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17/09/2008 | FRANCE | N°07/04667

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 17 septembre 2008, 07/04667


17 / 09 / 2008




ARRÊT No




No RG : 07 / 04667
BB / MFM


Décision déférée du 29 Août 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 00327
Marc SEGUELA






















ASSOCIATION ORGANISATION DE GESTION DES ETABLISSEMENTS CATHOLIQUES (OGEC)




C /


Patricia X...










































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REFORMATION






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
***


APPELANT (S)


ASSOCIATION ORGANISATION DE GESTION DES ETABLISSEMENTS CATHOLIQUES (OGEC) MONTALEMBERT ...

17 / 09 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 04667
BB / MFM

Décision déférée du 29 Août 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 00327
Marc SEGUELA

ASSOCIATION ORGANISATION DE GESTION DES ETABLISSEMENTS CATHOLIQUES (OGEC)

C /

Patricia X...

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

ASSOCIATION ORGANISATION DE GESTION DES ETABLISSEMENTS CATHOLIQUES (OGEC) MONTALEMBERT NOTRE DAME
16 rue des Trente Six Ponts
31400 TOULOUSE
représentée par Me JC DE BELLEFON, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Madame Patricia X...

...

31540 ST JULIA
représentée par la SCP SABATTE L'HOTE ROBERT, avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

B. BRUNET, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRET :
- Contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame Patricia X... a été embauchée le Ier septembre 1997 par l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME en qualité de surveillante d'internat.

Madame X... a été licenciée pour faute grave le 30 janvier 2006 : non respect de directives, négligences professionnelles, réitération de négligences professionnelles ayant pour conséquence une dégradation du climat social, des dégradations matérielles de l'internat, une dégradation de l'image de marque de l'internat, une mise en danger réitérée de la sécurité des élèves.

Contestant son licenciement, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulouse le 8 février 2006.

Par jugement en date du 29 août 2007, le Conseil de Prud'hommes a estimé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, les faits allégués n'étant pas établis et la salariée ayant averti à plusieurs reprises son employeur. En conséquence, le conseil de prud'hommes a statué en ces termes :

" Dit que le licenciement de Madame Patricia X... ne repose pas sur une cause grave ;
Condamne l'OGEC MONTALEMBERT NOTRE-DAME, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, à lui payer les sommes suivantes :
-38. 400 € (trente-huit mille quatre cents euros) à titre de dommages et intérêts,
-4. 800 € (quatre mille huit cents euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-480 € (quatre cent quatre-vingts euros) au titre des congés payés y afférents,
-2. 880 € (deux mille huit cent quatre-vingts euros) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-900 € (neuf cents euros) à titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,
-1. 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DÉBOUTE le défendeur de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNE l'OGEC MONTALEMBERT NOTRE-DAME aux dépens. "

L'ASSOCIATION ORGANISATION DE GESTION DES
ETABLISSEMENTS CATHOLIQUES MONTALEMBERT NOTRE DAME a
régulièrement interjeté appel le 17 septembre 2007 de cette décision qui lui a été notifiée le 6 septembre 2007.

Dans ses explications orales reprenant ses conclusions écrites l'OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME expose :
- qu'elle sollicite la nullité du jugement dès lors qu'un des conseillers employeur a caché qu'il avait siégé dans le passé à son conseil d'administration ;
- qu'à aucun moment elle n'a empêché ses surveillants de sanctionner les élèves ;
- que les sanctions devaient être proportionnées aux fautes et expliquées ; qu'elles devaient donner lieu à information préalable de la hiérarchie ;
- que les manquements de Mme Pinson sont avérés ;

En conséquence, l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME sollicite voir notre Cour :

" Déclarer nul le jugement rendu le 29 août 2007 par le Conseil de Prud'Hommes de Toulouse, et le réformer en toutes ses dispositions ;
Condamner Madame X... à payer à I'OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME la somme de 2. 000, 00 Euros sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner Madame X... aux entiers dépens. "

Dans ses explications orales reprenant ses conclusions écrites Madame X... expose :

