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19/10/2009 | FRANCE | N°08/05198

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ère chambre section 1, 19 octobre 2009, 08/05198


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19/10/2009



ARRÊT N° 423



N°RG: 08/05198

OC/CD



Décision déférée du 23 Septembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 08/00433

M. [Z]

















[X] [T]

représenté par Me Bernard DE LAMY



[V] [B]

représentée par la SCP MALET



C/



[G] [C]

représenté par la SCP B. CHATEAU

[O] [Y] épouse [C]

représentée par la SCP B. CHATEAU

[U] [E]

représenté par la SCP

RIVES-PODESTA

SAS ICADE

représenté par la SCP RIVES-PODESTA

[L] [M]

représenté par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

[N] [F] épouse [M]

représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART





























































EXPERTIS...

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19/10/2009

ARRÊT N° 423

N°RG: 08/05198

OC/CD

Décision déférée du 23 Septembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 08/00433

M. [Z]

[X] [T]

représenté par Me Bernard DE LAMY

[V] [B]

représentée par la SCP MALET

C/

[G] [C]

représenté par la SCP B. CHATEAU

[O] [Y] épouse [C]

représentée par la SCP B. CHATEAU

[U] [E]

représenté par la SCP RIVES-PODESTA

SAS ICADE

représenté par la SCP RIVES-PODESTA

[L] [M]

représenté par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

[N] [F] épouse [M]

représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

EXPERTISE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ère Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE NEUF

***

APPELANTS

Monsieur [X] [T]

[Adresse 20]

[Adresse 21]

[Localité 9]

représenté par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour

assisté de la SCP DARNET, GENDRE, avocats au barreau de TOULOUSE

Madame [V] [B]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour

assistée de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [G] [C]

[Adresse 3]

[Localité 10]

représenté par la SCP B. CHATEAU, avoués à la Cour

assisté de Me Pascal FERNANDEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [O] [Y] épouse [C]

[Adresse 4]

[Localité 18]

représentée par la SCP B. CHATEAU, avoués à la Cour

assistée de Me Pascal FERNANDEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [U] [E]

[Localité 11]

représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour

assisté de Me Georges LURY, avocat au barreau d'AGEN

SAS ICADE

[Adresse 13]

[Adresse 24]

[Localité 8]

représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour

assisté de la SELARL CLAMENS CONSEIL, avocats au barreau de TOULOUSE

Monsieur [L] [M]

[Adresse 14]

[Localité 19]

représenté par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour

assisté de la SCP JEAY, MARTIN DE LA MOUTTE, JAMES-FOUCHER, avocats au barreau de TOULOUSE

Madame [N] [F] épouse [M]

[Adresse 14]

[Localité 19]

représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour

assistée de la SCP JEAY, MARTIN DE LA MOUTTE, JAMES-FOUCHER, avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :

A. MILHET, président

O. COLENO, conseiller

C. FOURNIEL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte d'huissier du 10 mai 2007, les époux [C] ont assigné [V] [B] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de voir, au visa d'une servitude de prospect rappelée dans l'article 14 du cahier des charges du lotissement dont faisait partie le fonds qu'elle avait acquis, interrompre et détruire les travaux de surélévation entrepris de son immeuble d'habitation.

Ont été appelés en cause les époux [M], vendeurs à [V] [B], la société ICADE, agent immobilier ayant rédigé l'acte sous seing privé, Maître [U] [E], notaire ayant reçu l'acte authentique et [X] [T], architecte auquel avait été confiée la mission de dépôt du dossier de la demande de permis de construire.

