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29/10/2008 | FRANCE | N°370

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0035, 29 octobre 2008, 370


29 / 10 / 2008

ARRÊT No

NoRG : 06 / 05911
CB / AT

Décision déférée du 08 Décembre 2006- Tribunal de Commerce d'ALBI-2006000101
ROLLAND X...

SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...
Edouard Z...
représentés par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

C /

SA BNP PARIBAS
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI

Confirmation partielle

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT NEUF O

CTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (E / S)

SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...
Laborie
81600 GAILLAC

Monsieur Edouard Z...
Domaine de Hourtets
81600 G...

29 / 10 / 2008

ARRÊT No

NoRG : 06 / 05911
CB / AT

Décision déférée du 08 Décembre 2006- Tribunal de Commerce d'ALBI-2006000101
ROLLAND X...

SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...
Edouard Z...
représentés par la SCP DESSART-SOREL-DESSART

C /

SA BNP PARIBAS
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI

Confirmation partielle

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (E / S)

SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...
Laborie
81600 GAILLAC

Monsieur Edouard Z...
Domaine de Hourtets
81600 GAILLAC
représentés par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistés de la PALAZY-BRU, VALAX, CULOZ, REYNAUD, avocats au barreau d'ALBI

INTIME (E / S)

SA BNP PARIBAS
...
75009 PARIS
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour
assistée de Me A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

D. VERDE DE LISLE, président
C. BELIERES, conseiller
C. COLENO, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRET :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par C. BELIERES, conseiller, pour le président empêché, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...(CVO) qui exerce une activité de négoce en gros de boissons a reçu plusieurs commandes de bouteilles de vins de GAILLAC de la société de droit espagnol GIM CARGO
-le 18 / 08 / 2004 d'un montant de 274. 650 €, livrée du 31 / 08 / 2004 au 8 / 09 / 2004, qui a fait l'objet le 19 août 2004 d'une garantie bancaire par la compagnie CORSA FINANCES à hauteur de cette somme, ultérieurement substituée par l'aval consenti par cette même société d'une lettre de change de même montant tirée sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO le 1er septembre 2004 à échéance du 31 décembre 2004
- le 22 septembre 2004 d'un montant de 150. 625 € livrée les 26 et 27 octobre 2004 qui a fait l'objet le 4 novembre 2004 d'une lettre de change de même montant tirée sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO à échéance du 28 février 2005 avalisée par la société EUROPEAN COMPAGNY OF GUARANTEE (ECG)
- le 19 novembre 2004 d'un montant de 205. 500 € livrée du 8 au 14 décembre 2004 qui a fait l'objet le 31 janvier 2005 d'une lettre de change de même montant tirée sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO à échéance du 31 mars 2005 avalisée par la société ECG.
Aucun de ces trois effets de commerce n'a été honoré à leur échéance respective.
La SA BNP PARIBAS avait successivement débloqué au profit de la SARL CVO au titre de la première commande les sommes de 90. 000 € le 30 / 09 / 2004 puis 20. 000 € le 5 / 11 / 2004 et 20. 000 € le 10 / 11 / 2004 et lui avait fait souscrire à ces mêmes dates trois lettres de change de ces montants respectifs, à son ordre et dont chacune des échéances était fixée à la date unique du 8 janvier 2005.
A cette dernière date, ces traites non honorées ont été prorogées par la création le 10 janvier 2005 d'une nouvelle traite de 130. 000 € émise sur la SARL CVO revêtue de l'aval de M. Edouard Z..., mari de la gérante, à échéance du 20 janvier 2005 qui est également restée impayée à cette date
Les mises en demeure adressées le 5 juillet 2005 aux deux signataires sont restées infructueuses.

