03/12/2008
ARRÊT No
No RG : 07/05679
MH/MB
Décision déférée du 11 Octobre 2007 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 06/00787
F. LAUVERNIER
Pascal X...
C/
S.A. GENERALI VIE
INFIRMATION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale
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ARRÊT DU TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE HUIT
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APPELANT
Monsieur Pascal X...
...
31600 SEYSSES
comparant en personne, assisté de la SCP CABINET CAMILLE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A. GENERALI VIE venant aux droits de la SA GPA VIE
11, boulevard Haussmann
75009 PARIS
représentée par Me Pascale RAYROUX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de:
B. BRUNET, président
M.P. PELLARIN, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. MARENGO
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.
Monsieur X... a été embauché le 1er octobre 1999 par la société GPA VIE devenue la SA GENERALI VIE, comme conseiller commercial.
Il a eu le statut de conseiller auxiliaire jusqu'au 30 septembre 2000 puis de titulaire ensuite.
Monsieur X... a été licencié par lettre du 24 janvier 2006, l'employeur lui reprochant en substance d'une part la remise en retard des rapports d'activité et leur remplissage partiel, d'autre part une insuffisance de résultats liée à une activité professionnelle insuffisante.
Dans sa lettre l'employeur rappelle l'existence d'un avertissement en date du 20 mai 2005 infligé déjà pour une activité insuffisante.
Monsieur X... a saisi le Conseil de prud'hommes afin de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des dommages-intérêts (40.000 euros).
Par jugement du 11 octobre 2007, le Conseil a dit le licenciement justifié et rejeté les demandes de Monsieur X....
Devant la Cour, Monsieur X... qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient qu'il a toujours remis ses rapports dans les délais, que la preuve de retards n'est pas rapportée, qu'il les a toujours remplis de la même façon depuis son embauche à la satisfaction de son employeur qui ne lui a jamais fait de reproches, que l'employeur n'a jamais quantifié l'insuffisance de ses résultats, qu'il a manqué de soutien dans son activité, que son employeur l'a laissé dans l'abandon le plus total, que les résultats de certains autres conseillers et de son successeur ne sont pas produits, que le nombre de clients de l'entreprise a chuté, que l'équipe à laquelle il appartenait a été abandonnée par la hiérarchie, que son licenciement a en fait un motif économique, qu'il est en conséquence injustifié, qu'il demande à nouveau 40.000 euros de dommages-intérêts.
La SA GENERALI VIE qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond qu'en janvier 2005 Monsieur X... a été alerté sur le nombre insuffisant de personnes rencontrées par jour et sur la nécessité de remplir quotidiennement ses rapports d'activité, qu'en février 2005 sa carence à ce sujet a été soulignée, qu'un avertissement a été délivré en mai 2005 à cause des mauvais résultats, que par la suite certains rapports ont été remis en retard, que les insuffisances sont incontestables, que le nombre de contrats obtenus était trop faible, que le licenciement était justifié.
Motifs de la décision :
La cour doit examiner les deux séries de griefs mentionnées dans la lettre de licenciement.
a) Les rapports d'activité
La SA GENERALI VIE ne produit aucun document interne imposant aux salariés une méthodologie unique pour remplir les rapports d'activité.
Toutefois, par lettre du 21 janvier 2005, l'employeur a rappelé à Monsieur X..., après un entretien verbal, la nécessité de « remplir et analyser votre rapport tous les jours (notamment en ce qui concerne le nombre d'adresses et de rendez-vous pris) ».
Le 17 février 2005, le responsable hiérarchique (inspecteur divisionnaire) a par courriel fait savoir à Monsieur X... que plusieurs de ses rapports, dont les références sont précisées, sont incomplets (adresses récupérées) ou contiennent des mentions erronées (dates de visites).
Par courriel du 21 juin 2005 le même responsable a demandé à Monsieur X... l'envoi de rapports manquant (du 6 au 11 juin).
Par courriel du 7 juillet 2005 il a été demandé à Monsieur X... les rapports du 27 juin au 2 juillet non encore parvenus à l'entreprise, et un courriel du 18 juillet mentionnant que certains de ces rapports n'ont toujours pas été envoyés.
Par courriel du 24 novembre 2005 il a été demandé à Monsieur X... les rapports manquant des semaines 45 et 46, et constaté que tous les rapports réclamés dans les précédents messages n'avaient pas été reçus.
