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10/11/2008 | FRANCE | N°07/04775

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0038, 10 novembre 2008, 07/04775


10 / 11 / 2008

ARRÊT No

NoRG : 07 / 04775
CF / CD

Décision déférée du 25 Juillet 2007- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-05 / 01457
M. X...

Denise Y...
représentée par la SCP MALET

C /

Manuel Z...
représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
Thierry A...
représenté par la SCP RIVES-PODESTA

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX

NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANTE

Madame Denise Y...
...
31590 GAURE
représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie B... C....

10 / 11 / 2008

ARRÊT No

NoRG : 07 / 04775
CF / CD

Décision déférée du 25 Juillet 2007- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-05 / 01457
M. X...

Denise Y...
représentée par la SCP MALET

C /

Manuel Z...
représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
Thierry A...
représenté par la SCP RIVES-PODESTA

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANTE

Madame Denise Y...
...
31590 GAURE
représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour
assistée de Me Valérie B... C..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur Manuel Z...
...
31120 ROQUES SUR GARONNE
représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assisté de Me G AZAM, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître Thierry A...
...
...
31380 MONTASTRUC LA CONSEILLERE
représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour
assisté de la SCP G. L. D... et N. D..., avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 7 Octobre 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN

ARRET :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Madame Odette E... veuve F... était propriétaire d'un ensemble immobilier dénommé " Domaine de la Coda " à GAURE (31).

Le 6 août 2002, elle a promis de vendre à monsieur Manuel Z... diverses parcelles de terre, cadastrées section ZL no104, 105, 120, 150, 152, 45 et 47, d'une contenance totale de 3 ha 29 a 74 ca, pour le prix de 15. 544, 90 euros, étant précisé que la création d'une servitude de passage était prévue au profit de la venderesse.

Le même jour madame E... a promis de vendre à monsieur Z... les parcelles de terre cadastrées section ZL no 92, 107, 118 et 141, d'une contenance totale de 5 ha 56 a 45 ca, pour le prix de 60. 979, 61 euros.

Les actes authentiques devaient être passés devant maître G..., notaire de la venderesse, avec la participation de maître Thierry A..., notaire de l'acquéreur.

Le 19 septembre 2002, madame E... et monsieur Z... ont résilié la convention du 6 août 2002.

Par actes sous seing privé du 26 septembre 2002, madame E... a consenti deux nouvelles promesses de vente à monsieur Z... :

- l'une portant sur la maison d'habitation et les dépendances, parc d'agrément et chemin d'accès, cadastrés section ZL no114, 115, 116, 117, 118, 45 et 47, d'une contenance de 2 ha 82 a 73 ca, pour le prix de 182. 938, 82 euros, madame E... se réservant le droit d'usage et d'habitation non exclusif sur une partie du bien vendu, figurant en teinte verte sur le plan annexé à l'acte ;

- l'autre portant sur la pleine propriété d'une parcelle de terre ZL no107, d'une contenance de 5 ha 23 a 70 ca, et sur la nue-propriété d'une parcelle cadastrée section ZL no157, d'une contenance de 4 ha 43 a 21 ca, moyennant le prix de 74. 700, 02 euros, payable comptant à concurrence de 22. 867, 35 euros, et payable pour le surplus sous forme de rente viagère, avec obligation de nourriture et d'entretien du vendeur avec une présence et une aide constante, obligation d'entretien des bâtiments et installations appartenant au vendeur, sur l'ensemble des biens situés sur la même commune, et obligation d'entretien du parc et du jardin de la résidence du vendeur.

Monsieur Z... a versé un dépôt de garantie de 3. 735 euros.

La réitération des deux ventes par acte authentique était prévue au plus tard le 15 décembre 2002 et le 31 mars 2003, devant maître A....

Cependant par actes d'huissier des 30 décembre 2002 et 2 janvier 2003, madame E... veuve F... a fait assigner monsieur Z... en nullité de ces deux promesses de vente, en invoquant son absence de consentement valable, et maître A..., notaire, en responsabilité.

