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04/06/2008 | FRANCE | N°382

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0112, 04 juin 2008, 382


04 / 06 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 03260
MH / MFM

Décision déférée du 15 Mars 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 00283
E. CUGNO

Henri X...

C /

SA SODIFA

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur Henri X...
...
...
65100 LOURDES
comparant en personne, assisté de M. Christian DE Y...(Délégué syn

dical ouvrier)

INTIME (S)

SA SODIFA
12, rue d'Apollo
Parc Industriel de Montredon- BP 54
31240 L'UNION CEDEX
représentée par Me Jean- Louis DUREAU, a...

04 / 06 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 03260
MH / MFM

Décision déférée du 15 Mars 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 00283
E. CUGNO

Henri X...

C /

SA SODIFA

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur Henri X...
...
...
65100 LOURDES
comparant en personne, assisté de M. Christian DE Y...(Délégué syndical ouvrier)

INTIME (S)

SA SODIFA
12, rue d'Apollo
Parc Industriel de Montredon- BP 54
31240 L'UNION CEDEX
représentée par Me Jean- Louis DUREAU, avocat au barreau de SAINT GAUDENS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

B. BRUNET, président
M. P. PELLARIN, conseiller
M. HUYETTE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

Monsieur B...a été embauché comme attaché commercial le 28 mai 1990 par la société SODIFA. Il était chargé de visiter la grande distribution et de la distribution spécialisée.

Un avenant au contrat de travail a été signé le 7 octobre 2002, prévoyant d'abord la suppression de l'objectif minimum antérieur (150. 000 francs HT de ventes engendrées), ensuite la fixation unilatérale par la direction commerciale des objectifs mensuels de chiffre d'affaires, marges, volumes, révisables à la hausse ou à la baisse par l'employeur, que « le défaut de réalisation répété et non motivé des objectifs de vente ainsi fixés à l'exception expresse du nouvel objectif stipulé ci- après concernant la marge pourra sauf cas de force majeure constituer un motif réel et sérieux de licenciement », le versement d'un fixe mensuel de 1. 140 euros et diverses primes sur objectifs.

Par lettre du 23 juillet 2004 la société SODIFA a convoqué Monsieur B...en ces termes :

« Nous vous demandons de bien vouloir vous présenter le 02 / 08 (..) afin de vous confirmer et procéder au changement de clientèle. Vos clients actuels seront transférés sur (...). A compter du 2 août prochain vous aurez la responsabilité du développement du type de clientèle suivant : clientèle traditionnelle composée de CE, écoles, administrations, armées etc (liste non exhaustive) à l'exception de la grande distribution et de la distribution spécialisée. Votre statut dans notre société reste inchangé ».

Le 2 août 2004 le directeur général a envoyé un courriel à différents employés de l'entreprise :

« Après 14 ans de bons et loyaux services Henri B...quitte la force de vente de Sodifa pour intégrer une nouvelle division de notre maison. Sa mission sera de développer avec tous les produits à sa disposition des clients dits « corporate » (..) ».

A compter du mois d'août 2004 Monsieur B...a reçu chaque mois une note comportant un montant « obejctif individuel » et un montant « objectif région ».

Le 9 novembre 2004 l'employeur a écrit à Monsieur B...:

« (..) nous constatons que votre activité commerciale se dégrade de manière significative. Nous vous rappelons que vous avez émis le souhait d'orienter votre activité commerciale vers une typologie de clientèle différente de celle de la grande distribution au cours de l'entretien que vous avez eu avec votre directeur des ventes (..). Accédant à votre demande nous vous avons confié la responsabilité de développer les ventes dans le secteur « corporate » (administrations, institutions, magasins traditionnels hors jeux video, grossistes.) et ce dès le mois d'août 2004. Pour ce faire nous avons mis à votre disposition tous les outils nécessaires (..). Malgré cela nous constatons que vos résultats sont quasiment inexistants et de plus en chute constante (..). Nous vous rappelons que nous vous alertons hebdomadairement sur cette situation. Vainement puisqu'à ce jour nous ne voyons aucune amélioration ni modification de votre activité commerciale. Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous mettons en demeure de vous ressaisir, de vous remettre au travail et de réaliser sans plus tarder les objectifs que nous vous avons fixés (..). »

Une lettre contenant une analyse semblable a été envoyée à Monsieur B...le 4 août 2005, l'employeur prévoyant de faire un bilan le 23 septembre.

