La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2008 | FRANCE | N°179

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0035, 21 mai 2008, 179


21 / 05 / 2008

ARRÊT No

No RG : 06 / 02589

Décision déférée du 16 Mars 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-03 / 92
M. X...

Société BANQUE D'ESCOMPTE
représentée par la SCP MALET

C /

Société FID SUD AUDIT
Société CAZAUX BOULZE PERRUCHET RIU COLOMBINI GASET
Claude Y...
Compagnie ASSURANCES LES MUTUELLES DU MANS
représentés par la SCP BOYER LESCAT MERLE

Confirmation

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULO

USE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MAI DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (E / S)

Société BANQUE D'ESCOMPTE
...,
75783 PARIS
repré...

21 / 05 / 2008

ARRÊT No

No RG : 06 / 02589

Décision déférée du 16 Mars 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-03 / 92
M. X...

Société BANQUE D'ESCOMPTE
représentée par la SCP MALET

C /

Société FID SUD AUDIT
Société CAZAUX BOULZE PERRUCHET RIU COLOMBINI GASET
Claude Y...
Compagnie ASSURANCES LES MUTUELLES DU MANS
représentés par la SCP BOYER LESCAT MERLE

Confirmation

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MAI DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (E / S)

Société BANQUE D'ESCOMPTE
...,
75783 PARIS
représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour
assistée de Me Z..., avocat au barreau de PARIS

INTIME (E / S)

Société FID SUD AUDIT
...
31000 TOULOUSE

Société CAZAUX BOULZE PERRUCHET RIU COLOMBINI GASET
...
31000 TOULOUSE

Monsieur Claude Y...
...
31000 TOULOUSE

Compagnie ASSURANCES LES MUTUELLES DU MANS
10 boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS
représentés par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
assistés de Me François A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BELIERES, président, V. SALMERON, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BELIERES, président
V. SALMERON, conseiller
C. COLENO, conseiller

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRET :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par C. BELIERES, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

La SA EMBF qui exerçait une activité de distribution d'aciers fins et spéciaux et de tubes énergétiques principalement destinés à la recherche pétrolière et gazière était bénéficiaire de divers concours financiers accordés par la SA BANQUE D'ESCOMPTE qui avait pour commissaires aux comptes la SARL FID SUD AUDIT remplacée le 18 juin 2002 par la SCP Cabinet BOULZE, PERRUCHET, RIU, COLOMBINI, Y..., FID SUD GROUPE, ayant toutes deux pour associé M. Claude Y..., lequel a déclenché le 22 juillet 2002 la première phase de la procédure d'alerte.
Le 21 octobre 2002 elle a procédé à la déclaration de la cessation des paiements avec un passif de 77. 066. 044 € dont 66. 341. 000 € au titre du passif bancaire et a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de PARIS du 31 octobre 2002.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 novembre 2002 la SA BANQUE D'ESCOMPTE a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 3. 568. 923, 59 €.
Par acte du 17 février 2003 cette banque a fait assigner la SARL FID SUD AUDIT, la SCP Cabinet BOULZE, PERRUCHET, RIU, COLOMBINI, Y..., FID SUD GROUPE et M. Claude Y...puis par acte du 5 octobre 2004 leur assureur la SA MUTUELLES DU MANS IARD devant le tribunal de grande instance de Toulouse en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis.
Par jugement du 16 mars 2006 cette juridiction a
-déclaré irrecevable l'action de la SA BANQUE D'ESCOMPTE pour défaut de qualité à agir
-débouté les commissaires aux comptes et leur assureur de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-condamné la banque à verser aux commissaires aux comptes et à leur assureur la somme globale de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 29 mai 2006 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA BANQUE D'ESCOMPTE a interjeté appel général de cette décision.

MOYENS DES PARTIES

La SA BANQUE D'ESCOMPTE sollicite, dans ses dernières écritures du 26 novembre 2007 de 65 pages auxquelles il convient de se reporter pour plus de précisions, l'infirmation du jugement déféré et demande dans leur dispositif de

-lui donner acte de ce que la responsabilité de M. Claude Y...est recherchée à raison des fautes commises par lui dans la certification des comptes des exercices 1997 et 1998, qu'elle n'est entrée en relation avec la SA EMBF qu'à compter de février 2000, qu'elle est la seule banque dans cette situation toutes les autres étant déjà engagées avec cette société

