20 / 02 / 2008
ARRÊT No
No RG : 06 / 03431
Décision déférée du 30 Juin 2006- Tribunal de Grande Instance d'ALBI-04 / 534
Mme X...
Yvette Y... épouse Z...
Anne Marie Z... épouse A...
représentées par la SCP DESSART- SOREL- DESSART
C /
Jean Paul B...
Gisèle C... épouse B...
représentés par la SCP BOYER- LESCAT- MERLE
Confirmation partielle
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT FEVRIER DEUX MILLE HUIT
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APPELANT (E / S)
Madame Yvette Y... épouse Z...
...
81000 ALBI
D... Anne Marie Z... épouse A...
...
31000 TOULOUSE
représentées par la SCP DESSART- SOREL- DESSART, avoués à la Cour
assistées de la SCP PALAZY- BRU et Associés, avocats au barreau d'ALBI
INTIME (E / S)
Monsieur Jean Paul B...
...
81000 ALBI
Madame Gisèle C... épouse B...
...
81000 ALBI
représentés par la SCP BOYER- LESCAT- MERLE, avoués à la Cour
assistés de la SCP DUPUY, BONNECARRERE, SERRES- PERRIN, SERVIERES, GIL, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant, J. P SELMES, président, et C. BELIERES, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
J. P. SELMES, président
D. VERDE DE LISLE, conseiller
C. BELIERES, conseiller
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par D. VERDE DE LISLE, conseiller, pour le président empêché, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
Mme Yvette Y... épouse Z... et E... Anne Marie Z... épouse A..., qui seront dites les consorts Z..., ont relevé appel le 17 juillet 2006 du jugement rendu le 30 juin 2006 par le tribunal de grande instance d'Albi qui a ordonné une expertise avant dire droit et qui, sur le fond, a :
- rejeté les demandes en nullité présentées par M. et Mme B...
- constaté la résiliation du bail commercial liant les parties à compter du 31 mars 2004
- constaté l'absence de motif grave et légitime fondant le refus de renouvellement notifié le 5 mars 2004 par les consorts Z...
- rejeté les demandes de M. et Mme B... relatives au trouble de jouissance et au préjudice lié à la notification d'un refus de renouvellement de bail en l'absence de motif grave et légitime
- condamné les consorts Z... à payer à M. et Mme B... 20 000 € à valoir sur l'indemnité d'éviction
- rejeté les demandes de consorts Z... relatives à l'expulsion de leurs locataires et à leur obligation sous astreinte de laisser réaliser les travaux prévus
- ordonné l'exécution provisoire
Par acte notarié du 5 avril 1959, M. et Mme Y... auteurs des consorts Z... ont consenti à M. et Mme de F... auteurs de M. et Mme B... un bail commercial et d'habitation pour un immeuble situé... avec en rez de chaussée un commerce de boulangerie pâtisserie. Par acte notarié du 30 octobre 1987 M. et Mme F... ont cédé leur fonds de commerce à M. et Mme B.... Le 25 février 1995 les consorts Z... et M. et Mme B... ont convenu d'un renouvellement du bail pour 9 ans du 1 avril 1995 au 31 mars 2004. A partir de 2002, les consorts Z... ont envisagé des travaux sur les immeubles des... avec des appartements dans les étages et des commerces au rez de chaussée. Le 20 janvier 2004 les consorts Z... ont fait notifier à M. et Mme B... une mise en demeure par huissier dans le cadre de l'article
L 145-17 du Code de commerce d'avoir à garnir les lieux en mobilier suffisant pour répondre des loyers, d'avoir à habiter les lieux par eux- mêmes et leur famille, d'en assurer l'entretien afin d'en garantir le bon état de réparations locatives. Le 5 mars 2004 les consorts Z... ont notifié un refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction. M. et Mme B... ont saisi le tribunal qui a rendu le jugement déféré qui considère que tant la mise en demeure que le refus de renouvellement ont produit leurs effets de sorte que le bail est résilié au 31 mars 2004 mais le tribunal a écarté le motif grave et légitime résultant du défaut d'entretien et il a désigné un expert aux fins d'évaluer l'indemnité d'éviction.
