Pdt / EB
DOSSIER N 08 / 00639
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2008
3ème CHAMBRE,
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème Chambre,
N 08 / 792
Prononcé publiquement le MERCREDI 10 SEPTEMBRE 2008, par Monsieur SUQUET, Président de la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T. G. I. DE TOULOUSE- 5EME CHAMBRE du 14 AVRIL 2008.
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,
Président : Monsieur SUQUET,
Conseillers : Monsieur LAMANT,
Monsieur BASTIER,
GREFFIER :
Madame BOYER, Greffier, lors des débats
Madame BORJA, Greffier, lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Habiba
née le 16 Décembre 1971 à OUED EL ALLEUG (ALGERIE)
de Ali et de SADOUDI Mouza
de nationalité française, célibataire
Conseiller prud'homme
demeurant ...
31270 VILLENEUVE TOLOSANE
Prévenue, libre, intimée, comparante
Assistée de Maître COHEN Simon, avocat au barreau de TOULOUSE
LE MINISTÈRE PUBLIC :
appelant,
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Le Tribunal, par jugement en date du 14 Avril 2008, a relaxé X... Habiba du chef de :
VOL, le 10 / 03 / 2008, à Toulouse, infraction prévue par les articles 311-1, 311-3 du Code pénal et réprimée par les articles 311-3, 311-14 1, 2, 3, 4, 6 du Code pénal
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
M. le Procureur de la République, le 16 Avril 2008 contre Madame X... Habiba
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Juillet 2008, le Président a constaté l'identité de la prévenue ;
Le Ministère Public a sommairement indiqué les motifs de son appel ;
Ont été entendus :
Monsieur SUQUET en son rapport ;
Monsieur A...Alain né le 17 / 07 / 1950,
Madame B...épouse ANSELME Martine née le 31 / 01 / 1954,
Monsieur D...Didier né le 08 / 10 / 1951,
Madame E...épouse PILLON F...née le 09 / 12 / 1953,
Monsieur G...Philippe né le 06 / 06 / 1964,
Madame H...Véronique épouse I...née le 10 / 06 / 1967
Madame J...épouse K...
L...née le 02 / 05 / 1952
Monsieur M...Jean Pascal né le 08 / 07 / 1969
Monsieur N...Francis né 18 / 09 / 1957
en qualité de témoins, après avoir prêté le serment prévu par la loi ;
X... Habiba en ses interrogatoire et moyens de défense ;
Monsieur SILVESTRE, Substitut Général en ses réquisitions ;
Maître COHEN, avocat de X... Habiba, en ses conclusions oralement développées
X... Habiba a eu la parole en dernier ;
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 10 SEPTEMBRE 2008.
DÉCISION :
Par jugement en date du 14 avril 2008, le Tribunal correctionnel de TOULOUSE a relaxé Habiba
X...
poursuivie du chef de vol.
Le Procureur de la République a relevé appel principal de ce jugement le 16 avril 2008.
* * *
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel, relevé dans les formes et délais requis par la loi, est recevable.
Le mardi 11 mars 2008, Philippe G..., adjoint technique au Conseil des prud'hommes de TOULOUSE, déclarait aux services de police que, en prenant son service le matin même à 7 heures 40, il avait été informé par Richard GARDES, greffier de la section commerce, de ce que l'ordinateur de la salle d'audience dénommée " Capitole " avait été changé : le matériel neuf installé dans cette salle le 15 février précédent avait disparu et c'est le vieil ordinateur, en attente de réforme, qui avait été réinstallé à la place.
Philippe G...faisait alors le tour de toutes les salles et était informé par une greffière que l'ordinateur de la salle " des Lois " avait également disparu.
Martine ANSELME, qui avait tenu l'audience la veille, lui confirmait qu'elle avait bien fermé les deux portes de la salle " des Lois " et verrouillé le bâtiment à la fin de l'audience publique à 19 heures 05.
Eliane PILLON, greffière qui avait utilisé la salle d'audience le matin du 11 mars à 9 heures, lui indiquait qu'elle avait constaté à son arrivée que la porte principale d'accès de la salle était bien fermée mais que la porte annexe pour accès handicapés n'était pas verrouillée.
Aucune effraction n'était constatée.