-constater
* que les comptes étaient gravement faux et ne traduisaient pas la situation de la SA EMBF
* que M. Claude Y...a certifié sans réserve ceux des exercices 1997 à 2001, tous bénéficiaires
* qu'au regard d'un passif de 79 M € la fausseté des comptes a nécessairement des causes antérieures à 1998
* que les rapports généraux de M. Claude Y...certifient sans réserve les comptes 1997 et 1998 établissant une situation saine et profitable alors qu'il affirme aujourd'hui que la situation de la SA EMBF était très obérée et en conséquence constater son aveu judiciaire sur sa connaissance du caractère très obéré de la situation à cette époque
* que les comptes certifiés de 1997 et 1998 présentés à la banque ne laissent en rien apparaître une situation très obérée ni même simplement obérée et en conséquence constater que la preuve est rapportée par l'aveu judiciaire de la dissimulation de la fausseté des comptes et de la certification sans contrôle de ces mêmes comptes
* qu'en s'abstenant de justifier avoir réalisé les diligences de sa mission de commissaire aux comptes, M. Claude Y...est présumé ne pas avoir accompli ces diligences que la loi et les normes professionnelles lui imposent
-dire qu'un manquement d'une telle ampleur doit s'analyser en un fait volontaire de dissimulation
-constater que
* compte tenu de l'ampleur du désastre, il y a nécessairement eu des comptes faux dans des proportions considérables que n'importe quel professionnel du chiffre diligent aurait du détecter s'il avait effectivement réalisé ses diligences et investigations
* la preuve est ainsi rapportée de la dissimulation, de la participation nécessairement volontaire, y compris par abstention, de M. Claude Y...à cette dissimulation
* les faits ne lui ont été révélés que le 2 juillet 2002 et que la prescription n'a pu commencer à courir qu'à cette date
* en conséquence l'absence de toute prescription acquise au jour de l'assignation

A titre infiniment subsidiaire, si le moyen de la prescription n'était pas rejeté d'office par la cour
-ordonner la communication, au titre de chacun des exercices 1997, 1998 et 1999 et au titre de chacune des sociétés du groupe EMBF dans lesquelles M. Claude Y...a exécuté une mission de commissaire aux comptes et sous astreinte de 100 € par jour et par document commençant à courir 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir, des pièces suivantes :
* dossier d'audit de la mission de certification légale du commissaire aux comptes de la SA EMBF pour les exercices 1997, 1998, 1999
* méthode retenue pour chacun des exercices pour déterminer la valeur des stocks
* relevé des travaux d'application de cette méthode pour chacun des exercices
* dossiers de circularisation des banques, fournisseurs et clients et rapprochements avec le soldes communiqués
* rapport d'inspection de la compagnie régionale des commissaires aux comptes au titre du contrôle de qualité des dossiers
* rapport spécial sur les comptes de l'exercice 1997

- constater que
* elle se prévaut d'un préjudice distinct constitué par la perte de chance de ne pas entrer en relation avec EMBF au vu des comptes qui, s'ils avaient été exacts, auraient reflété la situation très obérée décrite par M. Claude Y...
* ce préjudice lui est propre et se distingue des préjudice de perte de leur créance par les autres banques
-réformer en conséquence le jugement entrepris et la déclarer recevable en son action

-constater que
* en certifiant des comptes faux sans effectuer les diligences requises ou en ne tirant pas les conséquences de celles qu'il aurait éventuellement entreprises, M. Claude Y...a commis une faute d'une toute particulière gravité au regard de ses obligations professionnelles et de sa mission légale
* cette fausse certification ou à tout le moins cette certification fautive l'a trompée lors de son entrée en relation avec EMBF alors qu'elle n'y aurait pas consenti si elle avait connu la réalité de la situation
* elle a perdu une chance et en a subi un préjudice calculé en fonction de l'incidence de cette perte de chance

-condamner solidairement la SARL FID SUD AUDIT, la SCP Cabinet BOULZE, PERRUCHET, RIU, COLOMBINI, Y..., FID SUD GROUPE et M. Claude Y...en leur qualité de commissaires aux comptes de la SA EMBF et leur assureur la SA MUTUELLES DU MANS IARD à lui payer la somme minimale de 3. 250. 382, 72 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2000 et capitalisation annuelle

Subsidiairement, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur la nature des fautes commises par M. Claude Y...
-ordonner une mesure d'expertise sur les diligences de ce commissaire aux comptes au titre des exercices 1997 et 1998 de la SA EMBF et sur les résultats de ces deux exercices confiée à un expert national avec la mission proposée dans ses écritures

