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07/03/2008 | FRANCE | N°07/02638

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 07 mars 2008, 07/02638


07 / 03 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 02638
PC / HH

Décision déférée du 19 Avril 2007-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 01353
Jean Louis MOREAU

Laurence AA...

C /

Christian BB...
Olivier CC...
CGEA DE TOULOUSE

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Madame Laurence AA...
...
31480 CADOURS

représentée pa

r Me Emmanuelle CASELLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Maître Christian BB... adminateur judiciaire de la SA AD ELECTRONIQUE
...
31000 TOULOUSE ...

07 / 03 / 2008

ARRÊT No

No RG : 07 / 02638
PC / HH

Décision déférée du 19 Avril 2007-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-06 / 01353
Jean Louis MOREAU

Laurence AA...

C /

Christian BB...
Olivier CC...
CGEA DE TOULOUSE

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Madame Laurence AA...
...
31480 CADOURS

représentée par Me Emmanuelle CASELLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Maître Christian BB... adminateur judiciaire de la SA AD ELECTRONIQUE
...
31000 TOULOUSE

non comparant, bien que régulièrement convoqué

Maître Olivier CC... mandataire liquidateur de la SA AD ELECTRONIQUE
...
BP 1732
31000 TOULOUSE

représenté par la SCP MATHEU RIVIERE-SACAZE ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE

CGEA DE TOULOUSE
72 rue Rique
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6

représentée par la SCP SAINT GENIEST-GUEROT, avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

P. de CHARETTE, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRET :
-REPUTE CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
-signé par P. de CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE

Mme AA... a été embauchée le 7 février 2002 en qualité de monteuse câbleuse. Après un accident du travail survenu le 12 février 2003, puis une rechute le 8 octobre 2005, le médecin du travail, à l'issue de deux examens précédents, l'a déclarée le 9 mars 2006 inapte définitivement à son poste antérieur en énonçant qu'elle était apte à une autre activité professionnelle avec plusieurs restrictions.

L'employeur n'ayant pas repris le paiement du salaire dans le délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude, Mme AA... a saisi le conseil de prud'hommes le 9 juin 2006 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. La SA AD ELECTRONIQUE a ultérieurement prononcé le licenciement pour inaptitude médicale et refus de reclassement le 27 juillet 2006.

La SA AD ELECTRONIQUE, placée en redressement judiciaire le 21 avril 2006, a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 4 août 2006.

Par jugement en date du 19 avril 2007, le conseil de prud'hommes de Toulouse a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse en retenant que Mme AA... avait le droit de refuser la proposition de reclassement qui lui avait été faite. Il a alloué à la salariée la somme de 9 473,04 € soit huit mois de salaire à titre de dommages-intérêts, celle de 2 435,76 € au titre du préavis et celle de 525,54 € au titre du complément de l'indemnité spéciale de rupture.

Le jugement a en revanche rejeté la demande de Mme AA... tendant au paiement de son salaire jusqu'à la date de son licenciement ainsi qu'une demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Mme AA... a régulièrement relevé appel de ce jugement. Elle soutient qu'elle est fondée à voir examiner sa demande de résiliation judiciaire, présentée avant l'intervention du licenciement et demande qu'il soit constaté que la rupture de son contrat de travail est intervenue aux torts de son employeur. Elle demande la somme de 19 486 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-32-7 du code du travail, celle de 2 435,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 243,57 € au titre des congés payés sur préavis, de 974,30 € au titre de l'indemnité de licenciement et de 1 217,88 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Elle demande d'autre part la somme de 4 871,52 €, et les congés payés correspondants, au titre de son salaire pour la période du 6 avril 2006 au 26 juillet 2006.

Le mandataire liquidateur de la SA AD ELECTRONIQUE soutient que le médecin du travail ne pouvait pas effectuer la visite de reprise alors que Mme AA... était toujours en arrêt de travail pour le même accident du travail. Il conclut en conséquence au rejet de la demande de paiement des salaires pour la période d'avril à juillet 2006 et estime de même que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas fondée.

Il demande la réformation du jugement sur le licenciement et demande qu'il soit dit et jugé que celui-ci est légitime. Il reconnaît que Mme AA... peut prétendre au paiement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité spéciale de rupture en énonçant cependant qu'il y a lieu de déduire de celle-ci la somme de 448,76 € déjà versée. Il conteste enfin la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Le CGEA AGS de Toulouse soutient que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas fondée dès lors que le défaut de règlement des salaires dans le délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude ne prive pas pour autant le licenciement déjà prononcé de cause réelle et sérieuse. Il s'en rapporte aux explications du liquidateur sur la légitimité du licenciement pour inaptitude médicale.

