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12/09/2008 | FRANCE | N°06/05716

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 12 septembre 2008, 06/05716


ARRÊT No

No RG : 06/ 05716 PC/ HH

Décision déférée du 15 Novembre 2006- Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE-20400928 Norbert SAINT RAMON

Daniel X...

C/

SA TELF CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE Compagnie CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE

INFIRMATION EXPERTISE RENVOI A L'AUDIENCE DU 6 MARS 2009 A 10H30

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 2- Chambre sociale *** ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT ***

APPELANT (S)
Mo

nsieur Daniel X...... 31280 DREMIL LAFAGE

comparant en personne
assisté de la SCP RASTOUL-FONTANIER-COMB...

ARRÊT No

No RG : 06/ 05716 PC/ HH

Décision déférée du 15 Novembre 2006- Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE-20400928 Norbert SAINT RAMON

Daniel X...

C/

SA TELF CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE Compagnie CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE

INFIRMATION EXPERTISE RENVOI A L'AUDIENCE DU 6 MARS 2009 A 10H30

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4ème Chambre Section 2- Chambre sociale *** ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT ***

APPELANT (S)
Monsieur Daniel X...... 31280 DREMIL LAFAGE

comparant en personne
assisté de la SCP RASTOUL-FONTANIER-COMBAREL, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

SA TELF 2 chemin Novital 31790 SAINT JORY

représentée par Me Nathalie ROINE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE 3 Boulevard du professeur Léopold Escande 31093 TOULOUSE CEDEX 9

représentée par Mme Vanessa B..., en vertu d'un pouvoir

Compagnie CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE 6 bd Haussmann 75009 PARIS