Monsieur B...a été licencié par lettre du 27 octobre 2005 en ces termes :

« Malgré nos multiples correspondances donc celles du mois de novembre 2004 et août 2005, et malgré les éléments que nous avons mis en place depuis le mois d'août 2004 (mise à disposition, sur votre demande, d'une nouvelle clientèle, attribution de conditions commerciales spécifiques à votre mission et de nouveaux produits) pour vous permettre de réaliser les objectifs qui vous ont été régulièrement notifiés, vous n'avez pas, comme nous l'avons constaté lors de nos derniers entretiens des 1er août et 23 septembre, réalisé ces objectifs (..).
De plus vos résultats sont extrêmement insuffisants.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de liecenciement. Votre préavis d'une durée de deux mois (..) »

Monsieur B...a saisi le Conseil de prud'hommes afin de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des dommages- intérêts à ce titre.

Par jugement du 15 mars 2007, le Conseil a dit le licenciement justifié et rejeté les demandes de Monsieur B....

Devant la Cour, Monsieur B...qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient qu'il n'a jamais accepté de changer de clientèle ni d'objectifs, qu'il voulait devenir chef des ventes, qu'il a été contraint d'abandonner la clientèle créée pendant 14 années, qu'il a été victime d'une modification unilatérale de son contrat de travail, que l'employeur avait le devoir d'assurer son adaptation à son nouvel emploi et qu'en ne lui proposant aucune formation il a violé l'article L 900-2 du code du travail ce qui ouvre droit à un dédommagement spécifique à hauteur de 10. 000 euros, qu'au début de sa nouvelle activité il n'avait aucune clientèle et n'a pas eu de compensation salariale, que sur 10 mois en 2005 il a perçu 8 primes d'objectif mensuel, 7 primes d'ouverture mensuelle, et 3 primes exceptionnelles, le tout correspondant à 22 % de sa rémunération qui a quand même globalement diminué, qu'en octobre 2005 soit le mois de son licenciement il a encore perçu des primes, que son licenciement est abusif et que son préjudice doit être réparé à hauteur de 42. 000 euros, enfin qu'il doit recevoir 829 euros de complément d'indemnité de licenciement (15 ans et 7 mois d'ancienneté sur la base d'une rémunération mensuelle de 1. 729, 70 euros soit une indemnité due de 3. 372, 90 euros pour une indemnité versée de 2. 480 euros).

La société SODIFA qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond qu'en avril 2004 Monsieur B...qui était attaché commercial a demandé un poste différent au sein de la direction commerciale, qu'il lui a été donné satisfaction une nouvelle clientèle lui étant confiée, que ses résultats n'ont pas été satisfaisants sans qu'il s'en explique, que les objectifs lui ont été notifiés sans qu'il les conteste, que les primes ouverture de magasin et les primes exceptionnelles sont sans lien avec les objectifs assignés, que son licenciement était justifié, que l'indemnité de licenciement a été calculée conformément à l'article 37 de la convention collective du commerce de gros.

Motifs de la décision :

1 : La rupture du contrat de travail

* Il ressort des documents produits par les deux parties qu'en août 2004 la direction de la société SODIFA a décidé de changer totalement le secteur d'activité de Monsieur B....
Alors que celui- ci était attaché commercial chargé de la grande distribution et de la distribution spécialisée depuis son embauche, il lui a été confié, dans le cadre d'une « nouvelle division » (courriel du 2 août 2004), le « développement » d'une « clientèle traditionnelle », ses « clients actuels » étant confiés à un autre attaché commercial. (lettre du 23 juillet 2004).

Cela signifie que Monsieur B...s'est vu chargé de créer une clientèle entièrement nouvelle.

La cour relève à ce propos que contrairement à ce qu'affirme l'employeur, cela ne correspondait pas aux demandes exprimées par Monsieur B...lors de son entretien individuel annuel (6 avril 2004), puisqu'il est écrit dans le document qui le résume qu'il « ne souhaite pas continuer à rester au poste d'attaché commercial », alors que tel est le cas avec la poursuite de la prospection commerciale même s'il sagit d'une nouvelle clientèle, mais aussi qu'il « aimerait devenir leader », c'est à dire bénéficier d'une promotion interne, suggestion qui n'a pas été retenue.

Toutefois les autres conditions contractuelles de travail n'ont pas été changées, les bulletins de paie produits par Monsieur B...faisant apparaître en permanence le salaire mensuel de base décidé en octobre 2002 (1. 140 euros), et l'octroi de diverses primes prévues à cette même date.

* Il ressort également de ces documents que dès le début de la nouvelle activité la société SODIFA a notifié à Monsieur B...des objectifs mensuels variables (de 20. 000 euros à 56. 000 euros).

Sur la période retenue dans la lettre de licenciement et allant de juillet 2004 à septembre 2005, et au regard des justificatifs produits par SODIFA (courriers mensuels de notification des objectifs), il a été imposé à Monsieur B...un objectif individuel total de 381. 000 euros, et non de 470. 000 euros comme mentionné dans la lettre, et le salarié a réalisé des ventes à hauteur de 66. 053 euros.

Toutefois, la cour constate qu'alors que Monsieur B...met en avant le fait qu'il lui était difficile de créer rapidement une clientèle entièrement nouvelle, la société SODIFA n'apporte aucun élément d'aucune sorte, même sommaire, pour expliquer et justifier les modalités de calcul des objectifs retenus dès le second semestre 2004.

La société SODIFA ne s'explique pas non plus sur l'ampleur de la difficulté, pour Monsieur B..., de respecter dès les premiers mois un objectif élevé sans aucun client pré- existant.

Cette carence ne permet pas à la cour, dans ces conditions particulières de mise en oeuvre d'un nouveau secteur d'activité, de vérifier le caractère réaliste des objectifs imposés unilatéralement par la société SODIFA, ni de s'assurer que leur non atteinte est exclusivement imputable à Monsieur B....

Enfin, la lecture des bulletins de paie de Monsieur B...fait apparaître pour l'année 2005 le versement de plusieurs « prime exceptionnelle » non mentionnées dans l'avenant précité (prime doublée pour ouverture enseigne traditionnelle en mars, prime exceptionnelle prospection supermarché en mai, prime exceptionnelle bimestre mai et juin en juin).
Le versement de ces primes contredit pour partie l'affirmation de résultats désastreux.

Pour toutes ces raisons, en l'absence d'éléments plus probants, la cour considère le licenciement de Monsieur B...dépourvu de cause réelle et sérieuse, étant relevé que le salarié avait plus de 15 années d'ancienneté dans l'entreprise et que la société SODIFA ne mentionne aucune carence antérieure au changement de clientèle.

En réparation du préjudice subi Monsieur B...recevra 42. 000 euros de dommages- intérêts.

2 : L'indemnité de licenciement

Le salarié licencié pour cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Le salaire de référence servant de base au calcul de cette indemnité est de 1 / 12ème de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement.

En l'espèce, la convention collective des commerces de gros prévoit le versement d'une indemnité égale à 1 / 10ème de mois par année d'ancienneté plus 1 / 15ème de mois pour chaque année à partir de la 11ème.

Monsieur B...avait une ancienneté de 15 années et 7 mois dans l'entreprise lors de la rupture de son contrat de travail.

Dans ses conclusions la société SODIFA de fournit aucune indication sur les modalités concrètes de calcul de l'indemnité due à Monsieur B....

Le salarié a reçu une rémunération de 20. 756, 50 euros sur la période de référence, soit une rémunération mensuelle à prendre en compte de 1. 729, 70 euros ainsi qu'il le revendique à juste titre.

Cela lui ouvre droit à une indemnité conventionnelle de licenciement de 3. 372, 90 euros, donc à un solde restant dû de 892, 90 euros, SODIFA ayant versé 2. 480 euros.

3 : L'indemnité pour absence de formation

Monsieur B...demande des dommages- intérêts pour non respect des dispositions de l'article L 900-2 du code du travail.

Ce texte énumère « les types d'actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue ».

La formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale (article L 900-1)

Toutefois, Monsieur B...n'a jamais changé de fonction, seule sa clientèle ayant varié à compter de août 2004. De ce fait, il n'avait pas besoin d'une « formation » complémentaire pour continuer à exercer son travail d'attaché commercial chargé de vendre les mêmes produits dans la même entreprise.

Les dispositions précitées sont donc inapplicables au présent litige.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement contesté.

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Monsieur B...dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SODIFA à payer à Monsieur B...:

-42. 000 euros de dommages- intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail,

-892, 90 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ordonne le remboursement à l'ASSEDIC, par la société SODIFA, des indemnités de chômage versées à Monsieur B...à compter du jour de son licenciement, et ce dans la limite de six mois d'indemnités.

Rejette les autres demandes.

Condamne la société SODIFA aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffierLe président

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0112
Numéro d'arrêt : 382
Date de la décision : 04/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 15 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-06-04;382 ?
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