Il estime que la salariée ne peut demander simultanément le paiement de sa rémunération pour la période d'avril à juillet 2006 et le paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du fait du non-paiement de cette rémunération. Il conteste enfin la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et rappelle par ailleurs les principes de sa garantie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. Si la demande de résiliation du contrat de travail est reconnue comme étant fondée, la rupture prend effet au jour du licenciement ultérieurement intervenu.

Il importe en conséquence de se placer à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par le salarié pour apprécier le bien-fondé de cette demande au regard des manquements reprochés à l'employeur. Dans ces conditions, il ne peut être tenu compte du principe selon lequel le défaut de règlement des salaires auquel l'employeur est tenu à l'issue du délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude ne prive pas le licenciement déjà prononcé de cause réelle et sérieuse. En effet, à la date de la demande de résiliation judiciaire, le licenciement n'était pas intervenu.

D'autre part, il importe de reconnaître au salarié la possibilité d'invoquer, à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le non versement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude. En décider autrement aurait pour effet de le priver de tout recours, dès lors qu'il demeurerait engagé dans les liens du contrat de travail sans percevoir sa rémunération et sans pouvoir faire prononcer la rupture du contrat ou prendre acte de celle-ci aux torts de l'employeur.

Il y a lieu dans ces conditions de rechercher si le comportement de la SA AD ELECTRONIQUE justifie la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée le 9 juin 2006 par Mme AA....

Celle-ci a fait l'objet d'une première visite de reprise le 30 janvier 2006 avec mention d'une nouvelle visite envisagée fin février après un avis spécialisé. Le 16 février 2006, une nouvelle fiche de visite a énoncé une inaptitude temporaire dans l'attente d'éléments médicaux complémentaires, avec la mention « à revoir dans 15 jours ». Le 9 mars 2006, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude définitive de Mme AA... à son poste de travail antérieur, tout en la déclarant apte à un poste sans effort de manutention, bras en élévation ou en rotation externe, sans contrainte cervicale, tête fléchie, sans gestes répétitifs du membre supérieur gauche, avec nécessité d'alterner la position assise et la position debout.

Il importe peu que le médecin traitant de Mme AA... ait prescrit à celle-ci un nouvel arrêt de travail du 9 mars au 21 mars 2006, dès lors que la période de suspension du contrat de travail avait pris fin lors de la visite du 9 mars 2006. Interrogé sur ce point par la SA AD ELECTRONIQUE, le médecin du travail a répondu de façon circonstanciée le 4 avril 2006 que « la consultation du 9 mars 2006 concernant Mme AA... constitue bien la deuxième visite dans le cadre d'une procédure d'inaptitude médicale au poste de travail ».

Dans ces conditions, la SA AD ELECTRONIQUE était tenue dans le délai d'un mois suivant cet avis d'inaptitude soit de proposer un poste de reclassement à la salariée soit de procéder à son licenciement ou, à défaut, devait reprendre le paiement des salaires. Interrogée par Mme AA... sur l'absence de reprise du paiement de son salaire, la SA AD ELECTRONIQUE a répondu le 12 avril 2006 que le contrat de travail avait fait l'objet d'une nouvelle suspension depuis les visites de reprise auprès du médecin du travail et qu'elle attendait en conséquence que celui-ci lui propose un nouveau rendez-vous.

Cette réponse erronée est caractéristique d'une particulière mauvaise foi, dans la mesure où la société était en possession depuis le 4 avril précédent de la réponse du médecin du travail qui lui avait fait savoir sans équivoque que la visite du 9 mars 2006 constituait bien la seconde visite dans le cadre de la procédure d'inaptitude médicale.

Alors que le médecin du travail a par la suite adressé successivement deux courriers à la SA AD ELECTRONIQUE les 24 avril puis 19 mai 2006 énonçant de façon détaillée d'une part que la procédure devait à son sens suivre son cours après la deuxième visite d'inaptitude et d'autre part qu'il refuserait de convoquer la salariée pour une nouvelle visite, la SA AD ELECTRONIQUE n'a pas repris le paiement du salaire de Mme AA..., laquelle a été privée de toute ressource jusqu'à ce que son licenciement intervienne finalement le 27 juillet 2006.