représentée par Me Nathalie ROINE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
P. de CHARETTE, président C. PESSO, conseiller C. CHASSAGNE, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER
ARRET :- CONTRADICTOIRE-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile-signé par P. de CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE
M. X... exerce la profession de chauffeur poids-lourds pour le compte de la SAS TELF qui a conclu avec la société SIEMENS un contrat de location de véhicules de transport avec chauffeur. Le 10 septembre 2001, étant sur le site de la société SIEMENS à FOIX, il a été victime d'un accident du travail. Alors qu'il était à l'intérieur de son poids-lourd sur un engin transpalettes se conduisant en position debout, et reculait pour décharger une palette, la plate-forme dénommée niveleur permettant la mise à niveau du quai avec le poids-lourd s'est brusquement relevée. M. X..., qui n'a pu arrêter à temps le transpalettes, a eu les jambes prises sous le niveleur et a été sérieusement blessé.
Par jugement en date du 15 novembre 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a rejeté la demande de M. X... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
M. X... a régulièrement relevé appel de ce jugement. Il soutient que son employeur a été informé des défaillances répétées du niveleur et estime qu'il doit bénéficier de la faute inexcusable de plein droit prévue à l'article L. 4131-4 du code du travail, précédemment L. 231-8-1, et demande subsidiairement que la faute inexcusable de droit commun de l'employeur soit reconnue. Il demande la fixation au maximum de la majoration de rente, la mise en oeuvre d'une expertise médicale et une provision de 5 000 €.
La SAS TELF conteste avoir été informée des défaillances du niveleur antérieurement à l'accident. Elle soutient que ni la faute inexcusable de droit ni la faute inexcusable de droit commun ne peuvent être retenues à son encontre.
Subsidiairement, elle demande le rejet ou la diminution de la provision sollicitée et fait valoir que les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable en ce qui concerne la majoration de rente, ne pourront être supportées par elle qu'à hauteur du taux d'incapacité permanente partielle qui lui est opposable, à savoir 15 %, et non pas au taux de 20 % retenu par le tribunal du contentieux de la capacité dans une procédure à laquelle elle n'a pas été partie.
La compagnie CHUBB INSURANCE demande l'application de la franchise prévue au contrat d'assurance passée avec la société TELF.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE déclare s'en remettre à l'appréciation de la cour sur l'existence de la faute inexcusable de l'employeur. Elle fait savoir qu'elle récupérera directement auprès de l'employeur ou de sa compagnie d'assurances le montant des sommes résultant d'une reconnaissance de la faute inexcusable. Elle considère d'autre part que la discussion sur l'opposabilité à la société TELF du taux de 20 % retenu par le tribunal du contentieux de l'incapacité ne peut relever que de la compétence de celui-ci. Elle en déduit que la majoration de rente qui serait attribuée à M. X... doit donc être calculée sur le taux d'incapacité permanente partielle de 20 %.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La faute inexcusable de l'employeur
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel a été exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la charge de la preuve pesant sur la victime.
D'autre part, l'article L. 4131-4 du code du travail, précédemment article L. 231-8-1, dispose : « Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur définie à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le salarié ou les salariés qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé ».
En l'espèce, les éléments de l'enquête de police ainsi que les pièces versées aux débats font apparaître que plusieurs salariés, M. X..., ainsi que MM. D..., J... et L... avaient constaté avant l'accident à plusieurs reprises le relèvement intempestif du niveleur lors d'opérations de déchargement ou de chargement. Ainsi, M. J..., employé intérimaire pendant un mois en avril 2001, soit cinq mois avant l'accident, indique-t-il avoir eu juste le temps d'arrêter son appareil alors que le pont s'était relevé brusquement au moment où il sortait de son camion sur le transpalettes. M. L... atteste de même de la survenance d'un incident identique dans les mêmes circonstances.
À cet égard, l'examen du niveleur par l'APAVE a fait apparaître l'existence de plusieurs défauts, notamment une usure d'une crémaillère, élément également retenu par le technicien de l'entreprise de maintenance, qui aurait pu entraîner le relèvement intempestif de la plate-forme. Un technicien ayant ultérieurement procédé au démontage de cet appareil en présence des services de police le 28 juin 2002, M. A..., a cependant constaté que la crémaillère était en bon état et a conclu d'une part à une négligence dans l'entretien et d'autre part à un réglage non adapté des ressorts situés à l'arrière occasionnant un mauvais fonctionnement de l'ensemble du mécanisme.
Les instructions internes établies par la SAS TELF faisaient obligation à M. X... de prévenir immédiatement M. Y... ou M Z... en cas d'avarie dans les opérations de déchargement. Entendu par les services de police le 12 septembre 2001, M. X... a énoncé de façon circonstanciée qu'il avait dûment prévenu M. Y... du relèvement anormal du pont constaté à plusieurs reprises.
Il a déclaré : « En avril, mai 2001, le pont fonctionnait très mal. Il se relevait entre trois et cinq fois lors d'un même déchargement, lors du passage plate-forme-remorque. Les employés de Siemens n'ont pu que le constater. J'en ai parlé à mes collègues qui ont rencontré les mêmes difficultés. Nous l'avions signalé à M. Y... Marc, chef d'équipe à la société TELF. Il est arrivé que M. Y... effectue une livraison à Siemens Foix et rencontre des problèmes avec le pont ».
Dans une attestation déposée devant la cour, M. Y... confirme que le pont se déverrouillait et se relevait sans raison apparente. Il ajoute : « J'ai fait part de ces incidents aux responsables ainsi que mes collègues, mais ce pont n'a été interdit qu'après l'accident ».
Alors même que cette précision ne figure pas dans son attestation, il tombe sous le sens que l'information a été transmise par M. Y... aux responsables de la société TELF, dès lors que l'intéressé était le chef d'équipe chargé de recueillir les signalements d'anomalies pendant les opérations de déchargement par les chauffeurs poids-lourds de l'entreprise.
Il apparaît ainsi que M. X... a fait connaître à l'employeur, en la personne du chef d'équipe, le risque qui s'était matérialisé à plusieurs reprises au cours des mois précédant l'accident et que l'information a été répercutée par le chef d'équipe aux responsables de la société TELF.
Dans ces conditions, M. X... bénéficie de la reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable de son employeur. Le jugement sera donc infirmé.
Les conséquences pécuniaires
Il y a lieu de fixer au maximum le montant de la majoration de rente revenant à M. X.... Le calcul de cette majoration sera effectué sur la base du taux d'incapacité permanente partielle de 20 % qui lui a été reconnu par le tribunal du contentieux de l'incapacité.
La demande d'expertise médicale est justifiée en vue de la détermination des préjudices personnels. La demande de provision est de même fondée.
La CPAM récupérera sur la SAS TELF et sur l'assureur de celle-ci, dans les limites des prévisions de la police d'assurance pour ce qui concerne la compagnie, les sommes dont elle aura fait l'avance à M. X.... La contestation élevée par la SAS TELF sur le taux d'incapacité permanente partielle constituant l'assiette de la majoration de rente récupérable devra être portée par elle devant le tribunal du contentieux de l'incapacité.
Il sera enfin fait droit à la demande de M. X... fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de défense.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme le jugement.
Dit et juge que l'accident du travail dont M. X... a été victime le 10 septembre 2001 est dû à la faute inexcusable de la SAS TELF.
Fixe au maximum le montant de la majoration de rente revenant à M. X....
Ordonne une mesure d'expertise médicale et désigne pour y procéder :
- M. le Docteur Jacques V..., ...,
avec mission d'examiner M. X... et de donner son avis sur les chefs de préjudice résultant de l'accident du travail du 10 septembre 2001 au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle dont la victime demeurait atteinte à la suite de l'accident et de tous autres préjudice personnels.
Dit que l'expert déposera son rapport avant le 15 novembre 2008.
Alloue à M. X... une provision d'un montant de 5 000 €.
Déclare le présent arrêt commun à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE qui sera chargée de procéder au paiement de la majoration de rente et au versement de l'indemnisation des préjudices personnels.
Dit que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE récupérera directement et immédiatement auprès de l'employeur ou de sa compagnie d'assurances, dans la limite des garanties de la police pour ce qui concerne celle-ci, le montant des sommes allouées au titre des préjudices personnels et de la majoration de rente.

Dit que les frais d'expertise seront à la charge de la SAS TELF et de son assureur.

Renvoie la SAS TELF à mieux se pourvoir pour ce qui concerne sa contestation sur l'opposabilité du taux d'incapacité permanente partielle servant d'assiette au calcul de la majoration de rente.
Condamne la SAS TELF à payer à M. X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les débats rouverts, après dépôt du rapport, le 6 Mars 2009 à 10 h 30.
Donne injonction de conclure :
- à l'appelant avant le 2 Janvier 2009
- à l'intimé avant le 16 Février 2009.

Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

Le greffierLe président
Dominique FOLTYN-NIDECKER Patrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 06/05716
Date de la décision : 12/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, 15 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-09-12;06.05716 ?
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