COUR D'APPEL DE TOULOUSE
No T / 08 / 088
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE HUIT et le 21 FEVRIER A 16 H 00
En audience publique,
Nous, F. LAPEYRE, président de chambre délégué par ordonnance du premier président en date du 4 janvier 2008 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Vu l'ordonnance rendue le 18 Février 2008 à 17 H 25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant la mise en liberté de
-Artiom Y...
né le 26 Septembre 1982 à NAYRI (ARMENIE)
de nationalité arménienne
Vu l'appel formé le 19 / 02 / 2008 à 16 h 32 par télécopie, par la PREFECTURE DE L'ARIEGE
.
A l'audience publique du 20 février 2008 à 14 H 15, assisté de E. MARTIN, greffier, avons entendu :
Me Jean Baptiste DE BOYER MONTEGUT, avocat commis d'office, représentant Monsieur Artiom Y..., qui a eu la parole en dernier
-avec le concours de Madame Gaïa X..., interprète en langue arménienne, qui a prêté serment,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;
En l'absence de la Préfecture de l'Ariège, régulièrement avisée, qui a fait parvenir un mémoire.
avons rendu l'ordonnance suivante :
Par requête en date du 17 février 2008, le Préfet du département de l'Ariège sollicitait du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse la prolongation de la rétention administrative de M. Y... Artiom.
Par ordonnance en date du 18 février 2008 à 17 heures 25, le juge des libertés et de la détention a refusé de prolonger ladite rétention administrative et ordonné la remise en liberté de l'intéressé.
Le premier juge a en effet considéré que le fait de maintenir dans un centre de rétention une jeune mère de famille, son mari et leur bébé âgé de quelques semaines (enfant né le 29 novembre 2007) constituait un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en raison des conditions de vie anormales imposées à ce très jeune enfant et également de la très grande souffrance morale, psychique infligée aux parents par cet enfermement, cette situation apparaissant en conséquence disproportionnée au but poursuivi de la reconduite à la frontière.
Le Préfet de l'Ariège a interjeté appel de cette ordonnance le 19 février 2008 à 16 heures 32.
Il considère, dans son acte d'appel, que la seule motivation liée au jeune âge de l'enfant, sans autre précision, pour caractériser le traitement inhumain au sens de l'article 3 de la CEDH lui apparaît " insuffisante " ; que le premier juge n'aurait pas examiné les conditions particulières de rétention, ni des spécificités de l'enfant et de la famille concernée et n'a pu ainsi apprécier l'inhumanité du traitement infligé.
Il ajoute enfin dans cet acte d'appel auquel il est, en tant que de besoin, référé qu'à la lecture de la chronologie des événements et des pièces produites, il convient d'annuler en son entier l'ordonnance déférée.
Régulièrement remis en liberté à l'expiration du délai de quatre heures suivant la notification de l'ordonnance au Procureur de la République, en l'absence de recours de ce dernier, l'intéressé n'a pas comparu.
Son conseil a invoqué, comme devant le premier juge, les conditions d'interpellation et a par ailleurs conclu, pour les motifs retenus par le premier juge, à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
MOTIFS
Attendu qu'il résulte de la procédure que les services de police se sont présentés au domicile de l'intéressé en vue de l'exécution d'un arrêté préfectoral portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire national et que la visite domiciliaire opéré ne nécessitait pas son assentiment, malgré l'absence de précision sur ce point dans le procès-verbal ; qu'en conséquence, et comme l'a admis le premier juge, aucune nullité de procédure ne saurait être encourue de ce chef ;
Attendu qu'il n'en pas contesté que le centre de rétention dispose d'un espace réservé aux familles, mais qu'il n'en reste pas moins que celui-ci reste un lieu où sont retenus des étrangers en vue de leur éloignement du territoire français ; que dans le cas de l'espèce, le fait de maintenir dans un tel lieu une jeune mère de famille, son mari et leur bébé de deux mois et demi constitue un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en raison d'une part des conditions de vie anormales imposées à ce très jeune enfant quasiment dès sa naissance, après avoir été gardé en garde à vue avec sa mère, et d'autre part de la grande souffrance morale et psychique infligée à la mère et au père par cet enfermement, souffrance manifestement disproportionnée au but poursuivi c'est-à-dire à la reconduite à la frontière, comme en a décidé le premier juge en des motifs largement suffisants qui doivent être entièrement repris (cf ordonnance premier président coud d'appel de Rennes 23 octobre 2007) ;
Attendu, en conséquence, que sans autre motif ou considération, il convient de confirmer l'ordonnance critiquée ;
PAR CES MOTIFS
Déclarons l'appel recevable ;
Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de TOULOUSE le 18 Février 2008 ;
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE L'ARIEGE, service des étrangers, à Artiom Y...,, ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIERP / LE PREMIER PRESIDENT
S. BARDOU, F. LAPEYRE