15/04/2008
ARRÊT No
No RG: 07/01490
MT/JCB
Décision déférée du 28 Novembre 2006 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 05/00149
M. X...
Marie-Lise Y... épouse Z...
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
C/
Isabelle, valérie CLAUVE-GAYRAUD épouse GALLIOT
représentée par la SCP RIVES-PODESTA
Nathalie A... épouse B...
représentée par la SCP RIVES-PODESTA
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 2
***
ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT(E/S)
Madame Marie-Lise Y... épouse Z...
...
36330 ARTHON
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistée de Me Sabine C..., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME(E/S)
Madame D..., valérie CLAUVE-GAYRAUD épouse GALLIOT
...
31340 LA MAGDELAINE SUR TARN
Madame Nathalie A... épouse B...
...
31340 LAYRAC SUR TARN
représentées par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour
assistées de Me Jacques E..., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , MF. TREMOUREUX, Président et J.C BARDOUT, Conseiller, chargés du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M.F. TREMOUREUX, président
D. FORCADE, conseiller
J.C. BARDOUT, conseiller
Greffier, lors des débats : M. F...
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M.F. TREMOUREUX, président, et par R. ROUBELET, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 2 août 1989, Fernand Y..., marié sous régime de communauté de meubles et acquêts à Odette G..., a fait donation par préciput et hors part à l'une de ses petite-filles, Madame Marie-Lise Y..., de la nue-propriété d'un immeuble et des meubles meublants sis à LAYRAC SUR TARN (Haute-Garonne), lui appartenant en propre, sous condition de lui apporter soin et assistance, ainsi qu'à son épouse.
Fernand Y... est décédé le 31 mai 1996, laissant pour lui succéder sa veuve Odette G... et ses trois petites filles Mesdames Isabelle, Nathalie et Marie-Lise Y..., venant en représentation de leur père prédécédé José Y.... Odette G... est décédée le 13 mars 2002, sans que la succession de Fernand Y... n'ait été liquidée ; elle laisse également comme seuls successibles ses trois petites filles parties au présent litige.
Le 19 décembre 2003, les trois successibles, Mesdames Isabelle, Nathalie et Marie-Lise Y... ont signé devant Notaires un acte de trois pages relatifs aux successions respectives de leurs grands-parents Fernand et Odette Y....
Par jugement du 28 novembre 2006, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- annulé l'acte du 19 décembre 2003 en toutes ses dispositions ;
- ordonné le partage des successions de Fernand Y... et de Odette G... veuve Y... ;
- désigné en tant que de besoin Monsieur le président de la chambre départementale des Notaires ou son délégataire qui, sauf accord contraire des copartageants, ne pourra être le notaire d'une des parties, pour procéder aux opérations de compte et liquidation sous la surveillance de Pierre X..., vice-président du tribunal ;
- donné d'ores et déjà mandat au notaire d'interroger, si nécessaire, le FICOBA pour retrouver les coordonnées de touts comptes bancaires, même joints, ouverts par la de cujus et de procéder à l'établissement des actes de notoriété conformes au présent jugement, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice et de procéder à toute déclaration de succession ;
- dit que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... sont créancières de Madame Marie-Lise Y... chacune de 16 359,41 € ;
- enjoint à Madame Marie-Lise Y... de payer ces sommes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fait masse des dépens qui seront supportés par tiers entre les trois parties;
Madame Marie-Lise Y... a interjeté appel à l'encontre de ce jugement. Par dernières conclusions du 6 février 2008 elle demande de :
- prendre acte du renoncement pur et simple de Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... à la succession de Fernand Y... ;
- dire que Madame Marie-Lise Y... est désormais seule propriétaire des biens objets de la donation du 2 août 1989 et seule héritière de Fernand Y... ;
- dire que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... ne peuvent prétendre à aucun droit sur les biens de la succession de Fernand Y... ;
- dire qu'il sera procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Odette G... veuve Y... par Maître Francis H..., Notaire à Villemur sur Tarn, détenteur des avoirs bancaires et des justificatifs de frais ou à défaut, par tel notaire qu'il plaira à la cour de désigner ;
- commettre un des juges de la cour d'appel pour surveiller lesdites opérations ;
- dire qu'en cas d'empêchement des juges ou notaires commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance sur requête ;
- condamner Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... à lui verser les sommes de :
. 3 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;
. 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise de madame I... ;
Elle critique le premier juge pour avoir ignoré le rapport d'expertise de Madame I..., distinguant clairement les deux successions de Fernand Y... et de Odette G... veuve Y....
Elle conteste l'annulation par le tribunal de grande instance de Toulouse de l'acte par lequel Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... ont renoncé à la succession de Fernand Y..., au motif que cet acte ne respecterait pas l'article 784 du code civil, alors que l'enregistrement de la renonciation auprès du tribunal n'est que requis que pour l'opposabilité aux tiers, et que le défaut de cette publicité n'entache pas sa validité, et au motif encore que l'acte serait contradictoire dans sa rédaction, alors que cet acte établi devant notaire est parfaitement clair et sans ambiguïté.