En toute hypothèse,
- lui allouer la somme de 50. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle affirme être entrée en relations avec la SA EMBF pour la première fois les 8 et 25 février 2000 sur la base d'informations données par cette société et la foi de documents de présentation du groupe et plus particulièrement des dossiers économiques et comptables 1997 / 1998 incluant les rapports des commissaires aux comptes la faisant apparaître comme une entreprise en développement ayant une assise importante et présentant des aspects sains, sa cotation banque de France étant d'ailleurs très favorable.
Elle indique lui avoir consenti les 21 et 25 février 2000 divers concours à hauteur de 3. 811. 225, 40 € qui seront globalement maintenus jusqu'à sa mise en procédure collective, les comptes certifiés faisant apparaître un bénéfice pour chaque exercice et un chiffre d'affaires stable sans rien révéler d'anormal ni faire état d'aucun problème particulier, alors que la déclaration de cessation des paiements a fait apparaître un passif de 77. 066. 044 € pour un actif de 8. 110. 491 €.
Elle considère que l'ampleur d'un tel passif est en totale contradiction avec les comptes certifiés non seulement au 31 / 12 / 2001 mais également de façon nécessaire avec ceux des années antérieures et notamment au 31 / 12 / 1997 et au 31 / 12 / 1998, lesquels l'ont été à tort puisque de nombreux éléments figurant à l'actif dont les stocks n'avaient plus qu'une valeur résiduelle sans commune mesure avec celle affichée, que depuis plusieurs années aucune procédure de vérification de la réalité et de la valeur de ces stocks devenus pour partie obsolètes n'avait été mise en place par les commissaires aux comptes ou tout au moins n'avait pas été menée dans les règles de l'art, conduisant à une surévaluation considérable de ceux-ci et donc de l'actif de cette société.
Elle souligne que ledit stock est passé de 29. 432. 000 € au 31 / 12 / 2001 à 26. 267. 201 € au 10 juillet 2002 puis 8. 939. 317 € au 12 juillet 2002 et 3. 915. 880 € au 21 octobre 2002 date du dépôt de bilan, que l'explication donnée par le commissaire aux comptes sur cette dévalorisation à avoir une intensification de la démarche qualité en vue de passer de la norme ISO 9002 (version 1994) à la norme ISO 9001 (version 2000) sur la totalité des activités y compris l'activité tubes) est totalement invraisemblable et mensongère puisque le dossier qui lui a été remis par la société en février 2000 comporte un certificat IFAQ attestant sa certification ISO 9002 y compris pour les produits tubulaires et que l'importance de cette dévalorisation conduit à une quasi certitude, non seulement de sur-valorisation volontaire du stock mais encore de sa fictivité qui n'a servi qu'à tenter de masquer la fausseté des comptes antérieurs et l'absence de contrôle de la réalité physique du stock et de sa valeur marchande, s'agissant d'un actif particulièrement significatif dans les comptes de la SA EMBF.
Elle soutient que la prétendue cause russe de la procédure collective est tout aussi invraisemblable puisque ce litige sur la qualité des produits fournis à un client de ce pays ne porte que sur 14, 4 M d'€ alors que le passif total s'élève à 79 M d'€, que les pièces justificatives fournies sont particulièrement succinctes et contiennent des incohérences et inexactitudes, ce qui laisse supposer que cette commande qui représente 26 % du poste client est fictive mais le commissaire aux comptes n'a effectué aucune diligence à propos de ce contrat.
Elle estime qu'en certifiant sans réserve les comptes des exercices 1997 / 1998 sur la base desquels des crédits ont été consentis M. Claude Y...a commis une faute engageant sa responsabilité et l'obligeant à réparer le préjudice subi, distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers qui n'est pas constitué par la perte de sa créance mais par la perte d'une chance de ne pas entrer en relation financière avec cette société si elle avait été correctement informée de la situation réelle de la SA EMBF déjà lourdement obérée à l'époque.

*
Elle exige, préalablement à tout examen de la recevabilité de l'action, la communication de diverses pièces de nature à conforter la réalité du préjudice distinct subi et démonter la dissimulation à laquelle s'est prêté M. Claude Y..., toutes données ayant une incidence sur les exceptions de qualité à agir et de prescription qui lui sont opposées.

Elle soutient que la prescription des articles L 225-242 et L 225-254 du code de commerce n'est pas acquise.
Elle affirme que ce n'est que le 2 juillet 2002 qu'elle a eu connaissance des déclarations faites par les dirigeants de la SA EMBF à la réunion du 25 juin 2002 avec l'administrateur ad hoc désigné par le tribunal de commerce et qu'elle a pu réaliser, au travers d'éléments déterminants tels que la gestion des stocks et le prétendu sinistre russe, que le comportement du commissaire aux comptes dans le cadre de la certification des comptes avait été anormal n'ayant eu, antérieurement, aucun moyen de suspecter les irrégularités commises.
Elle en déduit que la prescription n'a pu commencer à courir avant cette date conformément à la règle posée par l'article 2251 du code civil qui joue chaque fois que le créancier est dans l'impossibilité absolue de défendre son droit.
Elle prétend que si le texte du code de commerce fixe le point de départ du délai au fait dommageable, il le diffère au jour de sa révélation en cas de dissimulation sans exiger que cette dernière émane de l'auteur même de la faute à savoir le commissaire aux comptes mais puisse émaner d'un tiers tel le dirigeant de la société.
Elle ajoute démontrer par un faisceau d'indices graves, précis et concordants l'existence d'un fait dommageable imputable à M. Claude Y...et de sa dissimulation dans des conditions permettant de présumer son fait volontaire susceptible d'être corroboré par les documents dont elle demande la communication.
Elle considère que le caractère inexact des comptes ressort de divers éléments :
- ampleur du passif constaté lors de l'ouverture de la procédure collective qui n'a pu se constituer sur un seul exercice de sorte que sa cause remonte nécessairement à plusieurs exercices antérieurs (passif de 77 M € pour un chiffres d'affaires de 78 M €) concomitants ou antérieurs à 1997 dès lors qu'aucun élément issu des comptes certifiés ne permet de considérer qu'il ait existé postérieurement un motif à de telles pertes
-mention dans les comptes depuis au moins 1997 à l'actif d'un stock de marchandises de plus de 20 M € dont la valeur devait être amputée de 66 % (valeur comptable) et en réalité de 90 % (valeur liquidative)
- mention dans les conclusions de première instance des commissaires aux comptes de l'existence d'une situation très dégradée de la SA EMBF en 1997, ce que ne reflètent absolument pas les comptes sociaux certifiés, puisque ces parties indiquent " que lorsque les relations avec la SA BANQUE D'ESCOMPTE se sont nouées la situation de la SA EMBF était beaucoup plus obérée qu'au 31 décembre 2001 ", ce qui constitue l'aveu judiciaire de ce que la situation de la SA EMBF était obérée antérieurement à l'exercice 2001 et en février 2000 alors que les résultats bénéficiaires et la situation de bilan de la SA EMBF ne pouvaient le laisser supposer.
Elle en déduit que ces écrits qui font référence non à une situation d'endettement mais une situation obérée traduisent l'aveu judiciaire tant de la fausseté desdits comptes que de sa dissimulation car il appartenait alors au commissaire aux comptes de considérer qu'il n'y avait pas de certitude sur la continuité d'exploitation et d'en tirer toutes conséquences, soit par une réserve sur la certification des comptes soit par une absence de certification, de sorte qu'en ne le faisant pas il a volontairement dissimulé la situation exacte de l'entreprise.
Elle affirme que les documents sollicités, dont la communication spontanée lui a été refusée malgré une sommation, seraient de nature à établir de façon définitive cette dissimulation et son caractère volontaire, même par abstention puisque tous les comptes 1997 à 2001 faisaient apparaître un bénéfice conséquent avec distribution de dividendes.
Elle prétend que l'absence d'explication plausible et l'ampleur de la distorsion établissent non seulement la fausseté des comptes mais conduisent à considérer qu'en tant que professionnel du chiffre M. Y...ne pouvait l'ignorer et soit l'a couverte soit n'a pas entrepris les diligences qui l'auraient mises en évidence soit par négligence n'a pas entrepris les diligences essentielles à sa mission, d'autant que des doubles ou triples mobilisations de mêmes créances professionnelles ont également été découvertes.

