07/10/2008
ARRÊT No
NoRG: 07/03982
VS/MM
Décision déférée du 05 Juillet 2007 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 05/03654
M. X...
Michèle Y... épouse Z...
représentée par la SCP MALET
C/
CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 2
***
ARRÊT DU SEPT OCTOBRE DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT(E/S)
Madame Michèle Y... épouse Z...
...
31460 SEGREVILLE
représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Luc A..., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME(E/S)
CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE
61 allée de Brienne
31000 TOULOUSE
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assistée de la SCP CATUGIER-DUSAN-BOURRASSET, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
P. BOUYSSIC, président
C. COLENO, conseiller
V. SALMERON, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par P. BOUYSSIC, président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.
*****
Exposé des faits :
Par déclaration en date du 25 juillet 2007, Michèle Y... épouse Z... a relevé appel du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 5 juillet 2007 qui, après avoir déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation, l'a condamnée à payer à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole (MSA) la somme de 31.634,10 euros et 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à régler les dépens et a prononcé l'exécution provisoire de la décision.
L'époux de Michèle Y..., Alain Z..., a été exploitant agricole et a été condamné par le tribunal des affaires sociales (TASS) de Toulouse à payer diverses contraintes émises à son encontre concernant des cotisations sociales impayées. Il s'agit de :
-la contrainte émise le 8 juillet 2002 pour les cotisations et majorations des années 1993 à 2000 d'un montant de 22.842,83 euros validée par jugement du TASS de Toulouse en date du 10 novembre 2004, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 2 mars 2006 (n 173).
-la contrainte émise le 6 mai 1999 pour les cotisations, majorations et pénalités de retard des années 1994,1995 et 1996 pour un montant de 7.929,99 euros (dont il reste dû 4.427,98 euros) validée par jugement du TASS de Toulouse du 4 septembre 2002 , confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 27 février 2004.
-la contrainte émise le 25 avril 2002 pour les cotisations et majorations de l'année 2001 d'un montant de 4.363,29 euros validée par jugement du TASS de Toulouse du 10 novembre 2004, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 2 mars 2006 (n 174)
En définitive, il est redevable de la somme de 31.634,10 euros. La MSA, après avoir constaté qu'il ne réglait pas ses dettes, en a sollicité le paiement auprès de son épouse sur le fondement de l'article 220 du Code civil.
La MSA a donc fait assigner madame Z... pour la première fois en paiement le 6 octobre 2005.
Procédure :
Par conclusions de procédure en date du 29 août 2008, la MSA a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 30 juin 2008 et la déclaration de recevabilité de ses conclusions en date du 29 août suivant. Elle expose que la partie adverse a déposé ses dernières conclusions le jour de l'ordonnance de clôture portant ainsi atteinte au principe du contradictoire.
A l'audience du 2 septembre 2008, avant le déroulement des débats, Mme Z... a remis ses dernières conclusions responsives en date du jour et, après lecture par la MSA des dites conclusions, la MSA ne les a pas contestées.
A la demande de la MSA et avec l'accord de la partie adverse l'ordonnance de clôture rendue le 30 juin 2002 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée le jour de l'audience aux fins de veiller au respect du principe du contradictoire.
Moyens des parties:
Par conclusions remises à l'audience auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Michèle Z... demande la réformation du jugement. Elle demande de constater que la prescription est acquise concernant toutes les cotisations antérieures au 6 octobre 2000. Subsidiairement et sur le fond, elle sollicite le rejet de la demande de la MSA et sa condamnation à lui verser 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle rappelle qu'une fin de non-recevoir peut être opposée en tout état de cause en application des article 122 et 123 du Code de procédure civile et fait valoir le moyen de la prescription de l'action.
Elle fait valoir que l'action engagée vise le paiement de cotisations sociales à la MSA et que la prescription concernant les cotisations sociales est de 5 ans à compter de la mise en demeure sur le fondement de l'article 1143-3 du Code rural devenu l'article L725-7. En l'espèce, la mise en demeure de la MSA remonte au 6 octobre 2005. Pour répondre à l'argumention de la MSA, elle ajoute qu'il s'agit bien de paiement des cotisations dont était redevable le mari à l'encontre d'un organisme social et rappelle la jurisprudence selon laquelle la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance même si elle est constatée par un titre exécutoire (cf. Cour de Cassation chambre mixte 26 mai 2006 B.n 3).