Elle n'a pas sollicité la nullité d'une troisième promesse de vente portant sur les parcelles ZL no92, 141, 104, 105, 120, 150, 152, d'une superficie de 2 ha 78 a 73 ca, au prix de 22. 867, 35 euros, consentie le même jour au profit de monsieur Z....

Par décision du 30 octobre 2003, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à monsieur H..., qui a déposé son rapport le 26 avril 2004.

Madame E... veuve F... est décédée le 5 novembre 2004.

Madame Joséphine Y... a repris l'instance en sa qualité d'unique héritière de madame E... qui l'avait instituée légataire universelle par testament olographe du 10 août 2003.

Par ordonnance du 27 janvier 2006, le juge de la mise en état a rejeté la demande de nullité de l'expertise présentée par monsieur Z... et maître A....

Suivant jugement en date du 25 juillet 2007, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :

- rejeté les demandes de maître I... concernant la communication des pièces ;

- prononcé la nullité du rapport d'expertise judiciaire de monsieur Gilles H... ;

- débouté madame Joséphine Y... de ses demandes contre monsieur Manuel Z... et contre maître Thierry A... ;

- ordonné à madame Y... de se rendre devant maître G... dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, à l'effet de signer les actes authentiques de vente de la maison d'habitation et dépendances, parc d'agrément et chemin d'accès, cadastrés section ZL no114, 115, 116, 117, 118, 45 et 47, d'une contenance de 2 ha 82 a 73 ca, ainsi que d'une parcelle de terre cadastrée section ZL no107, d'une contenance de 5 ha 23 a 70 ca, et de la nue-propriété d'une parcelle cadastrée section ZL no157, d'une contenance de 4 ha 43 a 21 ca, dans les conditions reprises dans leur intégralité au terme des deux actes sous seing privé du 26 septembre 2002, sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui courrait à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du jugement ;

- débouté monsieur Z... et maître A... de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné madame Y... à payer à monsieur Z... et à maître A... la somme de 1. 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné madame Y... aux dépens.

Par déclaration en date du 26 septembre 2007 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, madame Y... a relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

- à titre principal, au visa des articles 489 et 1147 du code civil, et du rapport d'expertise médicale du 19 avril 2004, de :

*homologuer le rapport d'expertise médicale déposé par le docteur H... ;
*constater que madame E... veuve F... était au moment de la signature des deux compromis incapable de pouvoir contracter pour insanité d'esprit ;
*dire et juger que les deux compromis de vente régularisés le 26 septembre 2002, par le ministère de maître A..., notaire, sont nuls et de nul effet ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise sur pièces du dossier médical de madame E... veuve F..., l'expert ayant pour mission d'entendre les médecins traitants de cette dernière ;

- à titre principal, au visa des dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, de l'estimation immobilière du domaine, et des dispositions des articles 1591 et suivants du code civil, 1968 et suivants du même code, de dire et juger que les deux compromis ne comportent pas un prix de vente sérieux, stipulé en rente viagère, et qu'ils sont nuls et de nul effet ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise du domaine de la Coda ;

- en toute hypothèse, de :
*dire et juger que maître A... a commis une faute ;
*le condamner à lui payer la somme de 15. 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
*condamner in solidum monsieur Z... et maître A... à verser à madame Y... la somme de 6. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP MALET.

L'appelante prétend que monsieur Z..., par l'intermédiaire de son conseil, a bien été appelé à cette expertise, que l'ensemble des pièces qui ont permis au docteur H... d'établir ses conclusions avaient été soumises à l'appréciation et à la connaissance de chacune des parties, que le principe du contradictoire a bien été respecté, que sa présence n'a occasionné aucun préjudice à monsieur Z... et que les explications qu'elle a fournies auprès de l'expert sont exactes, que d'ailleurs ni monsieur Z... ni maître A... ne contestent le fait que le jour de la signature des deux compromis madame E... n'était assistée par personne.

