26 / 11 / 2008
ARRÊT No
No RG : 07 / 04847
MH / MFM
Décision déférée du 10 Septembre 2007- Conseil de Prud'hommes de SAINT GAUDENS-06 / 00122
A. BURGUION
Huguette X...
SYNDICAT CGT ATOS ORIGIN INTEGRATION
UNION LOCALE CGT
C /
ATOS ORIGIN INTEGRATION
CONFIRMATION PARTIELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (S)
Madame Huguette X...
...
31650 ST ORENS DE GAMEVILLE
représentée par la SCP SABATTE-L'HOTE-ROBERT, avocats au barreau de Toulouse
SYNDICAT CGT ATOS ORIGIN INTEGRATION
Tour les Miroirs
18 avenue d'Alsace
92926 PARIS LA DEFENSE CEDEX
représenté par M. BONNEFON, délégué syndical
UNION LOCALE CGT
6 rue Abel Boyer
31770 COLOMIERS
représentée par M. BONNEFON, délégué syndical
INTIME (S)
Sté ATOS ORIGIN INTEGRATION
18 avenue de l'escadrille Normandie Niemen
BP 20
31700 BLAGNAC CEDEX 01
représentée par Me CONTENT du cabinet LEFEVRE, avocat au barreau des Hauts de Seine
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
B. BRUNET, président
M. P. PELLARIN, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. MARENGO
ARRET :
- Contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.
Madame X... est employée de la société ATOS ORIGIN INTEGRATION depuis le 18 septembre 1989, comme ingénieur principal.
En 1992 elle a été élue déléguée du personnel CGT, puis a été ensuite désignée déléguée syndicale et élue au conseil de prud'hommes.
Elle a fait grève le 5 juin 2006, lundi de pentecôte, et l'employeur a procédé à une retenue sur salaire.
Par lettre du 6 novembre 2006 la société ATOS ORIGIN INTEGRATION a notifié à Madame X... une mise à pied disciplinaire de 2 jours (les 13 et 14 novembre) en ces termes :
« Vous persistez délibérément à utiliser la messagerie électronique de l'entreprise pour la diffusion de communications syndicales sans respecter les règles en vigueur et ce, alors même que nous vous les avons rappelés à maintes reprises.
(..)
L'accord relatif à l'exercice du droit syndical dans l'entreprise signé le 15 septembre 1999 par la direction de la société rappelle que :
« L'utilisation des moyens électroniques de communication interne dans le but de communication collective aux salariés mais sans l'accord du chef d'entreprise ou de ce représentant demeure fautive ».
Toutes les organisations syndicales respectent cette règle. Vous n'avez donc aucune raison de vous en affranchir.
Pourtant, vous avez cru pouvoir utiliser la messagerie électronique pour diffuser de manière collective sans aucune autorisation des communications de tous genre, et ce à 12 reprises (..).
Pourtant vous ne pouviez ignorer les règles rappelées ci-dessus.
(..)
En second lieu parce qu'à chacun de vos manquements les règles en vigueur vous ont été rappelées (..).
En dépit de tout ce qui précède, vous avez cru pouvoir envoyer, sans l'aval de la direction, le 12 octobre 2006, à un nombre très important de collaborateurs le mail intitulé « demain, deuxième tour des élections de vos délégués du personnel » pour soutenir la liste électorale de la CGT sur laquelle vous étiez inscrite.
Pour faciliter la campagne électorale, nous avions accepté de diffuser pour chaque liste électorale une profession de foi par mail et courrier à tous les salariés de l'entreprise.
Contrairement aux autres candidats, vous n'avez pas jugé suffisant cet effort de la direction et vous vous êtes crus autoriser à vous octroyer un avantage indu par rapport aux autres candidats aux élections des délégués du personnel en diffusant ce mail du 12 octobre 2006, rompant ainsi le principe d'égalité devant présider entre toutes les organisations syndicales.