Par acte du 27 décembre 2005 la SA BNP PARIBAS a fait assigner la SARL CVO et M. Edouard Z...devant le tribunal de commerce d'ALBI en paiement de la lettre de change du 10 janvier 2005, dommages et intérêts et remboursement des frais irrépétibles.
Par voie de conclusions les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle en déclaration de responsabilité de la banque et indemnisation des préjudices subis chiffrés à 630. 675 € pour manquement à son devoir d'information et de conseil à l'occasion de la prise à l'escompte des trois lettres de change tirées le 1 / 09 / 2004, 4 / 11 / 2004 et 31 / 01 / 2005 sur la société de droit espagnol GIM CARGO.
Par jugement du 8 décembre 2006 cette juridiction a
-condamné solidairement la SARL CVO et M. Edouard Z...à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 130. 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2005
- dit que la demande reconventionnelle n'est justifiée qu'en ce qui concerne la mobilisation de créances relative à la première traite tirée sur GIM CARGO et avalisée par CORSA FINANCE
-condamné la SA BNP PARIBAS à payer à la SARL CVO la somme de 130. 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal
-constaté la compensation légale entre les créances réciproques des parties et les a déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-laissé les entiers dépens à la charge de la SA BNP PARIBAS.

Le tribunal a considéré, sur la demande reconventionnelle, que la BNP PARIBAS avait pris les trois traites tirées sur GIM CARGO à l'encaissement et non à l'escompte, que cette banque avait engagé sa responsabilité en consentant un crédit garanti par une traite émise (le 10 / 01 / 2005) sur mobilisation d ‘ une créance douteuse (commande du 18 / 08 / 2004 et traite du 1 / 09 / 2004 à échéance du 31 / 12 / 2004), elle-même avalisée par un organisme financier ne bénéficiant pas de la couverture du Fonds de Garantie alors qu'elle était en capacité de savoir que le paiement par le débiteur principal à l'échéance n'était pas intervenu et que l'avaliste n'était pas sûr.
Il a, en revanche, retenu que les créances qui ont causé l'émission des deux dernières traites étaient nées de commandes et livraisons successives de septembre à décembre 2004 de sorte que l'attitude de la banque est resté étrangère à la poursuite et l'intensification des relations commerciales et qu'elle ne peut se voir reprocher un manquement à son devoir d'information et de conseil puisque le communiqué de la commission de contrôle des assurances relatif à la société ECG est en date du 19 avril 2005 seulement.

Par actes du 21 décembre 2006 et 24 janvier 2007 enregistrés au greffe sous les numéros 06 / 05911 et 07 / 00418, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SARL CVO et M. Edouard Z...d'une part et la SA BNP PARIBAS d'autre part ont respectivement interjeté appel général de cette décision.
Par ordonnance du 27 mars 2007 le magistrat de la mise en état a prononcé la jonction de ces deux instances d'appel.

MOYENS DES PARTIES

La SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...et M. Edouard Z...dans leurs dernières écritures du 2 juin 2008 concluent à l'infirmation du jugement déféré en ses dispositions relatives à la demande reconventionnelle et sollicitent de
-condamner la SA BNP PARIBAS à payer à la SARL CVO la somme de 630. 675 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance respective de chacun des effets litigieux tirés sur GIM CARGO
-constater la compensation légale entre les créances réciproques des parties
-condamner en conséquence la SA BNP PARIBAS à payer à la SARL CVO le solde restant du
-ordonner la capitalisation des intérêts par années entières
-condamner la SA BNP PARIBAS à leur payer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-mettre les entiers dépens à la charge de la banque.

Ils exposent que la garantie financière donnée le 19 / 08 / 1994 par CORSA FINANCES a été remplacée par l'aval consenti par cette même société sur la lettre de change du 1er septembre 2004 tirée sur la société de droit espagnol GIM CARGO pour 274. 650 € à la demande de la SA BNP PARIBAS.
Ils soulignent que la banque n'a émis aucune réserve sur la solvabilité du tiré ou de l'avaliste et a escompté l'effet conformément à la lettre valant convention cadre qui lui a été adressée le 30 septembre 2004 par sa cliente sans émettre la moindre objection.
Ils indiquent qu'en raison de cet accord pour la prise à l'escompte des effets tirés sur la société GIM CARGO et de la confiance ainsi manifestée par sa banque, la SARL CVO a ultérieurement augmenté ses ventes auprès de cet acheteur qui ont donné lieu à deux autres lettres de change sur cette société de droit espagnol avalisées par la société ECG.
Ils soulignent que c'est dans le cadre de ces opérations d'escompte qu'ils ont eux-même accepté et avalisé la lettre de change litigieuse du 10 janvier 2005.
Ils précisent qu'ils ignoraient que la société CORSA FINANCES n'était pas un établissement de crédit agréé au ROYAUME UNI et n'était donc pas soumise au contrôle de la FINANCIAL SERVICES AUTHORITY de sorte que les engagements pris par cette société ne bénéficaient pas de la couverture du fonds de garantie prévue par l'article L 313-50 du code monétaire et financier.
Ils ajoutent qu'il en était de même pour la société ECG qui, par ailleurs, avait le même dirigeant, le même siège social, la même délégation en Espagne, le même bureau commercial à PARIS.
Ils soutiennent que cette donnée cruciale de l'absence de crédibilité des garanties produites était détenue par la BNP PARIBAS comme provenant, notamment du CCAMIP et qu'en ne lui donnant pas connaissance du communiqué du 15 juillet 2002 elle a incontestablement failli à son devoir d'information et de conseil à l'occasion de la prise à l'escompte des trois effets tirés sur la société GIM CARGO laissant à penser qu'elle accordait toute sa confiance aux avalistes.