Par le jugement déféré du 23 septembre 2008 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal auquel l'affaire a été renvoyée par application de l'article 811 du code de procédure civile, a jugé que la parcelle [Cadastre 23] acquise par [V] [B] est grevée de la servitude conventionnelle constituée au profit des propriétaires des parcelles voisines cadastrées [Cadastre 22], [Cadastre 2] et [Cadastre 16] selon l'acte du 12 septembre 1986 et reprise dans l'acte de vente des 12 et 15 septembre portant cession à la SCI MÉDITERRANÉE, enjoint par conséquent à [V] [B] de supprimer la surélévation de son immeuble pour le mettre en conformité avec les limites imposées par cette servitude, lui a imparti pour ce faire un délai d'un an à compter de la signification de la décision sous peine d'une astreinte provisoire de 250 € par jour de retard pendant quatre mois, dit que le coût des travaux de remise en l'état antérieur, y inclus le coût de la maîtrise d'oeuvre nécessaire, constitue une préjudice subi par [V] [B], et dit qu'elle est en droit d'agir à titre récursoire contre [X] [T] à concurrence de la moitié de ces sommes, rejeté les actions en responsabilité principales ou récursoires contre la S.A.S. ICADE, Maître [E] ainsi que les époux [M] et prononcé leur mise hors de cause, considérant que [V] [B] ne pouvait avoir plus de droits que ses auteurs et ce, que le détail de la servitude de prospect ait été ou non publiée, que dans le silence des conventions, il convient d'interpréter les actes comme faisant profiter de la servitude les deux parcelles détachées du fonds servant au profit des propriétaires des fonds dominants, que la clause du cahier des charges qui reprend la servitude, qui a la nature d'une obligation contractuelle, ne s'est pas éteinte à l'expiration du délai de dix ans de l'autorisation de lotir, que la régularité du permis de construire et le défaut de recours contre celui-ci sont sans incidence sur les droits des tiers. Le tribunal a écarté la responsabilité des vendeurs, l'acquéreur ayant déclaré avoir eu connaissance du cahier des charges qui rappelle dans son intégralité la servitude litigieuse, que le fait de l'avoir autorisée à déposer une demande de permis de construire n'est pas une faute à leur charge, du notaire au motif qu'il n'est pas démontré que Maître [E] qui a porté le cahier des charges à la connaissance de l'acquéreur aurait eu connaissance du projet de construction de [V] [B], et pour les mêmes motifs de l'agent immobilier. La responsabilité de l'architecte a en revanche été retenue pour n'avoir pas vérifié l'absence de toute restriction au droit de construire en prenant connaissance de l'acte d'acquisition, sa faute n'ayant cependant concouru qu'à une partie du dommage dès lors que [V] [B] était elle-même sensée avoir connaissance de la servitude de prospect.

Cette décision a été frappée d'appel par [X] [T] et [V] [B].

Vu les conclusions déposées le 11 février 2009 par [X] [T], appelant, tendant à l'irrecevabilité de l'action principale, tardive comme engagée alors que les travaux étaient entièrement réalisés et le permis de construire définitif en application de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme, de l'absence de preuve du maintien des règles d'urbanisme contenues dans le cahier des charges conformément à l'article L.315-2-1 du code de l'urbanisme qui sont donc périmées, de l'irrecevabilité de toute action en démolition conformément à l'article L.480-13a du code de l'urbanisme, à la réformation du jugement et au rejet des demandes en responsabilité à son encontre au motif qu'il n'a eu qu'une mission de demande de permis de construire et que [V] [B] ne démontre pas qu'elle lui aurait fourni les éléments contractuels spécifiques par rapport aux règles d'urbanisme dont elle avait seule connaissance,

Vu les dernières conclusions déposées le 25 juin 2009 par [V] [B], appelante, tendant à la réformation du jugement dont appel, à l'inopposabilité de l'extension de servitude au profit des parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 17] en vertu des dispositions de l'article 691 du code civil et au rejet de l'ensemble des demandes des époux [C], à la condamnation de ceux-ci à réparer le préjudice subi du fait de l'interruption des travaux à raison de 500 € depuis le mois de mai 2007, soit 12.500 € au mois de juin 2009 à parfaire jusqu'à ce qu'elle ait pu obtenir la pleine et entière jouissance de l'extension de sa maison, subsidiairement à la condamnation du notaire, de l'agent immobilier et de l'architecte ainsi que des vendeurs à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, à leur responsabilité solidaire de l'ensemble du préjudice subi par elle à dire d'expert, sauf à les condamner d'emblée solidairement au paiement du coût des travaux de surélévation, de remise en état, d'atteinte à la valeur de l'immeuble de préjudice de jouissance suivant les estimations qu'elle en propose, soutenant notamment :