Madame Y... affirme que la preuve de l'existence d'un trouble mental de madame E... veuve F... résulte des constatations médicales des docteurs J..., PONS et de l'expert H... établissant sans contestation possible l'état de démence de l'intéressée, des nombreuses attestations émanant de proches de la famille F..., à l'encontre desquels monsieur Z... et maître A... n'ont pas déposé plainte, mais aussi des circonstances anormales dans lesquelles les compromis ont été conclus, et du contenu de ces actes, préjudiciable aux intérêts de madame E....

Elle ajoute que le prix de cession d'une maison de maître avec dépendances, parc d'agrément, chemin d'accès convenu dans le compromis de vente, soit 182. 938, 82 euros, alors que ces biens ont été estimés à la somme de 646. 460 euros, n'est pas sérieux, que monsieur Z... a abusé de la faiblesse, de l'état de santé fragile et précaire de madame E....

Elle conteste les allégations de monsieur Z... relatives à son propre comportement, et affirme qu'elle s'est toujours dévouée aux époux F... dont elle n'a jamais profité.

En ce qui concerne la responsabilité de maître A..., madame Y... fait valoir que les conditions dans lesquelles la vente est intervenue aurait dû conduire le notaire à vérifier la capacité de madame E... à donner son consentement de façon libre et éclairée, qu'en lui faisant consentir deux nouvelles promesses de vente en l'absence de maître G..., maître A... a agi avec précipitation et a contourné les règles déontologiques en cette matière.

Monsieur Z... demande à la juridiction :

- à titre principal, de :
*confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valables les actes sous seing privé du 26 septembre 2002 et déclaré nul le rapport du docteur H..., et constater que madame Y... ne peut valablement solliciter la nullité des actes litigieux, faute de satisfaire aux conditions posées par l'article 489 du code civil ;
*ordonner le transfert de propriété des biens immobiliers objet des deux sous seing privé du 26 septembre 2002, après paiement entre les mains du conseil de madame Y... ou de son avoué des sommes de 182. 938, 82 euros et 74. 600, 02 euros ;
*dire et juger que le troisième compromis concernant la cession de 2 ha 78 a au prix de 22. 867, 35 euros, ne faisant pas l'objet de la procédure, il sera procédé à son transfert conformément au subsidiaire ci-dessous ;

- subsidiairement, pour le cas où le transfert de propriété ne serait pas ordonné :
*renvoyer les parties devant maître A... à l'effet de régulariser les actes de cession dans les conditions reprises dans leur intégralité au terme des deux sous seing privé du 26 septembre 2002 ;
*dire que les actes seront passés dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et en cas de défaillance de la venderesse, ordonner sa comparution chez maître A..., sous astreinte de 500 euros par jour de retard au delà du délai d'un mois après le prononcé de la décision à intervenir ;

- en toutes hypothèses,
*débouter madame Y... de sa demande en désignation d'expert, tant en ce qui concerne l'état de santé de madame E... que l'évaluation du domaine de La Coda ;
*la condamner au paiement d'une somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et en réparation du préjudice qu'elle lui a causé, ainsi qu'au paiement de la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, le recouvrement des dépens d'appel pouvant être opéré par la SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET.

L'intimé soutient que le rapport d'expertise déposé le 14 avril 2004 par l'expert H... n'a pas été diligenté de manière contradictoire, qu'il est clairement établi qu'aucune convocation n'a été adressée à lui même ou à son conseil pour la réunion qui s'est déroulée le 24 mars 2004, ce qui explique qu'elle se soit déroulée en leur absence, que de surcroît le rapport d'expertise ne lui a jamais été remis afin qu'il puisse faire valoir ses observations avant son dépôt, et que le tribunal a parfaitement relevé que la présence de madame Y... aux opérations d'expertise alors qu'il était absent avait créé un déséquilibre entre les parties, qui avait pu influer sur les conclusions de l'expert.