Elle ajoute que au terme du rapport d'expertise les trois héritières de Odette G... veuve Y... n'ont vocation à percevoir aucun actif car la succession est déficitaire mais que la concluante, qui a engagé la présente procédure entend maintenir ses demandes initiales sous réserves que les intimées acceptent la succession de Odette G... veuve Y... et souhaite voir procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Odette G... veuve Y... par Maître Francis H..., Notaire à VILLEMUR SUR TARN, détenteur des avoirs bancaires et des justificatifs de frais.
Mesdames Isabelle et Nathalie Y..., par conclusions communes du 13 novembre 2007, demandent de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nul l'acte du 19 décembre 2003, soit sur le fondement d'une erreur manifeste sur la portée d'engagement, soit sur le fondement de l'article 784 du code civil (non respect des obligations définies dans l'acte de donation) ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la donation faite à Madame Marie-Lise Y... excède la quotité disponible ;
- confirmer le jugement et ordonner le partage des successions de Fernand Y... et d'Odette G... veuve Y... ;
- désigner le président de la chambre départementale des Notaires ou son délégataire pour procéder aux opérations de compte et liquidation ;
- dire que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... sont créancières sur Madame Marie-Lise Y... chacune d'une somme de 15 390,196 + 969,25 € = 16 359,41 € ;
- enjoindre à Madame Marie-Lise Y... de leur payer ces sommes.
Elles déclarent que l'acte reçu par Maître H... le 19 décembre 2003 n'a pas été enregistré au greffe du tribunal conformément à l'article 784 du code civil et qu'il est un acte unilatéral, la renonciation à la succession étant ainsi privée de tout effet.
Elles ajoutent que l'appelante n'a pas totalement et parfaitement accomplit les obligations mises à sa charge par la donation qu'elle a reçu le 2 août 1989, en raison de son éloignement, et que celle-ci n'en apporte pas la preuve, la donation étant ainsi nulle.
Subsidiairement, elles prétendent que la donation doit être réduite et que si la Cour considérait que les concluante ont en la forme parfaitement renoncé à la succession, cette renonciation n'en serait pas moins nulle du fait qu'elle résulte de l'erreur commise par les concluantes quant à la consistance de la succession.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - sur l'acte du 19 décembre 2003
En droit, selon une jurisprudence établie, la renonciation d'un héritier au profit d'un autre peut résulter d'une simple convention, notamment lorsqu'elle est constatée par acte authentique, le défaut d'accomplissement des formalités prévues à l'ancien article 784 du code civil n'entraînant qu'un défaut d'opposabilité aux tiers, ce défaut de publicité n'est pas de nature à vicier l'obligation d'un successible qui s'est engagé à renoncer à l'égard des autres successibles à venir à la succession.
En l'espèce, l'acte du 19 décembre 2003, reçu par Maître Francis H..., Notaire à VILLEMUR SUR TARN (Haute-Garonne), en participation avec Maître Bernard J..., Notaire en la même commune, comporte la renonciation expresse de Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... à recevoir la succession de leur grand-père Fernand Y..., en ces termes « Mesdames Isabelle Y... et Nathalie Y... déclarent renoncer purement et simplement à la succession de leur grand père Fernand Y... » ; cette convention est signée par les trois successibles, en l'espèce, Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y..., renonçantes, et Madame Marie-Lise Y..., héritière ; cette dernière a accepté la renonciation de ses deux sœurs, successibles, en ces termes non équivoques « Madame Marie-Lise Y... revendique la totalité de la succession » et « elle précise en outre avoir seule assuré l'ensemble du passif (conseil général en particulier), les frais d'obsèques et les frais d'entretien de la maison d'habitation de LAYRAC".
Dès lors, la renonciation par Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... de la succession de Fernand Y... est clairement établie, par convention valable entre les successibles, et celle-ci a été acceptée par Madame Marie-Lise Y..., seule héritière. La circonstance que cette convention précise que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... réclament leurs droits à réserve dans la succession de leur grand mère Odette G... veuve Y... et demandent qu'une expertise soit réalisée pour déterminer le montant de leurs droits ne trahit aucune contradiction d'avec la renonciation à la succession de Fernand Y..., les deux successions étant distinctes, et n'emporte aucun doute sur la renonciation exprimée, l'objet de l'expertise sollicitée étant la détermination des droits à réserve dans la succession de Odette G... veuve Y..., comme le relève la lecture de la lettre de la convention, la lettre étant de ce point de vue conforme à sa logique et son esprit.
Par conséquent, le jugement dont appel sera réformé en ce qu'il a déclaré nul l'acte du 19 décembre 2003.
