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30/04/2008 | FRANCE | N°06/03047

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 30 avril 2008, 06/03047


30 / 04 / 2008


ARRÊT No


NoRG : 06 / 03047




Décision déférée du 18 Avril 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-03 / 3079
Mme X...

















CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE
représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE




C /


Raymond Y...

Anne- Marie Y...

Société LE GOLF
représentés par Me Bernard DE LAMY


Société PREDICA
représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART


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Réformation








Grosse délivrée


le


àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT ...

30 / 04 / 2008

ARRÊT No

NoRG : 06 / 03047

Décision déférée du 18 Avril 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-03 / 3079
Mme X...

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE
représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE

C /

Raymond Y...

Anne- Marie Y...

Société LE GOLF
représentés par Me Bernard DE LAMY

Société PREDICA
représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART

Réformation

Grosse délivrée

le

àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (E / S)

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE
6-7 place Jeanne d'Arc
BP 325
31005 TOULOUSE CEDEX
représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
assistée de Me Jerome MARFAING DIDIER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (E / S)

Monsieur Raymond Y...

...

40150 HOSSEGOR

Monsieur Anne- Marie Y...

...

40150 HOSSEGOR

Société LE GOLF

...

40150 SOORTS HOSSEGOR
représentés par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour
assistés de Me Michel DUBLANCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Société PREDICA
5O-56, rue de la Procession
75015 PARIS
représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP LETU- CAYLA ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :

J. P. SELMES, président
D. VERDE DE LISLE, conseiller
C. BELIERES, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. THOMAS

ARRET :

- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BELIERES, conseiller, pour le président empêché, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte notarié du 18 décembre 1999 la SCI LE GOLF constituée de M. Raymond Y... et de Mme Anne- Marie Y... a acquis une villa d'habitation située à HOSSEGOR (33) moyennant le prix de 350. 632, 74 € et entrepris des travaux d'aménagement, opération financée au moyen du prix de vente de même montant de la maison dont les époux Y... étaient propriétaires dans la même localité outre un découvert de 76. 224, 51 € autorisé par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse et du Midi Toulousain (le CREDIT AGRICOLE) en attendant la mise en place effective d'un prêt.
Suivant offres sous seing privé du 11 janvier 2000 acceptées le 21 janvier 2000, elle a souscrit auprès du CREDIT AGRICOLE deux prêts immobiliers d'un montant respectif de 76. 224, 51 € et 152. 449, 02 € pour une durée de dix ans remboursable par mensualités de 377, 95 € et 755, 89 € et le capital lors de la dernière échéance.
Par acte du 27 janvier 2000 M. Raymond Y... et Mme Anne- Marie Y... ont souscrit auprès de la SA PREDICA, filiale de la banque, un contrat d'assurance vie dénommé FLORISSIME moyennant le versement d'une prime initiale de 152. 449, 02 € provenant des fonds prêtés et l'ont affecté en nantissement à la banque.
Le 17 juillet 2003 les deux prêts consentis en janvier 2000 ont été remboursés par anticipation.
Le rachat total du contrat d'assurance vie a été opéré en mars et avril 2004 pour une valeur de 91. 096, 40 €.
Par acte du 7 octobre 2003 M. Raymond Y... et Mme Anne- Marie Y... ont fait assigner le CREDIT AGRICOLE devant le tribunal de grande instance de Toulouse en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis.
Par conclusions du 9 avril 2004 la SCI LE GOLF est intervenue volontairement aux débats et par acte du 15 avril 2004 la SA PREDICA a été appelé en cause.
Par jugement du 18 avril 2006 cette juridiction a
- condamné le CREDIT AGRICOLE à payer à M. et Mme Y... la somme de 192. 082, 15 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2006 en réparation des préjudices subis consécutifs à l'inexécution de son obligation contractuelle de conseil à l'occasion de la souscription des prêts du 21 janvier 2000
- prononcé la nullité du prêt de 76. 224, 51 € du 21 janvier 2000
- condamné le CREDIT AGRICOLE à payer à M. et Mme Y... la somme de 15. 747, 91 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2003 en restitution des sommes versées au titre des intérêts de ce prêt
- condamné le CREDIT AGRICOLE verser aux époux Y... la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- condamné le CREDIT AGRICOLE aux entiers dépens.
Par acte du 27 juin 2006 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées le CREDIT AGRICOLE a interjeté appel général de cette décision et par voie de conclusions la SCI LE GOLF et es époux Y... ont formé appel incident.