Il estime que la demande nouvelle d'expertise qui concernerait l'analyse des pièces, faute d'avoir été demandée en première instance, et faut de production par l'appelante d'éléments médicaux nouveaux dont il pourrait résulter une analyse médicale nouvelle, est irrecevable.

Monsieur Z... dit ensuite que les certificats médicaux et les attestations produits ne sont pas probants de l'insanité d'esprit de madame F... au moment des actes litigieux, que l'attestation de madame Y... relatant les circonstances de la signature de l'acte, à son avantage, doit être rejetée, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi même, que l'acte s'est révélé tout à fait équilibré, protecteur de la venderesse, puisqu'il s'agit d'un acte à titre onéreux, moyennant un prix correct, que madame F... était en train de réorganiser ses dispositions testamentaires et son patrimoine, et qu'il est fait état d'un trouble mental à un moment précis, sans preuve, alors que les autres actes faits postérieurement ne sont pas attaqués pour ce même motif.

L'intimé souligne que madame F... n'a jamais fait l'objet d'une mesure de protection, et que si elle était bien atteinte de démence dégénérative, son état n'aurait pas pu s'améliorer entre septembre 2002 et août 2003, de sorte que le testament fait à ce moment là serait entaché de la même nullité que les promesses.

Il invoque la mauvaise foi de madame Y... et son caractère éminemment vénal, affirme que le prix convenu pour les terres dans les actes de septembre 2002 est supérieur au prix du marché, que pour la partie bâtie l'accord trouvé tenait compte de ce que la venderesse se réservait un droit d'usage et d'habitation, que la mesure d'expertise sollicitée ne présente pas d'intérêt pratique puisque de l'aveu même de l'appelante celle-ci a réalisé d'importants travaux de remise en état sur la propriété, et qu'il a eu une démarche totalement transparente tout au long des négociations.

Maître Thierry A... conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à condamner madame Y... au paiement d'une somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé et du caractère abusif de la procédure engagée.

Il sollicite en outre la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens à recouvrer par la SCP RIVES-PODESTA.

Maître A... fait valoir que le rapport du docteur H... est entaché d'une nullité caractérisée, que madame E... était parfaitement capable de s'engager en pleine connaissance de ses droits et obligations, que les affirmations formulées dans les certificats médicaux produits ne sont pas suffisamment circonstanciées et détaillées pour faire la preuve des troubles mentaux au moment de la vente, que le comportement parallèle de madame E... antérieurement et postérieurement à la signature des compromis de vente du 26 septembre 2002, ne peut laisser aucun doute sur son entière capacité à contracter, et que les actes critiqués étaient parfaitement conformes à ses attentes et à ses besoins.

Il ajoute que le notaire n'est pas chargé d'une mission d'investigation concernant l'état mental de ses clients, que rien ne permet d'affirmer qu'au moment de la signature des deux actes sous seing privé le trouble mental allégué était manifeste, et que quand bien même le rapport d'expertise serait homologué en ses conclusions, aucun grief ne saurait être retenu à son encontre.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 octobre 2008.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du rapport d'expertise médicale

Maître A... et monsieur Z... ayant soulevé la nullité du rapport du docteur H... dans leurs premières conclusions postérieures à cette expertise, les premier juges ont justement estimé que la nullité invoquée n'était pas couverte.

Il ressort des pièces versées aux débats que l'expert a adressé une lettre simple de convocation aux opérations d'expertise qui se sont déroulées le 24 mars 2004 à madame E..., à monsieur K..., psychiatre de madame E..., et au docteur L..., expert mandaté par la compagnie MMA, assureur de maître A....
Ce courrier porte la mention : " Copies : maître I..., maître M... et maître D... ", avocats des parties.