- que nombre de faits cités dans la lettre de licenciement datent de 2005 et sont donc prescrits ; que les fautes ne sont pas établies ;
- que les autres faits reprochés ressortent de rapports établis par la responsable d'internat, qui ne peut pas être objective dans la mesure où elle représente l'employeur, qu'elle a assisté lors de l'entretien préalable ;
- que les incidents avec les élèves qui lui sont reprochés sont le résultat d'une décision de la hiérarchie qui a quasiment supprimé toute sanction ;
- qu'elle ne disposait d'aucun équipement sanitaire personnel alors qu'elle devait surveiller l'internat des garçons, ce qui n'est pas adéquat si l'on recherche une certaine démarche de crédibilité et d'autorité vis-à-vis des élèves, et rester vigilante car le disjoncteur électrique était placé à la portée de tous.

En conséquence, Madame Patricia X... sollicite voir notre Cour :

" Confirmer le jugement en ce qu'il a dit et juger que le licenciement de Madame X... ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société employeur à lui verser :
-4800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-480 € au titre des congés payés y afférents,
-2880 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-900 € à titre de salaire pendant la mise à pied,
Réformer le jugement sur les dommages et intérêts et condamner l'association à verser à Madame X... 45 000 € à titre de dommages et intérêts,
Condamner l'employeur à payer au salarié la somme 2000 € de au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ".

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Il y a lieu de constater que :

- la déclaration d'appel a été signée par un mandataire avocat ou avoué,
- la déclaration d'appel est intervenue dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision déférée, conformément aux dispositions de l'article R1461- 1CT, la date de l'appel formé par lettre recommandée étant celle du bureau d'émission,

- le jugement déféré est susceptible d'appel dans les conditions de l'article R1462-1 CT, la valeur totale des prétentions de l'une des parties, à l'exclusion de la seule demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale, dépassant le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes, soit 4000 €.

En conséquence, l'appel est recevable.

Il est établi et il n'est pas contesté que M. Gérard F... a participé à la formation de jugement du conseil de prud'hommes, en qualité de conseiller employeur, alors même qu'il a été administrateur de
l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME jusqu'en 2001. M. Gérard F... a, donc, été l'employeur d'une partie et a été membre de l'autre partie durant la durée de vie du contrat de travail dont les conditions de la rupture sont contestées.

Il est incontestable que l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME qui était représentée à l'audience du conseil de prud'hommes et qui n'a appris cette particularité que lorsqu'elle s'est vue notifier la décision des premiers juges a été privée de la possibilité de récuser M. Gérard FOURE-Labrot, alors même que les conditions d'application de l'article 341 du Code de procédure civile étaient réunies. Par ailleurs, il est évident que la participation à la formation de jugement d'un conseiller qui n'était pas impartial justifie, tant par application des textes de droit interne, que de la convention européenne des droits de l'homme, le prononcé de la nullité de la décision déférée qui porte atteinte aux droits les plus élémentaires de toute partie, dont celui de l'accès à une juridiction impartiale.

La lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige est ainsi motivée :

