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30/05/2008 | FRANCE | N°07/03368

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 30 mai 2008, 07/03368


30 / 05 / 2008

ARRÊT No

No R : 07 / 03368
MH / CS

Décision déférée du 31 Mai 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE 06 / 00621
MENEVIS Philippe

Antoine A...

C /

SARL AERO VISION

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2- Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur Antoine A...
...
31170 TOURNEFEUILLE

comparant en personne, assisté de la SCP LAPUENTE- C

OUZI, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

SARL AERO VISION
20 impasse Santos Dumont
31700 BLAGNAC

représentée par Me Pierre Yves BENICHOU, a...

30 / 05 / 2008

ARRÊT No

No R : 07 / 03368
MH / CS

Décision déférée du 31 Mai 2007- Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE 06 / 00621
MENEVIS Philippe

Antoine A...

C /

SARL AERO VISION

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2- Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur Antoine A...
...
31170 TOURNEFEUILLE

comparant en personne, assisté de la SCP LAPUENTE- COUZI, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

SARL AERO VISION
20 impasse Santos Dumont
31700 BLAGNAC

représentée par Me Pierre Yves BENICHOU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945. 1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2008, en audience publique, devant, P. de CHARETTE, Président et Marie- Pierre PELLARIN, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

P. DE CHARETTE, président
M. P. PELLARIN, conseiller
M. HUYETTE, conseiller

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN- NIDECKER

ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxieme alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN- NIDECKER, greffier de chambre.

Monsieur A...a été embauché en 2001 comme commandant de bord par la société AIR GAMMA, reprise en juin 2004 par Sarl AERO VISION.

Il a été licencié par lettre du 9 janvier 2006 pour faute grave en ces termes :

« Le 23 novembre, au cours d'un vol avec M. H..., vous avez eu à l'égard de celui- ci, une nouvelle fois, un comportement assimilable à du harcèlement au point que celui- ci a refusé d'effectuer avec vous la mission du 24 novembre 2005, Seule mon intervention a permis la réalisation de cette mission.

Le 28 novembre 2005, vous m'avez remis un document en forme de rapport daté du 23 novembre " au soir ".

Dans ce document, vous relatez le déroulement de la mission du 23 novembre 2005 de manière avantageuse pour vous et vous jetez le discrédit sur les qualités professionnelles tant techniques que psychologiques de Monsieur H... jusqu'à insinuer qu'il pourrait être à l'avenir responsable d'une catastrophe en raison de sa prétendue faiblesse psychique, en concluant "... les facteurs humains tuent plus que les pannes mécaniques " ;

En outre, vous avez prétendu oralement, lors de la remise de ce rapport, que vous vous réserviez le droit de déposer plainte à l'encontre de Monsieur H... pour " mise en danger de la vie d'autrui " au motif qu'il aurait décidé le décollage alors même que vous l'aviez averti de la présence de givre sur l'avion.

Cette allégation est parfaitement mensongère. En effet, si cela avait été effectivement le cas, vous n'auriez pas manqué, conformément aux procédures applicables, d'en avertir la direction des opérations et le dirigeant responsable et auriez refusé de voler dans des conditions qui étaient effectivement de nature à compromettre la sécurité du vol.

Bien que je ne sois absolument pas d'accord avec votre appréciation des compétences de Monsieur H... dont j'estime qu'il est un excellent commandant de bord, j'ai évidemment du, en ma qualité de responsable de l'entreprise, aviser la DGAC qui a soumis Monsieur H... à un test de contrôle dont les conclusions sont les suivantes :

"... Ce contrôle a été satisfaisant et le contrôleur de L'OCV a validé un contrôle en ligne (CEL) qui confirme sans restrictions M. H... dans la fonction commandant de bord sur avion de type C550... ".

Monsieur H... a reçu votre rapport et vos allégations de " mise en danger de la vie d'autrui " comme une véritable calomnie, ce qui est également mon avis. Votre comportement à l'égard d'un collègue est totalement inadmissible et constitutif d'un faute grave, votre maintien dans l'entreprise n'étant pas possible, même durant le temps d'un préavis.