Elle soutient avoir subi un préjudice particulier né de la perte d'une chance de pouvoir ne pas entrer en relation avec la SA EMBF, distinct de celui subi par les autres créanciers, ce qui lui ouvre le droit d'agir individuellement en responsabilité et réparation.
Elle souligne n'être entrée en relation avec la SA EMBF que le 17 février 2000 sur la foi de documents attestant d'une réalité financière complètement tronquée alors que toutes les autres banques l'ont fait à une époque antérieure (en 1994, 1995, 1997, 1998 à 1999) où la situation de cette société était normale puisque tant le liquidateur que les commissaires aux comptes situent ces difficultés en 1997 alors que les comptes sociaux des exercices 1997 et 1998 qui lui ont été remis ne les traduisent pas.
*

Sur le fond, elle fait valoir que les fautes et négligences de M. Claude Y...sont évidentes au regard de ses missions de contrôle et de certification des comptes sociaux qui ne laissent place à aucun aléa et lui font obligation de mettre en oeuvre tous les moyens permettant d'obtenir que les comptes annuels ne comportent pas d'anomalies significatives et, en cas d'irrégularité ou d'anomalie, de les dénoncer et / ou mettre en place une procédure d'alerte et à tout le moins de refuser leur certification.
Elle dénonce le caractère inexistant ou anormal du contrôle effectué par l'intéressé sur les comptes 1997 et 1998 qui sera ultérieurement confirmé par la constatation du déficit astronomique enregistré par la SA EMBF en juillet 2002 conduisant à un dépôt de bilan dès octobre 2002 alors que depuis plusieurs années ses rapports généraux ne laissaient rien présager et attestaient la réalisation de bénéfices conséquents.
Elle indique d'une part que de simples sondages sur les stocks auraient permis de constater qu'une large partie d'entre eux était présente depuis plus de dix ans et sans rotation de sorte que la valeur donnée au bilan était largement fictive et d'autre part que la SA EMBF pratiquait de la cavalerie en mobilisant plusieurs fois les mêmes factures ou des factures fictives ne correspondant à aucune opération économique justifiée.
Elle souligne que M. Claude Y...ne justifie ni des diligences accomplies ni a fortiori avoir effectué un contrôle effectif et suivi les règles professionnelles de sorte qu'il est présumé ne pas les avoir respectées.
Elle affirme que sa défaillance remonte aux années 1995 et 1997 puisque les dirigeants eux-mêmes dans diverses déclarations au cours de l'année 2002 et le liquidateur dans diverses assignations font remonter les difficultés de trésorerie de l'entreprise à 1995 ou 1997 et considère que le sinistre russe de la fin 2001 prétendument à l'origine du dépôt de bilan n'est destiné qu'à masquer l'existence d'une situation financière compromise depuis plusieurs années, d'autant que M. Claude Y...ne s'est jamais préoccupé de ce dossier russe pourtant censé représenter 26 % du chiffre d'affaires de la société qui a abouti à une perte de 14, 4 M d'€ liée à la mise au rebut de 29. 453 tonnes de plaques en acier livrées fin décembre 2001 présentant des problèmes de soudage puisqu'aucune contestation de la réclamation russe n'a été émise, ni la moindre tentative de rapatriement, ni l'engagement d'un conseil ou d'un expert local, ni la souscription préalable de garanties financières ou assurances.
Elle précise que l'explication sur la dévalorisation des stocks liée à la soumission à la norme ISO 9001 est tout aussi invraisemblable d'autant que le dirigeant a donné une autre version en la rattachant à l'inventaire en cours, preuve qu'aucun travail sur sa réalité physique n'avait été précédemment mené.
Elle ajoute qu'il est aujourd'hui avéré et prouvé que depuis plusieurs années la SA EMBF se finançait frauduleusement auprès des banques en faisant valoir un actif survalorisé et ultérieurement en cédant des créances professionnelles sur ses clients dans le cadre de loi DAILLY, de sorte qu'on peut penser que le poste clients comportait pour des montants importants des créances qui auraient du être provisionnées ou encore ne pas figurer dans la comptabilité faute d'existence légale.
Elle en déduit que les diligences normales et prudentes d'un commissaire aux comptes auraient du faire apparaître des éléments de refus de certification des comptes des exercices 1997 et 1998 qui ne pouvaient échapper à sa vigilance.
Elle estime avoir subi un préjudice en relation de causalité directe avec ces manquements correspondant à la perte d'une chance de ne pas avoir contracté avec la SA EMBF qu'elle a évalué selon une méthodologie fondée sur l'annulation de toutes les opérations consécutives à cette entrée en relation tant en ce qui concerne les produits que les charges suivant détail figurant en pages 58 et 59 de ses écritures soit la somme de 3. 250. 382, 72 € en capital.