Plusieurs autres courriels ont été envoyés à Monsieur X... les 19 décembre 2005, 4 et 12 janvier 2006, pour lui demander de transmettre ses rapports d'activité.
La SA GENERALI VIE produit un ensemble de rapports en soulignant pour chacun les espaces qui auraient dû être remplis ou complétés différemment.
L'examen de ces documents montre que les carences dans la rédaction de ces rapports sont objectivement manifestes.
En plus, les rapports produits et qui font apparaître les carences de Monsieur X... sont tous postérieurs à janvier 2005 date à laquelle ce dernier a été officiellement alerté par sa hiérarchie sur l'obligation de les remplir plus précisément.
S'agissant de la remise des rapports, Monsieur X... soutient qu'il les a toujours remis à temps.
Toutefois il n'apporte aucune indication sur la raison d'être ni le contenu des courriels précités par lesquels sa hiérarchie lui a rappelé à plusieurs reprises l'existence de retards de transmission. Et il ne produit aucun courrier adressé en retour mentionnant que l'allégation est inexacte et qu'il a transmis tous les rapports à temps.
S'agissant de leur contenu, Monsieur X... affirme qu'il les a toujours rédigés de la même façon depuis son embauche.
Mais, alors qu'il est mentionné en première page des formulaires de rapports que « L'original est conservé par le collaborateur, les deux autres exemplaires étant destinés à la hiérarchie », Monsieur X... ne produit aucun rapport d'avant 2005 qui soit de nature à démontrer que pendant un temps la hiérarchie s'est satisfaite d'une rédaction partielle.
Et à supposer même que cela soit exact, son employeur était en droit, sous réserve de l'avertir ce qui a été le cas, de lui demander à partir d'une certaine date de les remplir plus complètement, ce qu'il n'a pas fait.
Il ressort de ce qui précède que Monsieur X..., malgré les demandes répétées qui lui ont été adressées oralement puis par écrit à compter de janvier 2005 et ensuite pendant une année, a fait preuve de carences tant dans la rédaction des rapports d'activité que dans la régularité de leur envoi.
b) L'insuffisance de résultats
La SA GENERALI VIE produit un « avenant à la lettre de nomination de conseiller commercial », signé de Monsieur X..., et qui mentionne au titre des « normes mensuelles de résultats après titularisation » :
« Un conseiller commercial titulaire doit atteindre les normes mensuelles de production suivantes :
a) l'une est constituée par les capitaux émis dont le montant ne doit pas être inférieur à 260.000 F. Ce montant révisable chaque année vous permettra d'éviter un déficit par rapport à la rémunération minima annuelle préjudiciable au maintien de votre fonction.
b) l'autre résulte du nombre de contrats qui doit être régulièrement atteint dans tous les produits de notre gamme.
- 6 contrats à prime périodique Epargne (..)
- 4 contrats à prime périodique prévoyance (..)
- 3 contrats IRD (affaires nouvelles)
- 40.000 F de primes uniques (..) »
Dans le courrier précité du 21 janvier 2005, la SA GENERALI VIE a attiré l'attention de Monsieur X... en ces termes :
« Vos résultats 2004 ne sont pas satisfaisants. Vous en connaissez la raison.
Sur ce dernier point vous m'avez indiqué que la raison principale était le nombre insuffisant de personnes rencontrées (deux en moyenne par jour). Vous avez admis qu'avec une activité normale (7 h par jour) vous pourriez voir quatre personnes par jour, donc faire davantage de discussions, donc avoir davantage de résultats (à terme 40.000 euros par mois).
J'ai noté que vous étiez prêt à avoir une activité plus soutenue de façon à avoir quatre rendez-vous par jour (...) et à faire le point avec moi tous les quinze jours de manière à réaliser 35.000 euros dans un premier temps et arriver à 40.000 euros à partir de quatre rendez-vous tous les mois d'ici trois mois. »
Par lettre du 13 mai 2005 le directeur régional a écrit à Monsieur X... :
« Suite à notre entretien (..) nous avons arrêté le principe suivant :
que vous vous engagiez à renouer avec une activité décente et des résultats plus en conformité avec votre contrat de travail,
qu'en septembre je vous rencontrerai à nouveau afin de décliner avec vous, votre inspecteur divisionnaire et probablement votre futur inspecteur un plan d'actions sur le dernier trimestre,
que si d'ici cette date vous souhaitez bénéficier d'une mission de soutien vous ne manquerez pas d'en aviser votre ID et m'en faire copie. »
Au vu du même compte-rendu d'entretien le directeur adjoint des ressources humaines a le 20 mai 2005 infligé un avertissement à Monsieur X... en retenant ses résultats insuffisants.
