11 / 06 / 2008
ARRÊT No
NoRG : 06 / 05697
Décision déférée du 05 Avril 2006- Tribunal de Grande Instance de FOIX-05 / 907
M. X...
Jean-Philippe Y...
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE
C /
Véronique Jeanine Z...
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
Confirmation partielle
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU ONZE JUIN DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (E / S)
Monsieur Jean-Philippe Y...
...
09140 SEIX
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
INTIME (E / S)
Mademoiselle Véronique Jeanine Z...
...
09420 LESCURE
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP GOGUYER LALANDE et DEGIOANNI, avocats au barreau de FOIX
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
D. VERDE DE LISLE, président
C. BELIERES, conseiller
C. COLENO, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par D. VERDE DE LISLE, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
De 1981 à juillet 2003 M. Jean-Philippe Y...a vécu en union libre avec Mme Véronique Z...qui a repris en 1999 à son nom l'exploitation agricole de son compagnon jusqu'à leur séparation.
Au cours de la vie commune ils ont fait construire une maison d'habitation sur un terrain appartenant en propre au concubin situé à SEIX lieudit " ..." financé au moyen d'apports personnels de 5. 640, 61 € dont moitié par chacun d'eux et d'un emprunt de 49. 850, 83 € souscrit solidairement par tous les deux le 12 mai 1995 dont les échéances étaient remboursées par prélèvement sur le compte joint ouvert auprès de la CAISSE D'EPARGNE MIDI PYRENEES.
Par acte du 16 août 2005 Mme Véronique Z...a fait assigner M. Jean-Philippe Y...devant le tribunal de grande instance de FOIX en liquidation de leurs intérêts pécuniaires sur le fondement de l'article 1371 du code civil puis par voie de conclusions des articles 553 et suivants du même code.
Par jugement du 5 avril 2006 cette juridiction a
-condamné M. Y...à payer à Mme Z...les sommes de
* 16. 038, 66 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2005
* 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-mis les entiers dépens à la charge de M. Y....
Par acte du 3 mai 2005 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, M. Y...a interjeté appel général de la décision et par conclusions du 10 janvier 2008 Mme Z...a formé appel incident.
Par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 19 septembre 2006 l'affaire a été radiée au visa de l'article 915 alinéa 2 du code de procédure civile et réinscrite au rôle à la demande de l'appelant le 11 décembre 2006.
MOYENS DES PARTIES
M. Jean-Philippe Y...conclut à la réformation du jugement déféré et demande de
-dire qu'il existait une société créée de fait entre M. Y...et Mme Z...
-lui donner acte qu'il accepte de payer la somme de 2. 844, 69 € correspondant à l'apport personnel de Mme Z...
A titre subsidiaire,
- ordonner une expertise judiciaire pour procéder à la liquidation et au partage de ladite société.
Il considère que les mensualités de l'emprunt et les travaux réalisés sur la maison édifiée par les deux concubins ont été payés par les fruits tirés de l'exploitation d'une société de fait créé entre eux, en présence d'apports, de l'intention des parties de s'associer et de leur vocation à participer aux bénéfices et aux pertes.
Il indique que l'existence d'apports est démontrée, cette construction ayant été réalisée dans le cadre de l'exploitation agricole, étant lui-même propriétaire indivis avec sa mère de l'étable, du garage et de diverses parcelles sur laquelle la maison a été édifiée.
Il précise que les deux concubins n'ont travaillé en commun sur l'exploitation qu'à compter de 1999, date de l'installation de Mme Z...comme exploitante agricole.
Il ajoute que les fruits tirés de l'exploitation agricole sont pour partie dus à son travail constant alors que son ex-concubine a continué à les encaisser après son départ et qu'il a gardé à sa charge les frais correspondants.
Il estime que les premiers juges n'ont pas apprécié à leur juste mesure les relations ayant existé entre parties.
Il soutient que l'alimentation du compte commun provient en majeure partie de son travail personnel sur l'exploitation.
Il souligne que jusqu'en septembre 1999 Mme Z...exerçait en qualité d'aide ménagère à mi-temps puis en qualité de secrétaire au sein de GROUPAMA de sorte que l'alimentation du compte commun par les fruits de l'exploitation agricole n'était du qu'à son seul travail, qu'entre les mois d'octobre 1999 et juillet 2003 il a continué à travailler activement sur l'exploitation alors que sa compagne était la seule à en tirer les fruits puisqu'elle a perçu 43. 100 € au titre des primes animales entre 2002 et 2004, 137. 000 € lors de son installation comme jeune agricultrice et 19quotas laitiers supplémentaires en tant qu'agricultrice en cession-reprise des vaches allaitantes qui lui appartenaient suivant facture du 2 / 12 / 1999 qu'elle ne lui a jamais réglées.
Il fait grief au premier juge de n'avoir pas suffisamment déterminé l'origine des fonds alimentant le compte bancaire commun et donc la participation de Mme Z...au remboursement du prêt, même au regard des dispositions de l'article 555 du code civil sur l'accession.
Il précise que depuis juillet 2003 il continue seul à travailler sur l'exploitation agricole et à assurer les charges afférentes y compris les mensualités de l'emprunt souscrit pour la maison.
Mme Véronique Z...conclut à la confirmation du jugement déféré avec octroi de la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à porter à 19. 835, 70 € le montant des sommes dues par M. Y...qui correspond à son apport personnel (2. 844, 69 €), à la moitié des échéances du prêt de décembre 1995 à septembre 1999 (9. 396, 93 €) puisque le compte joint était alors alimenté par les deux parties, à la totalité des échéances pour la période d'octobre 1999 à juillet 2003 (7. 594, 08 €) puisque le compte joint était alimenté par elle seule ainsi qu'en attestent les relevés produits où les sommes figurant en crédit sont celles provenant de son exploitation.