C'est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire. »
Le 22 novembre 2006 Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir initialement l'annulation de la mise à pied notifiée le 6 novembre 2006, le paiement du salaire retenu, ainsi que 15. 000 euros de dommages-intérêts, puis dans ses dernières écritures le remboursement de la retenue sur le salaire de juillet 2006 (196, 53 euros), l'annulation de la sanction de deux journées de mise à pied et le paiement du salaire correspondant (388, 28 euros, le constat d'une discrimination dans l'évolution de sa rémunération (5. 040, 75 euros), le dédommagement de l'incidence sur sa retraite (3. 984, 70 euros), le paiement de la rémunération correspondant au vendredi de formation professionnelle (7. 656, 88 euros), le remboursement de ses frais de formation (935, 57 euros), 30. 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement et discrimination,
L'UNION LOCALE CGT a demande la paiement de 2. 500 euros de dommages-intérêts du fait de l'atteinte à l'exercice du droit syndical.
Par jugement du 10 septembre 2007, le conseil a rejeté toutes les demandes.
Devant la cour, A... X... qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient que si la retenue au titre de la journée de pentecôte (5 mai 2006) était légale, elle a subi une discrimination puisque aucun salarié n'a fait l'objet d'une retenue pour ne pas avoir travaillé ce jour là et en conséquence qu'elle doit recevoir le salaire de cette journée (194, 14 euros), que l'employeur ne pouvait pas lui infliger un avertissement pour avoir diffusé une information syndicale sur l'intranet de l'entreprise et qu'en conséquence elle a droit au remboursement de la retenue sur salaire soit 388, 28 euros, que depuis mars 2004 elle subit une discrimination dans sa rémunération en ce sens que les salariés de sa catégorie ont enregistré en 2004 une évolution de salaire d'au moins 5 % et obtenu une rémunération d'au moins 4. 444 euros alors qu'elle n'a été augmentée que de 0, 7 % entre 2001 et 2008 avec une rémunération de 4. 271, 05 euros, qu'un rappel de salaire lui est dû à ce titre à hauteur de 8. 216, 47 euros, qu'elle a subi une discrimination dans l'accès à la formation en ce sens qu'elle a souhaité suivre une formation débouchant sur un diplôme universitaire de sciences juridiques imposant une disponibilité tous les vendredi d'octobre 2005 à juin 2006, que le FONGECIF ayant refusé le financement l'employeur a refusé de l'inscrire dans le plan interne de formation et qu'elle a été contrainte de solliciter un temps partiel et de payer elle-même les frais, que le refus de l'employeur était déloyal et qu'elle a droit au remboursement des sommes engagées pour cette formation (7. 583, 96 euros de perte de salaire et les congés payés afférents ainsi que 935, 57 euros de frais de formation), qu'elle subit un harcèlement moral qui a dégradé sa santé psychologique, qu'elle peut réclamer en dédommagement 150. 000 euros de dommages-intérêts.
La société ATOS ORIGIN INTEGRATION qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond qu'elle a régulièrement et sans discrimination opéré une retenue sur salaire pour la journée non travaillée de pentecôte, qu'un accord interne a défini les modalités de diffusion des documents syndicaux, que Madame X... ne pouvait pas diffuser de tracts en dehors de ces règles ce qu'elle a pourtant fait en octobre 2006 et qui a justifié la mise à pied disciplinaire du 6 novembre 2006 d'autant plus que ce n'était pas le premier manquement de la sorte, que la salariée ne rapporte pas la preuve que des salariés placés dans une situation identique perçoivent un salaire supérieur au sien, que la formation que Madame X... voulait suivre est sans rapport avec son emploi ce qui permettait de refuser son financement, que rien ne démontre l'existence d'un harcèlement moral, que l'UNION LOCALE CGT et le syndicat CGT ATOS ne versent pas au débat leurs statuts ni la preuve d'un dépôt en mairie, qu'ils ne versent pas non plus la délibération interne les autorisant à intervenir dans le présent litige ce qui rend leur action irrecevable, que le conflit personnel de Madame X... n'a pas de lien avec l'intérêt collectif d'une profession, que toutes les demandes doivent donc être rejetées.
L'UNION LOCALE CGT et le SYNDICAT CGT ATOS ORIGIN INTEGRATION plaident de leur côté que Madame X... à travers les faits qu'elle dénonce a été victime d'une discrimination syndicale, l'employeur voulant faire disparaître le syndicat CGT des sites de Blagnac et Labège, que l'acharnement a atteint d'autres syndiqués, qu'il y a eu entrave à l'exercice de droits syndicaux de plusieurs membres de la CGT, qu'ils peuvent demander chacun 5. 000 euros de dommages-intérêts.
