05 / 09 / 2008
ARRÊT No
No RG : 07 / 03370
DN / MPP
Décision déférée du 31 Mai 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE 06 / 00799
LAUVERNIER
SARL AS COIFFURE
C /
William X...
REFORMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2- Chambre sociale
***
ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
***
APPELANTE
SARL AS COIFFURE
22 rue du Rempart Saint Etienne
31000 TOULOUSE
représentée par la SCP MATHEU RIVIERE-SACAZE ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur William X...
...
31000 TOULOUSE
comparant en personne, assisté de Me Cyrille PERIGAULT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945. 1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2008, en audience publique, devant, P. de CHARETTE président et M. P. PELLARIN, conseiller chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
P. DE CHARETTE, président
M. P. PELLARIN, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxieme alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Embauché le 11 avril 1989 en qualité de coiffeur par la S. A. R. L. AS COIFFURE, M. William X..., né en 1969, a été convoqué le 23 janvier 2003 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 15 février 2006 ainsi motivée :
" Nous avions reçu des plaintes sur votre loyauté envers l'entreprise ainsi que sur votre comportement vis-à-vis de vos collègues qui engendrait une tension insoutenable.
Nous vous avons convoqué pour un premier entretien le 24 août 2005.
Nous avons exceptionnellement accepté de le reporter. L'entretien s'est déroulé le 3 novembre 2005.
Suite à cet entretien, nous avons appris que le mal était plus profond.
- Agression permanente sur le personnel féminin ;
- Harcèlement sexuel notamment à l'encontre de mademoiselles Sandra Y..., Stéphanie Z... et Mathilde G..., mineure lors des faits reprochés ;
- persécutions ;
- dévalorisation, rabaissement permanent.
Ces faits nouveaux ont été portés à ma connaissance courant décembre 2005 et janvier 2006.
Devant leur gravité, nous avons pris le temps de vérifier la concordance des divers témoignages contenant ces accusations.
Aujourd'hui ces témoignages matérialisés nous paraissent suffisants probants.
De plus, vous avez délibérément mis en péril l'avenir de l'entreprise.
Vous avez sciemment dévalorisé son image en jetant l'opprobre sur ses salariés et sa direction.
Vous avez volontairement empêché le recrutement et la fidélisation des collaborateurs, les incitant à la démission au profit de la concurrence.
Vous avez critiqué les méthodes et la qualité du travail pratiquées dans l'entreprise, conseillant les clientes que nous vous confions d'aller se faire servir ailleurs.
Pour ces motifs, par une lettre recommandée que vous avez reçue, je vous ai convoqué à un nouvel entretien le 1er février 2006 à 17 heures 45, soit pendant les heures légales de sortie autorisées.
Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.
La gravité des faits qui vous sont reprochés ne permet pas la poursuite du contrat de travail, sans risque pour le personnel féminin encore présent, même pendant la durée limitée du préavis ".
M. X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulouse.
Le bureau de conciliation lui a alloué les sommes de 2. 550 € et 255 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférente.
Par jugement de départition du 31 mai 2007, le Conseil a retenu que le licenciement intervenu plus d'un mois après un précédent entretien préalable au cours duquel avait été évoqué le grief de harcèlement était dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il l'a condamné à payer à M. William X... les sommes de 15. 300 € de dommages-intérêts, 2. 762, 50 € à titre d'indemnité de licenciement, 1. 500 € pour rupture abusive, et 1. 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Il a débouté M. William X... de ses autres demandes.
La S. A. R. L. AS COIFFURE a régulièrement relevé appel de cette décision le 26 juin 2007.