Les consorts Z... argumentent sur la validité de la mise en demeure du 20 janvier 2004, sur le caractère définitif du refus de renouvellement notifié aux preneurs, sur l'existence d'un motif grave et légitime, sur la gravité du défaut d'entretien au regard des obligations de M. et Mme B.... Elles considèrent que M. et Mme B... occupent les lieux sans droit ni titre depuis le 1 avril 2004 et qu'ils sont débiteurs d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel estimé à 3 750 €. Elles ajoutent que si le paiement d'une indemnité d'éviction était retenu, M. et Mme B... n'en seraient pas moins débiteurs des obligations du bail jusqu'au paiement de cette indemnité. Elles persistent dans leur demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail et elles arguent à ce propos de ce que la famille B... n'habite pas l'immeuble en infraction avec la destination des lieux donnée au bail, les lieux sont dégradés et M. et Mme B... ne permettent même pas aux bailleresses de faire effectuer les travaux urgents de réfection de la toiture. Les consorts Z... concluent au débouté de la demande de M. et Mme B... en paiement d'une indemnité d'éviction, à leur expulsion, au paiement de 3 570 € par mois pour l'indemnité d'occupation avec intérêts au taux légal à compter du dernier jour de chacun des mois considérés, à leur condamnation sous astreinte de laisser effectuer les travaux de reprise nécessités par l'abandon des locaux. Ils concluent subsidiairement à la résiliation judiciaire du contrat, au défaut d'indemnité d'éviction, au paiement de 3 570 € par mois pour l'indemnité d'occupation avec intérêts au taux légal à compter du dernier jour de chacun des mois considérés, au paiement de 7 500 € pour frais irrépétibles, à la distraction des dépens au profit de la SCP Dessart Sorel Dessart.
M. et Mme B... prétendent que la mise en demeure leur a été adressée pour des motifs imaginaires destinés à justifier la reprise de l'immeuble à moindre coût de sorte que cet acte encourt la nullité. Ils font valoir que seul le défaut d'entretien est invoqué au congé, que la partie habitation est une partie accessoire, que les bailleurs n'ont rien fait dans les lieux depuis 1959 et ils savent fort bien l'état de l'immeuble. Ils contestent que le bail ait mis à leur charge les grosses réparations et ils invoquent l'article 1755 du Code civil relatif à la vétusté. Ils soutiennent par ailleurs que le locataire ne peut être responsable que des désordres survenus pendant qu'il a occupé les lieux. Ils s'opposent à la résiliation judiciaire du bail qu'il estiment irrecevable et mal fondée et ils s'étonnent de se voir imputer un refus d'accomplissement des travaux de mise en état. Ils font valoir pour eux- mêmes un préjudice de jouissance et ils entendent voir fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer plafonné.
M. et Mme B... concluent à la nullité de la mise en demeure du 20 janvier 2004, à son caractère infondé, à la nullité du congé, à la nullité des prétentions des consorts Z... en l'absence de notification aux créanciers inscrits, au défaut de motif grave et légitime, en toute hypothèse au paiement de 20 000 € à parfaire pour préjudice moral, matériel et financier, au paiement d'une indemnité d'éviction, au paiement à ce titre d'une provision de 50 000 €, à l'institution d'une expertise, à la fixation d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer plafonné, au paiement de 4 000 € pour frais irrépétibles, à la distraction des dépens au profit de la SCP Boyer Lescat Merle.