Cependant faute de demande d'avis de réception il n'est pas prouvé que cette convocation a bien été envoyée à maître M..., conseil de monsieur Z..., et il n'est pas discuté qu'aucune convocation n'a été adressée à ce dernier.

Le docteur H... n'a procédé qu'à une réunion d'expertise, et son rapport n'indique pas si et selon quelles modalités monsieur Z... et son avocat ont été convoqués.

Madame Y... ne peut valablement soutenir que le docteur L... a pu faire des observations tant pour le notaire que pour l'acquéreur.

Par conséquent, le tribunal a considéré à juste titre qu'en l'absence de toute preuve que monsieur Z... ou son avocat aient été convoqués aux opérations d'expertise, les opérations d'expertise n'avaient pas été faites au contradictoire de monsieur Z....

Il résulte du contenu de ce rapport que madame Y... était présente à la réunion d'expertise, et que l'expert a relaté les circonstances de la vente telles que celle-ci les lui a exposées.

Monsieur Z... était absent, sans que puisse lui être reprochée une quelconque négligence ou une abstention volontaire, et il n'a donc pas pu expliquer à l'expert sa propre version du déroulement des négociations de la vente.

Ce non respect du principe de la contradiction a occasionné un grief à monsieur Z... dans la mesure où il a créé un déséquilibre entre les parties susceptible d'avoir influé sur les conclusions de l'expert.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du rapport d'expertise du docteur H....

Sur le fond du litige

Sur la demande d'annulation des compromis de vente pour insanité d'esprit

L'article 489 du code civil, sur lequel madame Y... ayant repris en sa qualité de légataire universelle l'instance initiée par madame E..., fonde ses demandes, dispose que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, mais que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

Toutefois si l'état d'insanité d'esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l'acte litigieux, il revient alors au défendeur d'établir en pareil cas l'existence d'un intervalle de lucidité au moment où l'acte a été passé.

En l'espèce madame E... veuve F..., née le 10 mars 1915, était âgée de 87 ans au moment de la signature des actes objet du litige.

Le docteur J..., médecin traitant de madame E..., indiquait dans un certificat du 2 septembre 2002 que l'état de santé physique et psychologique de celle-ci depuis le décès de son époux ne lui permettait pas d'assumer les tâches de la vie quotidienne, administratives, personnelles et sociales.

Il atteste dans un certificat complémentaire du 8 janvier 2008 : " L'état de santé de madame Odette F... a fait l'objet d'une prise en charge par antidépresseurs sous surveillance médicale par le docteur K... et moi-même. Une diminution progressive de ses capacités de raisonnement a pris un tour encore plus péjoratif au décès de monsieur F... Edouard son mari en 2002. Dès lors j'ai pu constater un repli très net sur elle-même, l'absence totale de prise de décision tant pour les tâches quotidiennes que sur des processus plus complexes tels que pouvaient représenter une transaction. Elle passait son temps au lit, ne quittait pas sa chambre et ne prenait pas la peine de se changer... "

Le docteur K..., médecin spécialiste du système nerveux, certifiait le 7 novembre 2002 que l'état de santé de madame F..., décompensé depuis 1997 et faisant l'objet d'une prise en charge adaptée, ne lui permettait pas de juger de la réalité concrète de certaines valeurs et ne lui permettait pas de s'engager avec lucidité dans une quelconque transaction.

Il a complété ce certificat par une attestation datée du 1er janvier 2008, ajoutant que l'état de madame F... s'était aggravé progressivement du fait d'un fléchissement cognitif qui avait amené un tableau progressif de détérioration mentale dès 2002, et qu'à cette date, son état mental ne lui permettait pas de juger de la réalité concrète sur la valeur de ses biens et ne lui permettait absolument pas de s'engager avec lucidité dans une quelconque transaction.

Les appréciations du docteur J..., médecin généraliste, évoquent essentiellement un comportement dépressif doublé d'un affaiblissement des capacités de raisonnement, sans pour autant établir la preuve de troubles mentaux caractérisés.

