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21/05/2008 | FRANCE | N°345

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0313, 21 mai 2008, 345


21/05/2008

ARRÊT No

No RG : 07/05353

CP/MB

Décision déférée du 16 Novembre 2005 - Conseil de Prud'hommes de FOIX - 04/00163

BONZOM

Manuel Augusto X...

C/

S.A. FILATURE MICHEL THIERRY

RÉFORMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MAI DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT

Monsieur Manuel Augusto X...

...

09300 LAVELANET

compara

nt en personne, assisté de Me Pierre VASSEROT, avocat au barreau d'ARIÈGE

INTIMÉE

S.A. FILATURE MICHEL THIERRY

Rue Denis Papin

09600 LAROQUE d'OLMES

représentée par Me Jean-Louis MOYET,...

21/05/2008

ARRÊT No

No RG : 07/05353

CP/MB

Décision déférée du 16 Novembre 2005 - Conseil de Prud'hommes de FOIX - 04/00163

BONZOM

Manuel Augusto X...

C/

S.A. FILATURE MICHEL THIERRY

RÉFORMATION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT ET UN MAI DEUX MILLE HUIT

***

APPELANT

Monsieur Manuel Augusto X...

...

09300 LAVELANET

comparant en personne, assisté de Me Pierre VASSEROT, avocat au barreau d'ARIÈGE

INTIMÉE

S.A. FILATURE MICHEL THIERRY

Rue Denis Papin

09600 LAROQUE d'OLMES

représentée par Me Jean-Louis MOYET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de:

B. BRUNET, président

C. PESSO, conseiller

C. CHASSAGNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : P. MARENGO

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Engagé le 14 avril 1975 en qualité d'ouvrier drousseur par la société FILATURE MICHEL THIERRY, M. X..., né en août 1945, a été destinataire d'une convocation en date du 17 novembre 2003 à un entretien préalable puis d'une lettre de licenciement du 28 novembre, pour faute grave caractérisée par son absence injustifiée depuis le 28 octobre 2003.

Le 8 décembre suivant, il a signé avec son employeur un accord transactionnel par lequel il a accepté une indemnité de 11.000€ couvrant « l'ensemble des sommes pouvant être dues tant au titre de l'exécution de son contrat de travail que des causes ou des circonstances de la rupture de celui-ci» moyennant la renonciation à toute action en justice, une clause pénale de 13.000€ payable en cas de non respect de l'accord y étant incluse.

M. X... ayant saisi en 2004 le conseil de prud'hommes de FOIX pour contester la validité de cette transaction, il a été débouté de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 13.000€, par un jugement de départition en date du 16 novembre 2005, à l'encontre duquel il a relevé appel le 29 novembre 2005.

Par conclusions déposées le 21 décembre 2006 confirmées oralement, M. X... demande à la cour de :

- dire que le protocole transactionnel est nul, d'une part, pour vice du consentement, dans la mesure où, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il ne sait ni lire ni écrire le français et n'a pas écrit la mention « bon pour accord... », d'autre part, pour absence de concessions de la part de l'employeur dès lors que le licenciement avait été fabriqué pour éviter à l'employeur une procédure de licenciement économique ;

- dire que le licenciement est abusif puisqu'il n'a été absent que sur demande de l'employeur dans le cadre du scénario mis en place par celui-ci, que l'usine où il était affecté était fermée et qu'aucune proposition de reclassement dans un autre établissement ne lui a été faite ;

- condamner la société FILATURE MICHEL THIERRY à lui payer, sous réserve de la déduction de la somme de 11.000€ versée :

- 3.286€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 13.460,89€ à titre d'indemnité de licenciement,

- 19.712,64€ à titre de dommages-intérêts pour cause réelle et sérieuse,

- 2.724€ à titre de rappel de salaire résultant de l'intégration de la majoration des heures de travail de nuit égale à 32% du salaire de base dans ce salaire ayant eu pour conséquence de réduire ce dernier à un montant inférieur au SMIC,

- 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FILATURE MICHEL THIERRY, par conclusions déposées le 8 septembre 2006 confirmées oralement, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, subsidiairement si la transaction était annulée, de dire que le licenciement repose sur une faute grave et condamner le salarié à rembourser la somme de 11.000€ et, en tout état de cause, le condamner au paiement de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir les moyens suivants :

- la faute grave est établie à l'encontre du salarié qui ne conteste pas s'être absenté sans justification à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie et ne pas avoir répondu aux lettres lui demandant de reprendre son poste; elle n'a fait que modifier son lieu de travail dans le cadre de son pouvoir de direction en lui proposant un poste identique dans un autre établissement, qu'il n'a pas rejoint, et des offres de reclassement lui ont été faites au cours de trois entretiens individuels ;

