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29/10/2008 | FRANCE | N°08/00931

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 29 octobre 2008, 08/00931


29 / 10 / 2008



ARRÊT No



No RG : 08 / 00931
CC / MB

Décision déférée du 05 Février 2008- Conseil de Prud'hommes d'ALBI-06 / 00339
J. M. X...


Pascale Y...


C /

LA POSTE

INFIRMATION ET AVANT DIRE DROIT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT

Madame Pascale Y...


...

81300 GRAULHET

représe

ntée par M. Thomas Z... (délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

LA POSTE

...

81000 ALBI

représentée par Me Emmanuel GIL, avocat au barreau d'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

L'affair...

29 / 10 / 2008

ARRÊT No

No RG : 08 / 00931
CC / MB

Décision déférée du 05 Février 2008- Conseil de Prud'hommes d'ALBI-06 / 00339
J. M. X...

Pascale Y...

C /

LA POSTE

INFIRMATION ET AVANT DIRE DROIT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT

Madame Pascale Y...

...

81300 GRAULHET

représentée par M. Thomas Z... (délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

LA POSTE

...

81000 ALBI

représentée par Me Emmanuel GIL, avocat au barreau d'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

B. BRUNET, président
C. CHASSAGNE, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE :

Pascale Y... a travaillé pour LA POSTE dans le cadre de 52 contrats de travail à durée déterminée du 11 avril 1996 au 31 octobre 1997.

Par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 3 novembre 1997, elle était embauché en qualité de « distributeur PNA » à Graulhet à temps partiel à hauteur de 15 heures par semaine.

Par avenants des 2 février et 22 mai 1998 et du 4 mai 2000, son horaire de travail était porté d'abord à 18 heures puis à 20 h 30 et enfin à 29 heures par semaine.

Par avenant du 13 octobre 2000, elle était embauchée à temps complet à partir du 16 octobre sur le poste « courrier colis (mention PNA obligatoire) agent de remplacement compartiment ».

Le 10 novembre 2006 Pascale Y... saisissait le conseil de prud'hommes d'Albi pour demander la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à partir du premier contrat de travail à durée déterminée et réclamer des dommages et intérêts.

Par jugement de départage du 5 février 2008, le conseil de prud'hommes la déboutait de l'ensemble de ses demandes au motifs que les contrats de travail à durée déterminée étaient conformes aux dispositions légales et la condamnait à verser 500 euros à LA POSTE en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée expédiée le 21 février 2008 Pascale Y... interjetait régulièrement appel de cette décision.

Pascale Y... demande à la cour de réformer le jugement pour dire et juger qu'elle a été tenue d'avril 1996 au 16 octobre 2000 dans une position contractuelle illégale exceptionnellement abusive et de requalifier les contrats de travail à durée déterminée ainsi que les contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel illégaux en contrat à durée indéterminée à temps complet et de condamner LA POSTE à lui payer :
-3900 euros à titre d'indemnité de requalification soit trois mois de salaire,
-18 673 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier liés à une exploitation exceptionnellement abusive sur le fondement des articles 1382, 1134, 1147 et 1149 du code civil,
-2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et de condamner LA POSTE :
- à régulariser sa situation auprès de la sécurité sociale et de l'IRCANTEC sous astreinte,
- à rétablir sa carrière (ancienneté et autres avantages) à compter du 11 avril 1996,
- à régulariser les rappels de salaire restant dus à compter du 1er décembre 2001,
- à publier la décision dans la revue « jourpost », le journal des postiers du Tarn.

Elle conteste le postulat de l'employeur selon lequel la signature postérieure d'un contrat de travail à durée indéterminée rendrait irrecevable toute contestation des contrats de travail à durée déterminée conclus antérieurement.

Elle maintient que les contrats de travail à durée déterminée tout comme le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et ses avenants ont été conclus en violation des règles du code du travail et de la jurisprudence et qu'elle a occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise dans la mesure où LA POSTE a un besoin permanent d'agents remplaçants pour assurer correctement sa mission.

Elle indique s'être tenue à la disposition permanente de LA POSTE sans pouvoir prévoir à quel rythme elle était amenée à travailler et qu'en l'absence de tout acte positif de rupture l'intimée, qui a failli à son obligation de lui fournir du travail, est tenue de lui payer des salaires y compris pendant les périodes d'inactivité.

Elle expose que jusqu'au mois de novembre 1997 LA POSTE l'a payée comme une débutante sans tenir compte de son ancienneté.

Elle considère qu'en la condamnant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile le premier juge a manqué de discernement.

LA POSTE conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Pascale Y... à lui payer 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les contrats de travail à durée déterminée litigieux ont été souscrits sur des périodes limitées, pour des cas de recours prévus par la loi et avec des périodes d'interruption de telle sorte qu'elle en conteste la requalification.