Je ne peux en tout état de cause plus vous laisser voler non seulement avec Monsieur H... comme la DGAC me le demande mais avec aucun autre pilote sans risquer de compromettre la sécurité des vols.

J'attire votre attention sur le fait que cet indicent n'est pas isolé. Vous avez déjà et à plusieurs reprises, été à l'origine de situations conflictuelles avec des membres de la compagnie, en tenant des propos tendant à jeter le discrédit sur leurs qualités professionnelles, qu'il s'agisse du personnel au sol ou navigant.

Les explications recueillies lors de l'entretien préalable ne me premettent pas de modifier mon appréciation des faits. Je note d'ailleurs que vous avez réitéré ces propos calomnieux lors de cet entretien.

En conséquence, je vous notifie par la présente vote licenciement pour faute grave, privative de préavis et de l'indemnité légale de rupture. Votre licenciement sera effectif à la première présentation de cette lettre.

Monsieur A...a saisi le Conseil de prud'hommes afin de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des indemnités à ce titre.

Par jugement du 31 mai 2007, le Conseil a rejeté les demandes.

Devant la Cour, Monsieur A...qui a repris oralement ses conclusions écrites soutient que lui a été confié le stage commandant de bord de Monsieur H..., que lors d'un vol le 23 novembre 2005 ce dernier a eu une attitude hostile, que lui- même a émis des critiques techniques (vitesse excessive dans des turbulences) mal acceptées, que le 25 novembre Monsieur H... a dans un premier temps refusé d'effectuer avec lui un vol international déjà programmé, qu'il a alors prévu d'informer sa direction des difficultés rencontrées avec Monsieur H..., que ce dernier ayant ensuite accepté de voler il a de nouveau mal accepté une remarque concernant la présence de givre sur les voilures et a refusé de l'enlever avant de décoller, qu'au retour l'approche de nuit par Monsieur H... n'a pas été effectuée dans de bonnes conditions de sécurité d'où de nouvelles remarques toujours mal admises, que Monsieur H... se voulait au même niveau que lui qui pourtant avait beaucoup plus d'ancienneté et d'expérience, que Monsieur H... ne supportait ni contradiction ni échange, que l'employeur n'a pas supporté de devoir saisir la DGAC à la suite de son rapport, que le but recherché était de l'évincer car il avait reçu une formation de pilote de Falcon 50 alors que l'achat d'un tel avion par l'employeur avait été annulé, que son licenciement est injustifié.

Il demande l'indemnité compensatrice de préavis (18. 843 euros) et les congés payés afférents, outre 75. 372 euros de dommages- intérêts.

La société AEROVISION qui a également repris oralement ses conclusions écrites répond que dans le rapport remis le 28 novembre 2005 Monsieur A...a écrit que Monsieur H... n'avait pas eu une attitude de professionnel, qu'il a dit envisager de porter plainte pour mise en danger d'autrui à cause de la présence de givre sur l'avion, que le contrôle de la DGAC a confirmé les aptitudes de Monsieur H..., que les propos tenus par Monsieur A...étaient mensongers et calomnieux, qu'il voulait discréditer son collègue avec lequel il avait des relations tendues, que le maintien de son contrat de travail était impossible y compris pendant la période de préavis.