Ils prétendent que cette faute est source de préjudice puisque la SARL CVO a accepté de très importantes commandes et se trouve aujourd'hui en possession de trois effets impayés pour un montant total de 630. 675 €.
Ils soutiennent que l'analyse de la convention cadre conclue avec la SA BNP PARIBAS le 30 septembre 2004, les correspondances échangées et les bordereaux versés aux débats confirment que cette banque a pris successivement à l'escompte chacun des effets tirés sur la société GIM CARGO dans les jours qui ont suivi leur émission respective.

Ils prétendent que la réalité de cet escompte se déduit des mentions de l'endossement des effets litigieux qui, en l'absence de réserve, ne peut être qualifié que d'endossement translatif et souligne que la mention " valeur en recouvrement " n'a pas été portée par la SARL CVO mais par la banque qui dans un courrier adressé le 7 février 2005 à CORSA FINANCES invoquait sa qualité de porteur de l ‘ effet litigieux en raison de son escompte.
Ils font remarquer avoir informé la SA BNP PARIBAS du premier effet tiré sur GIM CARGO dès le 7 septembre 2004 lequel a été remis à la banque par endossement dès le 30 septembre 2004, de sorte qu'en sa qualité de porteur de l'effet escompté, il lui appartenait d'aviser sa cliente de la totale absence de crédibilité du garant ou pour le moins du contenu du communiqué de la CCAMIP du 15 juillet 2002.
Ils affirment qu'une telle information lui aurait permis d'appréhender la marchandise à peine livrée ou en cours de livraison chez le client espagnol au titre de la première commande et d'interrompre ses relations commerciales avec ce partenaire à la solvabilité pour le moins douteuse.
Ils estiment que le préjudice subi est composé de la perte subie du chef de la première vente (soit 274. 650 €) mais aussi des deux suivantes (soit 356. 125 €) qui n'auraient jamais eu lieu sans la confiance que la carence de la banque lui a inspiré.

Ils s'opposent à tout sursis à statuer en application de l'article 4 du code de procédure pénale dès lors que la présente instance initiée contre la banque est dictincte de l'action civile en réparation du dommage causé par la plainte pour escroquerie déposée à l'encontre des société CORSA FINANCES et ECG.