Elle fait valoir pour l'essentiel que si la première convocation de M. William X..., intervenue en août 2005 suite à des tensions dans le salon, n'avait pas été suivie d'effet en raison de l'arrêt de travail pour maladie du salarié, le seconde, lors du retour de M. William X... en novembre 2003, avait donné lieu à une lettre de reproches, mais que la nature exacte et l'ampleur des agissements de M. William X... ne lui avaient été révélées que les 9 décembre 2005, 10 et 15 janvier 2006, date de remise par trois salariées de leurs attestations. Elle conclut dès lors que par leur gravité les faits rendent le licenciement pour faute grave justifié, demande le rejet de toutes les prétentions de l'intimé, y compris celle au titre d'une clause de non concurrence dont il aurait été dispensé d'exécution par courrier du 13 mars 2006, et pour laquelle il aurait en outre reçu la contrepartie pendant l'exécution de son contrat de travail.
Elle demande le remboursement des sommes versées en exécution des décisions de première instance et l'octroi d'une indemnité de 3. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. William X... qui renonce à soutenir l'irrecevabilité de l'appel après avoir pris connaissance de sa date exacte, demande la confirmation du jugement prononcé pour prescription, et en toute hypothèse conteste les faits qui lui sont reprochés, les estimant au surplus non établis. Il se prévaut des nombreuses attestations qu'il verse aux débats pour justifier de son comportement selon lui exemplaire et très professionnel. Il considère qu'il a en outre été victime d'un licenciement discriminatoire, dans la mesure où il n'aurait pas subi de visite de reprise après son arrêt de travail pour maladie. Enfin, il dénie toute valeur à la levée de la clause de non concurrence, comme intervenue plus de deux mois après le licenciement.
Il réclame en conséquence :
- la somme de 22. 950 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 7. 650 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- la somme de 3. 825 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement discriminatoire,
- la somme de 2. 762, 50 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- la somme de 20. 400 € au titre de la contre partie financière de la clause de non concurrence,
- la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-sur le licenciement
En application de l'article L 122-41 du Code du travail alors applicable, l'employeur ne peut plus se prévaloir des faits connus antérieurement à l'entretien préalable du 3 novembre 2005, puisque cette procédure n'a été suivie d'aucune sanction, ainsi qu'il l'admet dans ses propres écritures.
L'intégralité des griefs reprochés par la S. A. R. L. AS COIFFURE repose exclusivement sur les attestations délivrées par Mmes H..., K... ET SOUSA PORTELA qui font état de faits non datés, en tous cas antérieurs à la période de deux mois qui a précédé la dernière convocation de M. William X... à l'entretien préalable au licenciement, elle-même du 23 janvier 2006.
Dès lors, c'est à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant la poursuite.
La chronologie des faits et procédures révèle que :
- c'est à la suite d'une agression commise le 10 août 2005 vers 12h par le père et le frère de Stéphanie H... envers M. William X... et pour laquelle ils ont été condamnés que le gérant de la S. A. R. L. AS COIFFURE a convoqué une première fois ce salarié le 12 août à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 24 août 2005 ;
* or le motif de cette agression était clairement un harcèlement sexuel dont Mme Stéphanie H... déclare avoir parlé à son père ; il est dès lors difficilement envisageable que la réaction de l'employeur, prêt à prononcer une sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement, ait été motivée par des faits autres que ceux dont s'était plainte Mme Stéphanie H... auprès de son père ;
- reporté pour cause d'arrêt de travail pour maladie, l'entretien préalable a eu lieu le 3 novembre 2005 en présence de Stéphanie H... et de Mathilde K..., autre salariée qui dénonce des faits de harcèlement ;
* le gérant, M. Alain I..., soutient qu'il n'était informé que des mauvaises relations entretenues par M. William X... avec les collègues. Il ne fournit cependant à cet égard aucune précision et n'a pas pris de sanction, le seul courrier adressé à M. William X... le 8 novembre 2005 n'en faisant nullement état et portant sur l'attitude (non précisée) du salarié envers ses collègues depuis sa reprise intervenue quelques jours plus tôt, et sur l'organisation journalière du salon.