Par ailleurs, pour répondre à l'argumentation selon laquelle la prescription quinquennale invoquée par le conjoint ne peut s'appliquer à l'égard des contraines définitives ayant le caractère de titre exécutoire et notamment par référence à l'arrêt CANCAVA c/ Laurent du 25 mai 2004, elle fait observer que le jugement du tribunal d'instance de Muret du 4 mars 2005 après lladite cassation a débouté la CANCAVA en soulignant que, si les cotisations constituent bien des dettes ménagères, les titres exécutoires ont été obtenus à l'encontre du seul mari et non de l'épouse poursuivie pour la première fois, les titres exécutoires étant sans effet à l'encontre de l'épouse.
Subsidiairement, sur le fond, elle conteste le caractère de dettes ménagères appliquées aux cotisations sociales réclamées sur le fondement de l'article 220 du Code civil. Elle rappelle que ce texte vise à protéger la cellule familiale. En l'espèce, Alain Z... est fonctionnaire territorial depuis septembre 1994 et a donc cotisé à la Sécurité Sociale et à la retraite, il n'avait donc pas à cotiser deux fois. Par ailleurs, Michèle Z... est salariée à la banque Courtois depuis octobre 1971, elle ne pouvait bénéficier d'une pension de réversion de la part de la MSA en application des décrets des 6 juin 1951 et 21 septembre 1950. Or, les dépenses de cotisations sociales sont admises au titre de l'entretien du ménage si le conjoint du titulaire de droits à pension peut profiter de la réversion de l'avantage (Cour de Cassation 10 avril 1996 B 180).
Enfin, elle ajoute que la MSA ne pouvait ignorer qu'Alain Z... avait une deuxième activité eu égard aux revenus du couple communiqués par l'Administration Fiscale et qu'en application de l'article L622-1 du Code de la Sécurité Sociale, en cas d'exercice simultané d'activité agricole et non agricole, l'affiliation au régime de l'activité principale est la règle.
Par conclusions notifiées le 29 août 2008 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole de la Haute-Garonne (MSA) demande la confirmation du jugement attaqué et 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle conteste la prescription de l'action engagée en précisant que les dispositions de l'article L725-7 du Code rural, désormais applicable, concernent le recouvrement des cotisations alors que l'action engagée vise l'article 220 du Code civil sur la base de titres exécutoires soumis à la prescription trentenaire. Mme Z... est poursuivie sur le caractère solidaire de la dette contractée par son époux. Elle se fonde
sur les arrêts de la Cour de Cassation du 25 mai 2004 qui ont rappelé que la prescription quinquennale ne peut être opposée à l'égard des contraintes qui ont tous les effets des jugements et se prescrivent par 30 ans.
Sur le fond, la jurisprudence a admis que le principe de la solidarité édictée par l'article 220 du Code civil a vocation à s'appliquer aux dettes contractées par un époux à l'égard des organismes sociaux.
Elle conteste les arguments tirés de l'affiliation de Mme C... à un autre régime de Sécurité Sociale et de celle de son époux au titre d'une seconde activité parallèle. Elle rappelle qu'Alain Z... a été affilié à la MSA depuis 1979 en qualité de chef d'exploitation et ce jusqu'à sa radiation le 31 décembre 2001 et n'a pas déclaré une seconde activité alors que le système français repose sur un système déclaratif. Elle invoque les dispositions de l'article L322-2 du Code de la Sécurité Sociale qui précisent d'une part qu'une personne qui exerce une activité non salariée même à titre accessoire est affiliée à l'organisation d'assurance vieillesse dont relève son activité non salariée et sans préjudice de son affiliation au régime des travailleurs salariés et d'autre part, que les avantages se cumulent lorsqu'une personne a cotisé à deux régimes de Sécurité Sociale.