MOYENS DES PARTIES

Le CREDIT AGRICOLE sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande de
- débouter les époux Y... de leur demande tendant à la voir condamnée à leur payer une indemnité de 529. 738 €
- déclarer mal fondée leur demande subsidiaire tendant à juger que l'acceptation des deux offres de crédit a été irrégulière et à prononcer la déchéance du droit aux intérêts ou subsidiairement la nullité de ces crédits
- déclarer mal fondée la demande subsidiaire des époux Y... tendant à juger que l'acceptation des deux offres de crédit n'a pas été conforme à cette offre et en conséquence à prononcer la nullité de ces crédits
- dans l'hypothèse où la nullité de l'un et / ou l'autre de ces deux crédits serait prononcée, ordonner la compensation judiciaire des intérêts avec une indemnité de jouissance de même montant
- débouter les époux Y... de leur demande tendant à la voir condamnée à leur payer une indemnité de 85. 968, 29 € au titre du contrat d'assurance vie
- condamner in solidum les époux Y... à lui payer la somme de 12. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- mettre les entiers dépens de première instance et d'appel à la charge des époux Y....

Elle fait valoir que fin 1999 / début 2000 plutôt que de se borner à emprunter avec un amortissement périodique les 76. 224, 51 € dont ils avaient besoin pour financer un projet immobilier, les époux Y... ont préféré emprunter pendant dix ans 228. 673, 53 € avec un amortissement in fine et placer 152. 449, 02 € dans la prime initiale d'un contrat d'assurance- vie investi en actions dans l'espoir que la hausse des marchés d'actions leur permette de rembourser la totalité des emprunts et peut- être même de dégager un bénéfice supplémentaire ; mais en 2000 s'est produit un retournement de tendance qui a déjoué au moins provisoirement leurs espoirs avec cependant une perspective raisonnable de remontée s'ils n'avaient préféré en 2003 rembourser par anticipation leurs emprunts et procéder en 2004 au rachat total de leur contrat d'assurance- vie.
Elle conteste avoir engagé sa responsabilité envers les intimés et nie les fautes qui lui sont reprochées.
Elle affirme n'avoir ni conseillé ni a fortiori imposé l'opération complexe consistant à souscrire des emprunts amortissables in fine assortis d'un placement sur un portefeuille boursier nanti à son profit, que les époux Y... ont souscrit en parfaite connaissance de cause puisque, d'une part ils ont à quatre reprises successives signé ou paraphé de nombreux actes sous seing privé ou authentiques s'y rapportant (offre de crédit, acceptation de l'offre, acte de nantissement, acte authentique de réitération de l'emprunt avec garantie hypothécaire) qui comportaient la mention " avec remboursement du capital sur la dernière échéance " et d'autre part ils sont familiers du monde des affaires, le mari étant gérant d'une société exerçant l'activité de service aux entreprises dans différents domaines et l'épouse exerçant une activité indépendante de conseil.
Elle fait valoir, également, qu'il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir mis en garde les emprunteurs contre le risque que la valeur de l'unité de compte du contrat d'assurance- vie ne leur permette pas de rembourser l'emprunt souscrit pour financer la cotisation à ce contrat et que les crédits excèdent leur capacités financières, soulignant que cette obligation n ‘ existe qu'à l'égard d'un emprunteur non averti, ce qui n'est pas le cas des époux Y....
Subsidiairement elle affirme les avoir avisés de ce que l'unité de compte du contrat d'assurances vie était exposée aux risques des marchés d'actions en leur remettant un document récapitulant l'opération demandée, ainsi que les conditions générales valant notice d'information et prétend que leurs capacités financières était largement suffisante pour faire face à ces emprunts par comparaison de la charge d'intérêts avec leurs revenus et de la charge d'amortissement avec leur capital.

