26 / 11 / 2008
ARRÊT No
NoRG : 07 / 01041
CC / AT
Décision déférée du 14 Décembre 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-05 / 1278
Mme X...
Sylvain Y...
Nicole Z...épouse Y...
représentée par la SCP RIVES-PODESTA
C /
SA MICHEL A...B...LOURDS
représentée par la SCP MALET
Michel A...
Sylvie C...épouse A...
Vincent A...
Thomas A...
SCI DU PARC
représentés par Me Bernard DE LAMY
Jacky D...
sans avoué constitué
Réformation
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (E / S)
Monsieur Sylvain Y...
...
31180 LAPEYROUSE FOSSAT
Madame Nicole Z...épouse Y...
...
31180 LAPEYROUSE FOSSAT
représentés par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour
assistés de la SCP SAINT GENIEST-GUEROT, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIME (E / S)
SA MICHEL A...B...LOURDS
...
31150 BRUGUIERES
représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour
Monsieur Michel A...
...
31500 TOULOUSE
Madame Sylvie C...épouse A...
...
31500 TOULOUSE
Monsieur Vincent A...
...
31500 TOULOUSE
Monsieur Thomas A...
...
31500 TOULOUSE
représentés par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour
assistés de Me Jean E..., avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur Jacky D...
Impasse du petit paradis
31150 BRUGUIERES
sans avoué constitué
SCI DU PARC
...
31500 TOULOUSE
représentée par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour
assistée de Me Jean E..., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. F. ALBERT, président
C. BELIERES, conseiller
C. COLENO, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRET :
- par défaut
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par C. BELIERES, conseiller, pour le président empêché, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
FAITS DE LA CAUSE
La SA Michel poids Lourds A...est divisée en 2504 actions réparties ainsi qu'il suit
-Michel A...2949 actions
-Sylvain Y...250
- Renée A...1
- Sylvie C...
épouse A...1
- Vincent A...1
- Thomas A...1
- Jacky F...1
Le conseil d'administration de cette SA est constitué de Michel A..., Renée G...Romane veuve A...et Sylvain Y....
La SA A...a pour filiale la SARL A...Rectifications dont le capital est réparti de la façon suivante
société Michel A...499 parts sociales
M. Sylvain Y...1 part sociale.
Michel A...et Sylvain Y...sont associés dans la SARL A...Véhicules Industriels à hauteur de 400 parts pour Michel A...et 100 parts pour Sylvain Y....
Le 25 janvier 1990 la SA A...a constitué avec Sylvain Y...la SCI Du Parc.
Le 4 mars 2002 les consorts A.../ Y...ont signé avec les époux H...un protocole de cession des parts sociales et actions détenues dans les sociétés Michel B...I..., A...Rectification et A...Véhicules Industriels.
Selon cette convention
-Sylvain Y...vend à la SA Michel A...Poids Lourds la part qu'il détient dans la SARL A...rectification pour une valeur de 1 euro, afin que la SARL A...Rectification devienne une filiale à 100 % de la SA A...Michel B...I....
- Le prix de cession des actions de la SA Michel A...Poids Lourds est fixé à 836. 336 euros soit 334 euros par action, dont 83. 500 euros revenant à Sylvain Y....
- Le prix de cession des 500 actions de la société Lacene Véhicules industriels préalablement transformée en Société anonyme est fixé à la somme de 455. 669 euros soit 911, 34 euros par action dont 91. 134 euros revenant à Sylvain Y....
- En ce qui concerne la SCI du Parc dont la SA A...détenait 499 parts, la convention précise que les titres de la SCI sont exclus de la cession selon la clause suivante :
" les titres de participation ainsi que la créance y afférente et figurant dans les comptes sociaux de la SA Michel A...Poids Lourds à ce jour feront l'objet d'une cession au profit des personnes physiques ou morales désignées par les cédants. L'ensemble des opérations sera réalisée par les cédants préalablement à la cession définitive des titres des sociétés commerciales, et ce pour un montant global de 240. 066, 35 euros ".
Par délibération du 11 avril 2002 les membres du conseil d'administration de la SA Michel A...Poids Lourds à l'unanimité ont décidé de céder les 499 parts que la société détient dans la SCI du Parc au prix de 68. 612 euros, et ont donné tous pouvoirs à Mme J...divorcée C...pour signer la cession.