que l'assiette de la servitude concernait les fonds immédiatement contigus au fond dominant qui ne sont autres que les parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 17], qu'aucune mention de l'extension de servitude à ces parcelles ayant pour effet de limiter les droits des tiers ne figure au fichier immobilier ni dans son acte d'acquisition, que le cahier des charges dont ce n'est pas la vocation n'est pas un titre susceptible de constituer un droit au profit exclusif d'un fonds qui n'appartient pas au lotissement, qu'elle n'a jamais reçu à aucun stade de la vente la moindre information sur cette restriction au droit de propriété qu'elle ignorait totalement,

que le notaire ne lui a prodigué aucune information ni conseil sur l'existence de la servitude qui n'est pas mentionnée à ce titre dans l'acte malgré son importance ni sur ses conséquences et n'est pas accessible à la seule lecture du cahier des charges par surcroît remis le jour-même de l'acte authentique, qu'il avait connaissance du projet de construction par les termes de l'acte sous seing privé, et que l'intervention d'autres professionnels ne le dispensait pas de ses propres obligations,

que l'agent immobilier chargé de régulariser l'acte sous seing privé, informé du projet, a manqué à son devoir de conseil, n'a procédé à aucune vérification ni donné aucun renseignement sur la faisabilité du projet objet de la vente,

que la faute de l'architecte est à l'origine de l'entier dommage, que les vendeurs étaient en possession tant de l'information que du projet et n'ont pas remis le cahier des charges, que les époux [C] ont commis une faute en attendant l'exécution de la quasi-totalité des travaux pour se manifester alors que le permis de construire avait été affiché dès le 8 juin 2006,

Vu les conclusions déposées le 8 juin 200 par les époux [C] tendant à la confirmation intégrale du jugement déféré et à la condamnation de [V] [B] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Vu les conclusions déposées le 24 mars 2009 par les époux [M] tendant à la confirmation du jugement dont appel, soutenant notamment qu'ils n'ont jamais été personnellement en relation avec l'acquéreur et n'ont reçu aucune information sur ses projets,

Vu les conclusions déposées le 3 mars 2009 par Maître [U] [E] tendant à la confirmation du jugement, soutenant notamment que [V] [B] était informée dès l'acte sous seing privé de l'existence du cahier des charges, que contrairement aux autres intervenants qui ne l'en ont pas avisé ni ne l'ont consulté à ce sujet, il n'était pas informé du projet de surélévation, ce que ne traduit pas la seule notion de permis de construire,

Vu les conclusions déposées le 6 mai 2009 par la S.A.S. ICADE tendant à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement à la condamnation de Maître [E] et M.[T] à la relever et garantir de toute condamnation, soutenant notamment qu'elle n'a pas manqué à ses obligations d'information dans la mesure où elle n'avait eu connaissance ni par son mandant de l'existence d'une servitude grevant le bien, ni par l'acquéreur de son projet de surélévation, que l'information donnée par le notaire avait au besoin complété l'information, que le notaire et l'architecte disposaient d'autres informations et d'autres compétences qui auraient dû permettre d'éviter le dommage,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu, sur l'opposabilité de la servitude litigieuse, sur la publicité foncière, qu'il est ici nécessaire de préciser que la particularité de la servitude en litige est d'avoir été constituée en deux temps, dont l'un seul, le premier, a fait l'objet de la publicité foncière ainsi que le soutient et en justifie [V] [B] ;

que comme l'a littéralement rapporté le jugement, la servitude a été constituée (premier temps) par acte notarié du 12 septembre 1986 pour grever la parcelle alors numérotée [Cadastre 12], fonds servant, au profit des parcelles numérotées [Cadastre 6] (appartenant à [G] [C]) et 30, fonds dominants ;

Attendu qu'en revanche, ce dont le jugement ne fait pas état -et qui rend sans objet son motif fondé sur une interprétation des actes ainsi que sa disposition concernant l'application de la servitude au profit des propriétaires des parcelles voisines cadastrées [Cadastre 22], [Cadastre 2] et [Cadastre 16]-, par acte du même notaire des 12 et 15 septembre 1986 (deuxième temps) la SCI MÉDITERRANÉE, promoteur de l'opération, a acquis la parcelle [Cadastre 15] issue de la parcelle [Cadastre 12] après prélèvement sur celle-ci par division, de deux étroites bandes de terres, les parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 17] contiguës aux parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] et venant ainsi augmenter les fonds de leurs propriétaires,

