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18/06/2008 | FRANCE | N°428

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 18 juin 2008, 428


18/06/2008

ARRÊT No

No RG : 07/01267

CP/MFM

Décision déférée du 21 Février 2007 - Conseil de Prud'hommes d'ALBI - 05/00093

F. X...

Niozahi Y...

C/

Viviane Z... épouse A...

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT(S)

Monsieur Niozahi Y...

...

81800 RABASTENS

comparant en personne, assi

sté de Me Thibault B..., avocat au barreau d'ALBI

INTIME(S)

Madame Viviane Z... épouse A...

BEGOUS

81350 VALDERIES

représentée par Me Nathalie PRUEDE, avocat au barreau d'ALBI

COMPOS...

18/06/2008

ARRÊT No

No RG : 07/01267

CP/MFM

Décision déférée du 21 Février 2007 - Conseil de Prud'hommes d'ALBI - 05/00093

F. X...

Niozahi Y...

C/

Viviane Z... épouse A...

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT(S)

Monsieur Niozahi Y...

...

81800 RABASTENS

comparant en personne, assisté de Me Thibault B..., avocat au barreau d'ALBI

INTIME(S)

Madame Viviane Z... épouse A...

BEGOUS

81350 VALDERIES

représentée par Me Nathalie PRUEDE, avocat au barreau d'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de:

B. BRUNET, président

C. PESSO, conseiller

C. CHASSAGNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Se prévalant d'un contrat de travail avec Mme Z..., M. Y... a saisi le 3 mai 2005 le conseil de prud'hommes d' ALBI, exposant qu'étant de nationalité ivoirienne et ayant été salarié pendant de nombreuses années dans son pays pour la famille de Mme PIZANO, il a travaillé pour cette dernière en France où elle possède une propriété dans le TARN, en qualité d'employé de maison hebergé et nourri mais non déclaré et non rémunéré régulièrement, qu'en mai 2003, s'étant rendu compte de la disparition de son passeport, il a déposé plainte auprès de l'inspection du travail et de la gendarmerie puis a été congédié par son employeur.

Le conseil s'est déclaré compétent pour connaître du litige à compter du 1o octobre 2002 et a débouté M. Y... de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire, des indemnités de rupture du contrat de travail ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et abusif au motif du défaut de preuve d'un lien de subordination, par un jugement en date du 21 février 2007, à l'encontre duquel l'intéressé a relevé appel le 27 février 2007.

Par conclusions reçues au greffe le 17 décembre 2007, reprises oralement à l'audience, M. Y..., sollicite la condamnation de Mme Z... à lui payer:

- 44 640€ à titre de rappel de salaire pour un travail à temps complet de mai 2000 à mai 2003, déduction faite de la somme de 152€ versée mensuellement,

- 4 464€ à titre de congés payés afférents,

- 27 792€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 3 088€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 308,80€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 696€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 544€ pour non respect de la procédure de licenciement,

- à titre subsidiaire, 9 264€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

-10 000€ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu'il apporte la preuve d'une relation salariée envers Mme Z..., qu'elle a d'ailleurs été condamnée à ce titre par le tribunal correctionnel d' ALBI, qu'il est donc en droit de réclamer le rappel de salaire sur la période non prescrite sur la base de 1 544€ par mois sous réserve de la déduction de la somme de 152€ perçue mensuellement, enfin que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur qui l'a remercié après le dépôt de plainte.

Mme Z..., par conclusions transmises le 7 avril 2008 confirmées oralement, sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. Y... à lui payer 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que M. Y... a été employé par la société TES IVOIRE de manière régulière, ainsi que le prouvent les bulletins de paie produits, jusqu'au 28 septembre 2002, date où il a été licencié et indemnisé, qu'ensuite elle l'a amené en France, à sa demande, pour le préserver des troubles politiques de son pays, que la condamnation pénale qui ne vise pas le travail illégal ne prouve rien, qu'elle a assuré son hébergement, son entretien et une aide financière par souci de solidarité en contrepartie d'une aide ponctuelle sans qu'il existe un lien de subordination , de sorte qu'il n'était pas son salarié.

MOTIVATION

Il y a lieu en liminaire de noter que les parties ne contestent pas la compétence territoriale de la juridiction prud'homale d' ALBI, alors qu'il résulte de divers documents que M. Y... a été hébergé par Mme Z... depuis 1998 dans le ressort de cette juridiction.

Sur le contrat de travail

L'existence d'une relation de travail salariée, qui dépend des conditions de fait de l'exercice de l'activité professionnelle, résulte de la réunion de 3 conditions cumulatives : la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination juridique caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de Mme Z..., qui s'est achevée par un jugement du tribunal correctionnel d' ALBI la condamnant (ainsi que son mari), notamment du chef d'emploi de travailleur étranger non muni d'une autorisation, elle a reconnu devant les gendarmes avoir commis cette infraction, expliquant que M. Y... fournissait quotidiennement des heures de travail à son domicile français, qu'il ne percevait rien en France, étant logé, nourri et entretenu et recevait mensuellement l'équivalent de 152€ en Côte d'Ivoire.

Les autres éléments du dossier, en particulier la déclaration d'un des voisins M. F... selon laquelle M. Y... faisait le ménage, le repassage, servait les repas lors de la réception d'invités confirment que l'intéressé, qui était hébergé en France depuis le 15 mai 1998 par le couple LEFEVRE-PIZANO puis après leur séparation courant 2002, par Mme Z..., dans sa résidence secondaire constituée d'un château d'une dizaine de pièces, effectuait des tâches relevant de la fonction d'employé de maison.