Dans le courriel du 6 juin 2005 l'inspecteur divisionnaire a notamment écrit : « Si vous avez des difficultés faites m'en part ».
Dans celui du 6 juin 2005 le même inspecteur a écrit :
« Nous avons fait un cours le 30 mai à l'issue duquel je vous avais dit que si vous aviez des difficultés (..) je pourrai vous y aider ainsi que Monsieur A... qui était présent. Je note qu'à ce jour vos résultats ne se sont pas améliorés mais qu'il n'y a pas de demande d'aide »
Dans le courriel du 17 juillet 2005 (précité), l'inspecteur divisionnaire a mentionné : « Je note que vous n'avez pas besoin de soutien puisque vous ne me le demandez toujours pas ».
La SA GENERALI VIE produit par ailleurs des documents, dont le contenu n'est pas discuté par le salarié, faisant apparaître que sur la période mars 2004 / février 2006, et comparativement aux objectifs mentionnés dans le contrat de travail, Monsieur X... n'a pas atteint les 13 contrats mensuels mais seulement 5,25, et pour un montant annuel de 14.248 euros au lieu de 39.600 euros (= 260.000 F).
Toutefois, Monsieur X... produit l'attestation de Madame B..., commerciale affectée au même secteur que lui.
Elle explique dans son attestation que l'équipe, après transfert de deux commerciaux sur un autre secteur, était constituée dans les derniers temps outre d'elle-même et de Monsieur X... de Messieurs C... et D....
Et elle affirme que l'équipe s'est retrouvée à compter d'avril 2005 sans hiérarchie directe, sans véritable salle de réunion, que les rencontres régulières ont été supprimées, que les commerciaux de ce secteur ont été tenus à l'écart, que les contrats arrivant à échéance et dans leur ressort mais sur secteur blanc (commercial à l'origine du contrat non présent dans l'effectif à l'échéance) étaient distribués aux équipes des autres secteurs, enfin que tous les commerciaux du secteur se sont trouvés en insuffisance de production.
Or la cour constate que la SA GENERALI VIE a choisi de ne pas produire les résultats des autres commerciaux du secteur de Monsieur X..., ce qui contrairement à ce qu'elle affirme ne permet pas de comparer la situation de ce dernier avec celle des commerciaux se trouvant dans une situation identique ou semblable.
Pour ces raisons, et parce que rien ne vient efficacement contredire les affirmations de Madame B..., la cour considère que la SA GENERALI VIE ne rapporte pas suffisamment la preuve qu'une défaillance de Monsieur X... soit à l'origine des résultats obtenus considérés comme insuffisants.
La cour relève en plus qu'alors que dans son courrier du 13 mai 2005 le directeur régional proposait à Monsieur X... de le rencontrer en septembre pour faire un bilan et mettre en place un plan d'action sur la fin de l'année, la direction de l'entreprise à choisi quelques jours plus tard et sur la base du même constat d'infliger un avertissement à Monsieur X....
Et le directeur régional n'a pas donné suite à sa proposition de bilan et de soutien en septembre 2005.
Cela signifie que Monsieur X... n'a pas reçu l'aide qui pourtant lui avait été promise par écrit.
Finalement, la cour, qui constate que de 1999 à 2005 rien n'a été reproché à Monsieur X... qui a reçu dans les premiers temps les félicitations de la société pour ses résultats, considère que si certaines défaillances ont pu être relevées concernant la forme des rapports d'activité, elles ne constituent pas une cause sérieuse de licenciement eu égard à la situation de son secteur et l'attitude également défaillante de sa hiérarchie.
Le licenciement est en conséquence jugé injustifié.
Monsieur X... qui avait 6 années d'ancienneté au jour de son licenciement recevra 20.000 euros de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement contesté.
Et statuant à nouveau,
Dit le licenciement de Monsieur X... injustifié.
Condamne la SA GENERALI VIE à payer à Monsieur X... :
- 20.000 euros de dommages-intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la SA GENERALI VIE aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffier, Le président,
P. MARENGO B. BRUNET