Les parts de la SCI ont été acquis par les consorts A....
Les époux Y...ont saisi le tribunal de grande instance de Toulouse d'une action en annulation de la délibération du conseil d'administration de la SA Michel poids Lourds du 11 avril 2002 et par voie de conséquence de la cession des 499 parts de la SCI du Parc.
Par jugement du 14 décembre 2006 le tribunal de grande instance de Toulouse a débouté les époux Y...de leurs demandes, et les a condamnés à payer globalement la somme de 500 euros à la SCI et aux consorts A...outre une indemnité de 300 euros chacun à la SA A...et a Monsieur D...sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que le prix de 240. 066, 35 euros prévu dans le protocole avait été respecté puisque les parts sociales ont été cédées pour un prix de 68. 612, 50 euros et le compte courant de la SA A...remboursé à hauteur de 171. 453, 04 euros, et qu'enfin la cession considérée ne rentrait pas dans le cadre des opérations réglementées s'agissant de vente de parts de SCI.
Par acte du 20 février 2007 les époux Y...ont relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les époux Y...par conclusions du 20 juin 2007 auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé du détail de l'argumentation concluent à la réformation de la décision et demandent à la cour d'annuler la délibération du conseil d'administration du 11 avril 2002, de prononcer la nullité de la cession des parts de la SCI du Parc, et de condamner les intimés au paiement de la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'en leur qualité d'anciens actionnaires ils ont intérêt et qualité à agir à l'encontre d'une décision concernant la vente d'un actif de la société dont ils étaient actionnaires au moment où la résolution critiquée a été prise.
Ils formulent les griefs suivants
-absence de convocation et d'ordre du jour préalablement notifié ayant contribué au défaut d'information de M. Y..., d'autant plus que la lecture du protocole de cession lui permettait de considérer que ses droits seraient calculés sur une assiette nette de 240. 066, 35 euros
-absence d'identification des acquéreurs
-non respect des dispositions de articles 101 et 104 de la loi du 24 juillet 1966 qui étaient applicables et qui rendaient nécessaires, s'agissant d'uneconvention réglementée, une délibération spéciale du conseil d'administration outre le rapport spécial du commisaire aux comptes.
Ils soulignent enfin que le prix fixé est trés anormal, eu égard à la valeur effective de l'immeuble constituant l'actif de la SCI, évalué à un montant de 521. 610, 21 euros.
Michel A..., Sylvie C...épouse A..., Thomas A..., Vincent A...et la SCI du Parc (consorts A.../ Duparc) par conclusions du 10 décembre 2007 auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé du détail de l'argumentation demandent à la cour de déclarer les demandes des époux Y...irrecevables, faute d'intérêt et de qualité à agir.
Subsidiairement ils demandent le rejet des prétentions des époux Y...et leur condamnation à leur payer la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que l'action introduite par les époux Y...si elle aboutissait aurait pour effet de faire revenir dans le patrimoine de la SA Michel A...B...lourds un élément d'actif sans aucun profit pour eux puisqu'ils ne sont plus actionnaires.
Au fond ils soutiennent
-que la délibération du conseil d'administration est conforme aux prévisions du protocole du 4 mars 2002,
- que ce protocole été exécuté exactement dans le cadre de la cession des parts sociales,
- que M. Y...ne peut donc invoquer un défaut d'information, en ce qui concerne la délibération ayant autorisé cette cession, puisqu'il connaissait parfaitement ce protocole pour l'avoir signé,
- qu'il n'existe aucune obligation de procéder à la réunion du conseil d'administration par convocation écrite comportant un ordre du jour,
- qu'il n'existe ni erreur ni dol, qu'en effet le montant de 240. 066, 35 euros prévu dans l'acte du 4 mars 2002 vise à la fois le montant des parts sociales et la créance y afférente, c'est à dire le compte courant de la société Michel A...B...I...qui a bien été remboursé à hauteur de 171. 453, 04 euros,
- que l'annulation des conventions réglementées conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration est subordonnée à la preuve de conséquences dommageables pour la société, ce qui n'est pas le cas puisque en l'espèce son compte courant a été remboursé,
- que le prix des parts de la SCI n'a pas été sous évalué.
