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29/10/2008 | FRANCE | N°664

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 29 octobre 2008, 664


29 / 10 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 01785
BB / MB

Décision déférée du 21 Février 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-05 / 01253
V. MAURY X...

Sarmena Y...

C /

ASSOCIATION " JARDIN D'ENFANTS TOULOUSAIN "

RÉFORMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANTE

Madame Sarmena Y...
...
31540 ST JULIA

représentée par Me

Grégory VEIGA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008 / 006280 du 18 / 06 / 2008 accordée par le bureau d'aid...

29 / 10 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 01785
BB / MB

Décision déférée du 21 Février 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-05 / 01253
V. MAURY X...

Sarmena Y...

C /

ASSOCIATION " JARDIN D'ENFANTS TOULOUSAIN "

RÉFORMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANTE

Madame Sarmena Y...
...
31540 ST JULIA

représentée par Me Grégory VEIGA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008 / 006280 du 18 / 06 / 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

ASSOCIATION " JARDIN D'ENFANTS TOULOUSAIN "
...
31400 TOULOUSE

représentée par Me Claude YEPONDE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

B. BRUNET, président
C. CHASSAGNE, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame Sarmena Y...a été embauchée par l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " le 6 janvier 1997 en qualité d'animatrice jeunes enfants dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Madame Y...a été licenciée pour faute grave le 11 avril 2005 (retards et absences, défaut d'assiduité aux formations pédagogiques, utilisation frauduleuse du nom de l'association, pressions sur les membres du personnel pour qu'ils prennent partie, contestation de l'autorité de la directrice, abandon de poste, mésentente et perte de confiance, soustraction de documents internes à la structure, pressions sur les membres du personnel...).

Contestant son licenciement, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulouse le 2 mai 2005.

Par jugement en date du 21 février 2007, le Conseil de Prud'hommes a considéré :
- que l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " démontre la réalité des faits qu'elle reproche à Madame Sarmena Y...;
- que Madame Sarmena Y...n'a pas tenu compte des diverses mise en garde qu'elle avait reçues ;
- que le licenciement de la salariée reposait bien sur une faute grave et qu'il y avait lieu de débouter Madame Sarmena Y...de l'ensemble de ses demandes.

Madame Y...a régulièrement interjeté appel de cette décision le 21 mars 2007.

Dans ses explications orales reprenant ses conclusions écrites Madame Sarmena Y...expose :
- que jusqu'en 2004 ses qualités humaines et professionnelles n'ont pas cessé d'être louées ;
- que la situation s'est dégradée lorsqu'elle a formulé des suggestions dans l'intérêt des enfants et a tenté de contribuer à l'amélioration du fonctionnement du jardin d'enfants ;
- qu'à partir de cet instant elle a subi un véritablement harcèlement ;
- que la décision déférée sera réformée ;
- que la décision de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " était arrêtée bien avant l'entretien préalable ; que la présidente s'est faite assister par son mari lors de son entretien préalable ; que ce dernier n'a cessé de perturber l'entretien ; qu'elle a subi un préjudice.

En conséquence, sollicite Madame Sarmena Y...voir notre Cour :

" Réformant intégralement le jugement rendu le 21 février 2007 par le Conseil de Prud'hommes de Toulouse ;
Annuler l'avertissement abusif prononcé en janvier 2005.
Condamner l'association J E. T. à verser à Madame Y...une indemnité de 1. 223 € pour non-respect de la procédure de licenciement.
Condamner l'association J. E. T. à verser à Madame Y...une indemnité de préavis d'un montant de 2. 446 €, ainsi qu'une somme de 244, 46 € au titre des congés payés sur préavis.
Condamner l'association J. E. T. à verser à Madame Y...une indemnité de 14. 676 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamner l'association J E. T. à verser à Madame Y...une indemnité de 7. 338 € en réparation du préjudice distinct résultant des circonstances abusives et vexatoires de la rupture.
Condamner l'association J. E. T. à verser à Madame Y...une indemnité de 7. 338 € pour harcèlement moral.
Condamner l'association J E. T. à verser à Madame Y...une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les honoraires proportionnels résultant des dispositions de l'article 10 du décret no 96-1060 du 12 décembre 1996 modifié par le décret no 2001-12 du 8 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale en cas de recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir. "