La SARL FID SUD AUDIT, la SCP Cabinet BOULZE, PERRUCHET, RIU, COLOMBINI, Y..., FID SUD GROUPE, M. Claude Y...et la SA MUTUELLES DU MANS IARD concluent dans leurs dernières écritures du 7 février 2008 de 25 pages auxquelles il convient de se reporter pour plus de précisions, à la confirmation du jugement déféré sauf à leur allouer la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et demandent l'octroi d'une indemnité complémentaire de 30. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soulèvent l'irrecevabilité de l'action en application de l'article L 621-39 du code de commerce qui confie au seul représentant des créanciers l'exercice de l'action en réparation du préjudice résultant de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif du débiteur causé par un tiers, aucun créancier ayant déclaré sa créance n'étant recevable à agir lui-même contre ce tiers en réparation du préjudice constitué par l'immobilisation de sa créance inhérente à la procédure collective.
Ils soutiennent que la SA BANQUE D'ESCOMPTE ne justifie pas d'un préjudice distinct du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers puisqu'elle était en relation avec la SA EMBF depuis 1998 ainsi que précisé par le liquidateur dans son assignation introductive d'instance du 26 octobre 2004 délivrée à l'encontre des banques pour soutien abusif, de sorte qu'elle est dans la même situation que l'ensemble des autres banques et notamment la CIC, la BRED et la BANQUE INTESA FRANCE qui ont contracté la même année et l'OBC qui a contracté en 1999.
Ils prétendent que, même en retenant la date de février 2000 désormais invoquée comme étant celle du début des relations contractuelles suivant convention d'ouverture d'un compte courant versée aux débats, la situation reste juridiquement identique car la SA BANQUE D'ESCOMPTE ne démontre ni avoir pris ses décisions après lecture des rapports des commissaires aux comptes, ni avoir été victime d'un dommage propre constitué par la perte d'une chance de ne pas entrer en relation avec la SA EMBF distinct du préjudice général né de la perte de sa créance.
Ils soulignent que la SA BANQUE D'ESCOMPTE n'est pas la seule banque à avoir octroyé des crédits à la SA EMBF, que plus d'une douzaine de banques désignées l'ont fait, puisqu'elles ont maintenu leurs concours et les ont augmenté en consentant de nouvelles ouvertures de crédit de 2000 à 2002.
Ils estiment que si la certification des comptes était criticable comme allégué par la SA BANQUE D'ESCOMPTE, les autres établissements bancaires se sont trouvés exactement dans la même situation.

Ils invoquent, également, la prescription triennale des articles L 225-242 et L 225-254 du code de commerce qui fixent le point de départ de l'action en responsabilité à l'encontre des commissaires priseurs à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
Ils font valoir que le délai court à compter de la certification des comptes 1997 / 1998 suivant rapport du 2 juin 1999 puisque même en admettant que les relations contractuelles remontent au 17 février 2000, la décision d'octroi des crédits n'a pu être prise qu'au vu desdits comptes et non du rapport de certification sur l'exercice clos au 31 décembre 1999 qui n'a été rédigé que le 10 mai 2000 alors que l'assignation a été délivrée le 6 février 2003 soit presque quatre ans plus tard.
Ils affirment que son point de départ ne peut être reporté au jour de la découverte de la négligence du commissaire aux comptes qu'en cas de volonté de ce dernier de cacher des faits dont il a connaissance par la certification des comptes, ce qui n'est ni démontré ni même allégué pour ceux de 1997 / 1998.
Ils rappellent que la prescription particulière abrégée qui résulte d'une loi spéciale exclut l'application de celle de droit commun.
Ils nient tout aveu judiciaire de dissimulation, l'affirmation contenue dans leurs conclusions de première instance de ce que la SA EMBF était plus endettée en février 2000 qu'au 31 / 12 / 2001 résultant de la seule lecture des bilans, preuve que la SA BANQUE D'ESCOMPTE n'a pas cru nécessaire de les consulter avant de s'engager.
Ils contestent que les comptes aient été gravement inexacts et indiquent que la seule affirmation de leur fausseté ne démontre aucunement l'intention volontaire du commissaire aux comptes de la dissimuler.
Ils en déduisent que la SA BANQUE D'ESCOMPTE
-ou bien invoque à tort le fait d'être en situation distincte des autres banques pour être rentrée en rapport avec la SA EMBF en février 2000 postérieurement aux autres sociétés et subi alors un dommage propre mais sa demande est manifestement prescrite
-ou bien invoque le fait qu'elle a continué à maintenir son concours pendant la période non prescrite mais ne peut alors exciper de l'existence du moindre préjudice indépendant des autres créanciers.