La SA BNP PARIBAS dans ses dernières écritures du 29 mai 2008 conclut à
-l'infirmation du jugement déféré relativement à la demande reconventionnelle de la SARL CVO
-sa confirmation pour le surplus sauf à dire que les intérêts courent au taux légal à compter du 20 janvier 2005, date d'échéance de la lettre de change du 10 janvier 2005 restée impayée.
Elle demande de
-dire qu'elle n'a commis aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ni en lui consentant un crédit de mobilisation ni en endossant à titre de procuration les effets tirés sur la société GIM CARGO
-dire que le préjudice allégué a pour origine exclusive la faute commise par la SARL CVO en livrant des marchandises sans s'assurer préalablement de la solvabilité de cette société
-débouter cette société et M. Edouard Z...de l'intégralité de leurs demandes.
A titre infiniment subsidiaire,
- surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'instance pénale en cours devant le tribunal de grande instance de Bordeaux dans laquelle la SARL CVO s'est constituée partie civile
-se voir allouer la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le crédit avec mobilisation de créance commerciale sollicité par la SARL CVO a été réalisé non par l'escompte partiel de la lettre de change de 274. 650 € tirée sur la société GIM CARGO mais par la souscription de trois lettres de change successives de 90. 000 €, 20. 000 € et 20. 000 € représentatives de la créance mobilisée dont le montant a été porté au crédit du compte de la SARL CVO les 30 / 09, 5 et 10 / 11 / 2004 et explique que si le crédit accordé l'est en fonction des créances commerciales, ces dernières ne sont pas transférées au banquier qui ne les reçoit que dans le cadre d'un mandat en vue d'assurer leur encaissement.
Elle fait remarquer qu'au recto des trois lettres de changes de 274. 650 €, 150. 625 € et 205. 500 € tirées sur la société GIM CARGO et remises par la SARL CVO figure la mention " valeur en recouvrement " et se prévaut sur ce point des dispositions de l'article L 511-13 du code de commerce qui stipule que dans un tel cas le porteur peut exercer tous les droits dérivant de la lettre de change mais ne peut endosser celle-ci qu'à titre de procuration, ce que confirme les accusés de réception adressés à la SARL CVO qui indique que c'est en vue de leur encaissement que lesdites lettres ont été remises.
Elle souligne que les relevés de compte ne font nullement apparaître de sommes égales au montant de ces effets litigieux lors de leur remise ni à aucun moment et ajoute qu'ils ont été restituées à la SARL CVO pour lui permettre d'exercer ses recours à l'encontre de son débiteur et des avalistes de ces derniers.
Elle en déduit que tous les éléments de cause conduisent à écarter l'endossement translatif caractéristique de l'escompte qui implique la mise à disposition immédiate du client du montant des effets, déduction faite de la rémunération du banquier (intérêts et commissions) et l'absence de restitution des effets dont ce dernier est devenue propriétaire.
Elle affirme n'avoir manqué à aucune de ses obligations.
Elle souligne que lorsqu'elle a consenti ce crédit le 30 septembre 2004 elle n'avait pas connaissance de la lettre de change émise le 1 / 09 / 2004 en règlement de la créance mobilisée ni du fait qu'elle avait été avalisée par la société CORSA FINANCE et n'en a été informée que le 5 octobre 2004 lorsque cette traite lui a été remise pour encaissement et en aucun cas le 7 septembre 2004.
Elle prétend qu'en l'absence de mission spécifique elle n'était pas tenue de se renseigner sur la solvabilité de la société GIM CARGO ni lorsqu'elle a consenti le crédit de mobilisation car le remboursement dépend uniquement de la solvabilité de l'emprunteur à laquelle le banquier doit seule s'intéresser ni lorsqu'elle a pris la traite de 274. 650 € à l'encaissement car dans le cadre de sa mission de mandataire le banquier doit seulement s'assurer de l'existence ou de l'absence d'irrégularités apparentes.
Elle fait remarquer que la SARL CVO s'est elle-même dispensée d'effectuer de telles vérifications, se contentant de solliciter préalablement à l'expédition des marchandises la production d ‘ une garantie bancaire pour finalement y renoncer et livrer les marchandises sur la seule indication de la société CORSA FINANCE de ce qu'elle se porterait avaliste sur la lettre de change émise en règlement, de sorte que le préjudice allégué lui est entièrement imputable.
Elle soutient qu'elle n'était pas davantage tenue de porter à la connaissance de la SARL CVO l'information relative à la société CORSA FINANCE qui avait fait l'objet d'une large diffusion au public par la CCAMIP de sorte qu'elle ne peut prétendre avoir pu légitimement l'ignorer, d'autant que tout laisse à penser qu'elle avait connaissance de ce communiqué puisque celle-ci a accepté que la garantie financière initialement délivrée soit remplacée par un aval.
Elle en conclut que lorsqu'elle a consenti le crédit de mobilisation litigieux, elle ignorait que la lettre de change de 274. 650 € ne serait pas honorée à son échéance, la circonstance que la société CORSA FINANCE ne bénéficiait pas du fonds de garantie étant, au demeurant,

sans incidence puisque l'aval d'une lettre de change échappe en tout état de cause au mécanisme de garantie des cautions institué par l'article L 313-50 du code monétaire et financier.