et que cet acte, qui a été publié uniquement en tant qu'acte de mutation, contient le rappel de la servitude de prospect grevant la parcelle [Cadastre 12] au profit des parcelles [Cadastre 6] appartenant à [G] [C] et 30, mais ajoute en sa neuvième page: 'en outre, l'acquéreur accepte d'étendre les servitudes de prospect et de canalisation ci-dessus rapportées au bénéfice des parcelles cadastrées sous le [Cadastre 17] et [Cadastre 16] visées au paragraphe désignation, restant la propriété du vendeur et ce dans les mêmes temps (termes ') que ci-dessus, ce qui est accepté par les vendeurs' ;

qu'il en résulte une modification tant des fonds dominants que du fonds servant, et de l'assiette de la servitude puisque la parcelle [Cadastre 15] vendue à la SCI MÉDITERRANÉE n'est plus comme l'était la parcelle [Cadastre 12] 'immédiatement contiguë' aux fonds dominants 29 et 30, qui n'est donc pas que de détail contrairement à ce qu'a retenu le premier juge ;

mais que cette modification de la servitude n'a pas été publiée, ce n'est pas discuté ;

Attendu, sur la mention de la servitude dans le titre de propriété de [V] [B] à laquelle elle est opposée, que l'acte notarié d'acquisition du 31 mars 2006 énonce en partie 'charges et conditions, conditions générales ordinaires', et en ce qui concerne les servitudes, après une formule générale que 'le vendeur déclare qu'à sa connaissance personnelle, il n'existe pas de servitudes autres que celles pouvant résulter de la situation naturelle des lieux, de la loi, du règlement de copropriété ou de l'urbanisme à l'exception de celle énoncée dans le titre de propriété ci-après littéralement retranscrite en deuxième partie sous l'intitulé conventions particulières', cette dernière concernant un écoulement d'eaux pluviales, donc étrangère au litige ;

que cette même partie 'conditions générales ordinaires' se poursuit par divers paragraphes afférents aux abonnements aux services, impôts et taxes, fonds de roulement, fonds de réserve, frais, assurances, assainissement-eaux usées pour se terminer par la mention de l'association syndicale et du cahier des charges du groupe d'habitations, dont il est stipulé qu'un exemplaire est remis ce jour à l'acquéreur, avec la seule précision qu'il '(institue) diverses obligations et suggestions (sujétions) qui s'imposent à tous les propriétaires' ;

que la note de renseignement d'urbanisme indique que les dispositions d'urbanisme applicables à l'immeuble sont le plan d'occupation des sols et ajoute 'le cas échéant se conformer à la réglementation propre au lotissement' ;

Attendu qu'aucune de ces mentions ne vise directement ou même indirectement la servitude de prospect constituée au profit du fonds appartenant à [G] [C] ;

que la clause générale concernant les servitudes autres que celles 'pouvant résulter du règlement de copropriété', qui vise un document en l'espèce inexistant, ne peut être considérée comme faisant référence au cahier des charges en ce qui concerne les servitudes ;

Attendu que la mention du titre de propriété afférente au cahier des charges du groupe d'habitations ne mentionne pas non plus la servitude litigieuse, ni directement et spécialement, ni au travers de la mention de diverses obligations que ce document institue et qui s'imposent à tous les propriétaires, qui ne fait référence qu'à ce qui fait le principal de l'objet d'un tel document en principe de nature purement contractuelle, à savoir les obligations s'imposant entre les propriétaires du groupe d'habitations, et non à un droit réel tel qu'une servitude de droit privé constituée par d'autres actes -et non instituée par le cahier des charges- au profit d'un fonds extérieur à l'assiette du groupe d'habitations ;

que les moyens correspondants de l'appelante sont donc justifiés, et qu'il est donc exact que la servitude qui lui est opposée n'a ni été publiée ni mentionnée dans son titre ;

Attendu en revanche que l'appelante ne conteste pas utilement que la servitude invoquée contre elle lui soit opposable en vertu du cahier des charges du groupe d'habitation dans le périmètre duquel est situé l'immeuble qu'elle a acquis ;

Attendu en effet qu'il résulte des documents de la cause que la maison d'habitation avec jardin acquise par [V] [B], associée à une fraction indivise de parcelles communes, est incluse dans le périmètre d'une association syndicale libre (ASL), forme adoptée pour la création du groupe d'habitation pourvu de parties à usage collectif ;

qu'il ne s'agit ainsi ni d'un immeuble en copropriété, ni d'un immeuble inclus dans un lotissement ;