Dans ses explications orales reprenant ses conclusions écrites l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " expose :
- que Madame Sarmena Y...qui souhaitait se consacrer à une association qu'elle venait de créer n'a eu de cesse que de se faire licencier ;
- que Madame Sarmena Y...a tout fait pour impliquer le personnel de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " dans le conflit existant entre sa fille et son ex-beau fils à propos de leur fille, par ailleurs, inscrite au JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ;
- qu'aucun membre de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " n'a demandé à Madame Sarmena Y...de reprendre ses affaires le jour de sa mise à pied conservatoire ;
- que M. B...est membre du conseil d'administration et pouvait en cette qualité participer à l'entretien préalable ;
- que les faits sont établis ;
- qu'il n'y a eu aucun harcèlement moral ;
- qu'il y a lieu à confirmation.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Il y a lieu de constater que :
- la déclaration d'appel a été signée par un mandataire avocat ou avoué,
- la déclaration d'appel est intervenue dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision déférée, conformément aux dispositions de l'article R1461-1 du Code du travail, la date de l'appel formé par lettre recommandée étant celle du bureau d'émission,
- le jugement déféré est susceptible d'appel dans les conditions de l'article R1462-1 du Code du travail, la valeur totale des prétentions de l'une des parties, à l'exclusion de la seule demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale, dépassant le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes, soit 4000 €.

En conséquence, l'appel est recevable.

Madame Sarmena Y...sollicite l'annulation de l'avertissement du 8 janvier 2005. Cet avertissement est motivé par le fait pour Madame Sarmena Y...d'avoir contrefait un papier à en tête du JARDIN D'ENFANTS TOULOUSAIN et écrit une attestation " à usage de " sa " fille dans le cadre de la procédure l'opposant à son ex-compagnon ". Or, il résulte de l'examen du document incriminé que celui-ci a été signé par la directrice ; si bien, que les motifs de l'avertissement sont formellement inexacts. En réalité, il est reproché dans les écritures à Madame Sarmena Y..., non pas d'avoir contrefait le papier à en tête de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " mais d'avoir fait pression sur la directrice pour que celle-ci accepte de signer l'attestation en question. Dès lors que le motif invoqué dans l'avertissement est matériellement inexact et que la directrice, sous les ordres de la quelle Madame Sarmena Y...était, a signé l'attestation litigieuse, il ne peut être reproché à Madame Sarmena Y...aucune faute. L'avertissement doit être annulé.

La lettre de licenciement est ainsi motivée : " Lors de notre entretien du vendredi 1er avril 2005, nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre.
Nous vous rappelons que ceux-ci sont les suivants :
Nombreux retards et absences ;
Défaut d'assiduité aux réunions pédagogiques ;
L'utilisation abusive et frauduleuse du nom de l'association à des fins privées, notamment en rédigeant à l'en-tête de l'association une attestation destinée à être produite en justice par votre fille dans le cadre d'une procédure l'opposant à son ex-compagnon à propos de l'autorité parentale relative à leur fille ;
Pressions sur les membres du personnel pour qu'ils prennent partie dans le litige opposant votre fille à son ex-compagnon ;
Diffusion auprès du personnel de notre établissement d'accusations infondées et alarmantes visant le fonctionnement de la structure et soins prodigués aux enfants ;

Contestation de l'autorité de la directrice du Jardin d'Enfants et du projet pédagogique (défini en commun) que vous n'appliquez pas ; notamment en abandonnant le groupe d'enfants dont vous avez la charge pour aller chercher et vous occuper exclusivement de votre petite fille confiée à un autre groupe ;
Le 8 mars 2005, à 14h30, vous avez brutalement abandonné votre poste alors que la directrice et moi-même vous demandions de vous expliquer sur votre refus réitéré de respecter les directives pédagogiques. Plus grave, lors de votre départ, vous avez emmené votre petite fille en dehors des sorties réglementaires que vous connaissez et sans l'autorisation de la directrice et des parents : Votre fille a d'ailleurs appelé 1 heure plus tard pour demander pourquoi sa fille était à la maison et non pas au Jardin d'Enfants.
Mésentente et perte de confiance consécutives à ces faits et nuisant gravement à la poursuite de relations normales de travail ;
Après votre mise à pied, vous êtes revenue dans l'établissement et avez sans autorisation emmené des documents pédagogiques internes à la structure ;
Après l'entretien préalable, au moyen d'appels téléphoniques, pressions exercées sur les membres du personnel pour tenter d'obtenir leur soutien dans votre action contre les organes de direction de notre association ;
Compte tenu des faits qui vous sont reprochés, nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre association. Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de notre structure, même pendant un préavis.
Nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez de faire partie du personnel de notre association à première présentation de cette lettre. Votre certificat de travail (et tout document nécessaire à votre inscription en tant que demandeur d'emploi) est tenu à votre disposition, ainsi que les sommes vous restant dues à ce jour. "

Il y a lieu, tout d'abord, de constater que le grief tenant à l'utilisation abusive et frauduleuse du nom de l'association à des fins privées avait déjà donné lieu à exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur le 8 janvier 2005 ; sur ce point l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire. Au surplus, l'avertissement vient d'être annulé et les faits l'ayant motivé ne peuvent être invoqués comme des précédents.

