15 / 04 / 2008
ARRÊT No
No RG : 07 / 00264
MT / MFT
Décision déférée du 12 Décembre 2006- Tribunal de Grande Instance de SAINT GAUDENS-04 / 353
Mme X...
Alwin Y...
représenté par la SCP MALET
Gerlinde Z... épouse Y...
représentée par la SCP MALET
Ilja Y...
représenté par la SCP MALET
Esra Y...
représentée par la SCP MALET
C /
Norbert AQ...
représenté par la SCP B. CHATEAU
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 2
***
ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (E / S)
Monsieur Alwin Y...
...
31210 AUSSON
Madame Gerlinde Z... épouse Y...
...
31210 AUSSON
Monsieur Ilja Y...
...
97076 WURZBURG ALLEMAGNE
Madame Esra Y...
Der A... 7
97076 WURZBURG ALLEMAGNE
représentés par la SCP MALET, avoués à la Cour
assistée de Me LIENHARD B..., avocat au barreau de STRASBOURG
INTIME (E / S)
Monsieur Norbert AQ...
...
70199 STUTTGART ALLEMAGNE
représenté par la SCP B. CHATEAU, avoués à la Cour
assisté de la SELARL MORVILLIERS- SENTENAC- GIVRY- WALLAERT- BELLEFON, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant, MF. TREMOUREUX, Président et D. FORCADE, Conseiller, chargés du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. F. TREMOUREUX, président
D. FORCADE, conseiller
J. C. BARDOUT, conseiller
Greffier, lors des débats : M. C...
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M. F. TREMOUREUX, président, et par R. ROUBELET, greffier de chambre.
Alwin Y... a acquis une maison à AUSSON (31) le 22 octobre 1999 à l'aide d'un prêt consenti par la caisse d'épargne de GOPPINGEN en ALLEMAGNE. Le 19 février 2001 selon acte dressé par Maître D... notaire à WANTZENAU (67), il fait donation de la nue propriété de ce bien à ses enfants : Ilja Y... et Esra Y... en s'en réservant l'usufruit.
Sur la demande formulée par M Y... lui même, le 15 avril 2002, le Tribunal d'ESSLINGEN en ALLEMAGNE a ouvert une procédure d'insolvabilité concernant tant son patrimoine personnel que professionnel et le Docteur Norbert AQ... a été désigné " en qualité de syndic de son patrimoine ".
Par jugement du 24 / 7 / 2003, le Tribunal de WURZBURG en ALLEMAGNE, dans une procédure opposant le Docteur Norbert AQ... es qualité, aux enfants de Alwin E..., a dit que le syndic bénéficiait d'un droit de rétrocession en vertu de l'article 129 ; 134 et 143 de la loi allemande sur la procédure d'insolvabilité, car cette donation était antérieure de moins de 4 ans à l'ouverture de la procédure d'insolvabilité.
Le Docteur AQ... es qualité, a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de SAINT GAUDENS, Alwin Y..., son épouse Gerlinde Z... épouse Y... ainsi que Ilja Y... et Esra Y...
Par jugement du 12 décembre 2006, le tribunal de Grande Instance de SAINT GAUDENS, a :
* rejeté les exceptions de nullité et d'incompétence,
* déclaré l'action recevable et le Tribunal de Grande Instance de Saint Gaudens compétent pour statuer,
* a révoqué la donation consentie le 19 février 2001,
* dit que le bien a réintégré le patrimoine de Alwin Y... où le Docteur AQ... en sa qualité de représentant des créanciers à la procédure d'insolvabilité pourra le saisir,
* ordonné l'exécution provisoire,
* condamné Alwin Y... à payer la somme de 2 000 euros au Docteur AQ... en application de l'article 700 CPC,
* condamné Alwin Y... Gerlinde Z... épouse Y... ainsi que Ilja Y... et Esra Y... à supporter les dépens.
Les consorts Y... ont interjeté appel de cette décision et dans leurs dernières conclusions du 26 février 2008, demandent à la COUR :
* d'INFIRMER la décision entreprise,
* de prononcer la nullité de l'assignation,
* de constater et au besoin prononcer l'absence d'intérêt et de qualité à agir du docteur F...
En tout état de cause,
* de déclarer la demande du Docteur AQ... irrecevable et mal fondée,
* condamner le docteur F... à supporter les dépens ainsi qu'à verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 CPC
Le Docteur AQ... dans ses dernières conclusions au fond du 12 novembre 2007, sollicite que la COUR :
*CONFIRME le jugement entrepris,
* condamne les appelants in solidum à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 CPC ainsi qu'à supporter les dépens.