Attendu que l'appelante a été dès l'abord informée de cette particularité ainsi qu'il résulte de la mention de l'acte sous seing privé selon laquelle: 'l'acquéreur reconnaît que de par la signature de l'acte de vente, il devient membre de droit de l'association syndicale propre à l'ensemble immobilier' ;

que les statuts de l'ASL se trouvent dans un document unique auquel est également incorporé un cahier des charges contenant notamment un état descriptif ;

qu'il s'agit d'un document de nature contractuelle dont les clauses engagent donc l'ensemble des propriétaires pour toutes les stipulations qu'ils contiennent, y compris en ce qu'elles concernent des rapports autres que ceux des propriétaires entre eux ;

qu'il en est ainsi spécialement, et contrairement à ce que soutient l'appelante, de la servitude de prospect grevant une partie de l'assiette foncière du groupe d'habitation au profit d'une parcelle extérieure au périmètre de l'association dont il contient le rappel, et qui a d'ailleurs en l'occurrence été constituée spécialement dans la perspective de la création de ce groupe d'habitation ainsi qu'il résulte des termes explicites de l'acte constitutif de servitude et qui ne lui est donc pas étrangère, tout au contraire ;

Attendu que ce document intitulé 'cahier des charges-statuts de l'association syndicale et cahier des conditions générales des ventes Les villas de la terrasse' a fait l'objet de la publicité foncière avant la vente, et qu'un exemplaire en a été remis à [V] [B] par le notaire le jour de l'acte authentique ;

que toutes les conditions sont donc remplies pour le rendre opposable à l'acquéreur, y compris donc en ce qu'il contient le rappel de la servitude de prospect en litige et malgré le fait que cette servitude elle-même n'aurait pas été mentionnée dans le titre de propriété de l'appelante ou qu'il n'aurait pas fait l'objet de la publicité foncière ;

Attendu enfin que ledit cahier des charges contient un rappel complet de la servitude qui fonde l'action des époux [C] en son paragraphe 14 intitulé 'servitudes de droit privé conventionnelles consenties au profit des fonds voisins du groupe d'habitations', selon lequel: '1°) aux termes d'un acte reçu par Maître [I], notaire soussigné le 12 septembre 1986, la parcelle constituant l'assiette foncière du groupe d'habitation 'les villas de la terrasse' a été grevée d'une servitude de prospect (...) dans les termes ci-après littéralement rapportés (...) 2°) aux termes d'un acte reçu par Maître [I], notaire soussigné le 15 septembre 1986, les servitudes de prospect et de canalisation ci-dessus constituées ont été établies au profit des parcelles cadastrées sous les [Cadastre 16] et [Cadastre 17] de la section BH et ce dans les termes ci-après littéralement rapportés (...)', cette clause se terminant par les mentions 'fonds dominants [Cadastre 17] et [Cadastre 16] de la section BH, fonds servant [Cadastre 15] de la section BH' ;

que l'opposabilité du cahier des charges à [V] [B] s'applique donc bien à tous les éléments de la servitude telle qu'elle a été constituée ;

Attendu que si les époux [C], tiers à l'association, ne peuvent se prévaloir du cahier des charges pour fonder leur action sur les dispositions de l'article 1143 du code civil, ils sont fondés à se prévaloir de la servitude elle-même, dont l'opposabilité n'est pas utilement contestée, et à agir en démolition sur le fondement des dispositions de l'article 701 du code civil ;

Attendu qu'il suit de ces motifs que la décision ordonnant la démolition de la surélévation édifiée en violation des obligations résultant du cahier des charges et de la servitude qu'il rappelle, est justifiée ;

que cette décision n'est pas utilement critiquée par l'architecte aux motifs d'une caducité du cahier des charges ou de l'existence d'un permis de construire définitif dès lors que l'obligation méconnue n'est pas une règle d'urbanisme mais une règle de pur droit civil, de sorte que les textes du code de l'urbanisme invoqués ne s'appliquent pas ;

Attendu que l'urgence justifiait l'arrêt des travaux ;

que la remise en état des lieux ne revêt pas les mêmes caractères et qu'il y a lieu de faire droit à la demande de [V] [B] tendant au bénéfice d'un nouveau délai d'une année à compter du présent arrêt ;