Encore plus subsidiairement, elle soutient que les préjudices invoqués ne peuvent être retenus.
Elle affirme que celui de 111. 194 € égal à la différence entre les intérêts des deux emprunts de 76. 224, 51 € et 152. 449, 02 € amortissables in fine et ceux d'un emprunt de 76. 224, 51 € pendant dix ans amortissable périodique n'est ni réel puisque les époux Y... ont préféré rembourser les crédits par anticipation en juillet 2003, ni certain car il ne tient pas compte des fruits que la disposition d ‘ un capital de 152. 449, 02 € pendant dix ans aurait été susceptible de produire à leur profit
Elle ajoute que celui de 6. 803, 02 € correspondant aux pénalités de remboursement anticipé qu'ils ont du acquitter n'est pas direct car il découle d'une décision unilatérale de leur part, que celui de 61. 353 € égal à la différence entre la prime initiale versée dans le contrat d'assurance vie et la valeur de rachat total de ce contrat en mars 2004 n'est ni direct ni certain, qu'il en va de même de celui de 335. 388 € qui consiste dans la différence entre l'estimation de l'appartement à usage de bureau dont était propriétaire la SCI GOUSTEX et le prix auquel il a été vendu en avril 2003 et que le préjudice moral évalué à 15. 000 € est inexistant.

Elle conclut au rejet des demandes subsidiaires en déchéance du droit du prêteur aux intérêts ou en nullité des deux crédits de janvier 2000.
Elle admet que le prêt de 76. 224, 51 € était soumis aux articles L 312-1 et suivants du code de la consommation relatifs aux crédits immobiliers, que l'offre du 10 janvier 2000 reçue le 11 janvier 2000 a été acceptée le 21 janvier 2000 soit moins de dix jours francs après sa réception et donc prématurément mais souligne que cette acceptation a été réitérée quinze jours plus tard lors de l'acte notarié.
Elle indique que le prêt de 152. 449, 02 € n'est pas légalement soumis aux dispositions du code de la consommation et ne l'est pas davantage conventionnellement, les mentions de ce qu'il s'agit d'un prêt relevant de la loi Scrivener II destiné à financer " une acquisition simple ancien d'une maison à usage principal locataire sans convention " résultant d'une erreur matérielle.
Elle prétend qu'en toute hypothèse la déchéance du droit aux intérêts de ces crédits n'est pas applicable puisqu'une telle sanction ne joue que si l'offre de crédit ou son acceptation ne comportent pas de date ou une date fausse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle ajoute que le moyen tiré du défaut de correspondance de l'acceptation de l'offre de crédit de 76. 224, 51 € avec l'offre elle- même est dépourvu de toute pertinence dès lors que les deux offres de crédit simultanément faites ont fait l'objet d'une acceptation unique et que rien ne l'interdit.

Elle estime que sa responsabilité ne peut pas davantage être recherchée au titre de la souscription du contrat d'assurance vie.
Elle soutient que son nantissement en garantie des emprunts n'a nullement privé les époux Y... de la faculté de renonciation qui était expressément rappelée dans la notice d'information et qu'ils ont d'ailleurs réitéré leur accord à ce nantissement treize mois après leur adhésion.
Elle affirme l'absence de tout lien de causalité entre cette prétendue faute et le préjudice invoqué à savoir la différence entre ce que leur a procuré l'exercice de leur faculté de rachat total et ce que leur aurait procuré leur faculté de renonciation, alors qu'il n'est ni prouvé ni vraisemblable qu'ils l'auraient effectivement exercée.