Elle fait valoir que si M. Y...est en droit de revendiquer la propriété de la maison, elle est elle-même en droit de revendiquer sa part sur la construction dont elle a assumé le financement en application des articles 553 et suivants du code civil.
Elle soutient que même sur le fondement de l'article 1371 du code civil son ancien compagnon ne peut s'affranchir de tout remboursement en soutenant que les règlements opérés par ses soins constitueraient une contribution aux charges de la vie commune dans la mesure où aucune disposition légale ne règle une telle contribution entre concubins, qu'elle n'était animée d'aucune intention libérale, qu'elle n'a tiré aucune contrepartie de son investissement, qu'elle s'est appauvrie et que son concubin s'est enrichi sans cause puisqu'elle a contracté un endettement pour la construction de cette maison, a été la seule pendant une période déterminée à procéder au remboursement des emprunts, a travaillé durant toute la période litigieuse en même temps qu'elle a élevé l'enfant du couple, que le fait d'y avoir habité avant d'en être évincée ne peut constituer la juste contrepartie d'un tel investissement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les comptes entre concubins
sur l'existence d'une société de fait
L'existence d'une société de fait entre concubins ne peut résulter de la seule cohabitation, même prolongée, entre eux et de leur participation aux dépenses de la vie commune mais exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société à savoir l'existence d'apports, quelle qu'en soit la forme, l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes et l'affectio societatis.
L'appelant ne rapporte pas la preuve des éléments cumulatifs caractérisant l'existence d'une telle société, lesquels doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres.
Aucune donnée de la cause ne permet, notamment, de caractériser l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et celle de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes pouvant en résulter.
Cette intention de s'associer ne peut se déduire de la simple participation financière à la réalisation d'un projet immobilier commun ni de la simple mise en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale.
Le fait pour M. Y...et Mme Z...d'avoir apporté des sommes d'argent et contracté solidairement un emprunt pour la construction de la maison leur servant d'habitation ne traduit aucune volonté de leur part de se comporter en associés et de constituer un patrimoine commun.
En effet, l'immeuble a été édifié sur un terrain qui appartenait personnellement à M. Y...de sorte que ce dernier en est l'unique propriétaire, le titre l'emportant sur le financement même pour l'accession.
Cette situation exclut toute intention de participer aux résultats d'une entreprise commune.
Sur les règles de l'accession immobilière
M. Y...fonde sa demande sur les articles 553 et suivants du code civil régissant le droit d'accession relativement aux choses immobilières.
L'article 555 a vocation à régir les rapports entre concubins sauf le cas où il existait entre eux une convention réglant le sort de la construction dont l'existence ne peut se déduire de la seule situation de concubinage
Il trouve application dans les relations entre M. Y...et Mme Z...puisqu'ils restent des tiers dans leurs rapports patrimoniaux respectifs en l'absence de toute convention particulière, qu'ils n'ont nullement réglé le sort spécifique de cette construction, que celle-ci constitue bien un ouvrage immobilier nouveau puisque le permis de construire et le dossier correspondant versés aux débats mentionnent à la rubrique " nature des travaux " une construction neuve et précisent l'absence de bâtiment actuellement implanté sur le terrain.
Mme Z...limite sa demande d'indemnisation au remboursement des fonds versés pour financer la construction à savoir son apport personnel (2. 844, 69 €) et au montant des échéances du prêt de décembre 1995 à juillet 2003, à hauteur de moitié de décembre 1995 à septembre 1999 (9. 396, 93 €) et en totalité d'octobre 1999 juillet 2003 (7. 594, 08 €) déduction faite des APL.
S'agissant d'un compte joint ouvert au nom des deux concubins alimenté par chacun d'eux au titre de son exercice professionnel puisque jusqu'en 1999 la concubine avait une activité salariée à temps partiel et travaillait également sur l'exploitation de son mari comme démontré par de nombreuses attestations concordantes, qu'à compter de 1999 son compagnon a continué à travailler sur l'exploitation à la tête de laquelle se trouvait désormais sa compagne, qu'en octobre 1999 le compte était largement créditeur, la participation de Mme Z...au financement de la construction doit être fixée pour l'ensemble de la période à la moitié des échéances nettes soit la somme de 13. 193, 97 € (9. 396, 93 € + 3. 797, 04 €) au vu des pièces produites (tableau d'amortissement, compte détaillé établi par la banque le 15 juillet 2005) qui ne font l'objet en eux-mêmes d'aucune critique précise.
Le remboursement de l'apport personnel est admis et offert par M. Y...à hauteur de 2. 844, 69 €.
Ainsi, la demande de Mme Z...doit être admise à hauteur de la somme de 16. 038, 66 € (13. 193, 97 € + 2. 844, 69 €) qui, conformément à l'article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision soit en l'espèce le 5 avril 2006 puisque le jugement déféré est confirmé sur le montant de la condamnation.
Sur les demandes annexes
M. Y...qui succombe supportera donc la charge des dépens de première instance et d'appel ; il ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position respective des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de Mme Z...la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et assurer sa représentation en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1. 000 € à ce titre, complémentaire à celle déjà allouée de ce chef en première instance qui doit être parallèlement approuvée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement déféré
hormis sur le point de départ des intérêts légaux.
Statuant à nouveau sur ce seul point,
- Dit que la condamnation prononcée porte intérêts à compter du 05 / 04 / 2006.
Y ajoutant,
- Condamne M. Jean-Philippe Y...à payer à Mme Véronique Z...la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Déboute M. Jean-Philippe Y...de sa demande à ce même titre.
- Condamne M. Jean-Philippe Y...aux entiers dépens.
- Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP DESSART, SOREL, DESSART avoués.
Le greffier, Le président