Attendu, sur les responsabilités, que [V] [B] n'est pas fondée à faire grief aux époux [C] d'une tardiveté de leur action alors que selon ce que révèlent les éléments du débat, l'affichage du permis de construire n'était visible que de l'intérieur du groupe d'habitation desservi par une voie privée qui est fermée, sinon aux piétons du moins à la circulation publique, de sorte que seule l'exécution des travaux pouvait normalement révéler aux époux [C] la violation de la servitude ;

Attendu qu'il n'importe que les vendeurs, les époux [M], n'aient pas été en contact direct avec l'acquéreur ni qu'ils aient eu ou non connaissance de la consistance des travaux envisagés par l'acquéreur ;

Attendu en effet que l'acte sous seing privé de vente qu'ils ont signé mentionne la clause suivante : 'Autorisation: le vendeur autorise l'acquéreur à effectuer les démarches nécessaires en vue de l'obtention d'un permis de construire modificatif du bien' ;

que ce n'est pas une clause d'usage, ce qui signifie qu'elle a été spécialement stipulée et que le vendeur en a été consulté ;

que sachant lui-même que l'immeuble se trouvait dans le périmètre d'une ASL dont il connaissait les servitudes en particulier affectant le droit de construire, qui ne se réduisent d'ailleurs pas à la seule servitude litigieuse, il se devait d'en informer l'acquéreur ainsi d'ailleurs que lui en fait obligation l'article 4 alinéa 2 de l'ordonnance 2004-632 du 1er juillet 2004 qui a abrogé la loi du 21 juin 1865 sous le régime de laquelle l'association avait été créée, de même qu'en vertu des dispositions de l'article 1602 du code civil, et à tout le moins d'attirer son attention sur l'existence de restrictions ;

que les vendeurs ne contestent donc pas utilement leur responsabilité qui est à juste titre recherchée en fonction des énonciations précédemment rappelées ci-dessus de leurs déclarations devant le notaire à ce sujet ;

Attendu qu'il est vrai en principe que si l'architecte doit respecter les règles d'urbanisme applicables à la construction, il n'est pas tenu de connaître les titres particuliers qui auraient dû lui être remis par le maître de l'ouvrage conformément aux stipulations du contrat d'architecte ;

Attendu cependant qu'en l'espèce, l'architecte a été saisi de sa mission le 1er février 2006 et l'a achevée le 17 mars 2006 par le dépôt du dossier de demande de permis de construire, avant donc l'établissement de l'acte notarié, en d'autres termes avant que le maître de l'ouvrage, qui se trouvait alors en l'état du seul acte sous seing privé du 2 janvier 2006, soit en possession de tous les documents nécessaires ;

que l'architecte ne justifie pas avoir exercé son obligation de conseil relativement aux sources de contraintes possibles susceptibles d'affecter les travaux envisagés, et en l'occurrence l'existence d'un groupe d'habitation en la forme d'une ASL, ce qui, outre sa mention dans l'acte sous seing privé qui lui a nécessairement été communiqué pour les besoins du dépôt de la demande de permis de construire, était apparent sur les lieux par l'existence d'une voie privée fermée à la circulation publique par un portail ;

qu'il est sans incidence sur la portée de sa responsabilité que sa mission ait été limitée au dépôt de la demande de permis de construire dès lors que c'est au niveau de l'exécution de celle-ci que pouvait être prévenue l'apparition du dommage et qu'elle ne l'a pas été par sa faute ;

que sa responsabilité a été à juste titre retenue par le premier juge ;

Attendu, sur la responsabilité de l'agent immobilier, qu'il résulte des motifs qui précèdent que celui-ci a inscrit dans l'acte sous seing privé dont il a assuré la rédaction tant l'existence d'une association syndicale, qu'une autorisation du vendeur en vue de l'obtention d'un permis de construire modificatif du bien ;

qu'en l'occurrence seul interlocuteur de l'acquéreur lors de la négociation, il ne peut soutenir avoir ignoré la consistance du projet de celui-ci tant il est constant que la persistance d'un droit de construire constitue un argument important de la vente immobilière à laquelle il avait mandat de parvenir, ce dont il a donc été discuté entre eux, et compte tenu en l'occurrence de la faible superficie de l'assise foncière du bien considéré, 5 ares et 12 centiares ;

qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, il lui incombait face à un acquéreur qui d'emblée sollicitait une autorisation en vue de l'obtention d'un permis de construire, d'exercer son devoir d'information sur cet élément ainsi essentiel de la transaction et de le renseigner sur la consistance exacte du bien et l'étendue des droits vendus, ici l'existence d'un cahier des charges du groupe d'habitation compte tenu de l'adoption de la forme d'une association syndicale libre, et des limitations qui en résultent, ce qu'il n'a pas fait, l'acte sous seing privé ne le mentionnant pas mais un régime de copropriété inexistant, alors qu'il pouvait aisément le faire auprès de son mandant ;

que sa responsabilité est à bon droit recherchée ;

Attendu que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur l'étendue de leurs droits ;

qu'informé de l'intention de construire de l'acquéreur par les termes mêmes de l'acte sous seing privé, il ne peut prétendre utilement ni avoir ignoré la consistance du projet, ni n'avoir pas été spécialement consulté à cet égard, alors qu'il lui incombe d'examiner sous tous ses aspects la transaction qu'il lui est demandé de formaliser afin d'assurer l'efficacité de son acte pour toutes les parties et éclairer celles-ci sur les risques qu'elle peut comporter ;

Attendu qu'il résulte des faits de la cause que le notaire, plus encore que tous les autres professionnels jusqu'alors intervenus en raison de l'ensemble des documents qu'il avait réunis pour les besoins de son acte, et outre la science qu'en sa qualité il détient au plus haut point dans ce domaine, était en possession de tous les éléments, et spécialement le cahier des charges et le plan du secteur, pour éclairer l'acquéreur sur les limitations au droit de construire résultant du cahier des charges, de la servitude litigieuse, et les risques qui pouvaient en résulter ;

que la seule lecture de l'acte dressé, dont est absente la mention directe ou indirecte de la servitude rappelée par le cahier des charges, démontre qu'il n'y a pas satisfait ;

que sa responsabilité est à bon droit recherchée ;

Attendu, en ce qui concerne l'acquéreur enfin, que quoique les conditions de droit soient jugées réunies à son égard pour l'opposabilité de la servitude litigieuse, il ne peut être retenu qu'il ait si peu soit-il participé à son propre dommage compte tenu d'une part de la défaillance de l'ensemble des intervenants à l'opération, y compris le vendeur, d'autre part du nombre et des qualités des professionnels spécialisés qui sont intervenus successivement, enfin du caractère très spécialisé des données juridiques litigieuses dont rien ne permet de retenir que l'acquéreur profane ait été en mesure d'appréhender par lui-même la signification et la portée réelles, et d'autant moins en l'état du silence unanime des professionnels ;

Attendu qu'il suit des motifs qui précèdent que [V] [B] est fondée à demander aux époux [M], la S.A.S. ICADE, [X] [T] et [U] [E] la réparation de l'entier préjudice qu'elle subit ;

qu'ayant chacun commis une faute en relation de causalité avec l'entier dommage, ils y seront condamnés in solidum ;

que dès lors que l'accomplissement par chacun de ses obligations pouvait à lui seul éviter la survenance du dommage, les obligations des uns à la suite ne sont pas de nature à effacer la faute des autres antérieurs ;

Attendu que dans leurs rapports entre eux, il suit des motifs qui précèdent que le notaire qui avait en mains tous les éléments est le plus impliqué (50%), suivi par l'agent immobilier qui a lui-même négocié la transaction sur un permis de construire dans le groupe d'habitation organisé à sa connaissance en ASL (30%), l'architecte qui disposait de moins d'éléments (15%), et les vendeurs, profanes (5%) ;

Attendu, sur le préjudice, que selon le contrat d'architecte, l'objet des travaux envisagés par [V] [B] était la 'restructuration et la surélévation d'une maison individuelle', ce qui s'entend de travaux de diverses natures ;

qu'il résultera de la remise en état un certain nombre de pertes de plusieurs ordres, matériels et immatériels, dont l'évaluation proposée par l'appelante approche 200.000 € au total, mais dont les contours ne peuvent être appréhendés exactement et objectivement sans le secours d'un voire plusieurs techniciens ;

que compte tenu du délai imparti pour procéder aux travaux, eu égard aux éléments qu'elle verse aux débats au soutien de sa demande en paiement, et afin de lui permettre d'exécuter ses obligations sans dommage supplémentaire, il sera d'ores et déjà alloué à [V] [B] une somme de 45.000 € titre provisionnel et à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Attendu que le caractère abusif de la résistance de [V] [B] n'est pas démontré ;

