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04/06/2008 | FRANCE | N°374

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 04 juin 2008, 374


04/06/2008

ARRÊT No

No RG : 07/01435

MH/MB

Décision déférée du 12 Février 2007 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 05/02719

B. VINCENT

Patrice X...

C/

SOCIÉTÉ SIEMENS

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT

Monsieur Patrice X...

...

31170 TOURNEFEUILLE

représenté par Me BenoÃ

®t DUBOURDIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SOCIÉTÉ SIEMENS

9 boulevard Finot

93200 ST DENIS CEDEX 2

représentée par Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA...

04/06/2008

ARRÊT No

No RG : 07/01435

MH/MB

Décision déférée du 12 Février 2007 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 05/02719

B. VINCENT

Patrice X...

C/

SOCIÉTÉ SIEMENS

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT

Monsieur Patrice X...

...

31170 TOURNEFEUILLE

représenté par Me Benoît DUBOURDIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SOCIÉTÉ SIEMENS

9 boulevard Finot

93200 ST DENIS CEDEX 2

représentée par Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de:

B. BRUNET, président

M.P. PELLARIN, conseiller

M. HUYETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

Monsieur X... a été embauché le 2 octobre 1989 par la SA SIEMENS (devenue SIEMENS SAS), comme ingénieur produit régional.

Le contrat comportait la clause suivante :

« En cas de cessation de vos fonctions, pour quelque cause que ce soit, vous vous interdisez d'entrer au service d'une maison fabriquant ou vendant des articles susceptibles de concurrencer ceux de la division de SIEMENS SA à laquelle vous appartiendrez le jour de votre départ. Vous vous interdisez également de vous intéresser sous quelque forme que ce soit à une entreprise de ce genre. Cette interdiction s'exercera pendant une durée d'un an, renouvelable une fois d'un commun accord et prendra effet à la date de cessation effective de votre activité. Cette interdiction s'étend au territoire de la France métropolitaine.

En contrepartie et durant cette interdiction SIEMENS SA vous versera l'indemnité mensuelle prévue par la convention collective susvisée (article 28).

SIEMENS SA se réserve le droit dans le cadre de cet article de renoncer à l'application de cette clause de non concurrence et de se décharger ainsi de l'indemnité prévue.

Cette clause s'applique immédiatement et de plein droit pour autant toute fois que votre fonction soit liée à la vente ou à la technique. »

Monsieur X... a démissionné le 9 août 2005.

Il travaillait depuis janvier 2005, à sa demande, comme « ingénieur produit » dans le service « produits MR », alors qu'auparavant il était « ingénieur produit régional » dans le service « produits CT ». Les lettres MR correspondent à l'activité IRM et les lettres CT à l'activité scanner.

Par lettre du 16 août la société SIEMENS a pris acte de la démission, confirmé que l'activité de Monsieur X... prendrait fin à la première présentation de la lettre, et lui a rappelé l'existence de la clause de non concurrence.

Monsieur X... a été embauché par la société TOSHIBA MEDICAL le 12 septembre 2005.

Le 14 octobre 2005 Monsieur X... a écrit à la société SIEMENS en ces termes :

« (..) Par courrier du 16 août 2005 vous m'avez indiqué que vous entendiez faire application de la clause de non concurrence (..).

Je vous affirme en toute loyauté que je ne peux respecter cette clause. En effet celle-ci revient à m'interdire toute activité professionnelle pendant sa durée d'application. Disposant des diplômes spécialisés en imagerie médicale (..), d'une unique expérience professionnelle significative au sein de SIEMENS en qualité de spécialiste de la radiologie (ingénieur produit régional scanner et IRM et ingénieur commercial en radiologie) pendant près de 16 années, cette clause qui trouve à s'appliquer sur l'ensemble du territoire français dans un secteur d'activité extrêmement spécialisé m'interdit pratiquement de faire vivre ma famille, de pouvoir travailler dans mon secteur d'activité et donc d'exercer une activité professionnelle compatible avec mes compétences professionnelles et mes connaissances et ce pour une durée qui rendra mes chances de retrouver un emploi dans mon champ de compétences à l'issue de la durée d'application de la clause extrêmement faibles compte tenu de mon âge et du marché de l'emploi où j'aurais à justifier d'une interruption d'activité et d'une absence de mise à jour de mes connaissances qui en pratique aboutiront à une mort professionnelle.

Aussi je vous confirme que je ne peux respecter cette clause. Je vous demande donc de bien vouloir la lever et de ne pas me verser la contrepartie financière (..). »

La société SIEMENS qui n'a pas accédé à cette demande a saisi le Conseil de prud'hommes afin de faire constater de la part de Monsieur X... la violation de son obligation de non concurrence et d'obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement du 12 février 2007, le Conseil a dit la clause de non concurrence licite, a constaté sa violation par Monsieur X..., et a condamné ce dernier à payer 10.000 euros de dommages-intérêts à la société SIEMENS.