La SCI LE GOLF M. Raymond Y..., Mme Anne- Marie Y... demandent de
Vu les articles 1135 et 1147 du code civil
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la banque avait manqué à son obligation de conseil à l'égard des époux Y... mais le réformer sur le montant des dommages et intérêts allouées et les porter à la somme de 529. 738 €
Vu les articles L 312 et suivants du code de la consommation
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que les dispositions de l'article L 312-10 du code de la consommation relatives aux conditions de l'acceptation des offres de prêt n'ont pas été respectées par la banque
- dire que les dispositions protectrices de l'emprunteur s'appliquent aussi bien au prêt de 152. 449, 02 € qu'à celles du prêt de 76. 224, 51 €
- prononcer en vertu de l'article L 312-33 du code de la consommation la nullité ou la déchéance du droit aux intérêts de la banque en ce qui concerne les deux prêts et condamner en conséquence celle- ci à rembourser les sommes versées de ce chef soit la somme de 47. 243, 74 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation
Subsidiairement,
- constater que l'acceptation de l'offre de prêt n'a pas été faite pour le même montant que celui de l'offre sur laquelle elle porte
- prononcer en conséquence la nullité de cette acceptation en vertu des articles L 312 et suivants du code de la consommation
- prononcer la nullité des deux contrats de prêt
- condamner la banque à leur restituer la totalité des sommes versées par eux dans le cadre de ces prêts soit 47. 243, 74 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Vu les articles L 132-5-1 du code des assurances et 1116 et 1382 du code civil
- dire que le comportement de la banque à leur égard par lequel elle a tout mis en oeuvre pour les dissuader de réfléchir à l'opportunité du placement conseillé et de rétracter le cas échéant leur engagement constitue une véritable manoeuvre dolosive ayant vicié leur consentement
- condamner la banque à leur verser un montant de dommages et intérêts permettant de les replacer dans la situation antérieure soit la somme de 85. 968, 29 €
En toute hypothèse,
- condamner le CREDIT AGRICOLE à leur payer la somme de 12. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils estiment que le CREDIT AGRICOLE a manqué à son obligation de conseil à leur égard tant en ce qui concerne l'opportunité du montage réalisé que le caractère excessif de l'endettement au regard de leurs revenus.
Ils font valoir qu'au lieu et place d'un simple crédit amortissable de 76. 224, 51 € nécessaire au financement des frais de notaire et travaux d'aménagement de la maison nouvellement acquise, le CREDIT AGRICOLE leur a fait souscrire une crédit in fine de 228 673, 53 € (l'un de 76. 224, 51 € et l'autre de 15. 244, 90 €) ainsi qu'un placement en assurance vie nanti en faveur de la banque sur lequel étaient placés les 15. 244, 90 € supplémentaires empruntés.
Ils indiquent que la pratique des prêts in fine a été mise au point pour permettre d'optimiser fiscalement un investissement immobilier à usage locatif puisqu'il s'agit de coupler un crédit immobilier dont le capital est remboursable en une seule fois au terme du prêt et un produit d'épargne (bons de capitalisation, contrat d'assurance- vie, PEP) assurant par sa valorisation le remboursement du capital emprunté, l'investisseur pouvant alors déduire de ses revenus fonciers imposables les intérêts du prêt d'autant plus élevés que le capital n'est pas remboursé avant la fin de l'opération, formule d'autant plus intéressante que le taux marginal d ‘ imposition du client est élevé et le montant des revenus fonciers importants.
Ils estiment que le recours à cette technique de prêt était totalement inadaptée à l'opération financée qui portait sur l'acquisition de leur résidence principale, est venu augmenter de façon considérable (111. 194, 18 €) le coût du crédit consenti puisque les intérêts sont calculé sur un capital qui ne diminue pas et était d'autant plus inapproprié que le prêt a été adossé à un placement à très haut risque, sans garantie ni en rendement ni en capital puisque l'épargne nette investie de 148. 637, 79 € en janvier 2000 ne représentait plus, quatre ans plus tard, qu'une valeur de 91. 096, 40 €.
Ils affirment que ce montage émane exclusivement de la banque et a été réalisé à sa seule initiative et contient, d'ailleurs, des mentions erronées sur leur situation personnelle (régime matrimonial, nombre d'enfants) ou l'évaluation de leur patrimoine et a été soumis à leur approbation dans l'extrême urgence, les actes de nantissement ayant été signés le 21 janvier 2000 soit avant même que le contrat d'assurance vie ne soit conclu le 27 / 01 / 2000.
Ils considèrent que par cette double opération de prêt et d'assurance vie la banque a abusivement favorisé ses propres intérêts au détriment de ceux de ses clients.
Ils soutiennent, également, que la banque leur a fait contracter un crédit disproportionné au regard de leurs facultés contributives puisque leurs revenus de 5. 332, 70 € par mois étaient absorbés à hauteur de 2. 015, 38 €
soit plus du tiers par les crédits déjà en cours et que les nouveaux prêts qui représentaient une charge de remboursement supplémentaire de 3. 149, 20 € ont porté ce pourcentage à 59 %, de sorte qu'ils ont rapidement rencontré des difficultés financières ce qui les a conduit a vendre leur appartement / bureau de Toulouse.
Ils affirment ne pouvoir être qualifiés d'emprunteurs avertis qui n'est reconnue qu'à ceux dont la profession ou celle de leur conjoint est en relation directe avec l'opération financée et le type de crédit octroyé de sorte que la banque était bien débitrice à leur égard d'une obligation de mise en garde.
Ils chiffrent le préjudice subi du fait de ces deux manquements à la somme de 529. 738 € au titre du coût financier supplémentaire généré par le financement mis en place (111. 194, 18 €) de l'indemnité de remboursement anticipé (6. 803, 02 €) des pertes générées par le contrat d'assurance vie lors du rachat (61. 352, 65 €) de la perte subie par la vente prématurée et précipitée de leur appartement de Toulouse bien en dessous du prix du marché à l'époque et du prix qu'il vaudrait aujourd'hui (335. 388 €) outre les désagréments moraux (15. 000 €).