Il n'existe aucune raison plausible permettant d'admettre qu'alors qu'elles avaient accepté de participer à l'entretien préalable, Mmes Stéphanie H... et Mathilde K... qui allaient par la suite décrire dans leurs attestations des faits pour certains particulièrement choquants (Mathilde K... indique avoir été tirée par terre par les cheveux par M. William X... aux motifs qu'elle refusait ses avances) n'en aient rien dit à l'employeur avant les dates auxquelles elles ont établi leurs attestations.
En dernier lieu, la troisième salariée qui délivre une attestation en date du 9 décembre 2005, Mme SOUSA PORTELA, était la supérieure hiérarchique de M. William X..., de sorte que l'employeur ne pouvait avoir entrepris et poursuivi la procédure disciplinaire à l'égard de ce salarié jusqu'à l'entretien préalable du 3 novembre sans l'avoir entendue, et sans avoir pris connaissance de ce qu'elle déclarait savoir et n'avait aucune raison de cacher.
Il ne peut être tiré de conclusions de l'absence de référence faite par M. William X... dans sa lettre du 5 décembre 2005, aux faits reprochés durant l'entretien préalable du 3 novembre 2005 ; en effet, ce courrier qui est la réponse à une lettre de l'employeur du 24 novembre 2005, non produite, traite essentiellement de l'arrêt de travail pour maladie, et se borne à rappeler qu'aucune décision n'a été prise à la suite de l'entretien.
En conséquence, la S. A. R. L. AS COIFFURE ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle n'a eu connaissance des faits visés dans la lettre de licenciement qu'aux dates de délivrance des attestations par ses salariées et le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. William X... sans cause réelle et sérieuse et alloué l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés y afférente ayant été accordés par le bureau de conciliation. Le montant des dommages-intérêts alloués fait une exacte appréciation du préjudice subi au regard de l'emploi perdu, de l'âge et l'ancienneté du salarié, de sa situation après la rupture.
Le caractère brutal du licenciement, dont l'employeur a informé la médecine du travail avant même qu'il ne l'ait notifié à ce salarié, présente un caractère vexatoire et justifie l'indemnisation accordée par le Conseil de Prud'hommes.
M. William X... qui ne démontre nullement que c'est la poursuite de son arrêt de travail pour maladie qui a déterminé son employeur à le licencier a été à juste titre débouté de sa demande en dommages-intérêts complémentaires pour licenciement discriminatoire.
- sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence
M. William X... était contractuellement tenu à une obligation de non concurrence dans un rayon de deux km à vol d'oiseau du lieu de travail pendant un délai de deux ans à compter de la rupture sauf renonciation de l'employeur qui devait intervenir dans les quinze jours de la notification de la rupture. La S. A. R. L. AS COIFFURE a levé la clause de non concurrence de M. William X... par lettre envoyée le 21 avril 2006, soit hors du délai conventionnel.
Elle ne peut s'exonérer du paiement de la contrepartie financière de la clause pendant la durée de sa validité, soit deux ans, aux motifs qu'elle a versé à titre de contrepartie une majoration de salaire pendant toute la durée du contrat. En effet, la contrepartie ne peut se justifier qu'après la rupture du contrat, en cas de restriction apportée à la liberté de travail du salarié, et son montant ne peut dépendre de la durée d'exécution du contrat de travail. Ainsi, la majoration invoquée par la S. A. R. L. AS COIFFURE ne peut avoir la nature de contrepartie financière de la clause de non-concurrence et M. William X... est fondé en sa demande en paiement de la somme de 20. 400 €, exactement calculée à raison de 2 / 3 du salaire mensuel brut, soit la somme de 850 € pendant 24 mois.
En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à M. William X... seul l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Réforme le jugement déféré en ses dispositions sur la clause de non concurrence et statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la S. A. R. L. AS COIFFURE à payer à M. William X... la somme de 20. 400 € au titre de la contrepartie de cette clause.
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la S. A. R. L. AS COIFFURE à payer à M. William X... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la S. A. R. L. AS COIFFURE au paiement des dépens.
Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE