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25/09/2009 | FRANCE | N°08/032431

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 2- chambre sociale, 25 septembre 2009, 08/032431


25 / 09 / 2009
ARRÊT No
No RG : 08 / 03243 MH / CS
Décision déférée du 05 Juin 2008- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE (06 / 00741) WILAIN DE X... Denis

Sonia Y...

C /
SAS SOCIETE DU GRAND HOTEL CAPOUL

INFIRMATION REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 2- Chambre sociale *** ARRÊT DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF ***
APPELANT (S)
Madame Sonia Y... ... 31770 COLOMIERS
représentée par Me Jean-Pierre CABROL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)
SAS SOCIETE

DU GRAND HOTEL CAPOUL 5 impasse Palayre 31000 TOULOUSE CEDEX 1
représentée par la SCP SABATTE-L'HOTE-R...

25 / 09 / 2009
ARRÊT No
No RG : 08 / 03243 MH / CS
Décision déférée du 05 Juin 2008- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE (06 / 00741) WILAIN DE X... Denis

Sonia Y...

C /
SAS SOCIETE DU GRAND HOTEL CAPOUL

INFIRMATION REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 2- Chambre sociale *** ARRÊT DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF ***
APPELANT (S)
Madame Sonia Y... ... 31770 COLOMIERS
représentée par Me Jean-Pierre CABROL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)
SAS SOCIETE DU GRAND HOTEL CAPOUL 5 impasse Palayre 31000 TOULOUSE CEDEX 1
représentée par la SCP SABATTE-L'HOTE-ROBERT, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945. 1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2009, en audience publique, devant, M. HUYETTE, conseiller, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
P. DE CHARETTE, président M. P. PELLARIN, conseiller M. HUYETTE, conseiller
Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER
ARRET :- CONTRADICTOIRE-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxieme alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile-signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.
Madame Y... a été embauchée le 18 septembre 1998 par la SAS GRAND HOTEL CAPOUL (la SAS), comme serveuse chargée des petits déjeuners avec prise de service à 5 h 45.
Madame Y... a bénéficié d'un congé maternité puis d'un congé parental d'éducation de 2003 au 2 janvier 2006.
Par lettre du 8 décembre 2005, la salariée a demandé à son employeur de la faire travailler à compter de 8 h 30, en indiquant " je n'ai guère le choix par rapport à mes enfants et aux horaires scolaires, alors j'ose espérer un coup de pouce de votre part (..) ".
L'employeur a répondu négativement par lettre du 19 décembre 2005, en ces termes :
" Comme suite à notre entretien avec Mr A... du 05 / 12 / 05 et à votre courrier du 08 / 12. 05, nous vous confirmons que nous ne sommes pas en mesure d'accepter votre demande de modification d'horaires.
En effet vous êtes affectée au service des petits déjeuners et vous demandez de débuter votre service à 8 h 30, c'est à dire à la fin du service des petits déjeuners à la clientèle ; ceci n'est pas envisageable pour des raisons évidentes d'organisation et de qualité de service auprès de notre clientèle.
Aussi nous vous attendons à la suite de votre congé parental le 2 janvier 2006 à votre horaire normal soit à 5 h 45. "
Madame Y... s'étant présentée à son poste à 8 h 30 les 3 et 4 janvier 2006, l'employeur lui a écrit le 5 janvier pour lui rappeler l'impossibilité d'aménager ses horaires à cause de son affectation au service des petits déjeuners, et pour la sommer de respecter les horaires prévus.
Après avoir convoquée la salariée à un entretien préalable pour le 20 février par lettre du 9 février 2006, la SAS a licencié Madame Y... par lettre du 23 février 2006 pour le motif suivant :
" (..) Prise de votre poste de travail de serveuse en cafeteria tous les matins (sauf le week end) avec 2 h 45 minutes de retard, entraînant une désorganisation du service des petits déjeuners et une baisse de qualité de service à notre clientèle.
Depuis votre retour de congé parental (..) et malgré nos divers entretiens et courriers recommandés (..) vous rappelant votre affectation au service des petits déjeuners depuis votre arrivée chez nous, et donc la nécessité de votre prise de poste le matin à votre horaire habituel de 5 h 45, vous continuez à arriver avec 2 h 45 de retard sans tenir compte de nos remarques et de la baisse de qualité de service que ces retards engendrent auprès de notre clientèle.
Nous ne pouvons absolument plus tolérer votre attitude au sein d'un hôtel 3 étoiles Holiday Inn, qui remettent en cause l'image de marque de notre établissement et mettent à mal la coordination et l'entente de notre personnel qui doit sans cesse pallier vos manquements. (..) "

Madame Y... a saisi le conseil de prud'hommes afin de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des dommages-intérêts pour licenciement injustifié (28. 000 euros) et pour harcèlement moral (12. 000 euros).
Par jugement du 5 juin 2008, le conseil a rejeté ses demandes.