Ils prétendent que le comportement fautif de la banque a persisté dans la réalisation même du montage financier puisqu'elle a méconnu les dispositions du code de la consommation et du code des assurances.
Ils font valoir que l'article L 312-10 du code de la consommation qui régit tant le premier que le second contrat puisqu'il y fait expressément référence n'a pas été respecté dès lors que l'offre a été remise et acceptée le même jour 21 janvier 2000 dans les locaux de l'agence sans envoi postal préalable après avoir été anti- datée au 11 janvier 2000 et soulignent qu'en toute hypothèse le délai légal de dix jours francs qui expirait le 22 janvier 2000 n'a pas été respecté.
Ils affirment que la signature de l'acte notarié du 5 février 2000 ne peut constituer une quelconque réitération de l'acceptation du crédit litigieux puisqu'il est simplement stipulé dans l'acte que " l'emprunteur reconnaît expressément avoir accepté l'offre conformément à l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979 plus de dix jours après sa réception par lui ", ce qui ne constitue pas une nouvelle acceptation de l'offre et donc une réitération mais une tentative de confirmation tendant à couvrir l'irrégularité de l'acceptation prématurée, ce qui est impossible.
Ils demandent l'application de la sanction légale prévue aux articles L 312-10 du code de la consommation pour défaut d'acceptation par voie postale et l'article L 312-33 pour fausse date de l'offre, à savoir la déchéance du droit aux intérêts ou la nullité, s'en rapportant à la sagesse de la cour sur le choix de la sanction, qui vaut pour les deux prêts alors que le tribunal a omis de statuer sur le second et qui représente un total de 47. 243, 74 €. Subsidiairement, ils invoquent la nullité de l'acceptation en date du 21 janvier 2000 qui n'est pas conforme aux offres puisqu'elle porte sur le montant global de 228. 673, 53 €, ce qui entraîne la nullité des deux prêts avec restitution des intérêts perçus avec intérêts légaux à compter de l'assignation.