Elle conclut à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le 28 novembre 2005 Monsieur A...a remis au directeur de la société AEROVISION un rapport dans lequel il est écrit, notamment, qu'un vol était prévu le 23 avec Monsieur H..., que celui- ci est arrivé « tendu, soucieux ou fatigué bref pas disposé à parler même du minimum nécessaire pour établir la relation courtoise indispensable avant de partir en mission avec un collègue », que lors du vol retour « Lors de la percée initiale sous guidage radar de la turbulence survient à l'approche de l'inversion de température. Il m'annonce « réduction 220 kts » tout en restant sous pilote automatique avec une régression de vitesse inadaptée. Je luis dis alors sur un ton le plus arrondi possible « est- ce que tu te rappelles des recommandations constructeur en cas de turbulence ? », je n'ai pas eu d'autre réaction de sa part, ni débrayage PA ni réduction de vitesse vers 180 kts pas d'ignition non plus », qu'ensuite Monsieur H... lui a dit en s'emportant qu'il ne ferait pas le vol prévu pour Marseille, que pendant le vol son attitude « n'est pas celle d'un professionnel », qu'il ne desserrait pas les dents, que « Il est depuis quelques mois commandant de bord dans l'entreprise mais je me demande s'il est suffisamment responsable pour cette fonction. En effet ne pas savoir gérer une situation personnelle telle que celle d'aujourd'hui au point de décider d'annuler une mission est inquiétant. J'indique encore une fois que cette attitude introvertie et de repli n'est pas nouvelle. A plusieurs reprises j'ai discuté de son comportement avec un camarade commandant de bord qui le connaît bien afin de partager son point de vue. Son analyse rejoint la mienne », que sur un plan technique il lui a fait remarquer « le 29. 08. 05 trop haut en finale approche en vue à Biarritz au point que je lui ai ordonné de faire un 360 », « remarques sur ses choix tactiques et sa gestion de trajectoire lors d'une arrivée proche des minimas carburant (Biarritz également le 8. 11. 05) », « gestion tardive des anti- ice moteur en percée de nuit », « absences de réaction voire la non application des procédures opérationnelles face aux turbulences comme aujourd'hui », et il a conclu par « le responsable de la compagnie serait avisé de lui rappeler que dans ce métier rien n'est acquis, il faut toujours vouloir apprendre, et que les facteurs humains tuent plus que les pannes mécaniques ».

La cour relève d'abord que le document litigieux qui a servi de fondement au licenciement de Monsieur A...est rédigé en termes mesurés et sans animosité personnelle. Il s'agit de l'avis d'un professionnel de grande expérience envers un collègue moins expérimenté. En cela le document n'est pas en soi critiquable, les missions des pilotes d'avion exigeant un très haut niveau de compétence et une vigilance permanente en termes de sécurité, d'où une obligation de relever à chaque fois qu'elles apparaissent les moindres défaillances des uns et des autres.

La cour relève ensuite que Monsieur A...y fait état de façons de piloter de Monsieur H... considérées par lui et à plusieurs reprises comme critiquables.

Or à aucun moment dans ses conclusions écrites, ni dans le dossier produit, la société AEROVISION n'émet le moindre commentaire quant aux observations techniques de Monsieur A.... Et elle ne produit aucune documentation technique les contredisant.

Cela signifie, faute d'éléments contraires, que les observations de Monsieur A...quant aux erreurs de pilotage de Monsieur H... étaient justifiées.

Par ailleurs, le fait que lors d'un vol avec un représentant de la DGAC Monsieur H... n'ait commis aucune erreur n'est pas de nature, à lui seul, à rendre infondées les observations antérieures de Monsieur A....

La cour relève enfin qu'alors qu'il est mentionné dans la lettre de licenciement que auparavant Monsieur A...a déjà été à l'origine de « situations conflictuelles » avec des membres de la compagnie, aucune pièce dans le dossier produit par la société AEROVISION ne vient donner crédit à cette allégation.

Pour toutes ces raisons, la cour considère que le comportement de Monsieur A..., qui a consisté à alerter son employeur sur les difficultés rencontrées avec Monsieur H..., après plusieurs maladresses de pilotage de ce dernier, et de façon non exagérément polémique, ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, et encore moins une faute grave.

La cour juge en conséquence la rupture du contrat de travail de Monsieur A...injustifiée.

Outre l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, la cour lui alloue 35. 000 euros de dommages- intérêts, étant relevé que Monsieur A...ne fournit pas d'indications précises sur sa situation personnelle après son licenciement, sauf à mentionner dans ses conclusions qu'il a retrouvé un emploi dans une autre compagnie aérienne, à une date non précisée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement contesté.

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Monsieur A...dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sarl AEROVISION à payer à Monsieur A...

-18. 843 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 1. 884, 30 euros de congés payés afférents,

-35. 000 euros de dommages- intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail,

-2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sarl AEROVISION aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. P. De CHARETTE, président et par Mme D FOLTYN- NIDECKER, greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Dominique FOLTYN- NIDECKER Patrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 07/03368
Date de la décision : 30/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 31 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-05-30;07.03368 ?
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