Elle souligne qu'il ne saurait davantage lui être fait grief d'avoir pris à l'encaissement les deux autres lettres de change de 150. 625 € et 205. 500 € tirées sur la société GIM CARGO au motif qu'elles ont été avalisées par la société ECG dès lors que leur régularité formelle ne souffre aucune discussion et que le communiqué publié par la CCAMIP à son égard n'est que du 19 avril 2005 soit postérieurement à leur remise.

Subsidiairement, elle invoque l'absence de tout lien de causalité entre les manquements reprochés et le préjudice allégué.
Elle affirme que la communication de l'information donnée par la CCAMIP n'aurait pu avoir aucune conséquence sur le sort de la première vente puisque le 5 octobre 2004 les bouteilles étaient déjà livrées depuis près d'un mois.
Elle souligne que lorsqu'elle a pris les deux autres traites, les ventes étaient déjà conclues et les marchandises livrées et qu'aucune mise en garde n'avait été formulée par qui que ce soit à l'encontre de l'avaliste.
Elle note que la SARL CVO ne démontre aucunement le caractère réel et certain de la perte alléguée puisqu'elle n'établit pas que la société et ses avalistes successifs soient insolvables, alors que cette société a exercé des recours à leur encontre et qu'elle figure en tant que partie civile dans une instruction pénale.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale en paiement

La condamnation au paiement prononcée contre la SARL COMPAGNIE DES VINS D'Y...et M. Edouard Z...au profit de la SA BNP PARIBAS au titre de la lettre de change émise le 10 janvier 2005 pour un montant de 130. 000 € est acquise sans examen au fond, puisqu'aucune critique n'est formulée par l'une ou l'autre des parties sur ce point, aucun moyen n'étant développé à son sujet ; toutes les deux concluent, en effet, à la confirmation du jugement de ce chef.

La décision de première instance doit seulement être modifiée sur le point de départ des intérêts, ainsi que sollicité par la banque, qui doit être fixée au 20 janvier 2005, date d'échéance de la traite, en application de l'article L 511-45 du code de commerce.

Sur la demande reconventionnelle en responsabilité et indemnisation

sur la nature de l'endossement par la banque des trois lettres de change tirées sur la société GIM CARGO

L'examen des pièces versées aux débats démontre que les trois lettres de change de 274. 650 €, 150. 625 € et 205. 500 € tirées sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO ont été remises par cette société à la SA BNP PARIBAS qui les a endossées non à titre d'escompte et donc translatif de propriété mais à titre de recouvrement avec mandat d'encaisser les créances correspondantes pour son compte, conformément à l'article L 511-13 du code de commerce.

Cela ressort clairement des documents émis à ce moment là, même si certaines correspondances bancaires ultérieures, lorsque la situation est devenue contentieuse, ont pu contenir des termes inappropriés pouvant prêter à confusion.

Aucune convention cadre n'a été conclue entre parties au sujet de ces trois traites ; la lettre du 30 / 09 / 2004 émanant de la seule SARL CVO ne peut être qualifiée comme telle au regard des autres données objectives.

La lecture des copies de ces traites révèle, en effet, que sur chacune d'elles figure le cachet de la BNP PARIBAS avec la mention " PAYEZ A L'ORDRE DE TOUTE BANQUE VALEUR EN RECOUVREMENT ".

Sur les bordereaux de remise des deux premières traites (seuls produits) avec accusé de réception, libellés de façon manuscrite le jour même, la case " encaissement " est cochée.

L'analyse attentive des relevés du compte courant de la SARL CVO depuis le 31 / 08 / 2004 atteste que le montant de ces trois traites n'a jamais été porté au crédit de la société.

Cette société en détient d'ailleurs à ce jour les originaux et par courrier du 21 juillet 2005 indiquait avoir engagé des poursuites en recouvrement devant les tribunaux espagnols compétents au civil, preuve qu'elle estimait bien en avoir conservé la propriété.