Motifs de la décision :
1 : La journée de pentecôte
Madame X... produit des documents qui démontrent que deux au moins des salariés travaillant sur le même site qu'elle et qui étaient absents le 5 juin 2006, Messieurs B... et C..., ont été payés pour cette journée, le premier étant mentionné en grève comme elle et le second s'étant déclaré en « absence pour jour férié ».
La cour constate d'abord que la société ATOS ORIGIN INTEGRATION produit une majorité de documents relatifs à la journée de pentecôte de l'année 2005, qui ne concernent donc pas le présent litige relatif à l'année 2006.
La cour constate ensuite que, pour l'année 2006, si la société ATOS ORIGIN INTEGRATION produit 12 bulletins de paie de salariés mentionnant une retenue sur salaire pour le 5 juin 2006, il ressort des mentions de ces bulletins que tous concernent des salariés travaillant dans d'autres départements que la Haute Garonne. Ces documents ne permettent donc pas de comparaison utile avec la situation de Madame X....
Et la société ATOS ORIGIN INTEGRATION n'explique pas pourquoi elle ne produit aucun bulletin de salaire concernant des salariés travaillant sur le même site que A... X... alors que cette dernière soutient que c'est avec ceux-ci qu'il y a eu discrimination.
Par ailleurs, bien que soutenant dans ses conclusions que le nombre de salariés de l'entreprise (7. 000) est d'une telle ampleur que des erreurs sont inévitables dans la gestion des rémunérations, la société ATOS ORIGIN INTEGRATION n'affirme pas, et démontre encore moins, que postérieurement à juillet 2006 elle a procédé à la rectification des erreurs commises au bénéfice des deux salariés précités, et a procédé pour cela à un prélèvement sur leur salaire.
La cour considère finalement que Madame X... prouve qu'elle a subi une retenue sur salaire qui n'a pas été appliquée à au moins deux salariés, constate que l'employeur s'est délibérément abstenu de produire de plus amples éléments de comparaison avec les autres salariés travaillant sur le même site que Madame X..., et dès lors que c'est de façon discriminatoire que celle-ci s'est vu appliquer une retenue sur salaire.
Madame X... a donc droit au remboursement de la somme retenue.
2 : La mise à pied disciplinaire
Selon les termes de l'article L 412-8 devenu L 2142-6 du code du travail, un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne pas entraver l'accomplissement du travail. L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message.
En l'absence d'un tel accord, une telle diffusion doit d'être autorisée par l'employeur.
Madame X... conteste l'application de l'accord d'entreprise du 15 septembre 1999 relatif au droit syndical dans les sociétés constitutives de l'UES.
La cour constate d'une part que l'accord de 1999, qui prévoit un engagement de la société ATOS ORIGIN INTEGRATION à diffuser dans les sociétés de l'UES 7 tracts par an et par organisation syndicale ainsi que des diffusions supplémentaires sur accord de la direction, n'autorisait pas Madame X... à diffuser le message litigieux, ce qu'elle reconnaît en concluant que cet accord ne lui est pas opposable.
La cour constate d'autre part que Madame X... n'a ni sollicité ni obtenu l'autorisation de son employeur de transmettre par courrier électronique le message mentionné dans l'avertissement.
Enfin il ressort des documents produits par l'employeur que d'autres salariés qui ont de la même façon utilisé la messagerie interne pour propager des informations syndicales se sont vu également rappelés à l'ordre (Messieurs D... et Koumba le 3 janvier 2007, Madame E... et Monsieur F... le 4 janvier 2007, Monsieur G... le 5 mars 2007).
En conséquence, parce qu'elle a commis une faute en ne respectant pas les règles légales et internes, c'est à tort qu'elle demande l'annulation de la sanction qui lui a été infligée, cela d'autant plus que, ainsi que cela a été rappelé dans la lettre du 6 novembre 2006, 10 incidents de même nature s'étaient déjà produit en 2004 et 2005 et que Madame X... avait été alertée sur ses manquements en avril et novembre 2004, ainsi qu'en août 2005 et février 2006.
