27 / 06 / 2008
ARRÊT No
No RG : 07 / 00182
CP / HH
Décision déférée du 21 Décembre 2006- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-05 / 02162
Jean- Louis X...
Menad Y...
C /
Z...(Entreprise Z...- A. BAKI A...)
Jocelyne B...
Christian C...
CGEA DE TOULOUSE
INFIRMATIONREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2- Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (S)
Monsieur Menad Y...
...
...
31650 ST ORENS DE GAMEVILLE
représenté par Me Benoît DUBOURDIEU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME (S)
Monsieur Z...
(Entreprise Z...- A. BAKI A...)
...
31880 LA SALVETAT ST GILLES
représentée par Me Thibault TERRIE, avocat au barreau D'ALBI
Maître Jocelyne B...représentant des créanciers de M. Z...
...
31000 TOULOUSE
non comparant, bien que régulièrement convoqué
Maître Christian C...administrateur judiciaire de M. Z...
...
31000 TOULOUSE
représenté par Me Thibault TERRIE, avocat au barreau D'ALBI
CGEA DE TOULOUSE
72 RUE RIQUET
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
représentée par Me Bruno VACARIE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
P. de CHARETTE, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : D. FOLTYN- NIDECKER
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. PESSO, conseiller, pour le président empêché, et par D. FOLTYN- NIDECKER, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Engagé en qualité de conducteur de travaux selon un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 7 février 2005 par M. Z...qui exploite une entreprise individuelle de bâtiment sous le nom AKDAG- A. BAKI ET A..., M. Y...a été sanctionné par un avertissement le 30 juin 2005 et licencié pour causes réelles et sérieuses et fautes graves le 20 juillet 2005.
M. Z...fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire qui a été ouverte par jugement du 17 mars 2006.
Contestant son licenciement, M. Y...a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, lequel, par jugement en date du 21 décembre 2006, a dit que le licenciement pour faute grave est justifié, a débouté le salarié de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté M. Z...de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée envoyée au greffe le 10 janvier 2007, M. Y...a relevé appel de ce jugement.
Par jugement du 12 novembre 2007, M. Z...a bénéficié d'un plan de redressement par continuation de l'activité.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 13 décembre 2007 reprises à l'audience de plaidoiries, M. Y...demande à la cour de réformer le jugement déféré, de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et est abusif, d'ordonner la rectification de l'attestation destinée à l'ASSEDIC, de condamner M. Z...à lui payer :
-2 164, 44 € à titre d'indemnité pour défaut de procédure,
-2 164, 44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-2 16, 44 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-8 657, 77 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
-4 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif,
-2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir au soutien de ces demandes que :
- lors de l'entretien préalable du 13 juillet 2005, M. Z..., sans lui notifier de mise à pied, lui a interdit d'assister aux réunions de chantier et d'avoir des contacts avec les clients, l'empêchant ainsi d'effectuer les tâches définies dans son contrat de travail, de sorte qu'il avait manifestement pris la décision de le licencier sans l'avoir au préalable entendu ni s'être accordé un délai de réflexion de deux jours ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas justifiés, soit parce qu'ils ne reposent que sur les allégations de l'employeur, que plusieurs des attestations produites par M. Z...sont de pure complaisance, qu'il ne peut lui être reproché un non respect des horaires parce qu'en raison de ses fonctions il n'était pas soumis à des horaires strictement définis, qu'il quittait effectivement son poste le vendredi un peu avant 17 heures avec l'accord de son employeur, que lui même apporte des éléments de preuve inverse ;
- le licenciement est intervenu dans des circonstances abusives après des retards de paiement des salaires l'ayant placé dans une situation financière difficile.
M. Z...et Maître C..., administrateur judiciaire, par conclusions déposées le 5 mars 2008 reprises oralement, sollicitent la confirmation du jugement, le débouté de M. Y...de ses demandes et sa condamnation au paiement de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que :
- la procédure de licenciement a été observée et le salarié ne prouve pas qu'il lui aurait été fait interdiction d'accéder aux réunions de chantier,
- les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont établis par plusieurs attestations qui ne sont pas utilement combattues par celles produites par le salarié qui ne sont pas fiables.
L'AGS et le CGEA de Toulouse, rappelant les conditions et limites de la garantie de l'AGS, concluent à la mise hors de cause de celle- ci.
Maitre B..., représentant des créanciers, ne comparaît pas.
MOTIVATION
Selon la lettre de notification du licenciement, qui fixe les limites du litige, la rupture du contrat de travail de M. Y...est fondée sur :
- des faits constitutifs d'une cause réelle et sérieuse :
* le refus de respecter les dates des congés payés,
* la critique publique de l'employeur et la mise en doute de sa bonne foi,
* le discrédit public de l'employeur et la mise en cause de sa probité,
* des mots déplacés et outrageants proférés publiquement vis à vis de clients, de salariés de l'entreprise et de l'épouse de l'employeur,
* le refus de respecter l'horaire de travail imposé à tous en dépit d'avertissements antérieurs ;
- des faits constitutifs de faute grave :
* l'abandon du poste systématiquement tous les vendredis après- midi en dépit des avertissements et des remarques,
* l'opposition aux ordres et le refus d'obéir,
* l'opposition aux consignes données par l'épouse de l'employeur et le refus de s'y conformer,
* l'abus d'autorité envers les ouvriers et la secrétaire.