" Vous avez été engagée en qualité de surveillante internat à compter du 1er septembre 1997.
Or, nous avons constaté, pour l'année 2005, une importante dégradation de la qualité de votre travail, par la commission de nombreuses négligences professionnelles graves dans l'exercice de vos fonctions.
Ainsi, le jeudi 24 mars 2005, nous avons constaté un problème de discipline de 3o Monsieur Sébastien C. et Monsieur Clément D., auxquels vous avez purement et simplement demandé des cigarettes, alors même que cela est formellement interdit par notre règlement intérieur.
De même, le mardi 29 mars 2005, nous avons constaté une situation délicate avec l'élève Jonathan B. qui voulait terminer un devoir de mathématiques dans la chambre d'un de ses camarades de classe.
Vous vouliez que ce dernier se douche, mais il a refusé, car il n'avait pas terminé en étude son travail, pour la simple et bonne raison que vous aviez commencé l'étude avec du retard.
Cela a, bien sûr, généré une désorganisation de l'étude.
Dans le même sens, le lundi 6 juin 2005 à 17H30, nous avons constaté une absence totale de maîtrise lors de l'étude, absence de maîtrise dont vous êtes à l'origine, puisque vous avez répondu aux élèves qui chahutaient « maintenant ça suffit. Si vous n ‘ êtes pas contents de me voir, vous n ‘ avez qu ‘ à faire une pétition »...
Ce manque d'autorité vis-à-vis des élèves a été, en outre, constaté le même jour à 19H50.
Toujours dans le même sens, nous avons constaté dans la semaine du 12 au 16 septembre 2005 les frais répréhensibles suivants :
- Le mercredi 14 septembre 2005, un retard dans le service ;
- Le jeudi 15 septembre 2005, vous avez demandé à des élèves du lycée, avant le repas, de quitter la salle aménagée en foyer, pour fumer pendant votre service ;
- Le même jour, l'élève Paul S. M. a souhaité changer de dortoir en raison de vos agissements.
Bien entendu, la mère de cet élève est venue nous rencontrer le lendemain, soit le vendredi 16 septembre, pour nous indiquer que, si cela continuait, elle enlèverait son fils de l'internat.
Plusieurs parents d'élèves nous ont écrit en ce sens le 19 septembre 2005.
Dans le courant de la semaine du 19 septembre 2005, nous avons à nouveau constaté un manque d'autorité de votre part vis-à-vis de plusieurs élèves.
Le 20 septembre 2005, trois élèves ne sont pas passés à la bagagerie pour faire leur cartable, car vous aviez fermé le local avant l'heure..,
C'est la raison pour laquelle, le 26 septembre 2005, nous vous avons remis une lettre « d'objectifs à atteindre pour favoriser l'épanouissement du personnel éducatif et des élèves », afin de vous permettre de remplir au mieux vos missions.
Le 27 septembre 2005, alors que vous aviez signé cette lettre la veille, nous avons constaté de nouveaux manquements tels que :
Impossibilité de coucher les élèves entre 22H30 et 23H00, ce qui est parfaitement inadmissible ;
Manque de confidentialité quant à un courrier confidentiel et personnel laissé sur le bureau de l'étude à la vue des élèves ;
Absence totale de maîtrise dans les dortoirs, ce qui a nécessité l'intervention de Madame TRIBUT afin de remettre de l'ordre.
Ceci nous a contraints à vous notifier un avertissement.
Le lundi 10 octobre 2005, là encore, nous avons constaté des manquements professionnels graves concernant quatre élèves, ce qui a nécessité la rédaction d'un rapport de votre supérieur hiérarchique dès le lendemain.
Le 11 octobre 2005, nous vous avons à nouveau rappelé l'ensemble de vos missions consistant, principalement, à « ne pas constater les manquements des élèves, mais à prendre des mesures éducatives vis-à-vis des élèves qui posent problèmes, afin de les aider à dépasser les difficultés ".

Le même genre d'incident s'est également produit les 8 novembre 2005, 6 décembre 2005 et 8 décembre 2005.
Nous aurions espéré, après nos différents rappels à l'ordre, que vous vous ressaisiriez, ce qui, malheureusement, n'a pas été le cas, puisque nous avons constaté une réitération de négligences professionnelles graves au début de l'année 2006.
Ainsi, nous avons constaté le mercredi 4 janvier 2006, jour de la rentrée, des problèmes graves de discipline en étude ayant provoqué le désordre de cette dernière, avec amusements et perturbations de l'étude.
Le 9 janvier 2006, vous avez eu de grandes difficultés avec trois élèves au moment du coucher.
Le mardi 10 janvier 2006, vous avez eu un problème avec l'élève D. R., ce qui a nécessité son transfert de dortoir.
Le même jour, vous avez demandé des sanctions pour huit élèves en retard à l'étude, alors que vous étiez chargée de rassembler les élèves de 4o aux casiers à 17H20, afin que l'étude puisse commencer à 17H30 à l'heure.
Le jeudi 12 janvier 2006, nous avons à nouveau des désordres à la salle des casiers, la bousculade d'un groupe de 4o, ainsi que des problèmes de discipline en étude.
Le lundi 16 janvier 2006, nous avons une fois de plus constaté des désordres dans l'étude, avec jets de boulettes de papier pendant l'heure de travail, agitations au dortoir à partir de 20H45, coupure de courant à l'entrée du dortoir entraînant des cris, des bousculades, des renversements d'armoires, des insultes dans les chambres.
Ce même jour, il a été également constaté, pendant les douches, une deuxième extinction des lumières, avec toutes les conséquences que cela a pu avoir.
Cela signifie, par conséquent, que les élèves passent la porte pour accéder au compteur, afin d'éteindre les lumières de l'établissement.
De tels faits démontrent que des élèves peuvent sortir du dortoir, alors qu'en principe un système d'alarme doit se déclencher à l'ouverture ou à la fermeture de la porte, mettant ainsi en danger l'intégrité physique des dits élèves, et démontrant, si besoin en était, l'absence totale d'autorité et de surveillance de votre part.
De plus, il règne une insécurité totale au sein des dortoirs, avec coupure de lumière, agitations, actes de vandalisme, dégradations dans le dortoir, ce qui est parfaitement inacceptable.
Cela est d'autant plus incompréhensible que nous avons mis tous les moyens à votre disposition, afin que vous puissiez exercer vos fonctions de surveillante dans les meilleures conditions possibles.
Ainsi, nous vous avons apporté toute l'aide au travail que vous souhaitiez, ou bien pris à votre profit des décisions concernant le transfert d'élèves les plus virulents que, visiblement, vous n'arriviez pas à maîtriser.
Pour toutes ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier un licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
- Non respect de directives et d'instructions ayant pour conséquences une mauvaise transmission de notre projet éducatif, dont nous sommes les garants vis à vis des parents, et des élèves ;
- Négligences professionnelles, dont certaines sanctionnées par le passé ;
- Réitération de ces négligences professionnelles ;
Ceci a eu, notamment, pour conséquences :
- Une dégradation du climat social au sein de l'établissement ;
- Des dégradations matérielles de l'internat ;
- Une dégradation de l'image de marque de l'établissement, avec plaintes de parents d'élèves concernant l'exercice de vos fonctions ;
- Une mise en danger répétée de la sécurité des élèves.
Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture. "

Les motifs ci-dessus établissent que l'employeur qui a licencié pour faute grave a entendu exercé son pouvoir disciplinaire.

Lorsqu'un salarié est licencié pour faute grave, l'employeur ne peut plus soutenir que le licenciement est motivé par l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle du salarié. Il doit continuer à se situer sur le terrain qu'il a choisi, celui de la faute dans la mesure où si le fait allégué est dépourvu de caractère fautif, la sanction n'est pas justifiée.

Si toute faute est écartée, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, les juges ne pouvant retenir à l'encontre du salarié des faits ne présentant pas un caractère fautif.

En l'espèce, l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME a, en page 5 de la lettre du licenciement entendu préciser que " pour toutes ces raisons " il été " contraint de notifier un licenciement pour faute grave pour les motifs suivants ". Il en résulte que c'est bien sur ce seul terrain que l'employeur a entendu fonder son licenciement.

La première des conséquences est que les règles tirées de la prescription en matière disciplinaire sont applicables. La procédure disciplinaire, en effet, est enfermée dans des délais très stricts : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » (C. trav., art. L. 122-44 / recod. C. trav., art. L. 1332-4). En d'autres termes, dès que l'employeur a connaissance d'une faute commise par un salarié, il dispose d'un délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires, c'est-à-dire pour convoquer le salarié à un entretien préalable ou pour lui adresser un avertissement. Au-delà, la faute est prescrite, sauf à l'employeur de démontrer que les faits fautifs antérieurs se sont poursuivis durant la période non prescrite. En cas de mise à pied conservatoire, c'est le jour du prononcé de celle-ci qui marque l'engagement des poursuites,

Il convient, donc, de rechercher si dans le délai de deux mois à compter de la mise à pied conservatoire du 18 janvier 2006, Madame Patricia X... a commis des fautes et de rechercher ensuite, à supposer cette preuve rapportée, elle a, ce faisant, poursuivi un comportement fautif antérieur.

Pour la période comprise entre le 18 novembre 2005 et le 18 janvier 2006, l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME invoque :
- le fait que le même genre d'incident que les 10 et 11 octobre 2005 s'est reproduit les 6 décembre 2005 et le 8 décembre 2005,
- de graves problèmes de discipline le 4 janvier 2006 et le 9 janvier 2006,
- un problème avec l'élève DR le 10 janvier 2006 ayant nécessité son transfert du dortoir,
- le fait d'avoir demandé le 10 janvier 2006 des sanctions pour huit élèves alors qu'elle était chargée de rassembler les élèves,
- les problèmes de discipline du 12 janvier 2006,
- des désordres dans l'étude le 16 janvier 2006 et dans les dortoirs.