Dans des conclusions de procédure du 5 mars 2008, il demande par ailleurs que soient écartés des débats les pièces communiquées selon bordereau du 28 février 2008 non traduites en Français.
La COUR pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Attendu que le 7 mars 2008 soit avant l'ordonnance de clôture de la procédure qui a été rendue le 11 mars 2008, les appelants ont communiquée une traduction certifiée conforme des pièces référencées sur leur bordereau de communication 5 ; 23 et 24
Attendu que doivent être écartées des débats les pièces rédigées en langue allemande, communiquées mais non traduites soit les pièces 21 et 22 du bordereau des appelants,
II- Attendu que le premier juge par des motifs exacts en fait et pertinent en droit a retenu que si l'assignation introductive d'instance était insuffisante au regard des dispositions de l'article 56-2 du code de procédure civile, les conclusions développées en complément avaient pallié cette insuffisance dans des conditions ayant parfaitement permis aux consorts Y... de comprendre la demande formulée à savoir la nullité de la donation et le fondement invoqué à savoir l'action paulienne consacré par l'article 1167 du code civil, de telle sorte que les consorts Y... avaient développé une argumentation en réponse au regard de cette demande et de ce fondement,
Attendu qu'aucune violation du principe du caractère contradictoire de la procédure n'est établie par les consorts Y...,
Attendu que la circonstance que la fraude paulienne aurait pour sanction l'inopposabilité de l'acte et non la nullité ne rendait pas la demande irrecevable, les consorts Y..., dès lors qu'il connaissaient le fondement invoqué au soutien de la demande pouvant faire valoir ce moyen de droit qui était dans la cause à raison précisément du fondement invoqué, et discuté par eux,
III- Attendu qu'ainsi que relevé par le premier juge, le Docteur AQ... agit en qualité de mandataire liquidateur, mission qui lui a été conférée par le jugement du 26 avril 2002, et représente en conséquence l ‘ ensemble des créanciers, tant relatifs à " son patrimoine professionnel " qu'à son " patrimoine privé "
Attendu que parmi eux, figure notamment la caisse d'épargne de GOPPINGEN qui a accordé un prêt à Alwin Y... en septembre et octobre 1999, prêt contracté pour l'acquisition de l'immeuble d'AUSSON, ainsi que l'établit notamment la lettre non contestée de Alwin Y... en date du 23 / 10 / 1999, sollicitant le virement de la somme de 728 800 francs dans les meilleurs délais en exposant que : l'acte authentique d'achat avait été signé la veille et était valable " à réception du montant indiqué ", lequel incluait le prix d'achat restant, les frais d'agence, du notaire ainsi que la taxe foncière..... le rédacteur de la lettre précisait encore que ce prêt lui permettait en outre d'assurer le règlement des frais de déménagement et des travaux dans la cuisine et la salle de bain,
Attendu qu'au moment de l'acte de donation litigieux en date du 19 février 2001, la créance de la caisse d'épargne de GOPPINGEN était donc certaine,
Attendu qu'il n'est pas nécessaire au surplus pour l'exercice de l'action paulienne que le créancier qui agit justifie que sa créance soit relative au bien objet de l'acte litigieux,
Attendu que le fait que la banque prêteuse de deniers n'ait pas cru utile, lorsqu'elle a consenti le prêt, d'exiger une garantie réelle sur l'immeuble, ne rend pas irrecevable la demande du Docteur AQ...,
Attendu que Alwin Y... ne justifie pas de ce que lorsque cette action paulienne a été engagée sa dette se trouvait éteinte, ni qu'elle le serait actuellement,
Attendu que le Docteur AQ... avait et a toujours qualité à agir, comme représentant des créanciers de Monsieur Y..., qu'il résulte des pièces produites que la procédure est toujours en cours le passif n'ayant pas été apuré,
IV- Attendu qu'il appartient au Docteur AQ..., aux termes des dispositions de l'article 1167 du code civil, de démontrer que l'acte de donation du 19 février 2001 a été fait en fraude des droits des créanciers d'Alwin Y...,
Attendu qu'est versé aux débat le jugement rendu le 5 / 9 / 2003 par le Tribunal d'Instance d'ESSLINGEN, déclarant Alwin Y... coupable de banqueroute intentionnelle pour avoir " du fait de la donation soustrait intentionnellement à ses créanciers le seul objet de son patrimoine à part son entreprise individuelle de telle sorte que le désintéressement de ses créanciers au moyen de cet objet devenait quasiment impossible " et condamnant pour ce délit et celui " d'établissement tardif de bilan " Alwin Y... à une peine,