Les intimées n'établissent pas que lors de leur renonciation du 19 décembre 2003 elles ignoraient les conditions dans lesquelles leur soeur s'était acquittée des obligations mises à sa charge par l'acte de donation ; elles n'apportent pas la preuve qui leur incombe de ce qu'elle auraient commis une erreur manifeste sur la portée de leur engagement, étant rappelé qu'une simple erreur de calcul ou d'appréciation n'est pas suffisante pour entraîner la nullité de leur engagement, d'autant plus que celui-ci a été contracté avec l'assistance de deux Notaires ; leur renonciation est valable vis-à-vis de Madame Marie-Lise Y..., héritière acceptante, en dépit du non accomplissement des formalités prévues à l'article 784 du code civil dans sa rédaction alors applicable.
Dès lors, il convient de constater que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... ont renoncé à la succession de Fernand Y... ; que Madame Marie-Lise Y... est seule héritière de Fernand Y... et donc seule propriétaire des biens objets de la donation du 2 août 1989; que la renonciation à la succession implique que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... n'ont pas la qualité d'héritière de Fernand Y... et ne peuvent réclamer aucune soulte ou indemnité de réduction pour atteinte à une quelconque réserve ; que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... ne peuvent prétendre à aucun droit sur les biens de la succession de Fernand Y....
Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y..., qui ont renoncé à la succession, n'ont aucun titre pour réclamer la révocation pour inexécution des charges de la donation de bien propre faite par Fernand Y... à Madame Marie-Lise Y... ni pour contester cette donation sur quelque autre fondement ; réciproquement, la réclamation de Madame Marie-Lise Y... au titre des frais assumés par elle au titre de ce bien n'a pas non plus lieu d'être.
2 - sur la succession de Odette G... veuve Y...
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a ordonné le partage de la succession d'Odette G... veuve Y... ; il sera donc confirmé sur ce point, ainsi que sur la désignation du Notaire pour y procéder.
3 - sur les dommages intérêts pour résistance abusive
Madame Marie-Lise Y... n'apporte pas la preuve du préjudice qu'elle aurait subi du fait du présent litige et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'encontre de Mesdames Nathalie et Isabelle Y....
Le jugement sera réformé sur ce point.
4 - sur l'indemnité pour frais de défense en justice
Madame Nathalie Y... et Madame Isabelle Y..., qui ont contraint Madame Marie-Lise Y... à se défendre en justice, devront payer à celle-ci une indemnité de 1 000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de Marie-Lise Y... est donc accueillie dans la limite de 2 000 € au total.
5 - sur les dépens
Madame Nathalie Y... et Madame Isabelle Y... qui succombent, supporteront les entiers dépens, y compris ceux des frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Réformant le jugement du 28 novembre 2006 :
Constate que Madame Isabelle Y... et Madame Nathalie Y... ont renoncé à la succession de Fernand Y... par convention du 19 décembre 2005, signée par Madame Marie-Lise Y... ;
Déboute Mesdame Isabelle et Nathalie Y... de leur demande d'annulation de la dite convention ;
Dit Madame Marie-Lise Y... seule héritière de Fernand Y... et donc seule propriétaire des biens objets de la donation du 2 août 1989;
Dit que Mesdames Isabelle et Nathalie Y... n'ont pas la qualité d'héritière de Fernand Y... et ne peuvent réclamer aucune soulte ou indemnité de réduction ni aucun droit ou part sur les biens de la succession de Fernand Y... ;
Dit Mesdames Isabelle et Nathalie Y... sans qualités pour contester l'exécution des charges de la donation faite par Fernand Y... à Madame Marie-Lise Y... ou la validité de celle-ci ;
Déboute Madame Marie K...
Y... de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- ordonné le partage de la succession de Odette G... veuve Y...;
- désigné en tant que de besoin Monsieur le président de la chambre départementale des Notaires ou son délégataire (sous réserve de préciser que la Cour désigne le président de la chambre régionale des Notaires de Midi-Pyrénées) qui, sauf accord contraire des copartageants, ne pourra être le notaire d'une des parties, pour procéder aux opérations de compte et liquidation sous la surveillance de Pierre X..., vice-président du tribunal;
- donne d'ores et déjà mandat au notaire d'interroger si nécessaire le FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous comptes bancaires, même joints, ouverts par la de cujus et de procéder à l'établissement des actes de notoriété conformes au présent jugement, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice ;
- de procéder à toute déclaration de succession ;
Condamne Madame Nathalie Y... et Madame Isabelle Y... à payer chacune à Madame Marie-Lise Y... une somme 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame Nathalie Y... et Madame Isabelle Y... aux entiers dépens, y compris ceux des frais d'expertise en autorisant la SCP SOREL DESSART SOREL, Avoués associés, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par MF. TREMOUREUX, président et par R. ROUBELET, greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
R. ROUBELETMF. TREMOUREUX