- l'accord transactionnel est parfaitement valable, dès lors qu'il a été signé par M. X... à une date postérieure à la notification du licenciement, que l'intéressé comprend le français, que les concessions réciproques sont incontestables, puisque l'employeur a consenti à ne pas se prévaloir de la faute grave, que le juge ne peut apprécier la réalité des concessions en recherchant si la faute grave invoquée était bien constituée ;

- la demande de rappel de salaire n'est pas fondée dans la mesure où le salaire à prendre en considération pour déterminer si le salarié a perçu au moins le SMIC doit comprendre la prime compensatrice ainsi que la prime de production et où l'intéressé a été rémunéré à hauteur de 32% au delà du salaire de base ;

- M.VAZ n'a pas respecté l'accord transactionnel en saisissant la juridiction prud'homale, de sorte qu'il est redevable de la clause pénale.

MOTIVATION

Sur la transaction

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Si les parties à un contrat de travail décident d'un commun accord d'y mettre fin, elles organisent simplement les conditions de la cessation de leurs relations de travail alors que la transaction consécutive à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'une des parties a pour objet de mettre fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture. Ainsi, la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut valablement être conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive.

Il est constant qu' en septembre 2003, la société FILATURE MICHEL THIERRY, connaissant des difficultés économiques, a mis en oeuvre une restructuration de l'entreprise par la fermeture du site de SAINT NESTOR où était affecté M. X..., à la suite de laquelle 14 des 18 salariés concernés ont été reclassés à l'intérieur du groupe et les autres licenciés pour divers motifs personnels.

Il est établi que M. X... a été absent de l'entreprise du 18 septembre au 12 octobre 2003 dans le cadre d'arrêts de travail pour maladie qui ont été prolongés une dernière fois jusqu'au 27 octobre, à la suites desquels il n'est pas revenu travailler, que la société FILATURE MICHEL THIERRY lui a envoyé les 3 et 10 novembre 2003 des courriers lui demandant de reprendre son poste ou de justifier de son absence auxquels il n'a pas répondu, qu'elle lui a ensuite adressé une convocation à un entretien préalable au licenciement, auquel l'intéressé s'est rendu, qu'elle lui a notifié son licenciement fin novembre et que la transaction a été signée quelques jours plus tard le 8 décembre 2003.

Or, M. X... verse aux débats deux feuilles manuscrites, dont une est écrite au verso d'un document émanant d'un service administratif de la société FILATURE MICHEL THIERRY, sur laquelle sont inscrites les mentions suivantes :

- sur la première :

- - A partir de jeudi 18 septembre, arrêt maladie (médecin traitant),

- fin de l'arrêt maladie le 12 octobre 2003,

- à partir du 13 octobre, abandon de poste: vous ne venez pas travailler malgré nos courriers de relance.

- sur la seconde :

- Manuel X...:

- - salaire net: 8.604 francs, salaire net de jour: 7.313 francs

- départ à la retraite dans 3,5 ans: indemnités de départ: 17.085 francs net (soumis à impôt)

- départ négocié: allocation chômage: 6.046 francs net, indemnité de licenciement: 58.180 francs net (non soumis à impôt) soit 1.385 francs par mois jusqu'à la retraite

- Claire B... : suivi de son no de téléphone.

En outre, il résulte de plusieurs attestations produites par la société FILATURE MICHEL THIERRY que M. X... a été reçu individuellement par le directeur ou le responsable des ressources humaines, en présence de la secrétaire juridique Mme B... les 9, 16 septembre et 22 octobre 2003 mais les pièces fournies par l'employeur ne permettent pas d'établir qu'une proposition de reclassement lui a été faite de manière personnelle et officielle.

Rapprochés du contexte économique de l'entreprise ainsi que des dates et circonstances de ces entretiens individuels, les documents manuscrits, dont l'employeur ne conteste pas qu'ils ont été établis par ses services et sur lesquels il ne fournit aucune explication, qui ont été nécessairement remis au salarié qui les produit en justice, probablement lors des entretiens individuels antérieurs à l'entretien préalable et qui ne peuvent constituer la relation de faits passés puisqu'en réalité l'arrêt de travail a été prolongé après le 12 octobre 2003, ces documents sont le reflet du « départ négocié » qui y est expressément mentionné.

Ainsi, il faut considérer qu'antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, la société FILATURE MICHEL THIERRY et M. X... ont négocié et conclu verbalement un accord, mettant en place une mise en scène pour éviter les contraintes légales et les effets d'un licenciement économique, définissant les conditions de sa mise en oeuvre par une absence du salarié suivie de l'envoi d'une lettre de licenciement pour faute grave puis de la signature d'un accord transactionnel, et déterminant précisément le montant des sommes payées par l'employeur. Les parties ont d'ailleurs exécuté cet accord tel qu'elles l'avaient conclu, au détail près de la prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 27 octobre 2003.