L'avis du médecin spécialiste, bien que plus circonstancié, n'est cependant étayé par aucune description des symptômes de détérioration mentale présentés par madame E... en 2002, venant expliquer en quoi les facultés de compréhension de cette dernière étaient altérées au point de l'empêcher de contracter valablement avec monsieur Z... le 26 septembre 2002.

Il ne caractérise pas non plus un état habituel d'insanité d'esprit de madame E... dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure aux actes litigieux.

Les témoignages d'amis et proches des époux F..., dépourvus de compétences médicales, et qui ne vivaient pas au quotidien auprès de madame E..., relatent certains troubles du comportement présentés par celle-ci à la suite du décès de son époux survenu à l'automne 2001, mais sont tout aussi insuffisants à établir son état d'insanité d'esprit tant au moment de la signature des compromis de vente, qu'avant ou après l'intervention de ces actes.

La relation des circonstances dans lesquelles lesdits actes ont été signés émanant de madame Y... elle même est totalement inopérante, nul ne pouvant se procurer une preuve à soi même.

Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les deux promesses de vente arguées de nullité s'insèrent dans un ensemble d'actes effectués à la même période, par lesquels madame E... a réglé de façon organisée l'affectation de son patrimoine :

- un testament du 14 juin 2002 devant maître G..., notaire, en présence de deux témoins, par lesquels madame E... léguait à l'Institut de France, quai de Conti à Paris, tous ses biens, pour permettre, avec les revenus dégagés par leur vente, d'assurer la remise de prix et de bourses annuelles en direction des jeunes musiciens français, un musée Edouard F... (le mari de madame E... ayant été un accordéoniste réputé) devant concomitamment être créé dans une fondation déjà existante de l'Institut, étant observé qu'à cette date la testatrice était apparue saine d'esprit au notaire et aux deux témoins ;

- les promesses de vente du 6 août 2002, portant uniquement sur les terres, finalement résiliées d'un commun accord entre madame E... et monsieur Z... ;

- la vente des parcelles no 92, 141, 104, 105, 120, 150, 152, d'une contenance totale de 2 ha 78 a 73 ca, pour le prix de 22. 867, 35 euros au profit de monsieur Z... le 26 septembre 2002, puis la vente d'autres terres aux époux N... le 3 octobre 2002, transactions dont la nullité n'a pas été alléguée.

Les deux promesses objet du présent litige permettaient à la venderesse de rester dans son habitation, et lui garantissaient des soins, un entretien de ses biens, du parc et du jardin, et l'usufruit sur la parcelle 157 lui laissait la perception du loyer versé par la station SUD RADIO, de sorte que le contenu de ces actes n'est pas à l'évidence révélateur d'une atteinte aux intérêts de madame E....

Il convient d'observer qu'au mois d'août 2003, soit près d'un an après l'intervention des actes litigieux, madame E... a modifié son testament pour léguer ses biens à madame Y..., qui était sa gouvernante.

L'écriture de ce testament, qui comporte deux versions, la seconde corrigeant les fautes d'orthographe de la première, est assurée et son style est clair.

Elle y manifeste certes le regret d'avoir vendu ses biens à monsieur Z... qui lui aurait menti, mais elle apparaît toujours apte à disposer de son patrimoine.

Au demeurant il ressort des déclarations de certains témoins qu'en 2003 elle semblait aller bien et être apte à gérer ses biens, ce qui tend à montrer qu'elle ne pouvait pas être atteinte d'une affection mentale dégénérative en 2002, auquel cas son état n'aurait pas pu s'améliorer entre septembre 2002 et août 2003.

La demande d'expertise médicale sur pièces formée en cause d'appel n'est fondée sur aucun élément nouveau et n'est pas justifiée.

En l'absence de preuve rapportée que la raison et la volonté de madame E... aient été viciées lorsqu'elle a consenti à signer les deux compromis de vente attaqués, ces actes ne peuvent pas être annulés sur le fondement de l'article 489 du code civil.