Les retards et absences invoqués se sont déroulés, à les supposer exacts, sur une période de 3 ans. Les retards invoqués par l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ", au regard de la date des faits, sont tous prescrits. Les absences non couvertes par la prescription invoquées par l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " ne sont étayées par aucun moyen de preuve fiable, précis. Elles n'ont donné lieu à aucun autre avertissement que celui du 7 septembre 2001 qui est couvert par la loi d'amnistie du 6 août 2002. Or, il résulte des dispositions de la loi que les faits retenus avant cette date ou susceptibles de l'être comme motifs de sanction ne pouvaient plus provoquer de sanction, que l'avertissement ne peut plus être mentionné, que le fait qui a entraîné la sanction ne peut plus être invoqué par l'employeur. Par ailleurs, les attestations établies par la directrice concernent pour la plupart des faits prescrits (antérieurs au 12 janvier 2005 alors que les poursuites disciplinaires ont été engagées le 21 mars 2005), mêlent périodes de maladie et périodes d'absence.

Les absences de mars 2005 sont dues à des arrêts de travail justifiés.

Madame Sarmena Y...expose, sans être démentie sur ce point, que ses absences du 28 février, des 1er, 2 et 3 mars 2005 étaient justifiées par le mariage en Bulgarie de sa fille et que l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " avait accepté le principe de son absence. Si la détermination des dates de congés constitue une prérogative de l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, si rien n'autorise un salarié à prendre ses congés sans s'être concerté avec son employeur, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " n'apporte aucune réponse à l'argument de Madame Sarmena Y...relatif à la raison de son absence et à l'accord de principe donné par l'employeur. En outre, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " n'apporte aucun élément de nature à établir que l'absence en question, imprévue et imprévisible, a perturbé la bonne marche du service et qu'elle a été obligée de prendre dans l'urgence des mesures de réorganisation. Enfin, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " ne démontre pas que, en son sein, les demandes de congés étaient formalisées par écrit et donnaient lieu à réponse écrite systématique de l'employeur. Le grief tiré des retards et absences ne peut être retenu.

Le défaut d'assiduité aux réunions pédagogiques n'est pas précisé dans les conclusions de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " ; aucun élément sur ce point n'est produit par l'employeur qui ne met pas en mesure notre Cour d'exercer son contrôle en précisant quelles sont les réunions aux quelles Madame Sarmena Y...conviée n'a pas participé et qui, au surplus, n'apporte pas la preuve de ses allégations.

L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " reproche à Madame Sarmena Y...un abandon de poste, la contestation de l'autorité de la directrice et du projet pédagogique, l'abandon d'un groupe d'enfants ; or, les faits doivent être situés dans leur contexte. L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a accepté que la petite fille de Madame Sarmena Y...soit admise dans le jardin d'enfants ; elle a accepté que la petite fille soit intégrée dans le groupe dont Madame Sarmena Y...avait la charge. L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a accepté cette situation, alors même qu'elle expose, par ailleurs, qu'il était connu de tous qu'existait un conflit personnel très fort entre la fille de Madame Sarmena Y...et le père de l'enfant.

Il résulte des propres écritures et pièces produites par l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " que, pour des raisons sans doute rationnelles, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a pris la décision, de changer l'enfant de groupe sans en discuter au préalable avec Madame Sarmena Y.... Il apparaît, par ailleurs, que c'est au retour d'une pose que Madame Sarmena Y...a constaté le changement de groupe de l'enfant. Madame Sarmena Y..., choquée, a contesté le procédé et la décision à trois reprises et est partie en larmes avec sa petite fille chez elle à la suite d'une discussion particulièrement dure avec son employeur.