Ils prétendent que la banque leur a fait signer le jour même de l'acceptation des offres de prêt soit le 21 janvier 2000 un acte de nantissement du placement de 152. 449, 02 € sur le contrat d'assurance vie afin qu'ils se sentent définitivement engagés et ne puissent profiter du délai de renonciation de trente jours pour se rétracter prévu à l'article L 132-5- 1o du code des assurances et précisent que si selon toute vraisemblance au vu des conclusions de la SA PREDICA cet acte n'a pas été enregistré car non valable puisque réalisé avant l'expiration du délai de rétractation, l'effet escompté à savoir les convaincre que le contrat d'assurance vie était d'ores et déjà bloqué afin de les empêcher de réfléchir à l'opportunité de sa souscription n'en était pas moins obtenu, avant de régulariser la situation en leur faisant souscrire un avenant le 7 mars 2001.
Ils en déduisent que ce comportement de la banque constitue une véritable manoeuvre dolosive ayant eu pour objet et pour effet de porter atteinte à leur liberté de consentement dans la conclusion de ce contrat d'assurance FLORISSIME, de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité à leur égard et doit réparer le préjudice subi estimé à la somme de 85. 968, 29 € représenté par la différence entre les capitaux versés (152. 449, 02 €) et ceux restitués lors du rachat (91. 096, 40 €) soit la somme de 61. 352, 61 € augmentée des intérêts au taux légal à hauteur de 152. 449, 02 € du 27 / 01 / 2000 au 30 / 03 / 2004 et de 61. 352, 61 € du 30 / 03 / 2004 au 1 / 09 / 2005.

La SA PREDICA demande la confirmation du jugement déféré et souligne qu'aucune demande n'est formée contre elle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité du banquier dispensateur de crédit

L'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde envers l'emprunteur non averti qui lui fait obligation de se renseigner sur ses capacités financières, de consentir un prêt adapté à ses facultés de remboursement et de l'alerter sur les risques d'un endettement excessif né de l'octroi de ce prêt.
Il n'a pas à se substituer à l'emprunteur dans l'appréciation de l'opportunité ou de la rentabilité du projet ni dans la décision finale de souscrire ou non le prêt proposé.
La situation doit être appréciée à la date de l'octroi des prêts.

La SCI LE GOLF, société familiale constituée entre les époux Y..., uniques associés à parts égales pour l'achat du bien immobilier doit être qualifiée d'emprunteur non averti.
Ses compétences ne peuvent reposer que sur la personne physique de sa gérante et de son co- associé qui ont tous deux signés les emprunts litigieux et tous documents correspondants en ces qualités respectives, en vue de financer des opérations à visée non professionnelle.
Mme Anne- Marie Y... exerce une activité de conseil en management.
M. Raymond Y... retraité est devenu gérant d'une société qu'il a lui- même créée en février 1998, la SARL FID CONSEIL, dont l'activité mentionnée sur l'extrait Kbis du registre du commerce est " l'audit et le service dans les domaines de restructuration de carrière, retraite, validation des droits acquis, la formation, l'enseignement, le recrutement de personnel ".
Ils étaient dépourvus l'un et l'autre de connaissances spécifiques sur les mécanismes du crédit et techniques financières.

Au vu des données de la cause, aucun manquement du prêteur à son obligation de mise en garde n'est caractérisé.