L'accès au bâtiment est contrôlé par un système de badges personnalisés qui n'enregistre pas les sorties mais seulement les entrées, en deux points différents : le portail de la cour et la porte d'entrée du bâtiment.
Le listing du 10 mars en fin d'après-midi indiquait l'entrée d'Habiba X..., conseillère de prud'hommes, au portail de la cour à 19 heures 13, et à la porte d'entrée à 19 heures 17, 19 heures 36 et 19 heures 50.
L'entrée suivante était ensuite enregistrée le 11 mars à 07 heures 12 par le badge d'Eliane PILLON au portail de la cour.
Martine ANSELME, greffière, indiquait aux enquêteurs que l'audience du 10 mars s'était terminée après 19 heures, qu'elle s'était ensuite rendue à son bureau au deuxième étage avec le président, Monsieur P..., qui, lui, était monté au troisième étage et qu'elle était repartie 5 à 10 minutes plus tard.
Monsieur P...confirmait que l'audience s'était terminée après 19 heures, qu'il avait aidé Martine ANSELME à porter des dossiers à son bureau, qu'il était ensuite monté à son propre bureau au troisième étage où il n'avait vu personne, qu'il n'y était resté que très peu de temps et qu'il avait ensuite quitté le Conseil des prud'hommes.
Corinne PAREDES indiquait avoir quitté le Conseil des prud'hommes à 18 heures 30 et Monsieur P...confirmait l'avoir vu quitter les lieux avant 19 heures, moment où s'est terminée l'audience se déroulant dans la salle " des Lois " qui donne dans la cour du Conseil.
* * *
Le 11 mars 2008, les enquêteurs se rendaient au domicile d'Habiba
X...
où, à 17 heures 25, la porte leur était ouverte par sa belle-mère, Danielle Q.... Ils procédaient à une perquisition et constataient, " dans le garage, la présence d'une remorque où se trouve, sous des outils, valises et vêtements, " d'un clavier de marque NEC de couleur noire, d'une souris de marque NEC, d'un écran de marque SAMSUNG et d'une unité centrale, ces éléments correspondants à la description fournie par le greffier en chef du Conseil des prud'hommes. Ils saisissaient ces objets.
Le numéro de série de l'unité centrale montrait que c'était celle qui se trouvait dans la salle " des Lois " du Conseil des prud'hommes.
Le second ordinateur n'était pas retrouvé.
Les enquêteurs demandaient à Danielle Q...d'inviter sa belle-fille à se présenter le lendemain au commissariat de police. Ils la joignaient eux-mêmes téléphoniquement à 18 heures 10 pour lui confirmer avoir à se présenter le lendemain en lui précisant le motif de cette convocation.
* * *
Entendue le 12 mars 2008 à partir de 11 heures 20, Habiba
X...
déclarait que :
- le lundi 10 mars, elle s'était rendue au Conseil des prud'hommes, avait ouvert le portail de la cour avec son badge et était rentrée avec la voiture de son compagnon, Jérôme Q...,
- elle avait badgé à la porte d'entrée pour entrer dans les locaux et se rendre au troisième étage, dans ses bureaux où elle avait vu de la lumière et la présence de Corinne PAREDES, conseillère de prud'hommes,
- une fois au troisième étage, elle avait constaté qu'elle n'avait pas la clé de l'armoire dans laquelle elle souhaitait ranger ses dossiers et était retournée la chercher à sa voiture,
- elle avait badgé une deuxième fois à la porte d'entrée pour revenir dans les locaux où elle avait déposé certains dossiers et en avait repris d'autres ; elle avait constaté à ce moment-là que le bureau de Corinne PAREDES était éteint et avait présumé qu'elle était partie,
- arrivée dans la cour, elle avait constaté que la moitié du portail était ouverte et que, de l'autre côté, se trouvait un gros sac-poubelle à moitié fermé ; en voulant le déplacer, elle avait constaté qu'il était très lourd et avait vu à l'intérieur, un clavier, une souris, deux téléphones de type standard et un petit sac marron ; pensant que l'ordinateur était posé là, suite à une avarie ou que quelqu'un avait tenté de le voler, elle avait mis le sac dans la malle de sa voiture,
- le lendemain, elle avait téléphoné à son compagnon, Jérôme Q...qui était parti avant elle pour lui demander s'il avait trouvé des affaires dans le coffre de la voiture : il lui avait répondu qu'il avait mis ces affaires dans le garage,
- elle ajoutait qu'elle pensait que, ayant badgé, le Conseil des prud'hommes allait l'appeler pour savoir si elle avait vu quelque chose.