Devant la Cour, Monsieur X... qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient que la clause de non concurrence est nulle en ce que le poste qu'il occupait ne justifiait pas une telle clause, qu'il n'était pas commercial mais ingénieur en charge de la promotion du produit IRM dans la région sud ouest, que chez TOSHIBA il est rattaché à Paris et intervient sur la France entière et non particulièrement le sud ouest, que SIEMENS n'a subi aucun préjudice, qu'elle ne justifie pas d'un intérêt légitime dans la mise en oeuvre de la clause, que la clause contractuelle en prévoyant un éventuel renouvellement ne répond pas à l'exigence de fixité dans le temps, que son étendue soit le territoire métropolitain est excessive, qu'elle ne précise ni les activités ni les postes interdits, que du fait des termes de cette clause il ne pouvait plus exercer son métier, que dupuisqu'il a démissionné il n'a pas perçu d'indemnités chômage et que la contrepartie financière de la clause n'a pas compensé l'interdiction de fait d'exercer son métier, que la clause étant nulle il est libéré de son obligation de non concurrence et ne peut être condamné pour sa violation.

Subsidiairement il demande que l'effet de la clause soit limité à son ancien secteur d'activité soit le sud ouest, à une durée d'une année et au poste d'ingénieur produit régional MR.

Il demande le paiement par SIEMENS de la contrepartie financière de la clause soit 35.811,80 euros brut.

Il demande à défaut la limitation des dommages-intérêts à payer à son ancien employeur.

La société SIEMENS qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond que la clause de non concurrence a été librement négociée avec Monsieur X... et est licite, qu'elle comporte une contrepartie financière, est limitée dans le temps et dans l'espace, est nécessaire pour préserver les intérêts légitimes de l'entreprise, Monsieur X... étant l'un des trois salariés chargé de vendre des IRM, ayant eu accès à des données internes confidentielles dans le domaine commercial et marketing, connaissant l'état du marché, les produits et notamment les scanners et les IRM, que TOSHIBA a eu entre les mains un document confidentiel intitulé « les parts de marché » auquel Monsieur X... avait accès comme étant l'une des personnes habilitées, que lors des journées françaises de radiologie en octobre 2005, lieu de négociations commerciales important, Monsieur X... était présent sur le stand de TOSHIBA, que cette société vend également des IRM, que Monsieur X... les présentait au public, qu'il n'y a pas eu d'entrave à la liberté du travail puisque Monsieur X... pouvait travailler dans les autres domaines de l'imagerie médicale pratiqués au cours de sa carrière, seules les activités IRM et scanographie lui étant interdites, que cela a été confirmé par le cabinet de reclassement consulté, que la clause de non concurrence a été violée ce que Monsieur X... ne conteste pas, que cela justifie le versement de dommages-intérêts à hauteur de 12.385 euros.

Motifs de la décision :

1 :La licéité de la clause de non concurrence

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

a) L'intérêt de l'entreprise

Il ressort des documents produits et des débats à l'audience que la société SIEMENS fabrique notamment des IRM et des scanners, que très peu d'entreprises interviennent dans ce secteur extrêmement concurrentiel, et que Monsieur X... a acquis une grande expérience de ces matériels jusqu'à devenir spécialiste niveau 2, c'est à dire confirmé, en IRM.

Dans les mois qui ont précédé sa démission Monsieur X... avait notamment pour missions le lancement et le suivi du produit IRM, sa promotion auprès de la clientèle, la formation des vendeurs et des clients, la définition des clients cible et les études de marché, le positionnement vis à vis de la concurrence, le support technique aux ingénieurs commerciaux, le tout supposant selon la fiche de poste une grande connaissance du produit.

Il avait accès à l'ensemble des données techniques et commerciales relatives aux IRM détenues par la société SIEMENS.

Dès lors, la transmission de l'expérience acquise et des informations collectées chez SIEMENS a l'une ou l'autre des entreprise directement concurrentes et vendant les mêmes produits dans un secteur d'activité inhabituellement restreint, en ce qu'il présente un risque important pour cette entreprise, rend légitime la protection de ses intérêts par le biais d'une clause de non concurrence.

b) La limitation dans le temps et dans l'espace

Les entreprise vendant des scanners et des IRM en France démarchent toutes une clientèle située sur la totalité du territoire national.

De ce fait une clause de non concurrence limitée à une partie du territoire serait dépourvue de sens et d'efficacité.

Par ailleurs, la clause figurant dans le contrat de travail est limitée à une seule année, Monsieur X... ayant la faculté de s'opposer à son renouvellement.

Cette clause, eu égard aux spécificités de son secteur d'application, est donc raisonnablement limitée dans l'espace et dans le temps.

c) Les spécificités de l'emploi

La clause litigieuse interdit à Monsieur X... de travailler pour une entreprise qui vend « des articles susceptibles de concurrencer ceux de la division de SIEMENS SA » à laquelle il appartenait le jour de son départ.

A l'inverse elle ne lui interdit pas de travailler dans un secteur autre que celui de cette division. Il pouvait donc rechercher un emploi dans les autres secteurs de l'imagerie médicale que les IRM.