Sur la demande de nullité pour vileté du prix

Madame Y... argue de cette nullité au motif que la maison de maître avec dépendances, parc d'agrément, chemin d'accès, a été évaluée en 2003 à 646. 460 euros alors que le prix convenu dans l'acte du 26 septembre 2002 est de 182. 938, 82 euros.

L'évaluation réalisée en fin d'année 2003 concerne des biens libres de toute occupation, ce qui n'est pas le cas des immeubles objet de la promesse de vente du 26 septembre 2002, et il n'est pas établi que leur état au jour de cette expertise est le même que lors de la transaction contestée.

En toute hypothèse le prix de 182. 938, 82 euros ne peut être qualifié de vil ou de dérisoire, eu égard à l'économie générale de la vente comportant des restrictions à la libre disposition du bien par l'acquéreur.

Madame Y... n'expose pas en quoi le prix de 74. 700, 02 euros, stipulé partiellement payable sous forme de rente viagère dans la promesse de vente portant sur la pleine propriété de la parcelle ZL 107 et la nue-propriété de la parcelle ZL 157, ne serait pas sérieux, alors même que l'expertise des terrains agricoles versée aux débats, retenant la somme de 81. 183 euros, ne porte pas sur les seules parcelles objet du compromis de vente litigieux.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande d'expertise immobilière présentée par madame E....

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que les promesses de vente étaient valables, et a débouté madame Y... de ses demandes à l'encontre de monsieur Z... et de maître A....

Sur les autres demandes

Monsieur Z... sera débouté de sa demande tendant à voir ordonner le transfert de propriété immédiat des biens objet des compromis de vente reconnus valables, ainsi que sa demande concernant le troisième compromis en date du 26 septembre 2002, qui n'a pas été argué de nullité.

Les dispositions du jugement renvoyant les parties devant le notaire maître G... à l'effet de signer les actes authentiques dans les conditions des actes sous seing privé du 26 septembre 2002 seront maintenues, sauf à préciser que cette signature devra intervenir dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Monsieur Z... et maître A... ne démontrent pas que madame Y... a intenté cette action à leur encontre avec légèreté ou intention de nuire.

Les demandes de dommages et intérêts formées par les défendeurs en première instance pour procédure abusive ont été justement rejetées, et l'abus du droit d'exercer la voie de l'appel n'est pas caractérisé.

Maître A... n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'il invoque.

Les demandes de dommages et intérêts présentées par les intimés seront rejetées.

Les dispositions du jugement relatives à l'indemnisation des frais non compris dans les dépens de première instance seront maintenues.

Il convient d'allouer à chacune des parties intimées la somme complémentaire de 1. 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Madame Y... qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

* * *

PAR CES MOTIFS

La cour

En la forme, déclare l'appel régulier,

Au fond, confirme le jugement,

Y ajoutant :

Dit que madame Y... devra se rendre en l'étude de maître G... dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt à l'effet de signer les actes authentiques de vente de la maison d'habitation et dépendances, parc d'agrément et chemin d'accès, cadastrés commune de GAURE (Haute-Garonne) section ZL no114, 115, 116, 117, 118, 45 et 47, d'une contenance de 2 ha 82 a 73 ca, ainsi que d'une parcelle de terre cadastrée section ZL no107, d'une contenance de 5 ha 23 a 70 ca, et de la nue propriété d'une parcelle cadastrée section ZL no157, d'une contenance de 4 ha 43 a 21 ca, dans les conditions prévues aux deux actes sous seing privé du 26 septembre 2002, sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt,

Condamne madame Y... à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à monsieur Z... la somme de 1. 800 euros, et à maître Thierry A... la somme de 1. 800 euros,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne madame Denise Y... aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés par les SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET et RIVES-PODESTA, avoués à la cour.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 07/04775
Date de la décision : 10/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse, 25 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-11-10;07.04775 ?
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