Entendu le 12 mars à 14 heures, Jérôme Q...indiquait qu'en prenant la voiture le matin du 11 mars à 7 heures, il avait ouvert le coffre et il déclarait " c'est là que j'ai trouvé ces fameux sacs poubelles. Dedans, j'ai vu un écran d'ordinateur, des téléphones. J'ai pris les sacs et je les ai mis dans la remorque où on met un peu de tout ". Comme les enquêteurs le lui avaient demandé, il leur ramenait " un des sacs en plastique qui se trouvait dans la malle " et qu'il avait mis dans la remorque contenant deux téléphones Erickson de bureau, un sac marron Longchamp et un porte-monnaie rouge avec miroir intérieur.
Il indiquait que la veille au soir, sa compagne lui avait dit qu'elle s'était rendue au Tribunal, qu'en partant, elle avait constaté que le portillon était ouvert, qu'il y avait les sacs dans la cour qui gênaient pour fermer et qu'elle les avait mis dans la malle parce qu'elle trouvait cela bizarre.
* * *
Lors d'une deuxième audition, Habiba
O...
confirmait qu'elle avait bien vu Corinne PAREDES dans les locaux du Conseil des prud'hommes le soir du 10 mars en précisant qu'elle ne lui avait pas adressé la parole car elles étaient fâchées.
Elle ajoutait que l'ensemble du matériel qui lui était présenté par les enquêteurs correspondait à celui qu'elle avait trouvé dans le sac-poubelle et que, si elle avait mis ces objets dans sa voiture, c'était une façon pour elle de les mettre en lieu sûr.
Entendue une nouvelle fois, Habiba
O...
confirmait qu'un sac-poubelle bloquait un côté du portail, qu'elle avait vu Corinne PAREDES au Conseil le temps qu'elle s'y trouvait et précisait que, à son arrivée, la salle des pas perdus était allumée et qu'elle l'était encore lorsqu'elle était partie.
Lors de l'audience devant le Tribunal correctionnel, elle précisait qu'elle n'avait soulevé qu'un seul sac-poubelle et qu'elle ne comprenait pas pourquoi son compagnon parlait des sacs-poubelle.
* * *
Poursuivie devant le Tribunal Correctionnel du chef de vol elle était relaxée par un jugement dont la motivation est des plus restreinte.
* * *
Il résulte des éléments du dossier que :
- au moins en ce qui concerne l'ordinateur présent dans la salle " des Lois " le vol a été commis après la fin de l'audience du 10 mars, soit après 19 H, faute de quoi Martine ANSELME aurait constaté son absence, et personne d'autre qu'Habiba
O...
n'a constaté la présence du sac-poubelle contenant cet ordinateur,
- d'ailleurs, si l'on croit les affirmations d'Habiba
O...
, le sac-poubelle contenant l'ordinateur n'était pas présent à son arrivée, à 19 heures 13, mais se trouvait devant le portail à son départ aux alentours de 20 heures,
- il est évident que l'ordinateur de la salle " Capitole " a été volé le même jour puisque sa disparition a été constatée dès le matin du 11 mars,
- Habiba
O...
possédait les clefs de ces deux salles puisque, après les avoir perdues, elles lui avaient été restituées peu de temps auparavant,
- ses trois entrées successives dans les locaux à 19 heures 17, 19 heures 36 et 19 heures 50 peuvent résulter aussi bien de l'oubli de ses clefs et du transport de dossiers, ainsi qu'elle l'indique, que de la sortie des sacs contenant les ordinateurs qu'il était certainement impossible de transporter en une seule fois,
- il n'est pas crédible qu'elle ait effectivement aperçu Corinne PAREDES dans les lieux après 19 heures 17 puisque cette dernière affirme être partie vers 18 heures 30 et que Monsieur P...confirme l'avoir vu partir depuis la salle d'audience où il ne s'est trouvé que jusqu'à 19 heures,
- il est surprenant qu'Habiba
O...