Les avances consenties le 30 / 09 / 2004, 5 / 11 / 2004 et 10 / 11 / 2004 par la SA BNP PARIBAS l'ont été dans le cadre de la mobilisation de créances commerciales à court terme des articles L 313-36 à L 313-41 du code monétaire et financier qui permet aux fournisseurs de financer un ensemble de créances commerciales individualisées correspondant à une facturation et une livraison effective et effectuée.

Elles ont été accordées à hauteur respectivement de 90. 000 €, 20. 000 € et 20. 000 € et ont été chaque fois matérialisées par un lettre de change acceptée par la SARL CVO à l'ordre de cette banque et inscrites au crédit du compte courant de l'entreprise en contrepartie de la remise du titre ; les références des créances ainsi partiellement mobilisées figuraient au dos à savoir l'exportation de 60. 000 bouteilles de Gaillac rouge et 40. 000 bouteilles de Gaillac blanc d'une valeur totale de 274. 650 € expédiées du 31 / 08 / 2004 au 9 / 10 / 2004 à la SA GIM CARGO ; l'effet mentionnait au recto " mobilisation de créances nées sur l " étranger ".

Ces avances figurent en crédit sur les relevés du compte courant aux dates du 7 / 10 / 04, 9 / 11 / 04 et 16 / 11 / 04 avec comme dates de valeur 30 / 09 / 04, 5 / 11 / 04 et 10 / 11 / 2004 sous le libellé " remise billet financier ".

Faute de remboursement à l'échéance prévue au 8 janvier 2005 ces sommes ont été passées en débit sur le compte le 10 janvier 2005.

Dans l'attente de recevoir paiement de la première traite tirée sur GIM CARGO tout récemment échue le 31 / 12 / 2004 une nouvelle avance a été consentie le 10 janvier 2005 à hauteur de 130. 000 € matérialisée par un lettre de change portant la même mention de mobilisation et les mêmes références de créance, tirée à la même date à échéance du 20 janvier 2005 par la SARL CVO à l'ordre de cette banque et avalisée par M. Z....

Elle figure en crédit sur les relevés du compte courant à la date du 13 / 01 / 2005 avec comme dates de valeur 10 / 01 / 2005 sous le libellé " remise billet financier ".

Faute de remboursement à l'échéance prévue au 20 janvier 2005 cette somme a été passée en débit sur le compte à cette date.

sur la responsabilité de la banque

Aucun manquement de la SA BNP PARIBAS à son devoir d'information et conseil vis à vis de la SA CVO source de préjudice pour elle ne peut être retenu.

Lors de la remise par endossement à la banque le 14 octobre 2004, date figurant au dos de cet effet de commerce, de la traite tirée le 1 / 09 / 2004 sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO et avalisées par CORSA FINANCE, l'expédition et la livraison des marchandises correspondantes étaient déjà effectuées depuis le 31 / 08, 1 / 09, 3 / 09 et 6 / 09 / 2004 ainsi que mentionné sur les factures no 2004151, 152, 153 et 154 émises le 7 septembre 2004 relatives à la commande du 18 août 2004.

Il en était de même lors de la première avance consentie le 30 septembre 2004 par la banque au titre de ces créances commerciales et a fortiori lors des deux autres avances du 5 et 10 novembre 2004 à ce même titre.

Aucun élément de la cause ne vient confirmer les dires de la SARL CVO d'une information préalable de la banque qui aurait exigé un aval au lieu d'un engagement bancaire de CORSA FINANCES.

Aucune donnée ne vient davantage étayer la transmission de la télécopie de la première traite dès le 7 septembre 2004 ; le fax communiqué porte les seuls numéros de téléphone de CORSA FINANCES et de la SARL CVO.

Lors de la première intervention de la SA BNP PARIBAS l'opération de vente était entièrement achevée, son règlement par traite avalisée avait été convenu entre parties au contrat principal et la lettre de change avait effectivement créé depuis près d'un mois.

Il ne saurait, dès lors, être fait grief à cette banque de ne pas avoir attiré l'attention de son client sur l'absence d'agrément de la société CORSA FINANCES LIMITED en tant qu'établissement de crédit au Royaume Uni et en tant qu'établissement financier au sens de la directive 200 / 12 / CE du parlement et du conseil du 20 mars 2000 ce qui excluait ses engagements du bénéfice de la couverture du fonds de garantie prévu par l'article L 313-50 du code monétaire et financier.