La SA A...Poids Lourds, par conclusions du 13 février 2008 auxquelles il est fait expressément référence pour l'exposé du détail de l'argumentation conclut à l'irrecevabilité de la demande des époux Y...et subsidiairement au rejet de leurs prétentions ; elle relève appel incident et demande la condamnation des époux Y...à lui payer 18. 000 euros de dommages et intérêts et 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle n'est pas intéressée par la reprise des parts sociales de la SCI, elle s'associe aux arguments développés par les consorts A.../ Duparc, et souligne qu'en tout état de cause l'éventuelle nullité de la délibération du conseil d'administration est couverte par la délibération ultérieure de l'Assemblée générale. Elle fait valoir enfin que la procédure a précarisé sa situation et lui est de ce fait gravement dommageable.
M. D...assigné le 2 juillet 2008 par acte déposé à l'étude d'huissier n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2008.
MOTIFS DE LA DECISION
1o sur l'intérêt à agir des époux Y....
M. Y...était actionnaire de la SA Michel A...Poids Lourds et membre du conseil d'administration, il a qualité pour agir à l'encontre de la décision qu'il estime avoir été prise en méconnaissance de ses droits, et la perspective d'obtenir l'annulation de l'acte qui aurait été ainsi passé en fraude de ses droits suffit à caractériser son intérêt à agir, même en l'absence de prétention pécuniaire associée.
Mme Y...n'est pas membre du conseil d'administration, elle n'est donc titulaire d'aucune action en annulation de la décision considérée ; par ailleurs elle ne fournit aucun élément de preuve quant à son régime matrimonial et ne démontre aucun droit de propriété sur les parts objet de la cession ; son action sera déclarée irrecevable et la décision sera réformée en ce sens.
2o Sur l'action en nullité
L'action en nullité de Monsieur Y...vise tant contre la délibération du conseil d'administration, que la convention de cession elle même.
A) La validité de la délibération du conseil d'administration du 11 avril 2002
* le défaut d'ordre du jour
S'agissant d'une délibération qui ne modifie pas les statuts, la nullité ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative.
Or l'établissement d'un ordre du jour écrit n'est imposé par aucune disposition légale et il n'est pas davantage démontré que les statuts de la société prévoyaient l'établissement d'un ordre du jour écrit pour la convocation du conseil d'administration. Le grief à ce titre n'est donc pas démontré.
* le défaut d'information
M. Y...en sa qualité d'administrateur dispose d'un droit d'information individuel consacré par l'article L 225-35 du code de commerce qui impose au président du conseil d'administration de communiquer tous les documents et informations nécessaires à l'exécution de sa mission.
Tel n'a pas été le cas en l'espèce,
En effet le protocole du 4 mars 2002 prévoyant la cession des parts de la SCI fixait un prix global pour cette opération à la somme de 240. 066, 35 euros.
La formule précisant que " seront compris dans la cession la créance y afférente figurant dans les comptes sociaux de la SA Michel A..." est totalement obscure. Son libellé ne permet pas de comprendre clairement qu'elle désigne ainsi le compte courant de la société A...ouvert dans les comptes de la SCI Du Parc, le montant de ce compte courant n'est pas précisé, et au surplus il ressort des documents comptables de la SCI qu'au 31 décembre 2002 et contrairement aux affirmations des consorts A.../ Duparc (p13 de leurs conclusions) il n'y avait aucune inscription en compte courant de la SCI au titre de la SA A....
En conséquence il était particulièrement difficile de se faire une idée précise de la portée économique exacte de l'opération, de la valeur des parts, et à fortiori de la conformité de l'opération présentée à la délibération du conseil d'administration avec celle ayant fait l'objet du protocole du 4 mars 2002, puisque les indications chiffrées contenues dans les deux actes ne sont pas identiques.
Dans ces conditions, M. Y...est bien fondé à se prévaloir d'un défaut d'information. Ce manquement a eu pour effet d'empêcher M. Y...de se faire une opinion éclairée et de voter en connaissance de cause. Compte tenu du caractère fondamental de l'atteinte ainsi constituée il convient de prononcer l'annulation de la délibération du conseil d'administration du 11 avril 2002.