La banque s'est renseignée sur la situation des emprunteurs puisqu'elle a établi le 8 décembre 1999 un document intitulé " approche patrimoniale " qui reprend chaque poste d'actif des deux époux à titre personnel ou comme uniques associés de SCI familiales : un hangar (30 489, 80 €) 2 appartements à Toulouse (365. 877, 64 €), des parts dans une SARL Monicair (457. 347, 05 €) ou une SNC professionnelle (228. 673, 53 €), le prix de vente de la villa d'HOSSEGOR (346. 059, 27 €), un compte courant (1. 676, 94 €) un CODEVI pour chacun (4. 573, 47 € x 2)), un CEL pour chacun (304, 90 €), un PEA pour chacun (457, 35 € Mme, 914, 69 € M.) et parvient à un montant de 1. 441. 253, 01 €.
Les époux Y... semblent le critiquer dans leurs écritures mais sans fournir d'autres données ni préciser quel poste serait erroné.
Un courrier du 12 mai 2000 adressé par la SARL STRASBOURG AVIATION à M. Y... tend à établir qu'il était propriétaire d'un avion CESSNA estimé 160. 071, 47 € dont il envisageait la mise en leasing.
Ce chiffre de 1. 441. 253, 01 € est ramené à une valeur nette de 1. 267. 328, 50 € après déduction des deux emprunts immobiliers en cours à hauteur de 173. 924, 51 € grevant les appartements dépendant de la SCI OCCITANIE ou de la SCI GOUSTEX.
Il s'agissait d'un prêt 152. 449, 02 € souscrit en décembre 2004 venant à terme en janvier 2007 avec des échéances mensuelles de 1. 580, 90 € et un prêt de 30. 489, 80 € souscrit en décembre 1998 pour une durée expirant en janvier 2014 avec des échéances mensuelles de 244, 22 € dont la charge représentait pour l'année 1999 la somme de 24. 216, 53 €.
L'avis d'imposition pour l'année 1999 révèle que leurs revenus étaient de 55. 254, 54 € pour le mari et de 8. 737, 92 € pour l'épouse soit au total 63. 992, 46 € par an et que l'impôt acquitté était de 5. 274, 13 €.
Les deux nouveaux emprunts consentis généraient jusqu'en 2009 des mensualités de 376, 85 € et 754, 93 € soit au total 1. 131, 93 € par mois ou 13. 583, 97 € par an.

L'analyse comparative de ces données conduit à considérer que les prêts litigieux n'excédaient aucunement les capacités de remboursement des époux Y... eu égard à l'importance de ce patrimoine et au montant de leurs revenus ; aucune disproportion, aucun risque d'endettement excessif par rapport aux ressources actuelles et à provenir de l'opération financée n'est caractérisé.

Par ailleurs, les offres de prêt mentionnaient très clairement que le capital était remboursé sur la dernière échéance.
Le document du 8 / 12 / 1999 rappelait les avantages de l'assurance vie, les caractéristiques du produit proposé, les trois orientations financières possibles avec la composition en action, obligation, trésorerie de chaque profil avec possibilité de changement de l'option choisie à tout moment sans frais et les performances de l'année 1998.
La notice d'information FLORISSIME précisait notamment que " le contrat était investi en produits financiers dont le rendement dépend des fluctuations des marchés financiers sans garantie de rémunération minimum. En conséquence les perspectives de gain ou de pertes seront supportées par l'adhérent assuré ".

La responsabilité du CREDIT AGRICOLE ne peut donc être retenue.
Sur la régularité des prêts au regard des prescriptions du code de la consommation

Les deux prêts litigieux sont soumis aux règles des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation.
Les offres correspondantes en date du 10 janvier 2000 intitulées " Prêt relevant de la loi SCRIVENER II " portent à la rubrique caractéristiques du prêt la mention " Nature du prêt : prêt spécial investissement immobilier " tant pour celui no 00708364 01 de 76. 224, 51 € que pour celui no 00708363 01 de 152. 449, 02 €.
Le taux d'intérêt est le même ; l'acceptation a été donnée sur un formulaire unique pour la somme de 228. 673, 53 € correspondant au montant global des deux prêts.
Ceux- ci ont d'ailleurs été l'un et l'autre et pour leur montant respectif repris dans l'acte notarié de prêt du 5 février 2000 avec à la rubrique " destination des fonds " les indications suivantes " projet : acquisition simple ancien ; destination Maison à usage principal locataire sans convention ".
La volonté non équivoque des parties de les soumettre à un régime juridique unique, celui du dispositif légal consumériste, quelle que soit leur destination effective respective, connue dès l'origine, est clairement établie.