Elle discute le fait que la conséquence d'une éventuelle requalification serait un rappel de salaire sur la base d'un travail à temps complet car un tel rappel ne peut pas se concevoir sans travail effectif.

Elle affirme que les contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel et ses avenants respectent eux aussi les exigences légales et relève que Pascale Y... confond avenant et fiches d'activité ayant vocation à rémunérer la salariée pour d'éventuelles heures complémentaires.

Elle rappelle que l'appelante a toujours été rémunérée en proportion des heures effectivement réalisées.

Elle réfute l'affirmation selon laquelle la salariée était à la disposition permanente de l'entreprise et affirme à l'inverse que l'examen des contrats litigieux démontre qu'elle pouvait se rendre disponible pour un autre employeur.

Elle soutient au contraire que la requalification ne peut s'opérer que dans la limite de l'amplitude de travail réellement accomplie et que la charge de la preuve incombe à la salariée.

Elle relève que la salariée ne justifie pas de sa situation personnelle pendant la période pour laquelle elle réclame des indemnités alors qu'elle a participé à l'activité de son époux et LA POSTE rappelle par ailleurs, que la prescription quinquennale des salaires ne peut être contournée par l'allocation de dommages et intérêts.

Sur l'ancienneté elle relève que :

- Pascale Y... n'a pas exercé dans le délai prévu par la convention son droit d'option pour la reprise de son ancienneté dont elle fait au surplus une interprétation erronée,
- les calculs de Pascale Y... sont faux car outre qu'ils contiennent de nombreuses erreurs de calcul, ils ne tiennent compte ni des majorations d'ancienneté modifiés par les accords salariaux annuels ni du salaire minima conventionnel et ne respectent pas la règle de calcul par palier.

Sur les demandes annexes elle expose que :

- les cotisations IRCANTEC sont soumises à la prescription quinquennale et d'éventuels rappels comporteraient également des cotisations à la charge de la salariée,
- il n'est pas précisé sur quel fondement la publication de l'arrêt est réclamée alors que la nature du litige ne permet pas d'envisager ce type de mesure.

SUR QUOI :

Sur la requalification de la relation contractuelle :

Attendu qu'en application des articles L1242-1 et suivants du code du travail (soit les articles L122-1 et suivants du code du travail alors en vigueur), le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que par ailleurs le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit, transmis au salarié dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche et comporter la définition précise de son motif, à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée ;

Qu'enfin, en application de l'article L 1242-12 du code du travail (soit l'article L212-4-2 du code du travail alors en vigueur), le contrat à temps partiel doit également être conclu par écrit et mentionner la durée hebdomadaire ou le cas échéant mensuelle du travail ainsi que sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

Attendu qu'au regard de ces principes, il est manifeste que le premier juge n'a pas examiné les pièces produites ;

Qu'en effet, l'examen des contrats de travail à durée déterminée versés aux débats révèle que certains de ces contrats ont été établis bien plus de deux jours ouvrables après la date de l'embauche (contrat du 15 juillet 1996 pour une embauche des 28 et 29 juin ; contrat du 12 juin 1997 pour une embauche du 28 au 30 avril ; contrat du 28 juillet 1997 pour une embauche du 22 au 26 juillet) et que d'autres ont un motif irrégulier en l'espèce celui de pallier la vacance d'un poste suite à la démission de Mr Brando (contrats des 21 / 12 / 1996 ; 02 / 05 / 1997 ; 26 / 05 / 1997 ; 02 / 06 / 1997 ; 01 / 08 / 1997 ; 01 / 09 / 1997 ; 15 / 09 / 1997 ; 01 / 10 / 1997 ; 20 / 10 / 1997) ;

Qu'en outre la succession de 52 contrats de travail à durée déterminée en dix huit mois pour une durée totale de 540 jours pour remplacer des salariés absents uniquement au bureau de poste de Graulhet, démontre que LA POSTE a eu recours au contrat de travail à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;

Que par ailleurs, si la régularité du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu le 3 novembre 1997 et de son avenant du 4 mai 2000 n'est pas contestable dans la mesure où y figure la répartition précise des horaires de la salariée entre les jours de la semaine, tel n'est pas le cas des avenants des 2 février et 22 mai 1998 et des 76 fiches d'activité (dont certaines ne sont pas datées) qui ont augmenté la durée du travail sur des périodes variant d'un jour à une semaine, sans préciser la répartition des heures complémentaires ni d'ailleurs, dans la plupart des cas, respecter le délai de prévenance imposé par l'article L 3123-21 du code du travail ;