persiste à soutenir qu'elle n'a mis dans le coffre de sa voiture qu'un seul sac-poubelle alors que non seulement son compagnon parle de plusieurs sacs mais que, de plus, il a apporté aux policiers un deuxième sac que ceux-ci n'avaient pas saisi lors de leur perquisition,
- Habiba
O...
n'a pas contacté le Conseil des prud'hommes pour faire part de ce qu'elle avait un ordinateur en sa possession et elle n'en a parlé aux policiers que le 11 mars à 18 H 10 lorsque ceux-ci lui ont téléphoné pour la convoquer au commissariat.
* * *
Ces éléments sont suffisamment convaincants pour retenir la culpabilité de la prévenue.
Celle-ci ne dit manifestement pas la vérité quand elle affirme n'avoir emporté qu'un seul sac-poubelle alors que son mari parle de sacs au pluriel et qu'il en a apporté un deuxième aux policiers. En outre, tout incite à penser que les deux ordinateurs ont été emportés par la même personne, ce qui concorde avec la présence d'au moins deux sacs-poubelle. Or, le fait de reconnaître qu'il y avait plusieurs sacs, impliquerait pour elle de révéler la destination de celui ou ceux qui n'ont pas été retrouvés.
Elle n'est pas non plus crédible quand elle affirme avoir attendu un appel du Conseil des prud'hommes pour informer qu'elle détenait un ordinateur dans la mesure où le seul fait qu'elle soit la dernière à être sortie n'impliquait nullement qu'elle soit en possession de cet appareil. En outre, ne voyant pas cet appel venir, il est pour le moins surprenant qu'elle n'ait pas trouvé le temps suffisant pour passer ce coup de téléphone dans la journée du 11 mars.
L'intervention d'une autre personne qui aurait commis le vol ne pourrait se situer que pendant la présence d'Habiba
O...
dans les locaux. Or cette présence était visible puisqu'elle avait garé sa voiture dans la cour, elle avait allumé la lumière et elle avait fait plusieurs trajets d'aller et retour entre l'extérieur et l'intérieur. Dans ces conditions, il serait plus que surprenant que le voleur ait agi avant le départ de la voiture présente dans la cour et que, de plus, il ait pris le risque de bloquer le portail en position ouverte avec un sac-poubelle parfaitement visible.
* * *
Consciente de la fragilité de ses déclarations, Habiba
O...
suggère l'hypothèse selon laquelle elle aurait été victime d'un coup monté pour l'accuser faussement et elle a fait citer devant la Cour plusieurs témoins pour attester du climat de tension existant dans la juridiction et de l'hostilité à laquelle elle se trouvait confrontée.
Elle est incontestablement parvenue à établir l'existence d'un climat délétère dans la juridiction, les témoins ayant évoqué l'hypocrisie et l'animosité entre ses membres et le fait qu'il y avait eu des pressions contre elle.
Pour autant cela ne permet pas d'accréditer l'existence d'une machination préparée à l'avance contre elle puisque, d'une part, il n'apparaît pas qu'elle ait préalablement informé qui que ce soit de sa venue au Conseil des prud'hommes ce soir là et, d'autre part, il n'était certainement pas prévisible qu'elle emporte le sac destiné à la piéger au lieu de le replacer tout simplement à l'intérieur des locaux.
Sa culpabilité sera donc retenue.
En répression, elle sera condamnée à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis simple.
En application de l'article 131-26 du Code pénal, il sera également prononcé contre elle l'interdiction, pendant deux ans, des droits civiques portant sur l'éligibilité et le droit d'exercer une fonction judicitionnelle.
* * *
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
EN LA FORME
Reçoit l'appel du Ministère Public,
AU FOND
Déclare X... Habiba coupable des faits qui luis ont reprochés ;
En répression,
La condamne à 6 mois d'emprisonnement avec sursis simple et lui fait interdiction pendant deux ans, d'être éligible et d'exercer une fonction juridictionnelle.
Le Président n'a pu donner au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 € dont chaque condamné est redevable ;
Le tout en vertu des textes sus-visés ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,