Subsidiairement, ils estiment que l'action est mal fondée et que la responsabilité des commissaires aux comptes tenus d'une obligations de moyens et non de résultat n'est pas engagée.
Après avoir rappelé la mission légale qui leur est confiée, ils contestent l'ensemble des griefs formulés contre eux relatifs tant aux fautes commises dans les rapports de certification qu'à l'absence de réponse de M. Claude Y...à une lettre adressée par la SA BANQUE D'ESCOMPTE le 19 novembre 2002.
Ils font valoir que cette banque ne démontre pas en quoi les comptes des exercices 1999 et antérieurs n'auraient pas reflété la réalité et se limite à jeter la suspicion sur lesdits comptes en tirant argument de faits intervenus en 2002 et donc postérieurement à l'intervention de cette banque en février 2000, au motif que le rapport du commissaire au compte du 31 mai 2002 sur l'exercice au 31 / 12 / 2001 ne fait état d'aucun problème particulier alors qu'elle affirme qu'il y aurait eu une perte de 14. 000. 000 € sur la Russie et une surévaluation des stocks d'environ 10. 000. 000 €.
Ils précisent que la SA EMBF a été amenée à déposer son bilan à la suite de difficultés survenues sur un très important contrat conclu le 10 septembre 2001 avec une société russe chargée d'installer un gazoduc en Sibérie pour une quantité de 29. 000 tonnes, laquelle a présenté des réclamations relatives à la non conformité de la marchandises au cahier des charges, raison pour laquelle le rapport de M. Claude Y...du 31 / 05 / 2002 sur les comptes au 31 / 12 / 2001 a été présenté avec observation et qu'au vu du rapport d'expertise en date du 10 juin 2002 qui a conduit la SA EMBF a reconnaître des fautes génératrices d'une perte de 14. 000. 000 € il a déclenché la procédure d'alerte en juillet 2002.
Ils font remarquer que cette affaire est sans intérêt pour la solution du litige puisqu'elle n'existait pas lors de la certification des comptes litigieux soit ceux de 1997 et 1998 qui servent de base à la demande de la SA BANQUE D'ESCOMPTE.
Ils soulignent que les comptes sont normalement établis sur l'hypothèse de la continuité d'exploitation, qu'au 31 décembre 2001 le principe de celle-ci n'était pas en cause de sorte que l'ensemble des éléments d'actifs devait être apprécié en valeur vénale, et qu'après avoir constaté que les stocks à rotation lente étaient toujours vendus à un prix supérieur au prix d'achat il n'y avait pas lieu à dépréciation.
Ils indiquent que la SA EMBF avait adhéré à la norme ISO 9002 / 1994 en excluant de son adhésion une partie de son activité relative aux tubes, que la décision d'adhérer à la norme ISO 9001 / 2000 incluant la totalité des activités n'a été prise qu'au début de l'année 2002 suivant certificat délivré en mai 2002, laquelle n'est pas une extension de la norme précédente mais implique une toute autre écriture et contrainte puisqu'elle s'est trouvée dans l'obligation d ‘ avertir ses clients qu'elle vendait des matières brutes stockés depuis plusieurs mois si ce n'est plusieurs années et donc pouvant présenter des caractéristiques hors normes, ce qui l'a amenée à consentir des abattements de prix pour ces produits déclassés et de déprécier le stock, stratégie décidée en juin 2002 lors de la réunion réunissant toutes les banques sous l'égide du mandataire ad hoc qui n'a émis aucune observation sur ce point, raison pour laquelle M. Claude Y...a délivré le 12 juillet 2002 une attestation de valeur passant de 26. 267. 201 € à 8. 939. 317 €.
Ils considèrent que l'absence de réponse de ce commissaire aux comptes à la lettre de l'avocat de la SA BANQUE D'ESCOMPTE du 19 / 11 / 2002 lui posant un certain nombre de questions relatives au rapport général de mai 2002 et à la réalité des valeurs retenues pour les stocks et la gestion des créances est sans portée juridique dès lors qu'elle a été écrite après l'ouverture de la procédure collective et qu'il est astreint au secret professionnel pour tous les actes, faits, et renseignements dont il a pu avoir connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
Ils s'opposent à toute expertise au regard des dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile qui interdit d'ordonner une telle mesure en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Ils contestent le préjudice invoqué né de la perte d'une chance qui, outre que son évaluation ne repose que sur les pièces produites par la SA BANQUE D'ESCOMPTE, n'est ni actuel ni certain puisqu'elle peut espérer être indemnisée au moins partiellement de sa créance dans le cadre de la procédure collective.
Ils ajoutent que le dommage allégué est dépourvu de tout lien de causalité direct avec les fautes prétendues puisque la banque ne rapporte pas la preuve, à sa charge, d'être intervenue dans le financement de la SA EMBF au vu des comptes certifiés dont rien n'établit qu'elle les ait eu en mains et ait examiné leur contenu avant de s'engager, car aucun échange de correspondance n'y fait référence et son attention n'aurait pas alors manqué d'être attirée par les ratios figurant aux deux dernières pages.

