire à l'identique l'escalier intérieur qu'elle a fait démolir dans les trois mois de la signification de la présente décision, à peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 € par jour de retard pendant soixante jours,
Condamne [L] [N] à payer à [O] [N] la somme de 750 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la démolition de l'escalier intérieur,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Partage les dépens de l'instance en appel, et reconnaît à la SCP [K] et la SCP [D], avoués qui en ont fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT