La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2008 | FRANCE | N°684

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 29 octobre 2008, 684


29 / 10 / 2008

ARRÊT No

No RG : 08 / 00957 CC / MB

Décision déférée du 05 Février 2008- Conseil de Prud'hommes d'ALBI-06 / 00341 J. M. X...

Emilie Y...
C /
LA POSTE
INFIRMATION ET AVANT DIRE DROIT

COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 1- Chambre sociale *** ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT ***

APPELANTE
Madame Emilie Y... ... 81220 DAMIATTE

représentée par M. Thomas Z... (délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE
LA POSTE17 rue de Ciron81000 ALBI

représentée par Me Emmanuel GIL, a

vocat au barreau d'ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2008, en audience publique, devant la C...

29 / 10 / 2008

ARRÊT No

No RG : 08 / 00957 CC / MB

Décision déférée du 05 Février 2008- Conseil de Prud'hommes d'ALBI-06 / 00341 J. M. X...

Emilie Y...
C /
LA POSTE
INFIRMATION ET AVANT DIRE DROIT

COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 1- Chambre sociale *** ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT ***

APPELANTE
Madame Emilie Y... ... 81220 DAMIATTE

représentée par M. Thomas Z... (délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE
LA POSTE17 rue de Ciron81000 ALBI

représentée par Me Emmanuel GIL, avocat au barreau d'ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
B. BRUNET, président C. CHASSAGNE, conseiller M. HUYETTE, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO
ARRÊT :- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE :

Emilie Y... a travaillé pour LA POSTE dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée entre le 31 janvier 2002 et le 31 décembre 2004.
Par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 17 janvier 2005 elle était embauché à temps complet à la fonction de " postes de regroupement de F distri 1-2 " et affectée à Graulhet.
Le 13 novembre 2006 Emilie Y... saisissait le conseil de prud'hommes d'Albi pour demander la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à partir du premier contrat de travail à durée déterminée et réclamer des dommages et intérêts.
Par jugement de départage du 5 février 2008, le conseil de prud'hommes la déboutait de l'ensemble de ses demandes au motifs que les contrats de travail à durée déterminée étaient conformes aux dispositions légales et la condamnait à verser 500 euros à LA POSTE en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée expédiée le 22 février 2008 Emilie Y... interjetait régulièrement appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Emilie Y... demande à la cour de réformer le jugement pour dire et juger qu'elle a été tenue du 31 janvier 2002 au 31 décembre 2004 dans une position contractuelle illégale exceptionnellement abusive et de requalifier les contrats de travail à durée déterminée ainsi que les contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel illégaux en contrat à durée indéterminée à temps complet et de condamner LA POSTE à lui payer :
-3000 euros à titre d'indemnité de requalification soit deux mois de salaire,-3500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier liés à une exploitation exceptionnellement abusive sur le fondement des articles 1382, 1134, 1147 et 1149 du code civil,-23. 302, 17 euros de rappel de rémunération sur la base d'un temps complet,-1. 017 euros au titre des droits conventionnels pour les années 2003 et 2004,-1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et de condamner LA POSTE :- à régulariser sa situation auprès de la sécurité sociale et de l'IRCANTEC,- à rétablir son ancienneté à partir du 31 janvier 2002,- à afficher la décision à intervenir dans tous les bureaux de poste du TARN pendant un mois.

Elle conteste le postulat de l'employeur selon lequel la signature postérieure d'un contrat de travail à durée indéterminée rendrait irrecevable toute contestation des contrats de travail à durée déterminée conclus antérieurement.
Elle maintient que les contrats de travail à durée déterminée ont été conclus en violation des règles du code du travail et de la jurisprudence et qu'elle a occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise dans la mesure où LA POSTE a un besoin permanent d'agents remplaçants pour assurer correctement sa mission.
Elle indique s'être tenue à la disposition permanente de LA POSTE sans pouvoir prévoir à quel rythme elle était amenée à travailler et qu'en l'absence de tout acte positif de rupture l'intimée, qui a failli à son obligation de lui fournir du travail, est tenue de lui payer des salaires y compris pendant les périodes d'inactivité et en tenant compte de la majoration liée à son ancienneté réelle
Elle rappelle enfin que les agents embauchés en contrat de travail à durée indéterminée ont droit à des prestations téléphoniques gratuites, une dotation annuelle d'habillement et la gratuité de la carte bleue visa internationale.
Elle considère qu'en la condamnant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile le premier juge a manqué de discernement.
LA POSTE conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Emilie Y... à lui payer 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que les contrats de travail à durée déterminée litigieux ont été souscrits sur des périodes limitées, pour des cas de recours prévus par la loi et avec des périodes d'interruption de telle sorte qu'elle en conteste la requalification.
Elle discute le fait que la conséquence d'une éventuelle requalification serait un rappel de salaire sur la base d'un travail à temps complet car un tel rappel ne peut pas se concevoir sans travail effectif. Elle rappelle que l'appelante a toujours été rémunérée en proportion des heures effectivement réalisées.

Elle réfute l'affirmation selon laquelle la salariée était à la disposition permanente de l'entreprise et affirme à l'inverse que l'examen des contrats litigieux démontre qu'elle pouvait se rendre disponible pour un autre employeur.
Elle soutient au contraire que la requalification ne peut s'opérer que dans la limite de l'amplitude de travail réellement accomplie et que la charge de la preuve incombe à la salariée.
Elle relève que la salariée ne justifie pas de sa situation personnelle pendant la période pour laquelle elle réclame des rappels de salaire alors qu'elle a bénéficié des allocations chômage versées par LA POSTE.
Sur les demandes annexes elle expose que :- la demande en dommages et intérêts fait double emploi avec celle de rappels de salaire et en l'absence de comportement fautif de l'employeur aucune somme n'est due à ce titre,- les cotisations IRCANTEC sont soumises à la prescription quinquennale et d'éventuels rappels comporteraient également des cotisations à la charge de la salariée,- le forfait annuel téléphonique, lui aussi soumis à la prescription quinquennale, n'est dû qu'aux salariés travaillant sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,- la dotation habillement est un avantage en nature soumis à la prescription quinquennale réservée aux salarié à temps complet et ne peut être convertie en réclamation financière,- la gratuité de la carte visa est subordonnée à la souscription par la salariée d'une convention carte bleue au sein de la poste avec remboursement aux frais réels alors que l'appelante ne produit aucun justificatif de ce chef, – il n'est pas précisé sur quel fondement la publication de l'arrêt est réclamée alors que la nature du litige ne permet pas d'envisager ce type de mesure.

SUR QUOI :

Attendu que la cour constate à l'examen de l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée conclus entre Emilie Y... et LA POSTE que l'intimée a respecté les prescriptions légales puisque tous les contrats ont été établis par écrit au plus tard le jour de l'embauche et qu'il n'est pas soutenu qu'ils auraient été transmis tardivement à la salariée, qu'ils comportent la définition précise de leur motif soit, en l'espèce, le remplacement de salariés absents avec précision du nom du salarié remplacé et des raisons de l'absence de celui-ci ou bien, un accroissement temporaire d'activité nécessitant un renfort dans la distribution dont il n'est pas démontré par l'appelante qu'il s'agit d'un motif fallacieux ; que par ailleurs les contrats à temps partiel indiquent la répartition des horaires entre les jours de la semaine et enfin, les contrats pour accroissement temporaire d'activité respectent le délai de carence imposé par l'article L 1244-3 du code du travail ;
Attendu qu'en revanche, la succession de 61 contrats de travail à durée déterminée et de cinq avenants pour des durées allant d'une seule journée à 35 jours d'affilés, soit au total 536 journées travaillées en 35 mois exclusivement dans le même bureau de poste de Graulhet, démontre que LA POSTE a eu recours au contrat de travail à durée déterminée comme mode habituel de gestion de la main d'oeuvre pour pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce qui est prohibé ;
Que ce constat commande la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 janvier 2002, et la condamnation de LA POSTE à verser à Emilie Y... une indemnité de requalification de 3000 euros dans la mesure où la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ne fait pas obstacle au paiement d'une telle indemnité si la demande s'appuie, comme en l'espèce, sur l'irrégularité des contrats de travail à durée déterminée antérieurs ;
Attendu toutefois que cette requalification n'emporte l'obligation pour l'employeur de payer à la salariée des rappels de salaire sur la base d'un temps complet pour l'ensemble de cette période que si Emilie Y... démontre qu'elle est restée à la disposition permanente de LA POSTE et qu'elle était dans l'incapacité d'occuper un autre emploi ;
Qu'à cet égard il convient de rappeler que l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée à temps partiel mentionnent la durée hebdomadaire du travail et la répartition des horaires entre les jours de la semaine, ce qui permettait le cas échéant à l'appelante d'occuper un autre emploi ;
Que surtout, la salariée ne produit aucun élément sur sa situation personnelle pendant la période litigieuse alors qu'elle n'a pas travaillé pour l'intimée pendant de longues périodes représentant 121 jours ouvrables en 2002, 152 jours ouvrables en 2003 et 144 jours ouvrables en 2004 ;
Que les deux attestations qu'elle produit, émanant de collègues de travail manquent à la fois de précision et d'objectivité et sont insuffisantes à établir la preuve de cette disposition permanente ; Qu'en conséquence, Emilie Y... qui ne conteste pas avoir été dûment rémunérée pour le travail effectivement accompli, sera déboutée de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet et donc de sa demande de régularisation auprès des caisses de retraite qui en est le corollaire ;