Il convient d'observer que M. X... a nécessairement compris les termes de son engagement, qu'il soit verbal ou écrit, alors qu'il a pu obtenir tous renseignements de son entourage à partir des documents qui lui ont été remis et qu'il a exactement mis en oeuvre le dit accord.

Ainsi, il est établi que la société FILATURE MICHEL THIERRY et M. X... s'étaient entendus avant le licenciement sur la transaction qui, bien que signée après, n'a donc pu valablement régler le différend entre les parties sur la rupture du contrat de travail qui n'était pas intervenue et est donc atteinte de nullité.

Le jugement du conseil de prud'hommes, qui s'est abstenu de répondre au moyen du salarié relatif à la mise en scène, a écarté l'existence d'un vice du consentement et a retenu l'existence de concessions réciproques pour valider la transaction, sera donc réformé de ce chef.

Sur le licenciement

Ainsi que cela vient d'être motivé, l'absence de M. X..., artificiellement créée dans le cadre de la mise en oeuvre d'un accord conclu avec l'employeur et donc acceptée par celui-ci, ne peut constituer une faute susceptible de justifier le licenciement du salarié.

Ce licenciement est donc dénué de cause réelle et sérieuse, de sorte que M. X... a droit à :

- l'indemnités compensatrice de préavis telle qu'il l'a évaluée de manière exacte et non critiquée par l'employeur,

- l'indemnité de licenciement, qui ne peut être calculée selon les règles applicables en matière de licenciement économique, puisque le licenciement n'a pas été prononcé pour cette cause et avait justement pour objet d'éviter un tel licenciement, et qui est donc de 6.730,44€,

- des dommages-intérêts, que le salarié a estimé à la somme de 19.712,64€ qui lui sera accordée, eu égard à son ancienneté dans l'entreprise et à la proximité de la possibilité de prendre la retraite compte tenu de son âge.

La société FILATURE MICHEL THIERRY devra payer ces sommes au salarié, sous déduction de la somme nette de 11.000€ versée en exécution de l'accord transactionnel et en outre rembourser à l'A.S.S.E.D.I.C. le montant des allocations de chômage versées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de 6 mois d'allocations.

Sur le rappel de salaire

La société FILATURE MICHEL THIERRY verse aux débats un extrait de l'accord du 19 décembre 1996 applicable dans l'entreprise aux termes duquel suite à la réduction de la base horaire mensuelle (de 169,25 à 152,20h), la baisse de la base mensuelle est compensée intégralement par une prime mensuelle de compensation ayant « exactement la même nature que la base mensuelle ».

En conséquence, pour calculer si M. X... a perçu une rémunération au moins égale au SMIC horaire, il faut comparer le salaire de base augmenté de la prime de compensation, divisé par le nombre d'heures de travail soit 152,25h, au SMIC horaire augmenté d'une majoration de 32% car l'intéressé travaillait de nuit.

Cette comparaison permet de déterminer que M. X... a, pendant les 5 années précédant la saisine de conseil de prud'hommes, perçu une rémunération supérieure au SMIC, de sorte que sa demande de rappel de salaire sera rejetée et que la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle

La transaction ayant été annulée, la demande reconventionnelle de la société FILATURE MICHEL THIERRY en paiement de la somme de 13.000€, fondée sur le non respect de cet accord par le salarié et sur la clause pénale y figurant ne peut qu'être rejetée, contrairement à ce que le conseil de prud'hommes a décidé.

Sur les demandes annexes

Le jugement déféré sera également réformé en ce qu'il a mis les dépens ainsi qu'une indemnité de procédure à la charge du salarié, alors que celui-ci obtenant satisfaction pour la plus grande part de ses demandes, c'est la société FILATURE MICHEL THIERRY qui devra supporter les entiers dépens et lui payer la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Réforme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés,

Dit que l'accord transactionnel conclu entre la société FILATURE MICHEL THIERRY et M. X... est nul,

Dit que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société FILATURE MICHEL THIERRY à payer à M. X..., sous déduction de la somme de 11.000€ net déjà versée :

- 3.286€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 6.730,44€ à titre d'indemnité de licenciement,

- 19.712,64€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FILATURE MICHEL THIERRY à rembourser à l' A.S.S.E.D.I.C. le montant des allocations de chômage versées à M. X... à la suite de son licenciement, dans la limite de 6 mois d'allocations,

Déboute la société FILATURE MICHEL THIERRY de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 13.000€,

Condamne la société FILATURE MICHEL THIERRY aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MARENGO B. BRUNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0313
Numéro d'arrêt : 345
Date de la décision : 21/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Foix, 16 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-05-21;345 ?
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