Que les nombreuses irrégularités constatées notamment celles relatives à la non remise des contrats dans les délais et la non répartition des horaires ont eu pour effet d'interdire à la salariée de connaître à l'avance les conditions de durée et d'horaire de son embauche et la privait de la possibilité d'occuper un autre emploi puisqu'elle devait se tenir à la disposition permanente de cet employeur envers lequel elle se trouvait en situation de dépendance financière ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces considérations il y a lieu de requalifier l'ensemble de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 11 avril 1996 ;

Que nonobstant la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet Pascale Y... a droit au regard des irrégularités des contrat de travail à durée déterminée, à une indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire ; que LA POSTE sera condamnée à lui payer 3000 euros à ce titre ;

Sur les conséquence financières de la requalification :

Attendu qu'il est constant que les salaires se prescrivent par cinq ans, ce qui prive Pascale Y... du droit de réclamer des sommes pour compenser les pertes de rémunération subies jusqu'au 1er novembre 2001 et qu'elle ne peut contourner ce principe en réclamant des dommages et intérêts ;

Qu'en revanche, le fait d'avoir été maintenue pendant de nombreux mois dans une situation professionnelle instable lui a nécessairement causé un préjudice distinct de la seule privation des salaires et de celui déjà réparé par l'octroi des indemnités de précarité perçues au terme de chaque contrat et qui lui restent acquises nonobstant la requalification ; qu'au regard des éléments suffisants, LA POSTE sera condamnée à lui payer 5400 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la prescription instaurée par l'article 2277 du code civil est une prescription libératoire extinctive, de telle sorte que les cotisations sociales afférentes à un salaire prescrit sont elles aussi nécessairement prescrites ; qu'en conséquence, Pascale Y... est mal fondée à réclamer la régularisation de sa situation au regard de la retraite, auprès du régime général de la sécurité sociale et à la caisse complémentaire IRCANTEC, puisque celle-ci suppose le versement des cotisations qui en l'espèce sont prescrites ;

Que Pascale Y... sera donc déboutée de sa demande à ce titre étant relevé qu'elle ne sollicite pas de dommages et intérêts pour la perte de ses droits à retraite ;

Attendu que sur l'ancienneté il y a lieu d'appliquer l'article 24 de la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM qui stipule « on entend par ancienneté le temps écoulé depuis la date d'entrée en fonction, sans exclusion des périodes de suspension du contrat de travail telles que prévues par le code du travail » ; qu'en application de ce texte, Pascale Y... doit se voir reconnaître une ancienneté depuis le 11 avril 1996, LA POSTE ne pouvant lui opposer un défaut d'option alors qu'elle ne justifie pas avoir mis la salariée en mesure d'exercer la dite option ;

Attendu qu'il est constant au vu des bulletins de salaire produits, que LA POSTE ne reconnaît à Pascale Y... qu'une ancienneté à compter du 16 octobre 2000, ce qui ouvre manifestement droit à un rappel de rémunération à la salariée sur la période non prescrite, y compris jusqu'à la clôture des débats, soit du 1er novembre 2001 au mois de septembre 2008 ; que tout en critiquant de façon très motivée les calculs présentés par la salariée LA POSTE ne produit pas les éléments nécessaires au calcul de la somme restant due à ce titre, ce qui doit conduire à la réouverture des débats sur ce point, les parties étant invitées à présenter des calculs détaillés à cette fin ;

Que par ailleurs, pour garantir les droits à retraite de Pascale Y... afférent à ce rappel de salaire sur la période non prescrite, LA POSTE devra procéder à toutes déclaration modificative des données sociales utiles ;

Attendu que la demande d'affichage ou de publication n'étant pas de nature à réparer les préjudices de la salariée, Pascale Y... en sera déboutée ;

Attendu que LA POSTE assumera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à Pascale Y... 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement de départage rendu le 5 février 2008 par le conseil de prud'hommes d'ALBI,

Requalifie la relation entre Pascale Y... et LA POSTE en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 11 avril 1996 ;

Dit que LA POSTE doit reconnaître à Pascal Y... une ancienneté à compter du 11 AVRIL 1996,

Condamne LA POSTE à payer à Pascal Y... :
– 3000 euros à titre d'indemnité de requalification
– 5400 euros à titre de dommages et intérêts
– 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Avant dire droit sur les conséquence financières liées à l'ancienneté,
réouvre les débats le mardi 22 septembre 2009 à 8 heures 30 et invite les parties à présenter toutes observations utiles et le cas échéant à chiffrer en sommes brutes le montant des rappels de rémunération dus à ce titre à Pascale Y...

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne LA POSTE aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 08/00931
Date de la décision : 29/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Albi


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-29;08.00931 ?
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