Il en ressort que l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " qui ne pouvait méconnaître, en sa qualité de professionnel, les inconvénients inhérents à la présence au sein de son établissement de la petite fille d'une de ses salariés, a cru bon d'accepter que cette dernière prenne en charge au sein de son groupe d'enfants sa petite fille, alors même qu'elle n'ignorait pas les difficultés importantes éprouvées par Madame Sarmena Y...du fait du litige opposant sa fille au père de l'enfant, à propos précisément des modalités de garde. Une fois la décision d'accepter cette situation prise, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " se devait, dès lors qu'elle constatait des dysfonctionnements au sein du service dans la prise en charge de la petite fille ou des autres enfants, d'agir avec doigté, transparence, professionnalisme. Elle ne pouvait pas humainement changer l'enfant de groupe pendant l'absence momentanée de la grand mère. Cette décision non expliquée et négociée ne pouvait que choquer Madame Sarmena Y...dans sa double qualité de professionnelle et de grand-mère et entraîner des conséquences de nature émotionnelles qui se sont, d'ailleurs, traduites par un arrêt de travail. Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer que l'émotion ressentie par Madame Sarmena Y..., son absence momentanée dans un groupe le temps d'aller chercher sa petite-fille dans un autre groupe, aient pu entraîner une quelconque situation de danger pour les enfants dont elle avait la charge. C'est le comportement peu habile et délicat de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " qui a provoqué ensuite les réactions de Madame Sarmena Y..., réactions qui lui sont reprochées et établis mais qui ont perdu, du fait du comportement de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ", leur caractère fautif et qui, en toute hypothèse ont, de ce fait, perdu de leur degré de gravité.

L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " reproche à Madame Sarmena Y...d'avoir, " après l'entretien préalable, au moyen d'appels téléphoniques " exercé des " pressions sur les membres du personnel pour tenter d'obtenir leur soutien dans votre action contre les organes de direction de notre association ". Tout justiciable a le droit de contacter les personnes avec lesquelles elle a travaillé à l'effet d'obtenir des attestations de nature à faire prévaloir sa cause ; les deux parties au contrat de travail peuvent le faire. L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ", d'ailleurs, pour sa part, ne s'en est pas privée puisque plusieurs attestations qu'elles produit, signées par des salariés, ont été écrites de la même main et qu'il est établi que l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a organisé des réunions de concertation et d'information sur l'instance prud'homale, les enjeux en découlant pour l'employeur et les preuves à apporter. Ce grief formulé en termes vagues, qui n'est établi par aucun début de preuve ne peut caractériser aucune faute commise à l'occasion de l'exécution du contrat de travail.

L'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " reproche à Madame Sarmena Y...la diffusion auprès des membres du personnel d'accusations infondées sur le fonctionnement de la structure et les soins prodigués aux enfants. L'attestation de Mme C...qui fait référence à des " accusations émises " par Madame Sarmena Y...sur le fonctionnement du jardin d'enfants, qui voulait que celle-ci aille à l'inspection du travail pour signaler des faits relatifs au fonctionnement du jardin d'enfants ne contient aucun précision sur les propos relatés, sur leur nature, sur les questions ou problèmes relevés, leur degré de crédibilité ou d'invraisemblance. Cette attestation ne permet nullement de vérifier la teneur des propos. Pas d'avantage, en ce qui concerne l'attestation de Melle D...qui indique seulement que Madame Sarmena Y...a " cassé du sucre sur le dos du jardin d'enfants ". Ces propos ne permettent pas de faire la part de ce qui découle des discussions habituelles au travail qui n'interdisent pas observations critiques et désaccords et des propos diffamatoires caractérisant une entreprise de destruction.

La perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent le cas échéant constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter. La mésentente n'est pas en soi un motif de licenciement. Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, la mésentente doit reposer sur des éléments objectifs imputables au salarié.

Dès lors que les griefs invoqués par l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " au soutien de la mésentente et de la perte de confiance ont été rejetés ou relativisés au point de leur faire perdre tout caractère fautif suffisant pour justifier un licenciement, la mésentente ou la perte de confiance alléguées ne peuvent être considérées comme reposant sur des éléments concrets imputables au salarié, et suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail. Par ailleurs, le trouble porté à la réputation de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " et aux conditions de travail n'est pas établi.

Il est reproché à Madame Sarmena Y...d'être revenue sur le lieu de travail et d'avoir à cette occasion emmené des documents pédagogiques internes à la structure. Or, si Madame Sarmena Y...a reconnu être revenue le lendemain de sa mise à pied conservatoire sur les lieux de son travail, elle a soutenu l'avoir fait parce qu'au moment de la notification de la mesure disciplinaire en question, elle n'a pas pu récupérer ses effets personnels qui se trouvaient dans une pièce où les enfants dormaient. Elle a exposé être revenue le lendemain, non pour dérober des documents internes à l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ", mais pour prendre des notes personnelles. Par ailleurs, Madame Sarmena Y...justifie de ce qu'elle a très rapidement proposé à l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " de lui restituer les notes en question, restitution que l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a refusée. Il apparaît, donc, que rien ne permet de considérer que le retour de Madame Sarmena Y...dans l'entreprise avait un but malveillant et ne trouvait pas une explication naturelle dans le fait que les circonstances de son départ précipité ne lui avaient pas permis de prendre avec elle toutes les pièces personnelles qu'elle entendait récupérer. Au demeurant, en refusant tout principe même de restitution, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " a mis Madame Sarmena Y...dans l'impossibilité de rapporter la preuve de ce que les pièces emportées n'étaient pas des documents internes. En conséquence, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " ne rapporte pas la preuve de ce que Madame Sarmena Y...a emporté des documents internes à l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS ".