Motifs de la décision :
Sur la prescription :
La MSA sollicite le recouvrement des cotisations sociales et impayées dues par Alain Z... entre 1994 et 2001 auprès de son épouse sur le fondement de la solidarité des époux à l'égard des dettes ménagères et en excipant des titres exécutoires obtenus à l'encontre du mari.
L'article 220 alinéa 1er du Code civil qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s'appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants et s'applique à l'égard des arriérés et majorations de cotisations restant dues par le mari au titre d'un régime légal d'assurance maladie et vieillesse, ouvrant droit à des allocations dont l'objet est de satisfaire les besoins du ménage par les bénéfices qu'il procure et en cas de réalisation des risques qu'il est destiné à couvrir.
Michèle Z... soutient, à bon droit, que la prescription était acquise concernant les cotisations antérieures au 6 octobre 2000 sur le fondement de la prescription quinquennale au visa de l'article L725-7 du Code rural.
En effet, la durée de la prescription d'une créance est exclusivement déterminée par la nature de celle-ci peu important que soit poursuivie l'exécution du titre exécutoire la constatant.
En l'espèce, en dépit des titres exécutoires obtenus par la MSA uniquement à l'encontre d'Alain Z..., la nature de la créance dont il est demandé paiement à Michèle Z... est une créance sociale constituée par les cotisations sociales impayées par son époux et dont l'action en paiement est soumise à la prescription quinquennale de l'article L725-7 du Code rural.
Par ailleurs, si chacun des époux est tenu solidairement aux dettes ménagères contractées par son conjoint sur le fondement de l'article 220 du Code civil, les règles de la solidarité demeurent applicables et notamment les dispositions de l'article 1208 du Code civil, selon lesquelles, le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs.
Michèle Z..., codébitrice de dettes ménagères, oppose donc à bon droit la prescription quinquennale des cotisations sociales dont il est demandé le paiement.
Michèle Z... a été assignée par la MSA en paiement le 6 octobre 2005 concernant les cotisations dues au titre des années 1994 à 2001. Il convient de constater la prescription des cotisations antérieures à l'année 2000
Sur les cotisations dues à la MSA au titre des années 2000 et 2001 :
Michèle Z... ne peut contester le principe de l'affiliation de son époux à la MSA au titre d'une activité salariée simultanée, alors qu' elle ne rapporte pas la preuve de la déclaration par son époux de cette seconde activité auprès de la MSA et qu'Alain Z..., lui-même, n'a pas contesté l'existence de ses dettes sociales dans le cadre des instances qui l'ont opposées à la MSA mais soulevé uniquement des exceptions procédurales liées au changement de statut de la caisse de la MSA qui ont été rejetées par la cour d'appel de Toulouse.
En l'espèce, Michèle Z... est donc tenue de régler les dettes contractées par Alain Z... à l'égard de la MSA au titre des années 2000 et 2001.
A l'examen des pièces produites, seules les dettes dues au titre de l'année 2001 peuvent être déterminées ; en revanche, le montant des cotisations et majorations dues au titre de l'année 2000 est confondu dans le montant de la contrainte émise le 8 juillet 2002 et relative aux cotisations et majorations dues au titre des années 1993 à 2000 sans distinction des montants dus pour chaque année retenue.
Il convient de confirmer le jugement uniquement concernant la condamnation de Michèle Z... au paiement de la somme 4.363,29 euros au titre de la contrainte mise le 25 avril 2002 pour les cotisations et majorations de l'année 2001 et de réouvrir les débats pour justifier du montant des cotisations et majorations dues au titre de la seule année 2000.
Sur les demandes annexes :
Il convient de réserver les dépens et les demandes faites en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
par arrêt avant-dire droit,
- confirme le jugement uniquement en ses dispositions condamnant Michèle Z... à payer à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole la somme de 4 363, 29 euros pour les cotisations et majorations dues au titre de l'année 2001
- ordonne la réouverture des débats concernant le montant des cotisations et majorations dues par Michèle Z... à la MSA au titre de la seule année 2000.
- Dit que l'affaire sera appelée à l'audience du 6 janvier 2009 à 14 Heures;
- l'infirme pour le surplus.
- réserve les droits au titre des demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile
- réserve les dépens.
Le Greffier, Le Président,
Martine MARGUERIT Pierre BOUYSSIC