MOTIFS DE LA DECISION

Les prétendues fautes commises par M. Claude Y...à prendre en considération pour statuer sur le présent litige sont celles relatives aux bilans 1997 et 1998 à l'exclusion de tous autres, qui étaient seuls en possession de la banque lors de l'ouverture de la convention de compte courant et de l'octroi des premiers crédits en février 2000, ainsi que clairement précisé par la SA BANQUE D'ESCOMPTE elle-même dans ses conclusions d'appel ; en effet le rapport relatif à l'exercice social de l'année 1999 a été signé par le commissaire au compte le 10 mai 2000 seulement.

Sur la recevabilité de l'action
Les deux moyens d'irrecevabilité de l'action en responsabilité exercée par la SA BANQUE D'ESCOMPTE à l'encontre des commissaires aux comptes de la SA EMBF soulevés par ces derniers pour défaut du droit d'agir de la banque tiré de son défaut de qualité et de la prescription doivent être examinés en l'état des pièces régulièrement versées aux débats par l'une et l'autre des parties.

Il peut, en effet, être statué sans disposer au préalable des documents énumérés par l'appelante à la page 29 de ses conclusions dont la production n'apparaît pas pertinente et utile car, en raison de leur nature, ils ne paraissent pas susceptibles d'avoir une incidence sur le sort juridique de ces deux fins de non recevoir.
La demande de communication de ces pièces doit donc être rejetée conformément aux articles 11 et 132 à 142 du code de procédure civile.

Sur la qualité à agir

Aux termes des articles L 621-39 et L 622-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 le représentant des créanciers dont les attributions sont dévolues au liquidateur a seul qualité pour agir contre un tiers en réparation du préjudice collectif subi du fait de ce dernier par les créanciers.

L'exercice individuel par un créancier d'une telle action n'est admis qu'à condition de justifier d'un préjudice propre, distinct de celui causé aux autres créanciers.

L'action en responsabilité exercée par la SA BANQUE D'ESCOMPTE ne peut se voir reconnaître ces caractères.

Le préjudice particulier invoqué en cause d'appel est " la perte d'une chance de ne pas entrer en rapport avec la SA EMBF " pour reprendre l'expression de cette banque et, en réalité et plus exactement, celle de ne pas lui consentir des crédits et donc la perte d'une chance de ne pas prendre un risque financier.

Or ce préjudice n'est pas véritablement différent du préjudice général né du défaut de paiement de sa créance.
L'avantage perdu est, en effet, celui qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, à savoir l'absence de perte financière.
Il n'est donc pas radicalement distinct du montant de la créance impayée résultant du non remboursement des concours divers octroyés qui en constitue nécessairement la mesure.

Ce préjudice est inhérent à l'ouverture de la procédure collective et aux règles qui la régissent et collectivement subi par l'ensemble des créanciers.
Il n'est pas particulier à la SA BANQUE D'ESCOMPTE et ne procède pas d'une cause qui lui soit spécifique.
Les informations prétendument erronées figurant sur les bilans certifiés par le commissaire aux comptes qui auraient laissé croire à la bonne santé de l'entreprise sont publiées, de sorte que tous les créanciers sont dans la même situation à cet égard.
Toutes les autres banques, au nombre d'une dizaine, en relation avec la société EMBF s'étaient engagées sur la base de ces mêmes données des exercices 1997 et 1998.
Certaines d'entre elles l'ont fait pour la première fois en 1998 (CIC, BRED) et 1999 (BANQUE OBC) et donc au vu des mêmes bilans que ceux critiqués par la SA BANQUE D'ESCOMPTE.
D'autres l'étaient depuis 1994 (NATEXIS et BP NORD DE PARIS) 1995 (SOCIETE GENERALE, CREDIT LYONNAIS), 1997 (BNP PARIBAS, CREDIT AGRICOLE SUD ALPES et ILE DE FRANCE, MONTE PASCHI, EUROBANK, INTESA) mais elles ont maintenu leurs crédits ou les ont augmentés ou en ont accordé de nouveaux au cours des années 1998 à 2000, ainsi qu'il ressort des indications figurant sur l'assignation introductive d'instance délivrée le 26 octobre 2004 par le liquidateur à l'encontre de l'ensemble des banques pour soutien abusif.
Le passif bancaire représente d'ailleurs 86 % du passif total.

Au demeurant ces bilans n'étaient qu'un élément parmi les documents fournis par la SA EMBF ainsi que précisé en la page 36 des écritures de la banque
qui comportait une étude intitulée " Evolution du Groupe Brun Frères pour l'année 2000 " établie par son PDG et ses commentaires sur le bilan et l'exploitation au 31 / 12 / 1998.

Sur la prescription

Aux termes des articles L 225-242 et L 225-254 du code de commerce l'action en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.