Pour l'ensemble de ces raisons, la Cour estime que les faits sont soit prescrits, soit déjà sanctionnés, soit non établis, soit insuffisants pour caractériser une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise durant la durée du préavis, ou même pour caractériser une faute simple de nature à justifier une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La décision déférée qui a dit que le licenciement pour faute grave était fondée sera, donc, entièrement réformée.

Le Code du travail donne du harcèlement moral la définition suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav., art. L. 122-49 / recod. C. trav., art. L. 1152-1). Le premier élément constitutif réside dans le caractère répétitif, récurrent des agissements coupables, la conjonction et la répétition des faits incriminés constituant un harcèlement moral.

Cette précision concernant l'exigence d'actes répétitifs permet d'écarter des situations voisines telles que le licenciement entouré de circonstances vexatoires ou de situations conflictuelles uniquement à l'occasion de son prononcé.

En l'espèce, il n'apparaît nullement que Madame Sarmena Y...a été victime d'actes de harcèlement. Les éléments produits démontrent une difficulté mal gérée qui a dégénéré et qui a abouti à des stratégies ayant pour objet de conforter les positions des deux parties qui savaient que le licenciement était inéluctable. Le fort contentieux et les dérapages qui s'en sont suivis, de part et d'autre, à l'occasion de la mise en oeuvre du licenciement ne comportent aucun des éléments constitutifs du harcèlement. Ils sont seulement la marque d'un désaccord total.

L'entretien préalable peut parfaitement se dérouler en présence d'un administrateur de l'association employeur ; la seule limite est que le nombre des personnes assistant l'employeur ne transforme pas l'entretien en instance de jugement. En l'espèce, Madame Sarmena Y...a été assistée, alors que deux personnes étaient présentes au côté de l'employeur. Cette simple disparité ne permet pas de considérer qu'il y a eu une violation de la procédure.

Il y a lieu de faire droit aux demandes justifiées et fondées de Madame Sarmena Y...tendant à voir l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " condamnée à lui verser 2446 € à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 244, 46 € au titre des congés payés y afférents.

Par ailleurs, la Cour trouve dans les documents produits et dans les faits de la cause, des éléments suffisant lui permettant, eu égard à l'ancienneté de Madame Sarmena Y..., à son salaire, à ses perspectives de retrouver un emploi, de réparer le préjudice subi par elle du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse par l'allocation de la somme de 11. 000 €.

Madame Sarmena Y...sollicite une somme supplémentaire au titre de la réparation du préjudice subi du fait des circonstances vexatoires de la rupture. Sur ce point, il y a lieu de considérer que le comportement inutilement brutal de l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " à l'occasion du licenciement de Madame Sarmena Y...lui a occasionnée un préjudice distinct de celui qui a été réparé au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il y a lieu de réparer ce chef de préjudice par l'allocation de la somme de 3000 €.

L'article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en remette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. En l'espèce, l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " succombant sur la majorité des points supportera les dépens d'appel.

Madame Sarmena Y...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; son avocat ne demande pas application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; Madame Sarmena Y...n'invoque pas le fait qu'elle a dû exposer des frais autres que ceux qui sont couverts par l'aide juridictionnelle. En conséquence, par application de l'article 32 de la loi précitée, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant comme il est dit ci dessus,

Déclare recevable l'appel de Madame Sarmena Y...;

Dit que la procédure est régulière ;

Au fond, dit l'appel fondé, réforme la décision déférée et statuant à nouveau :
- Annule l'avertissement du 8 janvier 2005 ;
- Dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une faute simple ;
Condamne l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " à verser à Madame Sarmena Y...:
- la somme de 2446 € à titre d ‘ indemnité compensatrice de préavis et la somme de 244, 46 € au titre des congés payés sur préavis ;
- la somme de 11. 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour les conditions dans lesquelles est intervenu le licenciement ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne l'ASSOCIATION " JARDINS D'ENFANTS TOULOUSAINS " aux dépens ; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Constate que Madame Sarmena Y...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MARENGOB. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 664
Date de la décision : 29/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 21 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-10-29;664 ?
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