Attendu qu'en revanche, le fait d'avoir été maintenue pendant de nombreux mois dans une situation professionnelle instable lui a nécessairement causé un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'octroi des indemnités de précarité perçues au terme de chaque contrat et qui lui restent acquises nonobstant la requalification ; qu'au regard des éléments suffisants dont la cour dispose, il sera alloué 3500 euros à ce titre à l'appelante ;
Attendu que sur l'ancienneté il y a lieu d'appliquer l'article 24 de la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM qui stipule « on entend par ancienneté le temps écoulé depuis la date d'entrée en fonction, sans exclusion des périodes de suspension du contrat de travail telles que prévues par le code du travail » ; que Emilie Y... doit donc se voir reconnaître une ancienneté depuis le 31 janvier 2002 alors qu'au vu des bulletins de salaire produits, LA POSTE ne lui reconnaît qu'une ancienneté à compter du 17 janvier 2005 ;
Que la cour ne disposant pas des éléments nécessaire pour chiffrer les éventuelles conséquences de cette ancienneté sur la rémunération de l'intéressée, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats sur ce point, les parties étant invitées à présenter toutes observations utiles et le cas échéant le chiffrage détaillé des sommes dues à ce titre ;
Attendu que sur les avantages conventionnels : – l'article 84 de la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM stipule que « les agents contractuels bénéficient des dispositions relatives à l'habillement dans les conditions fixées par chaque exploitant » ; qu'en l'espèce, la salariée ne produisant aucun élément à l'appui de sa demande, elle en sera déboutée ;

– l'article 6 du relevé d'engagement annexé à la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM relatif aux prestations financières stipule : « les agents contractuels sous contrat de travail à durée indéterminée ont droit à la gratuité de la carte bleue internationale VISA ; ces mêmes agents contractuels bénéficient de la prime de fidélité des CCP et de l'accès à tarif préférentiel au service Vidéoposte dans les conditions fixées pour les fonctionnaires ; ces prestations sont accordées à l'issue de la période d'essai et sous réserve de la domiciliation du salaire sur un compte chèque postal » ; qu'en l'espèce, Emilie Y... ne justifie pas de la réalisation de cette condition de telle sorte qu'elle doit être déboutée de ce chef de demande ;

– l'article 5 du relevé d'engagement annexé à la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM relatif aux prestations financières stipule : « les agents sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, bénéficient de l'attribution d'un poste de continuité de service ; les agents sous contrat de travail à durée indéterminée à temps incomplet et sous contrat de travail à durée indéterminée intermittent bénéficient de la gratuité de l'abonnement et des frais forfaitaires d'accès au réseau ; les agents contractuels ingénieurs et cadres supérieurs bénéficient de l'attribution d'un poste de service ; l'ensemble de ces prestations est accordé à l'issue de la période d'essai » ;

Qu'eu égard à la requalification de la relation contractuelle Emilie Y... peut donc prétendre à la prestation prévue au premier alinéa de ce texte au prorata des périodes pendant lesquelles elle a travaillé à temps complet soit : • du 31 janvier au 9 février 2002 • du 18 au 26 février 2002 • du 21 au 28 mars 2002 • du 3 au 8 avril, du 11 au 19 avril, du 23 au 27 avril 2002 • du 6 au 11 mai 2002 • du 28 mai au 8 juin 2002 • du 29 août au 13 septembre 2002 • du 4 au 10 novembre 2003 • du 17 au 21 novembre 2003 • du 15 au 24 décembre 2003 • du 16 au 22 juin 2004 • du 18 au 31 décembre 2004,

et pour le reste du temps elle peut prétendre à la prestation prévue au second alinéa de cet article ;
Que la cour ne disposant pas des éléments nécessaires pour chiffrer les sommes qui lui sont dus à ce titre il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats également sur ce point, les parties étant invitées à présenter toutes observations utiles et le chiffrage détaillé des sommes dues de ce chef ;
Attendu que la mesure d'affichage n'étant pas de nature à réparer le préjudice subi par Emilie Y..., elle sera déboutée de ce chef de demande ;
Attendu que LA POSTE assumera les dépens de première instance et d'appel et ne peut donc prétendre à indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile mais sera en revanche condamnée à payer à Emilie Y... 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :
Infirme le jugement de départage rendu le 5 février 2008 par le conseil de prud'hommes d'ALBI,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Requalifie la relation contractuelle entre Emilie Y... et LA POSTE en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 janvier 2002,
Dit et juge que LA POSTE doit lui reconnaître une ancienneté à compter de cette date,
Condamne LA POSTE à payer à Emilie Y... les sommes de : – 3000 euros à titre d'indemnité de requalification, – 3500 euros à titre de dommages et intérêts – 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à titre de dommages et intérêts,

Avant dire droit sur les conséquences financières liées à l'ancienneté et à la requalification :

Réouvre les débats le mardi 22 septembre 2009 à 8 heures 30 et invite les parties à présenter toutes observations utiles et le cas échéant à chiffrer en sommes brutes le montant brut des rappels de rémunérations dues au titre de l'ancienneté ainsi qu'au titre des prestations téléphoniques,
Déboute Emilie Y... de ses autres demandes,
Condamne LA POSTE aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffier, Le président,
P. MARENGOB. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 684
Date de la décision : 29/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Albi, 05 février 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-10-29;684 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award