Attendu que la poursuite de l'instance n'intéresse pas les époux [C] à l'égard desquels il sera d'ores et déjà statué sur les dépens et frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme la décision déférée mais seulement en ce qu'elle a enjoint à [V] [B] de supprimer la surélévation de son immeuble pour le mettre en conformité avec les limites imposées par la servitude conventionnelle constituée au profit des parcelles voisines appartenant aux époux [C] cadastrées [Cadastre 22], [Cadastre 2] et [Cadastre 16] selon actes notariés des 12 septembre 1986 et 12 et 15 septembre 1986,

La réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Impartit à [V] [B], pour procéder à la démolition, un délai d'un an à compter de la signification du présent arrêt, sous peine passé ce délai d'une astreinte provisoire de 250 € par jour de retard pendant quatre mois,

Déclare les époux [M], [X] [T], la S.A.S. ICADE et [U] [E] responsables in solidum de l'entier préjudice subi par [V] [B],

Juge que dans leurs rapports entre eux, les époux [M], [X] [T], la S.A.S. ICADE et [U] [E] se répartiront la charge de la réparation du préjudice subi par [V] [B] dans les proportions de 5 % les époux [M], 15 % [X] [T], 30 % la S.A.S. ICADE, et 50 % [U] [E],

Déclare les époux [C] mal fondés en leur demande de dommages et intérêts contre [V] [B] et les en déboute,

Avant dire droit sur la réparation du préjudice subi,

Ordonne une expertise technique,

Commet pour y procéder Monsieur [K] [H], [Adresse 5], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Toulouse,

lequel aura pour mission, connaissance prise des documents de la cause, de réunir les éléments nécessaires à l'évaluation du préjudice subi par [V] [B] du fait de l'opération litigieuse, et à cette fin notamment de :

- visiter les lieux et les décrire,

- décrire les travaux exécutés,

- décrire et chiffrer les travaux nécessaires à la démolition de la surélévation et à la remise en état de l'ouvrage,

- chiffrer les dépenses que [V] [B] aura en définitive exposées en pure perte, du fait de la démolition, pour la réalisation de son projet de restructuration et surélévation,

- donner son avis sur les préjudices immatériels invoqués et réunir les éléments propres à évaluer les pertes immatérielles subies,

Dit que, pour le préjudice immatériel, l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur de son choix,

Dit que l'expert fera toutes constatations, entendra tous sachants, et donnera tous avis utiles à la solution du litige,

Dit que [V] [B] devra consigner au Greffe de cette Cour une provision de 3.000 € dans le délai de deux mois à compter de l'avis donné par le Greffe d'avoir à consigner cette somme,

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités de l'article 271 du code de procédure civile,

Dit que lors de la 1° ou au plus tard de la 2° réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera de manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours, qu'il communiquera à la Cour et aux parties le montant de cette évaluation et sollicitera s'il l'estime nécessaire la consignation d'une provision complémentaire,

Dit que l'expert devra déposer un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de l'avis de consignation au greffe de la provision sauf prorogation demandée à la Cour par l'expert,

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance sur requête,

Condamne les époux [M], [X] [T], la S.A.S. ICADE et [U] [E] in solidum à payer à [V] [B] la somme de 45.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [B] à payer aux époux [C] la somme de 2.000 €,

Condamne [V] [B] aux dépens de l'instance en appel à l'égard des époux [C], et reconnaît à la SCP B.CHATEAU, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne les époux [M], [X] [T], la S.A.S. ICADE et [U] [E] in solidum à relever et garantir [V] [B] des condamnations qui précèdent au titre des dépens et de l'article 700,

Sursoit à statuer sur les autres demandes jusqu'en fin d'instance.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre section 1
Numéro d'arrêt : 08/05198
Date de la décision : 19/10/2009

Références :

Cour d'appel de Toulouse 11, arrêt n°08/05198 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-19;08.05198 ?
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