Or, les documents produits établissent tous que Madame Patricia X..., confrontée à la montée en 2005 d'un phénomène d'agitation des collégiens pensionnaires qu'elle était chargée de surveiller en qualité de surveillante d'internat, a régulièrement, avec ponctualité et insistance, apporté l'attention de sa hiérarchie, souvent de façon pathétique, sur le fait qu'elle se trouvait désarmée et qu'elle attendait de sa part du soutien et de l'aide. Les documents produits par les deux parties démontrent que la direction, loin de prendre le temps d'analyser la situation très dure dans laquelle se trouvait Madame Patricia X..., de chercher les moyens d'y porter remède, s'est contentée de notes de service impersonnelles et dépourvues d'efficacité immédiate, de la moindre utilité pratique.

Ainsi, les documents produits par les deux parties ne mettent à aucun moment en évidence une quelconque faute intentionnelle, un quelconque manquement volontaire ou conscient imputable à Madame Patricia X... ; ils mettent seulement en évidence la situation difficile d'une surveillante d'internat de plus de 50 ans, ayant plus de 8 ans d'ancienneté dans ses fonctions, dépassée depuis quelques mois par les élèves dont elle avait la charge, laissée sans véritable recours et aide dans cette situation.

Dès lors que les faits non prescrits n'ont aucun caractère fautif, les faits antérieurs au 18 novembre 2005 ne peuvent être invoqués.

Les documents produits mettent, donc, en évidence l'absence de toute faute ; mais bien plus, ils font apparaître en évidence une carence dans l'obligation de loyauté qui pèse sur tout employeur qui doit, dans une telle hypothèse, prendre des mesures appropriées. Or, l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME qui n'a pas apporté à Madame Patricia X... les réponses que nécessitait sa situation, qui n'a cessé de la critiquer, de la mettre en difficulté, de prendre le contre-pied de manière pointilleuse et stérile et dans le moindre détail de ses initiatives, a manqué à cette obligation générale. Ce manquement qui l'a fragilisée dans ses relations avec les élèves rend l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME particulièrement mal fondée à se prévaloir des faits qu'elle invoque.

Au regard de l'ancienneté de Madame Patricia X..., de son salaire moyen au moment du licenciement et de la circonstance qu'elle n'a toujours pas retrouvé de travail à ce jour, des circonstances du licenciement et du préjudice moral qui s'en est suivi, il y a lieu de lui allouer la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il y a lieu d'allouer à Madame Patricia X... les sommes qu'elle sollicite et qui apparaissent fondées au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

Conformément à l'article L. 122-14-4 du code du travail RC Article L1235-4, le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée doit être également ordonné dans la limite maximum prévue par la loi.

Il convient d'ordonner la délivrance du certificat de travail et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

L'article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en remette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; en conséquence, compte tenu de l'économie de la présente décision, la totalité des dépens sera supportée par l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME.

L'article 700 du Code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée ; en l'espèce, eu égard aux circonstances, à la durée et à la complexité de l'affaire, il y a lieu de condamner l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME à payer à Madame Patricia X... la somme de 2000 € sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare recevable l'appel de l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME ;

Annule le jugement déféré ;

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement pour faute grave est injustifié et ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME à payer à Madame Patricia X... :

- la somme de 900 € à titre de rappel de salaire,
- la somme de 4800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 480 € à titre de congés payés sur préavis,
- la somme de 2880 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne le remboursement par l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, à concurrence de 6 mois d'indemnités ;

Dit qu'une copie certifiée conforme de cette décision sera transmise à l'ASSEDIC par le greffe ;

Dit que l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME reprendra l'intégralité des sommes allouées sous forme d'un bulletin de paie et qu'elle procédera aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale, sans assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Condamne l'association OGEC MONTALEMBERT NOTRE DAME aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffierLe président

P. MARENGOB. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 07/04667
Date de la décision : 17/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-17;07.04667 ?
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