SUR QUOI
Attendu que le défaut de notification de la rupture du bail aux créanciers inscrits est sans incidence sur la validité du congé ;
Attendu, sur la nullité de la mise en demeure du 20 janvier 2004, que cet acte remplit les conditions exigées par l'article L 146-17 du Code de commerce ; que même si les consorts Z... souhaitent reprendre leur immeuble à moindre coût, il ne s'ensuit pas que les motifs invoqués de défaut de garnissement des lieux, de défaut d'habitation et de défaut d'entretien locatif soit nuls ou inexistants ; que le premier juge a considéré à bon droit que cette mise en demeure était valable ;
Attendu, sur la validité du congé du 5 mars 2004, que ce dernier ne contient aucun motif de nullité ; qu'il a donc mis fin au bail quand bien même le motif grave et légitime de nature à priver M. et Mme B... d'une indemnité d'éviction serait discuté ;
Attendu que le motif invoqué au congé est le défaut d'entretenir l'immeuble en bon état de réparations locatives ; que le bail qui lie les parties date du 5 avril 1959 ; qu'il y est prévu à l'article 1 que les preneurs garniront la maison louée et la tiendront constamment garnie de meubles et effets mobiliers en suffisante quantité et valeur pour répondre des loyers ; que les preneurs ne pourront sous aucun prétexte changer la destination de l'immeuble qu'ils habiteront par eux- mêmes et leur famille ; qu'ils l'entretiendront en bon état de réparations locatives et le rendront à la fin du bail conforme à l'état qui sera dressé par l'architecte des bailleurs ; qu'un état des lieux a été établi le 23 mars 1959 selon lequel l'immeuble est en parfait état ; que l'article 4 du bail stipule que les preneurs souffriront les grosses réparations qui deviendraient nécessaires, ce qui signifie qu'ils devront supporter les travaux de grosses réparations mais ces travaux ne sont pas à leur charge ;
Attendu qu'il résulte des divers rapports de visite et constats de l'état des lieux que ceux- ci sont en mauvais état et souffrent d'humidité et de vétusté ; que si M. et Mme B... n'ont pas fait leur logement dans les étages supérieurs de l'immeuble, ils y ont été incités par l'état de l'immeuble puisqu'à leur entrée dans les lieux les équipements étaient déjà d'une extrême vétusté (constat du 13 juin 1988) ; que le preneur, s'il répond de ses dégradations, n'est pas tenu de la remise à neuf des lieux dans lesquels le bailleur n'a pas fait la moindre intervention depuis 45 ans et qui sont donc dégradés avant tout par la vétusté ; que le chauffage hors d'usage, l'installation électrique à refaire complètement ainsi que l'ensemble des peintures et les tapisseries sont des charges incombant au bailleur ; que les reproches relatifs aux réparations locatives ne sont pas un motif grave et légitime en l'espèce où l'incurie des consorts Z... est à l'origine des dégâts subis par leur immeuble ;
Attendu que le bail étant résolu par l'effet du refus de renouvellement, la demande subsidiaire de résiliation judiciaire est sans objet ;
Attendu que M. et Mme B... ont vocation à rester dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction qui sera arbitrée au vu du rapport d'expertise de Mme G... désignée par le premier juge ; qu'ils sont donc débiteurs d'une indemnité d'occupation qui sera fixée par référence au loyer, l'état des lieux ne justifiant nullement d'augmenter la valeur locative ; que faute de mise en demeure préalable, les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter du jugement ;
Attendu que M. et Mme B... ne sont pas fondés dans leur demande de réparation pour les troubles de jouissance subis pendant la durée du bail dans la mesure où ils ne justifient pas d'avoir réellement occupé les lieux et où, en toute hypothèse, ils ne justifient pas d'avoir demandé la moindre réparation à leurs bailleresses ;
Attendu, sur le préjudice résultant des manoeuvres déloyales des consorts Z... pour reprendre possession de leur immeuble, que la reprise des lieux est l'exercice d'un droit ; que la preuve d'un abus n'est pas rapportée ;
Attendu que M. et Mme B... ne sont pas en droit de refuser le passage aux personnes envoyées par les consorts Z... pour effectuer des constatations (expert de la compagnie d'assurance) ou des travaux ; que ce comportement n'a pas de motif légitime et qu'une condamnation sous astreinte sera prononcée ;
Attendu en conséquence que les demandes indemnitaires des M. et Mme B... seront rejetées ; que par contre le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. et Mme B... une provision de 20 000 € à valoir sur l'indemnité d'éviction ;
Attendu qu'il convient d'allouer 2 000 € pour frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré à l'exception de la disposition déboutant les consorts Z... de leur demande de laisser réaliser les travaux prévus
Réformant de ce chef,
Condamne M. et Mme B... à laisser le passage nécessaire à la réalisation de travaux dans l'immeuble sauf pour les consorts Z... à avertir M. et Mme B... au plus tard la veille de l'intervention
Dit qu'à défaut de respecter cette injonction M. et Mme B... seront redevables d'une astreinte de cinquante euros (50 €) par infraction constatée
Y ajoutant,
Condamne M. et Mme B... à payer aux consorts Z... à compter du 1 avril 2004 une indemnité d'occupation égale au montant du loyer plafonné
Dit que les intérêts au taux légal sur cette indemnité courront à compter de ce jour
Condamne les consorts Z... à payer à M. et Mme B... deux milles euros (2 000 €) pour frais d'appel irrépétibles
Condamne les consorts Z... aux dépens d'appel
Autorise la SCP Boyer Lescat Merle à faire application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier Pour le président empêché
(Art. 456 NCPC)