3 : La rémunération
Il ressort des documents produits qu'en 2001 la rémunération moyenne d'un cadre coefficient 150 âgé de 41 à 50 ans était de 27. 762, 85 fcs (4. 232, 29 euros), ce qui correspond au salaire perçu par Madame X... ainsi qu'elle l'indique elle-même dans ses conclusions (page 13).
Le document de décembre 2003 intitulé « Sema telecom SA : négociations annuelles salaires » fait apparaître (page 12, paragraphe « moyenne salaires mensuels par sexe et coefficient et tranche d'âge) que le salaire moyen d'une femme cadre coefficient 150 âgée de 45 à 49 ans était de 4. 199 euros à cette date, le salaire moyen d'un homme de 4. 444 euros, et le salaire moyen des cadres femmes et hommes de 4. 384, 90 euros.
Or selon les mentions des bulletins de paie de Madame X..., celle-ci, qui a eu 45 ans en mars 2004, a perçu à cette date une rémunération mensuelle de base de 4. 242, 39 euros devenue 4. 250, 26 euros à compter d'avril de la même année.
Le salaire versé à Madame X... étant supérieur au salaire moyen des femmes sur la période litigieuse, et proche du salaire moyen des femmes et des hommes, rien ne permet de retenir l'existence d'une discrimination salariale à son encontre.
De mars 2005 à juillet 2006 Madame X... a perçu un salaire mensuel de base de 4. 258, 28 euros.
Le document produit par l'employeur et qui mentionne les salaires de tous les salariés de l'échelon 2. 3 sur cette période fait apparaître, par comparaison avec les rémunérations des autres ingénieurs principaux d'âge proche, que si certains touchaient une rémunération plus importante, un grand nombre d'entre eux, y compris à Blagnac et Labège, percevaient un salaire inférieur.
Et un document récapitulant les rémunérations de tous les ingénieurs principaux de l'entreprise fait apparaître que A... X... se situait en 133ème place sur un total de 242 emplois.
Il n'y a donc aucun élément susceptible de caractériser une discrimination sur cette période.
Madame X... calcule le rappel de salaire dû de la façon suivante :
(4. 444 euros-salaire mensuel) x nombre de mois
ceci de janvier 2004 à octobre 2008.
Mais cette somme de 4. 444 euros n'étant pas une référence comme cela a été indiqué plus haut, il ne peut pas être fait droit à sa demande.
4 : La formation
Madame X... a voulu suivre une formation « DU sciences juridiques » dispensée par l'université de Toulouse.
L'employeur lui a indiqué dans une lettre en date du 31 mai 2005 son accord pour qu'elle s'absente de l'entreprise dans le cadre d'un congé individuel de formation.
Puis, par courrier du 11 octobre, l'employeur qui avait refusé de prendre à sa charge le coût de la formation, a fait droit à la demande de Madame X... de réduire son temps de travail.
Au-delà du fait que Madame X... ne donne aucune indication sur le fondement juridique de sa demande, la cour relève que cette dernière ne prétend pas que la formation revendiquée était prévue au plan de formation de l'entreprise.
Par ailleurs, cette formation étant sans lien avec l'emploi de la salariée.
Enfin, le fait que le FONGECIP refuse de financer la formation dans le cadre d'un congé formation n'entraîne aucune obligation de s'y substituer à la charge de l'employeur.
En conséquence la société ATOS ORIGIN INTEGRATION n'a commis aucune faute en refusant de financer la formation sollicitée par Madame X....
5 : Les demandes des syndicats
La seule faute imputable à l'employeur est le non paiement de la journée du 5 juin 2006.
Toutefois, rien ne démontrant que la société ATOS ORIGIN INTEGRATION ait agi ainsi à cause de l'engagement syndical de Madame X..., les demandes présentées au titre d'une atteinte à l'exercice du droit syndical ne peuvent aboutir.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne la journée du 5 juin 2006.
Et statuant à nouveau,
Condamne la société ATOS ORIGIN INTEGRATION à payer à Madame X... :
-196, 53 euros de rappel de salaire pour la journée du 5 juin 2006,
-1. 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Rejette les autres demandes.
Condamne la société ATOS ORIGIN INTEGRATION aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffierLe président
P. MARENGO B. BRUNET