Attendu qu'est versée aux débats l'attestation émanant du Tribunal d'ESSLINGEN selon laquelle " avec le rejet de l'opposition à l'encontre de l'injonction pénale à l'audience principale devant le Tribunal d'Instance d'ESSINGEN du 15 / 3 / 2004, l'injonction pénale du Tribunal d'Instance d'ESSINGEN du 5 / 9 / 2003 a pris force de loi ", car " une injonction pénale ayant autorité de chose jugée équivaut conformément au droit allemand à un jugement ayant autorité de la chose jugée ",
Attendu que ce jugement constatait que l'entreprise individuelle de Alwin Y... présentait au 31 / 12 / 1999 un " capital négatif de 39 903, 83 DM " et au 31 / 12 / 2000 " un capital négatif de 53 230, 15 DM " et que le seul bien de valeur de Monsieur Y... était l'immeuble d'AUSSON d'une valeur d'environ 250 000 DM,
Attendu que c'est en vain que Monsieur Y... qui ne pouvait ignorer ses difficultés professionnelles et ses dettes, soutient que cette donation n'avait pas d'autre but que de permettre la transmission de son patrimoine à ses enfants, ou que s'il avait voulu frauder ses créanciers il aurait " acquis le bien au nom de ses enfants " alors que l'intention dolosive de la fraude paulienne s'apprécie au regard et à la date de l'acte litigieux soit à celle de la donation et non à celle de l'acte d'acquisition,
Attendu que la COUR, outre la situation professionnelle obérée de Monsieur Y... au 31 décembre 2000 soit moins de deux mois avant la donation litigieuse, ne peut que relever que Monsieur Y... présente des comptes établis par lui même sans justificatif objectif, et donc sans valeur probante,
Attendu que d'ailleurs, Monsieur Y... valorise au 19 février 2001 son appartement de ESSLINGEN à 498 972 DM, alors qu'il est justifié qu'il l'avait proposé à la vente le 9 mars 2001 pour un prix de 429 000 DM seulement et que ce bien a finalement été vendu 290 440 DM,
Attendu que la donation avec réserve d'usufruit, avait pour résultat, alors que Monsieur Y... pouvait continuer à jouir sa vie durant de cet immeuble, et laissait croire à une solvabilité apparente, de ne laisser aux créanciers que la possibilité d'exercer des voies de droit sur la nue propriété, laquelle à raison du démembrement opéré par la donation, n'avait qu'une valeur dérisoire et difficilement réalisable,
Attendu que qu'en procédant à cette donation à ses enfants, alors qu'il était fortement endetté et avait une activité professionnelle déficitaire, Monsieur Y... ne pouvait ignorer le préjudice qu'il causait ce faisant à ses créanciers,
Attendu que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a retenu le bien fondé au regard de l'article 1167 du code civil, de l'action paulienne engagée par le Docteur AQ..., que toutefois la sanction de cette action est l'inopposabilité de l'acte litigieux aux créanciers agissants, et non la nullité de l'acte, que la décision sera rectifiée sur ce point,
Attendu que les consorts Y... qui succombent supporteront la charge des dépens
Attendu que l'équité justifie d'allouer au Docteur AQ... pour la cause d'appel, en application de l'article 700 CPC la somme de 3 000 euros, celle allouée sur le même fondement par le premier juge étant confirmée, qu'il n'y a pas lieu à solidarité de ces chefs,
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette des débats les pièces no21 et 22 des appelants,
CONFIRME la décision entreprise hormis en ce qu'elle a révoqué la donation consentie le 19 février 2001 relative à l'immeuble situé à AUSSON et dit que ce bien a réintégré le patrimoine de Monsieur Alwin Y...,
Réformant de ces chefs et statuant,
Déclare inopposable au Docteur AQ... es qualité, la donation effectuée le 19 février 2001 par M. Alwin Y... de l'immeuble situé à AUZON 31 lieu dit " les sallières " cadastré section A no 1088,
Condamne Alwin Y..., Gerlinde Z... épouse Y... ainsi que Ilja Y... et Esra Y... à verser en application de l'article 700 CPC pour la cause d'appel la somme de 3 000 euros,
Condamne Alwin Y..., Gerlinde Z... épouse Y... ainsi que Ilja Y... et Esra Y... à supporter les dépens exposés devant la COUR, accorde à la SCP CHATEAU le droit de recouvrement prévu par l'article 699 CPC
Le présent arrêt a été signé par MF. TREMOUREUX, président et par R. ROUBELET, greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
R. ROUBELETMF. TREMOUREUX