*
L'examen des offres de crédit révèle qu'elles n'ont pas respecté les règles posées par l'article L 312-7 du code de la consommation puisque mentionnées émises le 10 janvier 2001 et déclarées reçues 11 janvier 2001 elles ont été acceptées le 21 janvier 2001.
La méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours prévu à l'article L 312-10 est sanctionnée par une nullité relative.
Le caractère d'ordre public de ces dispositions s'oppose à ce que l'irrégularité de l'acceptation puisse être couverte par une confirmation.
Si aucune règle légale n'interdit à l'emprunteur de renouveler son acceptation après expiration du délai, les énonciation de l'acte notarié de prêt du 5 février 2005 ne peuvent valoir nouvelle acceptation.
Cet acte qui contient affectation hypothécaire de premier rang sur la villa se borne, sur ce point, à mentionner que le prêteur a remis une offre de prêt que l'emprunteur reconnaît avoir reçue..... L'emprunteur reconnaît expressément avoir accepté l'offre de prêt, conformément à l'article 7 de la loi du 13 juillet 1979, plus de dix jours après sa réception par lui ‘, et celle- ci y a été annexée.
Il n'y a donc pas, d'évidence, une véritable acceptation mais uniquement une confirmation de l'acceptation irrégulière.

Le prononcé de la nullité de l'acte de prêt entraîne la remise des parties dans l'état où elles auraient été si le prêt n'avait pas été souscrit ; la SCI représentée par les époux Y... doivent donc restituer le capital versé par le CREDIT AGRICOLE et celui- ci les intérêts perçus.
L'emprunteur ayant procédé au remboursement anticipé de ces deux prêts dès le 17 juillet 2003, la banque doit être condamnée à lui rendre la somme de 47. 243, 74 € correspondant au total des intérêts encaissés à cette date pour les deux prêts soiT 31. 495, 83 € au titre de celui de 152. 449, 02 € et 15. 747, 91 € au titre de celui de 76. 224, 51 €, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2003, date de l'assignation introductive d'instance, comme demandé.

Sur le nantissement du contrat d'assurance vie

Aucun des éléments versés aux débats ne permet de caractériser un quelconque dol de la part de la banque à l'occasion de la souscription du contrat d'assurance vie, alors que la charge de la preuve pèse sur celui qui l'invoque.
Aucune donnée objective ne vient établir un quelconque agissement du CREDIT AGRICOLE tendant à priver les époux Y... de la faculté de renonciation à leur adhésion prévue à l'article L 132-5-1 du code des assurances.
Le nantissement consenti le 21 janvier 2000 soit avant l'expiration du délai de 30 jours n'était pas de nature à y faire obstacle ni en droit ni en fait ; il a été réitéré le 7 mars 2001.

Sur les demandes annexes

Le CREDIT AGRICOLE qui succombe supportera donc la charge des dépens de première instance et d'appel ; il ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il apparait inéquitable de laisser à la charge de la SCI LE GOLF et des époux Y... la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et assurer leur représentation en justice et non compris dans les dépens ; eu égard au montant des sommes déjà allouées à ce titre en première instance qui doit être approuvé, aucune indemnité complémentaire ne sera octroyé en cause d'appel d'autant qu'ils succombent partiellement devant la juridiction du second degré.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré
hormis en ses dispositions relatives à l'annulation du prêt de 76. 224, 51 € avec restitutions des sommes versées au titre des intérêts, aux frais irrépétibles et aux dépens.

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

- Déboute la SCI LE GOLF, M. Raymond Y... et de Mme Anne- Marie Y... de leur action en responsabilité à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse et du Midi Toulousain au titre de l'octroi des prêts.

- Les déboute de leur action indemnitaire au titre du nantissement du contrat d'assurance vie.

- Prononce la nullité du prêt de 152. 449, 02 € conclu le 21 janvier 2000.

- Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse et du Midi Toulousain à restituer à la SCI LE GOLF, M. Raymond Y... et Mme Anne- Marie Y... la somme de 31. 495, 83 € € avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2003.

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

- Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Toulouse et du Midi Toulousain aux entiers dépens.

- Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile au profit de Me DE LAMY et la SCP DESSART SOREL DESSART, avoués.

Le greffierP / Le président empêché
(Art. 456 CPC)


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 06/03047
Date de la décision : 30/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-30;06.03047 ?
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