B) La nullité de la convention de cession
Il n'est pas contesté que les acquéreurs des parts de la SCI sont les consorts A...et en particulier Michel A...Président du Conseil d'administration de la SA A....
L'opération soumise à la délibération du conseil d'administration concerne la vente d'un actif de la société anonyme, constitué par les parts de la SCI, au dirigeant de cette même société anonyme. Il s'agit donc bien d'une convention réglementée telle que visée à l'article L 225-38 du code de commerce, et les premiers juges ont écartés à tort l'application de ces dispositions.
Les articles L 225-38 et L 225-40 du code de commerce réglementent les étapes de la procédure qui prévoit l'information du conseil d'administration, l'autorisation préalable du conseil, l'avis aux commissaires aux comptes, le rapport spécial par les commissaires aux comptes et la consultation de l'assemblée générale ordinaire.
Ces dispositions n'ont pas été respectées, puisque le conseil d'administration qui a délibéré sur l'opération n'a pas été informé de l'identité des acquéreurs, et à fortiori a été tenu dans l'ignorance que la convention concernait un de ses dirigeants, en outre l'intéressé, Michel A...a pris part au vote sur l'autorisation sollicitée, et le commissaire aux comptes n'a pas établi de rapport spécial.
En application de l'article L 225-42 du code de commerce, la convention litigieuse, passée sans autorisation du conseil d'administration est susceptible d'être annulée, étant précisé que les intimés n'apportent pas la preuve de l'existence d'une délibération de l'assemblée générale délibérant conformément à l'article l 225- 42du code de commerce " sur rapport spécial du commissaire aux comptes exposant les circonstances dans lesquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie " qui serait seule susceptible de couvrir la nullité.
La nullité peut être prononcée si la convention a eu des conséquences dommageables pour la société.
En l'espèce la société Lacène intervient pour confirmer qu'elle n'est pas intéressée par la reprise de la SCI DuParc, mais il n'en demeure pas moins que le grief de M. Y...vise les conditions économiques de la vente, et le prix réclamé pour les parts sociales.
A cet égard force est de constater que la sous évaluation délibérée d'éléments d'actifs de la société est nécessairement dommageable pour celle ci. Et en l'espèce, la sous évaluation est caractérisée, puisque ce prix a été déterminé dans des conditions invérifiables, en tenant compte d'éléments inexacts quant au montant d'un compte courant de la SA A...qui ne figurait pas au bilan de cette SCI au 31 / 12 / 2002.
En conséquence, la cession des parts sociales de la SCI du Parc est annulable à un double titre, d'une part parce qu'elle constitue la conséquence nécessaire et indivisible de la délibération du conseil d'administration du 11 avril 2002 elle même annulée, d'autre part en application des dispositions spécifiques concernant les conventions réglementées.
Il convient donc de faire droit à l'action en nullité introduite par M. Y..., et de prononcer la nullité de la convention de cession.
La décision déférée sera donc infirmée.
Les intimés constitués qui succombent dans leurs prétentions supporteront l'intégralité des dépens, outre une indemnité de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. Y..., et leurs demandes en dommages et intérêts seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme la décision déférée
statuant à nouveau,
Déclare irrecevable l'action de Mme Y....
Prononce la nullité de la délibération du conseil d'administration du 11 avril 2002 et des résolutions qui y ont été prises.
Prononce la nullité de la cession de 499 parts que détenait la SA Michel A...Poids Lourds dans la SCI du Parc moyennant le prix de 68. 612, 50 euros.
Rejette les demandes de Michel A..., Sylvie C...épouse A..., Thomas A..., Vincent A..., la SCI du Parc et la SA Michel A...B...lourds tant en ce qui concerne les dommages et intérêts que les frais irrépétibles.
Condamne les intimés constitués in solidum à payer à M. Sylvain Y...la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les intimés constitués in solidum aux dépens, à l'exception de ceux concernant Mme Y..., qui resteront à la charge de celle-ci, avec application en ce qui concerne les dépens d'appel de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP Rives-Podesta, avoués.
Le greffier, P / Le président empêché
(Art. 456 CPC)