Etant employé comme salarié depuis 1975, d'abord par les parents de Mme Z... puis pendant plusieurs années par la société TES IVOIRE contrôlée par elle et son mari, enfin par elle seule, M. Y... était en France totalement dépendant de Mme Z... puisqu'elle déclarait l'héberger pour qu'il bénéficie d'un titre de séjour, payait les billets d'avion pour qu'il puisse rentrer dans son pays, ne le rémunérait en espèces qu'en Côte d'Ivoire et assumait les frais de son entretien en France de sorte qu'il n'avait aucune autonomie financière. Il se trouvait donc, de fait, en situation de subordination vis à vis de Mme Z... pour l'exécution des tâches afférentes au ménage de sa résidence, même s'il pouvait bénéficier d'une certaine liberté d'organisation horaire, en raison des voyages fréquents du couple.

D'ailleurs, la copie d'un agenda dans lequel il consignait certains évènements concernant Mme Z... et son mari en les désignant par «Monsieur » ou « Madame », confirment la réalité de cet état de subordination.

La relation salariale de M. Y... envers Mme Z... en France est ainsi établie depuis le 15 mai 1998, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération l'intervention de la société TES IVOIRE qui n'était pas le véritable employeur et a seulement servi d'intermédiaire pour assurer le paiement mensuel de la somme nette de 100 000 francs CFA équivalent à 152€ à M. Y... en sa qualité de « boy ».

A défaut de convention écrite, ce contrat de travail est à durée indéterminée et à temps plein dès lors que le salarié était présent en permanence au domicile de Mme Z... où il effectuait son travail, étant ainsi placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et étant obligé de se tenir constamment à la disposition de son employeur, et ce malgré la relative autonomie dont il bénéficiait pour l'organisation de ses tâches.

Le rappel de salaire auquel M. Y... a droit sera calculé sur les bases suivantes:

- pour la période non prescrite, de mai 2000 jusqu'au 5 mai 2003 date de la rupture du contrat de travail,

- conformément aux dispositions de la convention collective des salariés des particuliers employeurs, en fonction du salaire mensuel minimum attribué pour le niveau I (et non de 1 544€ comme sollicité par l'intéressé), soit:

. en 2000 jusqu'au 30 septembre 2000: 1 084,92€ brut,

. du 1o octobre 2000 au 30 septembre 2001: 1 119,40€ brut,

. du 1o octobre 2001 au 31 décembre 2001: 1 165,82€ brut,

. du 1o janvier 2002 au 31 octobre 2002: 1 167,54€ brut,

. à compter du 1o novembre 2002: 1 200,60€ brut;

- sur 12 mois par an et sans ajout d'une indemnité compensatrice de congés payés, ceux ayant été pris chaque année, M. Y... ayant déclaré se rendre en vacances en Côte d' Ivoire chaque année pendant au moins un mois,

- ce qui donne un montant total de 41 233,86€ brut.

Mme Z... devra payer le montant net de ce rappel de salaire après déduction des charges sociales ainsi que de la somme de 152€ par mois soit 5 472€ net qui a été effectivement reçue par M. Y....

Sur la rupture du contrat de travail

Selon les déclarations faites devant les gendarmes par M. Y... et Mme Z..., lorsque le salarié a informé son employeur qu'il s'était rendu à l'inspection du travail, elle l'a informé verbalement qu'elle ne voulait plus qu'il travaille pour elle, et ne l'a plus hébergé à compter du 5 mai 2003, de sorte qu' à cette date, le contrat de travail s'est trouvé rompu à l'initiative de Mme Z....

Cette rupture constitue donc un licenciement survenu sans aucune formalité, sans lettre de motivation et donc sans cause réelle et sérieuse, d'autant plus qu'elle a pour origine les manquements graves de l'employeur à ses obligations de rémunérer le salarié à hauteur du salaire conventionnellement garanti et de le déclarer auprès des organismes administratifs et sociaux compétents.

Les indemnités de rupture doivent être fixées de la manière suivante:

1. 2 400,12€ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2. 240,01€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

3. 600,03€ à titre d'indemnité de licenciement.

Le préjudice consécutif à la perte de son emploi par M. Y... est évalué, par application de l'article L122-14-5 ( devenu l'article L 1235-5) du code du travail, à la somme de 10 800€, compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé (5 ans) de son âge (43 ans) et de l'absence d'information sur sa situation depuis 2003.

Il n'y a pas lieu d'accorder au salarié une somme supplémentaire en réparation du préjudice résultant des circonstances de la rupture du contrat alors d'une part que celle-ci est intervenue à la suite de la plainte qu'il a déposée à cause de la disparition de son passeport dont il admet qu'il a été perdu involontairement par Mme Z..., d'autre part que l'employeur a continué à l'héberger jusqu'à ce qu'il soit relogé et lui a remis un billet d'avion ainsi que 600€ pour qu'il puisse revenir dans son pays.

Sur les demandes annexes

Il convient de condamner l'employeur, qui succombe, à supporter les dépens exposés jusqu'à ce jour. Il devra également payer à M. Y... la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Se déclare territorialement compétente,

Dit que M. Y... a été salarié de Mme Z... en France en qualité d'employé de maison du 15 mai 1998 au 5 mai 2003 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,

Dit que ce contrat a été rompu par le licenciement du salarié à la date du 5 mai 2003,

Dit que ce licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne Mme Z... à payer à M. Y...:

1. la somme de 41 233,86€ brut à titre de rappel de salaire pour la période de mai 2000 à mai 2003, somme de laquelle devront être déduites le charges sociales puis la somme de 5 472€,

2. 2 400,12€ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

3. 240,01€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

4. 600,03€ à titre di'ndemnité de licenciement.

5. 10 800€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

6. 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. Y... de sa demande de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement,

Condamne Mme Z... aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier Le président

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 428
Date de la décision : 18/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Albi, 21 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-06-18;428 ?
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