24/09/2008
ARRÊT No
NoRG: 07/02381
Décision déférée du 05 Mars 2007 - Tribunal de Commerce de FOIX - 06/00300
M. X...
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PAMIERS
représentée par la SCP RIVES-PODESTA
C/
Jean Lucien Y...
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE
Confirmation
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
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ARRÊT DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
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APPELANT(E/S)
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PAMIERS
3 rue de la République
09104 PAMIERS CEDEX
représentée par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour
assistée de la SCP DECKER ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIME(E/S)
Maître Jean Lucien Y... liquidateur à la liquidation judiciaire de Mr Marc Pierre Z...
...
09000 FOIX
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
assisté de Me L. A..., avocat au barreau d'ARIEGE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
D. VERDE DE LISLE, président
C. BELIERES, conseiller
C. COLENO, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BELIERES, conseiller pour le président empêché, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
La Caisse de Crédit Mutuel de Pamiers qui sera dite la Caisse de Crédit Mutuel a relevé appel le 24 avril 2007 du jugement rendu le 5 mars 2007 par le tribunal de commerce de Foix qui a dit qu'elle ne pouvait méconnaître l'activité professionnelle de M. Z... ni ignorer la procédure à son encontre, qui a dit que les sommes créditées sur le compte de M. Z... postérieurement à la liquidation devaient être restituées au liquidateur, qui l'a condamnée à payer à Me Y... en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. Z... la somme de 10 769,45 €, qui l'a déboutée de ses demandes, qui a débouté Me Y... es qualités de sa demande de dommages et intérêts, qui lui a alloué 1 000 € pour frais irrépétibles, qui a prononcé l'exécution provisoire.
M. Z... a ouvert le 26 février 2005 dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel un compte de type compte courant familial alors qu'il travaillait en qualité d'intérimaire salarié auprès de la société Manpower. Il a déclaré le 5 juillet 2005 un état de cessation des paiements et une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 11 juillet 2005 dont la Caisse de Crédit Mutuel n'aurait pris connaissance qu'en juin 2006. Le 27 septembre 2006 Me Y... désigné en qualité de liquidateur a assigné la Caisse de Crédit Mutuel pour obtenir la somme de 10 769,45 € correspondant à des opérations de débit du compte après le prononcé de la liquidation judiciaire. C'est ainsi que le jugement déféré a été rendu.
La Caisse de Crédit Mutuel fait valoir qu'il n'existe aucune obligation pour le banquier de vérifier la profession de son client lorsque le compte ne doit être utilisé que pour des besoins personnels et familiaux. Elle ajoute que M. Z... a déclaré sa cessation des paiements le 5 juillet 2005 en raison "d'une cessation d'activité depuis le 9 juillet 2004". Elle observe que M. Z... ayant été radié de la chambre des métiers le 9 juillet 2004, une procédure collective ne pouvait pas être ouverte le 11 juillet 2005 soit plus d'un an après la radiation et en toute hypothèse elle-même ne pouvait connaître en février 2005 une activité artisanale interrompue et radiée depuis plusieurs mois. Elle reproche au jugement de lui imposer une lecture permanente du BODACC alors qu'une banque n'a pas à surveiller toutes les publicités légales. Elle reconnaît qu'en raison du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire les opérations effectuées par M. Z... seul sont inopposables à la procédure collective mais elle précise qu'au 11 juillet 2005 le compte était en débit et les opérations ultérieures n'ont été réalisées qu'à partir des remises effectuées par M. Z... durant la procédure de sorte que ces remises sont elles aussi inopposables à la liquidation et que le principe doit être posé d'une inopposabilité de toutes les opérations quelles qu'elles soient. Enfin elle se réfère à l'utilisation du compte pour les besoins alimentaires de M. Z... ce qui est admis même au cas de liquidation judiciaire, elle estime injuste d'avoir à restituer des sommes correspondant à des dépenses courantes et elle y voit un abus de droit de Me Y... es qualités. En tout dernier lieu elle invoque l'insaisissabilité des sommes correspondant à la subsistance du débiteur. La Caisse de Crédit Mutuel conclut à la réformation du jugement, à la limite des sommes figurant sur le compte le jour du prononcé de la liquidation judiciaire, subsidiairement au caractère alimentaire des dépenses effectuées par le débiteur, à l'abus de droit commis par Me Y... es qualités en tentant de recouvrer des sommes que la liquidation judiciaire a économisées, au paiement d'une somme équivalente à titre de dommages et intérêts, à la compensation, très subsidiairement au débouté de Me Y... es qualités en ce que la liquidation judiciaire ne peut appréhender des sommes insaisissables. Elle sollicite 3 000 € pour frais irrépétibles et la distraction des dépens au profit de la SCP Rives Podesta.