Devant la Cour, Madame Y... qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi et a abusé de so pouvoir discétionnaire, que sa demande de changement d'horaire était fondée sur l'exercice d'un droit et d'une valeur fondamentale reconnus par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 27 de la charte sociale européenne, à savoir s'occuper des ses deux enfants scolarisés le matin du réveil à l'ouverture de l'école, que personne d'autre ne pouvait assurer cette mission, qu'elle a informé son employeur un mois avant la date de sa reprise d'activité, lors d'un entretien et par courrier, que la SAS aurait dû au moins examiner sa demande et la faisabilité d'un changement d'horaires, que le licenciement est l'aboutissement d'un harcèlement moral, qu'elle a été victime d'une hostilité marquée et d'une mise à l'index dès son retour, que cela déclenché un état dépressif.
Elle demande 28. 000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement et 15. 000 euros au titre du harcèlement moral.
La SAS GRAND HOTEL CAPOUL qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond que Madame Y... a toujours été affectée au service du petit déjeuner, qu'au regard du poste occupé aucun aménagement d'horaire n'était possible, qu'elle a fait preuve d'une insubordination délibérée, que la répartition des horaires de travail est du ressort du pouvoir de direction de l'employeur, qu'elle était donc en droit de refuser l'aménagement demandé par la salariée, qu'après un congé parental les salariés doivent être réintégrés dans le même emploi, qu'il n'y a jamais eu de harcèlement moral.
Elle conclut au rejet des demandes.

MOTIFS DE LA DECISION
1 : Le licenciement
Si un employeur dispose du droit de décider les horaires de travail des salariés dans les limites du contrat les liant, ce droit trouve sa limite dans le droit au respect de la vie privée et familiale des salariés, protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, ainsi que dans le droit des titulaires de responsabilités familiales d'entrer et de rester dans la vie active, protégé par l'article 27 de la charte sociale européenne.
Par suite, confronté à une demande présentée par le salarié en vue d'un aménagement de ses horaires de travail en raison de ses responsabilités familiales, l'employeur ne peut se borner à maintenir les horaires précédents et a au contraire le devoir de procéder à une recherche effective des aménagements pouvant être envisagés.
En l'espèce, il n'est pas contesté par la SAS que lors de sa reprise d'activité en janvier 2006 Madame Y... avait deux enfants en bas âge.
Il est par ailleurs certain que la prise d'activité à 5 h 45 pour Madame Y... rendait impossible sa présence auprès de ses deux jeunes enfants en tout début de matinée, son mari, à la même période, débutant son travail à 7 h le matin comme ajusteur-monteur dans l'entreprise AAA.
La cour constate que le contrat de travail liant les deux parties mentionne une embauche comme " serveuse ", pour 130 heures par mois, mais ne fait état ni d'une affectation au service du petit déjeuner, ni d'un horaire spécifique quelconque.
La demande d'aménagement d'horaire adressée par la salariée à l'employeur était donc légitime.
Par ailleurs, il ressort des courriers et des conclusions de la SAS que celle-ci s'est toujours contentée de répondre que Madame Y... était affectée au service du petit déjeuner avant les deux congés et que sa demande était inconciliable avec ce poste de travail, et qu'à aucun moment, sous une forme ou une autre, elle n'a envisagé ni de modifier ses horaires ou de l'affecter, si possible, à une autre activité.
La cour relève en plus que la SAS GRAND HOTEL CAPOUL gère trois établissements) un hôtel et deux établissements de restauration situés dans le centre de Toulouse. (
En agissant ainsi, sans tenir compte des raisons familiales sérieuses invoquées par Madame Y..., dont elle avait été informée en temps utile, et sans au moins rechercher dans quelle mesure elle pouvait répondre à la demande qui lui était présentée, la SAS a porté une atteinte disproportionnées aux droits protégés précités.
En conséquence, le licenciement prononcé doit être considéré injustifié.
En réparation du préjudice subi Madame Y..., qui était entrée dans l'entreprise en 1998, recevra 20. 000 euros de dommages-intérêts.

2 : Le harcèlement
A l'appui de son affirmation de l'existence d'un harcèlement, Madame Y... produit uniquement l'attestation de Madame B... qui affirme que " il y a eu certains comportements inacceptables de la part du personnel et de certaines supérieures ", que " par exemple il ne fallait pas communiquer avec Sonia afin qu'elle craque et parte du Capoul ".

Toutefois cette seule attestation ne comporte la description d'aucun fait daté et précis, et ne permet pas de retenir l'existence d'un harcèlement dont aurait été victime Madame Y....
La demande présentée à ce titre doit donc être rejetée.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,

Infirme le jugement contesté.
Et statuant à nouveau,
Dit le licenciement de Madame Y... injustifié,
Condamne la SAS GRAND HOTEL CAPOUL à payer à Madame Y... :
-20. 000 euros de dommages-intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail,
-2. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Rejette les autres demandes.
Condamne la SAS GRAND HOTEL CAPOUL aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
Dominique FOLTYN-NIDECKER Patrice de CHARETTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 2- chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/032431
Date de la décision : 25/09/2009
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Organisation de l'entreprise - Horaires de travail - Modification - // JDF

Si un employeur dispose du droit de décider des horaires de travail des salariés dans les limites du contrat les liant, ce droit trouve sa limite dans le droit au respect de la vie privée et familiale des salariés, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que dans le droit des titulaires de responsabilités familiales d'entrer et de rester dans la vie active, protégé par l'article 27 de la Charte sociale européenne. Dès lors, confronté à une demande présentée par un salarié en vue d'un aménagement de ses horaires de travail en raison de ses responsabilités familiales, l'employeur ne peut se borner à maintenir les horaires précédents et a au contraire le devoir de procéder à une recherche effective des aménagements pouvant être envisagés


Références :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Article 27 de la Charte sociale européenne

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 05 juin 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2009-09-25;08.032431 ?
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