Le fait dommageable s'entend comme étant la certification fautive qui clôt les investigations du commissaire aux comptes ; et la dissimulation implique de sa part la volonté de cacher les faits dont il a connaissance par la certification des comptes.

Les seuls comptes sociaux critiqués par la SA BANQUE D'ESCOMPTE dans le cadre de la présente instance sont ceux des années 1997 et 1998 certifiés par M. Claude Y...suivant rapports en date respectivement du 13 mai 1998 et 2 juin 1999.

L'action diligenté par la SA BANQUE D'ESCOMPTE par assignation délivrée acte du 17 février 2003 est donc tardive pour avoir été introduite bien après l'expiration du délai de prescription.

Son point de départ ne peut, en effet, être retardé dès lors que cette banque ne rapporte pas la preuve, à sa charge, d'une dissimulation émanant du commissaire aux comptes.

De simples négligences commises lors des contrôles ne peuvent y être assimilées.

Or, les insuffisances de diligence et de contrôles reprochées à M. Claude Y..., si elles étaient établies, seraient peut-être susceptibles de constituer une faute engageant sa responsabilité mais ne sauraient à elles seules, être regardées comme une dissimulation.

L'élément intentionnel, qui ne se présume pas, n'est en aucune façon démontré.

Rien ne permet de retenir que M. Claude Y...ait pu avoir connaissance en mai 1998 et en juin 1999 d'une discordance entre la valeur comptable et la valeur réelle du stock ou ait pu découvrir tout autre irrégularité ou anomalie et qu'il se serait volontairement abstenu de la révéler.

La carence de la SA BANQUE D'ESCOMPTE à l'établir est totale.

Les prétendues mobilisations multiples d'une même créance par les dirigeants de la société EMBF sont postérieures à la période concernée.
Le sinistre russe est consécutif à un contrat passé au cours du second semestre 2001.
La provision sur stock se rattache suivant procès-verbaux de réunions du 26 juin 2002 et du 22 juillet 2002 tenues sous l'égide du mandataire ad hoc à la réalisation d'un inventaire physique et au passage à la norme ISO 9001 (version 2000) depuis le 1er janvier 2002 pour l'ensemble des ses activités qui a rendu la vente du matériel de second choix plus aléatoire car incompatible avec cette procédure qualité ; et aucune donnée contraire de nature à remettre en cause ces explications n'est produite.

Le fait que M. Claude Y...ait pu indiquer dans ses conclusions de première instance du 25 / 11 / 2003 que " la banque d'escompte est intervenue dans le financement de la société BRUN FRERES environ trois ans avant le dépôt de bilan et qu'il y a lieu de préciser que lorsque les relations se sont nouées, la situation de la société BRUN FRERES était beaucoup plus obérée qu'au 31 décembre 2001 " ne peut, d'évidence, être analysé comme un aveu judiciaire ni de la fausseté des comptes des exercices 1997 et 1998 ni de sa dissimulation par le commissaire aux comptes.

Ces écritures visent, en effet, une période différente soit janvier 2000 / décembre 2001, étant souligné que devant le premier juge la SA BANQUE D'ESCOMPTE critiquait le rapport de certification des comptes du 31 mai 2002 relatif à l'exercice clôturé au 31 / 12 / 2001.
Elles ne portent aucunement sur un comportement du commissaire au compte, un fait matériel de sa part.
Elles ne font pas référence à d'autres données que celles figurant sur les comptes 2000 et 2001, comme l'a fait également le liquidateur dans son assignation en soutien abusif délivrée à l'encontre des banques après un référé expertise au vu d'un mémorandum de son avocat du 25 / 11 / 2002 produit dans le cadre de la présente instance par la SA BANQUE D'ESCOMPTE elle-même (pièce 26 du bordereau du 3 / 08 / 2007).
*
Ainsi la SA BANQUE D'ESCOMPTE doit être déclarée irrecevable à rechercher la responsabilité des commissaires aux comptes pour défaut de droit d'agir, tant par absence de qualité que par expiration du délai.

Sur les demandes annexes

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable, tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que la banque se soit méprise sur l'étendue de ses droits ; la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les commissaires aux comptes et leur assureur doit donc être rejetée.

La SA BANQUE D'ESCOMPTE qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ; elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge des commissaires aux comptes et de leur assureur la totalité des frais exposés pour se défendre et assurer leur représentation en justice en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de globale 5. 000 € à ce titre, complémentaire à celle de même montant déjà allouée par le premier juge qui doit être parallèlement approuvée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,
- Confirme le jugement déféré.
Y ajoutant,
- Condamne la SA BANQUE D'ESCOMPTE à payer à la SARL FID SUD AUDIT, la SCP Cabinet BOULZE, PERRUCHET, RIU, COLOMBINI, Y..., FID SUD GROUPE, M. Claude Y...et la SA MUTUELLES DU MANS IARD la somme globale de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Déboute la SA BANQUE D'ESCOMPTE de sa demande à ce même titre.

- Condamne la SA BANQUE D'ESCOMPTE aux entiers dépens.

- Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP BOYER, LESCAT, MERLE, avoués.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 179
Date de la décision : 21/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse, 16 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-05-21;179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award