Par lettre recommandée du 30 juin 2005 reçue le 2 juillet, M. Z...avait notifié à M. Y...un avertissement motivé par de nombreux griefs, certains relatifs à des faits identiques à une partie de ceux visés dans la lettre de licenciement, à savoir : l'arrêt du travail tous les vendredis vers 15 ou 16 heures, le refus d'obéir aux directives notamment le refus de signer la feuille de demande de congés, l'attitude déplaisante, désagréable et irrespectueuse vis à vis du personnel ouvrier et des personnes extérieures à l'entreprise.
Ces faits ne peuvent donc servir de fondement au licenciement que si l'employeur apporte la preuve qu'ils se sont poursuivis ou réitérés entre le 2 et le 20 juillet 2005.
Pour justifier les griefs faits au salarié, M. Z...produit une série d'attestations émanant d'autres employés, lesquels, si l'on écarte celles de ses deux frères, écrivent que :
M. E...: M. Y...créait des problèmes, ralentissait le travail, n'en faisait qu'à sa tête, provoquait des disputes,
M. F...: il était souvent absent des chantiers, n'était pas capable de donner du travail, faisait « le contraire des plans de construction »,
M. G...: il n'était pas capable de gérer le chantier en l'absence du patron,
M. H...: il a fait une erreur de traçage,
M. MOHAMED EMIN I...: il lui disait des « gros mots » et l'empêchait d'avancer dans son travail, il avait « tout faux dans ses calculs et ses plans ».
Ces attestations qui mentionnent en termes généraux les défauts de l'intéressé sans décrire des faits concrets (à l'exception d'une erreur de traçage) et sans fournir aucune date, sont trop imprécis et pas suffisamment concordants, chaque témoin formulant une critique différente, pour constituer la preuve que la personne concernée a fait preuve d'agissements désagréables envers les salariés et les partenaires de l'entreprise, a refusé d'obéir aux instructions, en tous cas après la notification de l'avertissement.
Ce d'autant que M. Y...verse aux débats les attestations de deux anciens salariés, la secrétaire Mlle J...et un chef de chantier M. K..., qui affirment qu'il ne désobéissait pas aux ordres de l'employeur et n'abusait pas de son autorité, la première ajoutant que son « départ précipité certains vendredis était toléré pendant 5 mois et largement compensé par les heures supplémentaires ». Surtout, il produit les témoignages de trois employés d'une société de promotion qui indiquent qu'il exécutait les ordres de son employeur, ne prenait pas de décisions contraires à la politique de l'entreprise, entretenait de bonnes relations avec les ouvriers et les participants à la construction.
Par ailleurs, si M. Y...reconnaît qu'il quittait son poste le vendredi avec quelques minutes d'avance pour aller chercher sa fille à la sortie de l'école à 17 heures, il apparaît que M. Z...reconnaît avoir toléré cette situation pendant un certain temps, que Mme J...indique qu'il récupérait ce temps de travail, que le contrat de travail ne déterminait pas ses horaires de travail mais lui laissait au contraire une certaine liberté d'adaptation, enfin qu'il n'est pas établi que ce comportement a perduré en juillet 2005 puisque les enfants sont en vacances à cette époque de l'année.
Enfin, l'employeur ne produit pas de pièces de nature à justifier les autres griefs, ni le discrédit public à son égard, ni les actes d'insubordination, ni les propos déplacés, ni le non respect des congés payés.
En conséquence, en l'absence de preuve de la véracité des griefs formulés à l'encontre de M. Y..., son licenciement sera déclaré dénué de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce que le conseil de prud'hommes a jugé par des motifs erronés.
En outre, force est de constater que cette mesure est intervenue quelques jours après les courriers de plainte du salarié concernant les retards de paiement de salaire et d'approvisionnement en carburant du véhicule de fonction, et après remise lors de l'entretien préalable du 13 juillet 2005 d'un document par lequel il lui était interdit d'assister aux réunions de chantier et d'avoir des contacts avec les clients.
Cette interdiction, si elle ne peut s'analyser en une décision de licenciement rendant la procédure irrégulière, constitue, dans le contexte de cette petite entreprise de moins de 11 salariés, en l'absence de mise à pied conservatoire, une circonstance vexatoire justifiant l'allocation de dommages- intérêts supplémentaires.
En conséquence, M. Y...a droit au paiement des sommes suivantes, qui est garanti par l'AGS dans les conditions et limites des dispositions des articles L143-11-1 (devenu l'article L3253-6) et suivants du code du travail :
-2 164, 44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-216, 44 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-5 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement dénué de cause
réelle et sérieuse,
-2 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif.
Un certificat de travail et une attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés conformément à la présente décision devront en outre être remis à l'intéressé.
M. Z..., qui succombe, devra supporter les entiers dépens. Il ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, mais devra payer à ce titre à M. Y...la somme de 2 000 € qui est exclue de la garantie de l'AGS, comme les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. Y...est dénué de cause réelle et sérieuse est abusif,
Dit que la procédure de licenciement est régulière,
Fixe la créance de M. Y...sur la procédure collective de M. Z...aux sommes suivantes :
-2 164, 44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-216, 44 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-5 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
-2 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif,
Dit que le paiement de ces sommes est garanti par l'AGS dans les conditions et limites des dispositions des articles L143-11-1 (devenu l'article L3253-6) et suivants du code du travail,
Déboute M. Y...de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière,
Ordonne à M. Z...de remettre à M. Y...un certificat de travail et une attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés conformes à la présente décision,
Condamne M. Z...à payer à M. Y...2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme C. PESSO, conseiller, pour le président empêché, et par Mme D. FOLTYN- NIDECKER, greffier.
Le greffierP / Le président
Dominique FOLTYN- NIDECKERColette PESSO