En plus, il ressort de l'analyse du cabinet de conseil en management et ressources humaines (Econova, mars 2006), qui a étudié le parcours professionnel et les formations successives de Monsieur X..., que :

« Monsieur X... travaille effectivement depuis 1989 dans le secteur médical solutions. Pour autant, s'il avait passé toutes ces années au même niveau de poste que celui qu'il a occupé de 89 à 94 à savoir ingénieur d'applications sans aucun doute nous vous dirions qu'il ne peut malheureusement pas trouver un emploi hors de son secteur, celui ci ayant un savoir purement technique lié à la connaissance spécifique d'une gamme de produits du secteur en question. Or ce Monsieur a évolué et a développé depuis 1994 un savoir faire dans le milieu médical certes, mais à ce niveau de fonction nous considérons que plus que le produit c'est le savoir faire « vente » qui prime et qu'en conséquence c'est cette compétence que les entreprises achèteraient plus que la connaissance du produit lui même. D'aileurs son parcours formation dans votre société démontre que les aspects qu'il a souhaité renforcer l'étaient plus par rapport aux techniques de négociation, de présentation, de développement de l'anglais et de l'utilisation de tableur que sur les aspects techniques du produit.

Sans équivoque donc je peux indiquer que ce Monsieur pourrait tout à fait se repositionner dans des secteurs à technologies à valeur ajoutée pour développer les ventes. Il aurait certes à être formé sur la connaissance du produit mais sa valeur marchande réside bien aujourd'hui dans sa capacité à vendre un produit « technique ». »

La clause litigieuse, même appliquée pendant une année sur le territoire national, n'était donc pas de nature à réduire exagérément les possibilités de Monsieur X... de retrouver un emploi correspondant à ses compétences initiales et acquises.

Au demeurant, la cour constate que Monsieur X... a dès 2003 envoyé des lettres de candidature à diverses entreprises, pour des postes correspondant à des activités différentes de celles exercées chez SIEMENS (par exemple sur le poste de « responsable commercial high tech » de la société Storagetek), et que les réponses négatives, dont celle de cette entreprise, sont pour la plupart liées à l'absence de recrutement en cours et non à l'inadéquation de ses compétences.

Ainsi, prenant en compte la spécificité des seules dernières fonctions exercées au sein de l'entreprise, la clause litigieuse est un compromis légitime entre la protection des intérêts de cette dernière et les particularités de l'activité des ingénieurs chargés de la commercialisation de produits spécifiques et particulièrement soumis à la concurrence.

d) La contrepartie financière

La clause litigieuse est assortie d'une contrepartie financière raisonnable (2.305 euros net).

Cette condition est donc également remplie.

Pour toutes ces raisons, la clause de non concurrence liant Monsieur X... et la société SIEMENS (SIEMENS SA devenue SIEMENS SAS après son changement de statut) doit être jugée licite.

2 : La violation de la clause de non concurrence

Par contrat de travail du 12 septembre 2005, Monsieur X... a été embauché par la société TOSHIBA MEDICAL comme « chef de marché équipements lourds », avec « pour secteur géographique la France » (article 3 du contrat).

La description du poste (article 4) mentionne comme attributions, notamment, « assurer la gestion des prix et des tarifs », « responsable de la formation IRM et scanner, assurer le transfert des connaissances à l'équipe d'ingénieurs d'applications cliniques et d'ingénieurs commerciaux (..) », « dans le cadre de projets IRM et scanner superviser le contenu des contrats de partenariats (..) le suivi des contrats (..) « la collecte des informations du site et du marché, les analyser et les transmettre aux équipes commerciales », « veille concurrentielle et mise en place de comparaisons et d'argumentaires », « suivre et analyser le marché Equipements lourds ».

D'autre part, il ressort des documents produits qu'en octobre 2005 Monsieur X..., pour le compte de la société TOSHIBA, a participé aux journées françaises de radiologie. Au cours de ces journées la société TOSHIBA, avec la participation personnelle de Monsieur X..., a présenté un appareil IRM qui avait, au sein de la société SIEMENS, fait l'objet d'une étude comparative interne et confidentielle.

Monsieur X... était donc en situation de faire profiter TOSHIBA des informations acquises chez SIEMENS sur les appareils proposés par cette dernière, tant d'un point de vie technique que commercial.

Enfin, Monsieur X... dans sa lettre précitée d'octobre 2005 a lui-même écrit «(..) je ne peux respecter cette clause » ce qui suppose, puisque à cette date il était salarié de la société TOSHIBA depuis septembre, qu'il ait eu en l'écrivant conscience de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles.

Il résulte de ce qui précède que c'est en connaissance de cause que, sans attendre l'expiration du délai d'une année qui lui était contractuellement et légitimement imposé, Monsieur X... s'est fait recruter par la société TOSHIBA pour travailler à la commercialisation d'appareils IRM, alors qu'au moment de sa démission il exerçait une activité semblable chez SIEMENS.

Il a donc en parfaite connaissance de cause violé son obligation de non concurrence.

La cour confirme le montant des dommages-intérêts alloués par le conseil à la société SIEMENS qui a nécessairement subi un préjudice du fait de cette violation.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X... à payer à la société SIEMENS SAS 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne Monsieur X... aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 374
Date de la décision : 04/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 12 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-06-04;374 ?
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