Il apparaît ainsi que l'employeur a méconnu les obligations qui lui étaient imposées par la loi et a de façon abusive privé la salariée du salaire qui devait lui revenir. Ce manquement justifie le prononcé de la résiliation du contrat de travail.

Le jugement sera donc réformé.

Les conséquences de la rupture du contrat de travail

Dès lors que la résiliation du contrat de travail prend effet au 27 juillet 2006, Mme AA... est fondée à demander le paiement de son salaire pour la période du 10 avril 2006, date à laquelle le versement du salaire aurait dû reprendre, jusqu'au 27 juillet 2006, date de la rupture des relations de travail. Le jugement sera réformé de ce chef.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquels doivent s'apprécier au jour du comportement de l'employeur ayant entraîné la demande de résiliation judiciaire. La demande a été présentée en l'espèce le 9 juin 2006, soit antérieurement à la proposition de reclassement formulée par la SA AD ELECTRONIQUE par lettre du 29 juin 2006. Par suite, la situation de Mme AA... relève des dispositions de l'article L. 122-32-7 du code du travail visant le cas d'une rupture du contrat de travail imputable à l'employeur en méconnaissance de l'obligation de reclassement.

Mme AA... a droit de ce fait à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire. Au vu des pièces versées au débat, la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 15 000 € le montant des dommages-intérêts revenant à Mme AA....

Le jugement sera confirmé sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, qui sera augmentée des congés payés sur préavis.

Il sera fait droit de même à la demande portant sur l'indemnité de licenciement d'un montant de 974,30 €. La fixation de la créance sur ce point sera faite en deniers ou quittance, dès lors que le mandataire liquidateur invoque un paiement déjà intervenu à ce titre pour 448,76 €, sans cependant en justifier autrement que par une mention manuscrite sur l'attestation ASSEDIC, alors que pour sa part Mme AA... conteste avoir perçu cette somme.

En revanche, la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement sera écartée, dès lors qu'il ne peut être alloué que l'indemnité sanctionnant la violation des règles de fond et que celle-ci ne se cumule pas avec celle prévue en cas d'inobservation des règles de forme.

Enfin, la demande portant sur la somme de 993,73 € au titre des congés payés non pris à la date du 6 avril 2006 n'est pas suffisamment justifiée, dans la mesure où elle ne repose que sur une autre mention manuscrite de l'attestation ASSEDIC délivrée par le mandataire liquidateur, alors que Mme AA... ne fournit aucune indication sur le décompte des jours de congés payés dont elle demande le paiement.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement en ce qu'il a alloué à Mme AA... la somme de 2 435,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Dit que cette somme correspond à une créance de Mme AA... dans la liquidation judiciaire de la SA AD ELECTRONIQUE.

Réforme le jugement pour le surplus.

Prononce, aux torts de la SA AD ELECTRONIQUE, la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 27 juillet 2006.

Fixe les créances de Mme AA... dans la liquidation judiciaire de la SA AD ELECTRONIQUE aux sommes suivantes :

-15 000 € à titre de dommages-intérêts

-243,57 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis

-974,30 € au titre de l'indemnité de licenciement, en deniers ou quittance

-4 871,52 € au titre des salaires pour la période du 9 avril 2006 au 26 juillet 2006

-487,15 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaire.

Rejette la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure et la demande d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période antérieure au 6 avril 2006.

Ordonne au mandataire liquidateur de la SA AD ELECTRONIQUE de délivrer à Mme AA... une attestation ASSEDIC conforme aux dispositions du présent arrêt.

Dit que les sommes ci-dessus seront avancées par le CGA AGS dans les limites légales de sa garantie.

Laisse les dépens à la charge de Me CC..., ès-qualités.

Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

Le greffierLe président

Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 07/02638
Date de la décision : 07/03/2008

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Résiliation judiciaire - Action intentée par le salarié - Poursuite du travail par le salarié - Licenciement postérieur à la demande de résiliation judiciaire - Office du juge - Détermination - Portée - // JDF

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. Si la demande de résiliation du contrat de travail est reconnue comme étant fondée, la rupture prend effet au jour du licenciement ultérieurement intervenu. Par ailleurs, il importe de reconnaître au salarié la possibilité d'invoquer, à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le non-versement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude. En décider autrement aurait pour effet de le priver de tout recours, dès lors qu'il demeurerait engagé dans les liens du contrat de travail sans percevoir sa rémunération et sans pouvoir faire prononcer la rupture du contrat ou prendre acte de celle-ci aux torts de l'employeur


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 19 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-03-07;07.02638 ?
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