Me Y... es qualités fait état de la négligence de la Caisse de Crédit Mutuel en ce qu'elle aurait laissé fonctionner le compte en connaissance de cause de la procédure collective publiée au BODACC. Il fait valoir qu'en raison de l'unicité de la procédure collective il ne peut être distingué entre les comptes d'un débiteur quelle que soit leur qualification. Il invoque l'article L 622-9 ancien du Code de commerce et son application même au cas où la banque serait de bonne foi et où elle n'aurait pas commis de faute. Il exclut d'avoir à se prononcer sur la validité du jugement de liquidation judiciaire au regard de la radiation du débiteur du registre des métiers et il soutient qu'en toute hypothèse le jugement est intervenu dans une procédure ouverte dans le délai d'un an car M. Z... a déclaré la cessation des paiements le 5 juillet 2005. Il réfute l'argument tiré de l'inopposabilité des sommes portées au crédit du compte et celui tiré du caractère insaisissable de ces sommes. Enfin il conteste avoir commis la moindre faute et pouvoir en répondre dans le cadre d'un appel de jugement du tribunal de commerce. Me Y... es qualités conclut à la confirmation du jugement et au paiement de 2 000 € pour frais irrépétibles avec distraction des dépens au profit de la SCP Boyer Lescat Merle.
SUR QUOI
Attendu que Me Y... es qualités invoque à juste titre l'article L 622-9 ancien du Code de commerce aux termes duquel le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, "même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée";
Attendu que la liquidation judiciaire de M. Z... a été prononcée le 11 juillet 2005 par un jugement définitif opposable aux tiers pour avoir été publié au BODACC ; que la Caisse de Crédit Mutuel n'est pas admise à le remettre en question à supposer même qu'il soit affecté d'un vice ;
Attendu par ailleurs que les effets du dessaisissement se produisent quelles que soient la bonne ou la mauvaise foi des parties et peu importe qu'elles aient ou non commis une faute ;
Attendu en conséquence que tous les paiements effectués par M. Z... à partir du compte litigieux après le 11 juillet 2005 sont inopposables à la procédure collective, quand bien même ces paiements auraient été possibles en raison de biens acquis par M. Z... depuis l'ouverture de la procédure, ce que l'article L 622-9 précité envisage par la référence aux biens acquis à quelque titre que ce soit ; que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel à payer à Me Y... es qualités le quantum non contesté de 10 769,45 € ;
Attendu, sur le caractère prétendument insaisissable des sommes figurant sur le compte, que la Caisse de Crédit Mutuel n'en rapporte pas la moindre preuve et qu'elle n'est pas admise à rapporter celle-ci aux lieu et place de M. Grandemange ;
Attendu, sur l'éventualité d'une faute qui aurait été commise par Me Y..., que ce dernier n'est pas fautif pour avoir exercé une action qui entre dans sa mission ; qu'en toute hypothèse Me Y... ne se trouve pas dans la cause en nom personnel mais en qualité de liquidateur de M. Z...;
Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé; qu'il sera alloué 1 000 € pour frais d'appel irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré
Y ajoutant,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel à payer Me Y... es qualités la somme de mille euros (1 000 €) pour frais irrépétibles.
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel aux dépens.
Autorise la SCP Boyer Lescat Merle à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier, P/Le président empêché
(Art.456 CPC)