Ce reproche est d'autant moins fondé que le communiqué du 15 juillet 2002 de la CCAMIP faisant état de cette information n'est pas à l'adresse de professionnels spécialisés mais est un communiqué de presse à destination du public et donc largement diffusé.

Au surplus, cette absence d'agrément est, en l'espèce, dépourvue de toute incidence.
En effet, la garantie en cause concerne exclusivement les engagements de caution exigés par un texte législatif ou réglementaire visés par le décret no 99-776 du 8 septembre 1999.
Or, ni l'opération de vente conclue entre la SARL CVO et la société GIM CARGO ni la lettre de change émise en paiement et avalisée par CORSA FINANCE ne relèvent de ce dispositif.

Le grief n'est pas davantage pertinent pour la seconde lettre de change dès lors qu'elle a été créée le 4 novembre 2004 sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO et avalisées par la société ECG, qu'à cette date l'expédition et la livraison des marchandises correspondantes suivant bons de réservation du 22 / 09 / 2004 confirmés par courrier du même jour avaient déjà été effectuées depuis le 26 / 10 / 2004 ainsi que mentionné sur les bons de livraison no 2004 166, 168 et 169.
Au surplus, la banque n'a jamais consenti la moindre avance ou le moindre crédit au titre de cette opération commerciale qui était achevée lors de la remise de cette traite à la banque qui l'a endossée le 15 novembre 2004, date figurant au dos de cet effet de commerce.
En outre, indépendamment de son absence de portée ainsi que déja analysé le communiqué de la CCAMIP faisant état de l'absence d'agrément du nouvel avaliste est très largement postérieur à la création de cet effet de commerce et même à son échéance du 28 février 2005 puisqu'il est en date du 19 avril 2005 seulement.

Le même raisonnement vaut pour la troisième lettre de change dès lors qu'elle a été créée le 31 / 01 / 2005 sur la société GIM CARGO à l'ordre de la SARL CVO et avalisées par la société ECG, qu'à cette date l'expédition et la livraison des marchandises correspondantes suivant bons de réservation du 19 / 11 / 2004 confirmés par courrier du même jour avaient déjà été effectuées le 8, 10 et 14 décembre 2004 ainsi que mentionné sur bons de livraison no 2004225, 4227, 4232 du 8 décembre 2004.
La banque n'a pas davantage consenti la moindre avance ou le moindre crédit au titre de cette opération commerciale qui était achevée lors de la remise de cette traite à la banque qui l'a endossée le 10 mars 2005, date figurant au dos de cet effet de commerce.
Le communiqué de la CCAMIP au sujet de l'avaliste est également postérieur à la création et à l'échéance de cette traite au 31 mars 2005.

Ainsi, la demande reconventionnelle de la SARL CVO en déclaration de responsabilité de la banque et indemnisation doit être rejetée, en l'absence de faute démontrée de la SA BNP PARIBAS en relation de causalité directe avec le préjudice allégué.

Sur les demandes annexes

La SARL CVO et M. Z...qui succombent supporteront donc charge des dépens de première instance et d'appel ; ils ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA BNP PARIBAS la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et assurer sa représentation en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande le rejet de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré
hormis en ses dispositions relatives à la condamnation prononcée en principal au profit de la banque au titre de la lettre de change du 10 janvier 2005

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la somme de 130. 000 € allouée à la SA BNP PARIBAS et mise à la charge de la SARL COMPAGNE DES B...D'Y...et de M. Edouard Z...solidairement porte intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 2005.

- Déboute la SARL COMPAGNE DES B...D'Y...de sa demande en déclaration de responsabilité de la banque et indemnisation des préjudices subis.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

- Condamne solidairement la SARL COMPAGNE DES B...D'Y...et de M. Edouard Z...aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- Dit qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP CANTALOUBE-FERRIEU, CERRI, avoués.

Le greffier, P / Le président empêché
(Art. 456 CPC)


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 370
Date de la décision : 29/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Albi, 08 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-10-29;370 ?
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